1-Le mariage 2.18
2-J'ai rêvé de vous 1.20
3-Les 2 frères 1.14
4-La tentation 1.15
5-Le bal russe 2.08
6-La rencontre 1.30
7-La séparation 4.04
8-Les amants 2.13
9-Le rapt 2.16
10-Le retour 1.40
11-Vertige 1.47
12-Les ruines 2.22
13-L'irréparable 2.01
14-Mambo 2.08
15-La robe écarlate 0.57
16-Jeanne s'en va 1.09
17-Une femme française 5.04
18-Jeanne & Louis 2.42

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

WEA Records 4509 99630-2

Album produit par:
Patrick Doyle

(c) 1995 D.A. Films/RPC/UGC/Studio Babelsberg/TF1 Films Production. All rights reserved.

Note: ***1/2
UNE FEMME FRANçAISE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
Réalisé trois ans après le fameux « Indochine », « Une femme française » permet au réalisateur Régis Wargnier de dépeindre la destinée mouvementée d’une épouse infidèle à travers plusieurs décennies. Jeanne (Emmanuelle Béart) se marie à Nancy en 1939 avec Louis (Daniel Auteuil), un lieutenant d’infanterie. Mais la guerre éclate et Louis est emprisonné pendant 5 ans. A sa libération, l’infortuné lieutenant découvre que sa femme Jeanne l’a trompé avec un autre, mais il décide néanmoins de lui pardonner malgré tout. A Noël, Jeanne donne naissance à deux jumeaux. Ils décident alors de partir tous ensemble s’installer à Berlin, où Jeanne tombera follement amoureuse de Mathias, un industriel allemand. Cette fois, Jeanne fait tout pour que cette liaison reste secrète. De son côté, Louis doit partir cette fois-ci pour l’Indochine, alors que son épouse rentre à Paris, fatiguée d’attendre son mari en vain, qui n’est jamais là lorsqu’elle en a le plus besoin. A Paris, Jeanne décide d’épouser Mathias, mais sa famille s’y oppose en lui arrachant ses enfants. « Une femme française » dresse donc le portrait émouvant et dur d’une femme délaissée qui trompe son mari pour oublier sa solitude et tenter ainsi de redonner un sens à sa vie. Le film de Régis Wargnier évoque donc le destin difficile de ces femmes en temps de guerre, qui ont certes fait partie de l’histoire de la France (d’où le titre du film), mais aussi de tous les autres pays et à toutes les époques. Emmanuelle Béart interprète avec brio Jeanne, apportant une sensualité exquise à son personnage, entre égarement et passion. Dommage cependant que le scénario s’avère être un peu vide et sans grande consistance, le film traînant en longueur et ne racontant pas grand chose au final (il manque ce côté épique/romantique flamboyant que l’on retrouvait pourtant dans « Indochine » !). En bref, « Une femme française » reste un film plutôt émouvant et juste, mais qui déçoit par rapport aux précédents efforts de Régis Wargnier et reste un travail mineur de la part d’un cinéaste français que l’on a pourtant connu bien plus inspiré !

Patrick Doyle retrouve à nouveau Régis Wargnier après une très belle partition symphonique ample et classique pour « Indochine » en 1992. Avec « Une femme française », Patrick Doyle renoue avec son style classique élégant et nous offre une nouvelle partition symphonique romantique, passionnée et raffinée, d’une grande beauté. Si « Le Mariage » permet d’ouvrir le film au son d’une pièce classique plutôt rythmée par des cordes enjouées - dans un style qui rappelle par moment le classicisme de Mozart et plus particulièrement de sa célèbre « Petite musique de nuit » - « J’ai rêvé de vous » impose ce ton romantique et passionné avec un magnifique thème de cordes qui illustre clairement les sentiments de Mathias pour Jeanne. Voilà en tout cas un thème romantique poignant et élégant qui joue sur une certaine retenue et ne cherche jamais à en faire de trop. Dans « Les 2 Frères », le thème est repris cette fois-ci par le reste de l’orchestre, qui se partage entre les bois, les cordes et quelques cuivres discrets. Comme toujours avec Patrick Doyle, l’écriture orchestrale du compositeur est claire, riche et soignée, le compositeur privilégiant les différents pupitres de l’orchestre avec un classicisme constant à la manière des grands maîtres du 18/19ème siècle. « La Tentation » évoque les sentiments de Jeanne pour son amant et son envie de tromper son mari pour oublier sa solitude. Doyle apporte au personnage d’Emmanuelle Béart une certaine consistance grâce à une écriture de cordes plus tourmentée et ambiguë, reflétant les pensées de la jeune femme, ses craintes et ses hésitations.

