1-In The Mouth of Madness 5.26
2-Robby's Office 2.28
3-Axe Man 2.03
4-Bookstore Creep 0.50
5-The Alley Nightmare 0.58
6-Trent Makes the Map 2.12
7-A Boy and His Bike 3.05
8-Don't Look Down 1.14
9-Hobb's End 2.16
10-Pickman's Hotel 1.10
11-The Picture Changes 2.18
12-The Black Church 4.49
13-You're Wrong Trent 1.41
14-Mommy's Day 3.04
15-Do You Like My Ending? 2.03
16-I'm Losing Me 3.07
17-Main Street 4.36
18-Hobb's End Escape 2.22
19-The Portal Opens 3.06
20-The Old Ones Return 2.28
21-The Book Comes Back 4.02
22-Madness Outside 0.32
23-Just a Bedtime Story 3.44

Musique  composée par:

John Carpenter/Jim Lang

Editeur:

DRG Records CD 12611

Produit par:
John Carpenter, Jim Lang

Artwork and pictures (c) 1995 New Line Cinema. All rights reserved.

Note: ***1/2
IN THE MOUTH OF MADNESS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Carpenter/Jim Lang
Dernier volet de la « Trilogie de l’Apocalypse » instaurée par John Carpenter avec « The Thing » (1982) et « Prince of Darkness » (1987), « In The Mouth of Madness » (L’Antre de la Folie) met en scène Sam Niell dans le rôle de John Trent, enquêteur pour des assurances interné dans un asile psychiatrique. Trent décide alors de raconter son histoire au Dr. Wrenn (David Warner) : il a été engagé il y a quelques mois par le directeur de la maison d’édition Arcane Jackson Harglow (Charlton Heston) de retrouver Sutter Cane (Jürgen Prochnow). Ce dernier est un célèbre écrivain à succès qui a mystérieusement disparu depuis quelques temps. Cane est un spécialiste des romans d’épouvante qui a connu le succès grâce à une série de sagas horrifiques. Au cours de son enquête, John Trent, épaulé par une employée d’Arcane, Linda Styles (Julie Carmen), s’intéresse d’un peu plus près aux romans de Sutter Cane et commence à être victime de terrifiants cauchemars et de la folie de certains fans de l’écrivain. Au cours de ses lectures, John Trent découvre alors plusieurs allusions à une petite ville fictive du New Hampshire, Hobb’s End. Trent est persuadé que cette ville existe et qu’elle n’est inscrite sur aucune carte. Il décide alors de s’y rendre, avec Linda, et découvre avec effroi que l’univers horrifique fictif crée par Sutter Cane a pris vie et que l’écrivain s’apprête à libérer une race de créatures ancestrales et démoniaques sur la terre. Réalisé comme toujours chez John Carpenter avec un budget modeste (à peine 14 millions de dollars), « In The Mouth of Madness » rend un hommage vibrant à l’univers littéraire de Stephen King et de H.P. Lovecraft. Le film de Carpenter semble même être très inspiré des oeuvres de Lovecraft, notamment dans la thématique des anciennes créatures démoniaques mythiques qui cherchent à revenir sur terre pour créer un monde nouveau. Le résultat est typique de John Carpenter : atmosphère pesante, mise en scène sobre et suggestive, suspense intense, terreur indicible et malaise omniprésent, etc. En faisant à la fois référence à King et à Lovecraft, Carpenter accouche d’un film envoûtant et sombre, servi par une atmosphère cauchemardesque troublante. Réussissant le parti pris risqué de suggérer plus que de montrer (à une époque où le cinéma d’horreur commence à tourner en rond et se vautre de plus en plus dans les artifices sanguinolents et grand-guignolesques faciles !), le film de John Carpenter fait partie des grandes oeuvres oubliées du cinéaste américain, inspiré du mythe de la créature de Cthulu de Lovecraft. En jouant sur l’ambiguïté du personnage principal de Sam Neill - un homme rationnel qui a sombré dans la folie, ou qui a découvert une réalité terrifiante et traumatisante qui l’a complètement dépassé ? - « In The Mouth of Madness » est un sommet du genre, une série-B horrifique intelligente d’une sobriété exemplaire, qui parvient à instaurer un véritable malaise et une grande angoisse en jouant quasi exclusivement sur la suggestion et les plans terrifiants (la scène dans l’église vers la fin du film, avec un Jürgen Prochnow parfait dans le rôle de cet écrivain diabolique !), un film malheureusement un peu tombé dans l’oubli, à redécouvrir d’urgence !