Dans « Le Bal Russe », Patrick Doyle se fait plaisir et nous offre une très belle valse pour la séquence du bal russe, morceau dominé par un violon soliste sur fond d’accordéon, de tambourin et de balalaïka. A noter qu’au fur et à mesure que la danse s’intensifie, la musique devient de plus en plus puissante, jusqu’à devenir quasiment frénétique et tourbillonnante à satiété. Le thème principal revient dans « La Rencontre », toujours traversé de quelques arpèges de cordes/bois et de développements soignés de la mélodie principale, partagée ici entre les différents pupitres de l’orchestre. C’est d’ailleurs l’aisance avec laquelle le compositeur parvient à faire passer sa mélodie d’un groupe d’instruments à un autre qui s’impose ici à nos oreilles, Patrick Doyle nous rappelant à quel point il maîtrise clairement l’écriture symphonique classique et l’art du développement thématique/instrumental. Sa musique devient même plus minimaliste et résignée dans « La Séparation », confiée ici à un quatuor à cordes quasi funèbre pour la scène où Jeanne doit se séparer de son amant. Le morceau se conclut sur un allegro de musique de chambre classique, dans la lignée de Schubert ou Brahms. On retrouve ensuite le thème romantique dans le poignant et sensuel « Les Amants », où règne une certaine mélancolie rêveuse et planante typique de Patrick Doyle.

La musique devient plus agitée et rythmée dans « Le Rapt » avec des cordes plus mouvementées reprenant des bribes du thème principal, tandis que « Le Retour » marque les retrouvailles dans le film entre Louis et Jeanne avec un ton plus amer et résigné, au son d’une très belle reprise du thème romantique. Plus ambigu et sombre, « Vertige » apporte un sentiment de trouble et de malaise à la musique, illustrant les sentiments complexes d’une femme tourmentée ayant de plus en plus de mal à cacher son adultère à son mari. La séquence des ruines vers la fin du film (« Les Ruines ») permet à Doyle de développer une atmosphère plus minimaliste, où les solistes deviennent alors plus présents, alors que « L’irréparable » fait basculer la musique dans un registre plus dramatique et sombre. Dès lors, toute la dernière partie du score s’inscrit dans cette veine dramatique plus marquée, représentant les tourments de Jeanne. La partition atteint son climax dans le magnifique « Une femme française », reprenant le thème principal/romantique dans une magnifique version pour soprano et orchestre, une pièce opératique d’une incroyable beauté pour la fin du film, apportant une émotion assez inattendue au final du long-métrage de Régis Wargnier. Patrick Doyle signe avec cette pièce l’une de ses plus belles compositions pour le cinéma, 5 minutes de lyrisme pur d’une beauté à couper le souffle - et qui rappelle par moment le style d’Ennio Morricone, et plus particulièrement avec la voix éthérée de la soprano, qui rappelle clairement les vocalises d’Edda Dell’Orso sur les grandes partitions du maestro italien. Et comme si cela ne suffisait pas, Patrick Doyle nous offre en guise de bonus une ultime reprise de son thème principal dans un très bel arrangement pour saxophone et piano jazzy (« Jeanne et Louis »), le problème provenant simplement des ruptures de style avec « Mambo » et « Jeanne et Louis », qui cassent un peu le registre classique/romantique du reste de la partition de « Une femme française ».

Patrick Doyle signe donc pour le film de Régis Wargnier une magnifique partition symphonique dotée d’un classicisme d’écriture élégant et soutenu, une marque de fabrique du compositeur qui nous a toujours habitué à des partitions de qualité pour les films de Wargnier. Ecrit dans la continuité de « Indochine », la musique de « Une femme française » nous rappelle ainsi à quel point la collaboration Doyle/Wargnier reste primordiale dans la carrière du compositeur d’origine écossaise, le musicien ayant toujours su trouver l’inspiration dans les images des films du cinéaste français, une inspiration teintée ici de classicisme et de romantisme, un romantisme plus minimaliste et retenu que dans « Indochine » mais tout aussi poignant. La musique symphonique de Patrick Doyle reste donc plutôt intime et apporte à son tour une certaine émotion et une densité dramatique indispensable au film de Régis Wargnier, évoquant le destin mouvement de cette femme infidèle en temps de guerre. Le résultat - sans être d’une folle originalité - est tout bonnement brillant, une très belle partition qui devrait ravir les fans de Patrick Doyle et ceux qui apprécient en particulier ses oeuvres plus lyriques et romantiques !



---Quentin Billard