Comme à l’accoutumée, c’est John Carpenter lui-même qui signe la musique de son propre film, utilisant essentiellement les synthétiseurs et une partie instrumentale rock pour parvenir à ses fins - à noter que Carpenter est épaulé ici par Jim Lang, co-compositeur de la BO du film qui s’est aussi occupé des synthétiseurs et du sound design, Jim Lang succédant ainsi à Alan Howarth, avec lequel John Carpenter travailla pendant de nombreuses années sur des scores tels que « Halloween » ou « Escape from New York ». Le thème principal reste du John Carpenter à 100%, introduit dès l’ouverture du film (« In The Mouth of Madness ») avec les synthétiseurs, la guitare électrique sur fond de basse/batterie, un thème qui rappelle par moment le fun de « Escape from New York » ou, plus récemment, les travaux rock du compositeur/réalisateur sur « Vampires » ou « Ghosts of Mars ». Si le compositeur se fait plaisir en nous offrant un bon hard rock 90’s plutôt fun sur « In The Mouth of Madness », le reste du score est essentiellement dominé par un travail d’atmosphères suffocantes et macabres du plus bel effet. Si la guitare solitaire tendance blues de John Carpenter domine « Robby’s Office » au début du film, ce sont les synthétiseurs atmosphériques qui prennent très vite le pas dans « Axe Man » et « Bookstore Creep », morceaux essentiellement dominés par des nappes synthétiques glauques et des sonorités électroniques étranges et déformées : aucun doute possible, on nage ici en pleine musique expérimentale et abstraite, dans la plus pure tradition du genre. Quelques sonorités trash/industrielles viennent ponctuer « Axe Man » pour évoquer la folie des fans de Sutter Cane, tandis que « Bookstore Creep » vient renforcer ce sentiment de malaise, de trouble et de visions cauchemardesques. Cette idée est reprise dans « The Alley Nightmare », qui rappelle beaucoup le style des musiques horrifiques à petit budget des années 80 : John Carpenter connaît, à n’en point douter, toutes les recettes du genre, et les applique ici à la règle, avec une intensité constante.

Un morceau comme « Trent Makes the Map » et ses synthétiseurs kitch semblerait presque échappé d’un petit film d’horreur cheap des années 80, tant le travail autour de l’électronique semble déjà assez daté pour un film de 1995. Néanmoins, le résultat est impeccable à l’écran, la musique contribuant largement à l’atmosphère glauque et troublante du film. Un morceau comme « A Boy and His Bike » devrait ravir pleinement les amateurs de musiques horrifiques expérimentales, John Carpenter mélangeant textures sonores difformes et sonorités abstraites (incluant ici une boîte à musique) pour la scène où John Trent aperçoit à plusieurs reprises un enfant passer à vélo sur la route le conduisant vers Hobb’s End. Le morceau n’évite malheureusement pas le cliché habituel des sursauts cacophoniques, mais qu’importe, l’ambiance cauchemardesque et sinistre véhiculée par le morceau reste particulièrement intense, autant sur l’album que dans le film. Dès lors, les morceaux suivants confirment cet état de fait : qu’il s’agisse du terrifiant et difforme « Don’t Look Down » (le genre de musique que Christopher Young faisait à ses débuts avec des petits budgets), du motif mystérieux associé aux secrets du village de « Hobb’s End » (avec quelques parties orchestrales samplées un peu cheap) ou du magma sonore macabre de « Pickman Hotel ». John Carpenter insister clairement ici sur l’idée du malaise, du chaos et de la folie en maintenant une atmosphère de suspense quasi surréaliste, d’une noirceur absolue, avec une utilisation souvent très aléatoire de ses différentes sonorités électroniques/instrumentales.

La partition atteint son climax de noirceur dans « The Black Church », illustrant parfaitement la séquence troublante de l’église maléfique. Le morceau oscille entre sonorités aigues étranges et nappes synthétiques obscures et dissonantes. « The Black Church » reste cependant moins convaincant lorsqu’il tente d’évoquer la terreur et les manifestations maléfiques qui surgissent dans l’église, ces passages plus agités étant malheureusement gâchés par une utilisation très cheap de percussions et d’orchestre samplés. Ce sont surtout les morceaux de suspense atmosphériques surréalistes et abstraits comme « Mommy’s Day » ou « Do You Like My Ending ? » qui s’imposent ici, créant une atmosphère pesante assez particulière à l’écran. La descente aux enfers du personnage de Sam Niell transparaît alors plus clairement sur la fin dans le chaotique et dissonant « I’m Losing Me » (où l’idée de la folie devient plus claire) ou dans les très étranges et agressifs « Main Street » et « Hobb’s End Escape ». Dommage cependant que les parties orchestrales samplées de « The Old Ones Return » viennent quelque peu desservir le propos du compositeur/réalisateur, plutôt que de le renforcer. On notera pour finir l’utilisation assez particulière de la batterie dans « The Book Comes Back » qui crée un rythme assez inattendu et un peu envoûtant sur fond de synthétiseurs new-age, tandis que l’idée de la folie atteint enfin son climax dans l’irritant « Madness Outside ».

Vous l’aurez donc compris, John Carpenter et Jim Lang signent une partition plutôt sinistre, abstraite et expérimentale pour « In The Mouth of Madness », une musique qui reflète l’idée de la descente aux enfers et de la folie conçue par un écrivain maléfique. Certes, l’ensemble reste assez prévisible et sans grande surprise, John Carpenter se contentant bien souvent d’aligner les clichés horrifiques à suspense sans grande originalité (d’autant que les sonorités électroniques cheap ne l’aident pas toujours !). Mais la musique est d’une intensité telle qu’on ne pourra qu’apprécier son rapport à l’image et son atmosphère si particulière qu’elle contribue à créer à l’écran, car la musique de « In The Mouth of Madness » reflète parfaitement cet univers cauchemardesque de folie et d’angoisse, et possède un caractère maléfique propre à glacer le sang de n’importe quel auditeur - sans laisser pour autant un souvenir impérissable. On regrettera le fait que le compositeur ait choisi de ne pas utiliser de thème particulier tout au long du score, optant pour une approche résolument atmosphérique et quasi athématique, alors que le thème rock de l’ouverture aurait nécessité quelques développements plus conséquents sur le reste de la partition. Au final, les fans des travaux musicaux de John Carpenter apprécieront sans aucun doute le score de « In The Mouth of Madness », suspense glauque et terreur au programme !



---Quentin Billard