1-Rescue Mission 2.12
2-Don't Get Too Misty Eyed 1.35
3-Tonight The Comedian Died 2.42
4-Silk Spectre 0.58
5-We'll Live Longer 0.56
6-You Quit! 0.39
7-Only Two Names Remain 1.39
8-The American Dream 1.56
9-Edward Blake - The Comedian 2.40
10-The Last Laugh 0.57
11-Prison Fight 1.45
12-Just Look Around You 5.58
13-Dan's Apocalyptic Dream 1.17
14-Who Murdered Hollis Mason? 0.55
15-What About Janie Slater? 1.34
16-I'll Tell You About Rorschach 4.10
17-Countdown 2.46
18-It Was Me 1.23
19-All That Is Good 4.58
20-Requiem 0.55*
21-I Love You 2.41

*Extrait du Requiem de Mozart.

Musique  composée par:

Tyler Bates

Editeur:

Warner Sunset/Reprise 516750-2

Score produit par:
Tyler Bates

Artwork and pictures (c) 2008 Warner Bros. Pictures/Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: **1/2
WATCHMEN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Tyler Bates
Une des véritables obsessions du cinéma de divertissement hollywoodien d’aujourd’hui reste à n’en point douter les super-héros. A une époque où le genre commence à tourner sérieusement en boucle, entre du bon (« Spider Man », « The Dark Knight ») et du moins bon (« Ghost Rider », « Daredevil », etc.), un film aussi exceptionnel sur plus d’un point tel que « Watchmen » est un vrai miracle, une vraie bouffée d’oxygène pour le nouveau long-métrage de Zack Snyder, auteur d’un « 300 » très décrié et du remake de « Dawn of the Dead ». Cela fait maintenant depuis 20 ans que l’on en parle, mais jamais personne n’avait encore osé s’attaquer à l’adaptation pourtant très attendue de la célèbre série de comic book d’Alan Moore et Dave Gibbons publié entre 1986 et 1987, un comic jugé inadaptable au cinéma en raison de sa trop grande complexité narrative et graphique - les réalisateurs se sont ainsi succédés tout au long des années (Terry Gilliam, Darren Aronofsky, Paul Greengrass, etc.) mais en vain. Et pourtant, c’est bel et bien le challenge risqué et insensé que se sont finalement fixés le réalisateur Zack Snyder et toute son équipe sur cette adaptation de « Watchmen » pour le grand écran. On craignait évidemment les concessions hollywoodiennes et les nombreuses facilités inhérentes au genre, mais le résultat est tout bonnement formidable, et très respectueux du comic d’origine. L’action du film se déroule, comme dans la BD, dans une Amérique alternative de 1985. Des héros costumés baptisés les « Watchmen » (les gardiens, en VF), ont changé l’histoire grâce à leurs pouvoirs : ainsi, le surhomme Jon Osterman alias Dr. Manhattan (Billy Crudup) a permis aux Etats-Unis de gagner la guerre du Viêt-Nam, entraînant alors la réélection du président Richard Nixon qui en est maintenant à son cinquième mandat. Mais aujourd’hui, les héros costumés sont devenus illégaux. Tous ont rangé leur panoplie de super-héros à l’exception de deux gardiens, l’irascible et violent Edward Blake alias le Comédien (Jeffrey Dean Morgan) et le mystérieux Walter Kovacs alias Rorschach (Jackie Earle Haley), arborant son énigmatique masque-morphing épousant les contours du célèbre test de Rorschach, un héros paranoïaque et incontrôlable recherché activement par la police. L’histoire commence lorsque le Comédien est défenestré après un violent combat dans son appartement contre un mystérieux agresseur. Rorschach décide alors de mener l’enquête afin de retrouver son assassin. Mais au même moment, le monde entier se prépare à l’éventualité d’un conflit nucléaire impliquant bien malgré lui le surpuissant Dr. Manhattan, et comme si cela ne suffisait pas, les Watchmen sont désormais la proie d’un tueur de masques qui rôde un peu partout dans la ville. Rorschach décide alors de prévenir tous ses anciens compagnons, Daniel Dreiberg alias le Hibou II (Patrick Wilson), le Dr. Manhattan, Laurie Jupiter alias le Spectre Soyeux (Malin Akerman) et le milliardaire Adrian Veidt alias Ozymandias (Matthew Goode).

« Watchmen » tire avant tout sa force dans un script complexe et passionnant à des années lumières de ce que l’on voit habituellement à Hollywood dans ce type de film. Le long-métrage de Zack Snyder atteint ainsi les 2h43 (approximativement 3h06 pour la version longue tout de même !) et nous propose un condensé passionnant du comic book d’origine, servi par une mise en scène très soignée et une esthétique à la fois rétro et moderne. Le film possède aussi l’originalité de voir son histoire se dérouler dans une réalité alternative, celle d’une Amérique qui a triomphé au Viêt-Nam et dans laquelle Nixon a renouvelé son mandat à cinq reprises jusque dans les années 80. Cet aspect uchronique du récit apporte une dimension ambiguë incroyable au film de Zack Snyder : et si la réalité que nous connaissons tous était autre ? Dans cette réalité parallèle, les héros sont déclarés hors-la-loi et doivent aujourd’hui se battre pour découvrir la vérité sur la mort de l’un des leurs. Ici, ce sont des marginaux qui sont tous hantés par un passé douloureux ou qui possèdent des vices particuliers (la violence, principalement). Mieux encore, « Watchmen » vaut surtout par son étonnant mélange d’action, de violence, d’intellectualisme, de dialogues profonds et même de réflexions métaphysiques sur l’existence humaine. Le long-métrage de Zack Snyder atteint quasiment l’état de grâce pour les scènes - quasi Kubrickiennes - avec le Dr. Manhattan, lorsque ce dernier décide de créer un nouveau monde, avec la symbolique de l’horloge du temps annonçant la fin de notre univers. Enfin, Zack Snyder parvient à rendre ces différents héros véritablement passionnants et attachants malgré le nihilisme qui les entoure et leurs nombreux défauts parfois extrêmes : l’ultra violence sanguinaire de Rorschach, la schizophrénie du Hibou, les excès dérangeants du Comédien, la mégalomanie d’Ozymandias, le caractère complètement froid et détaché du Dr. Manhattan, etc.

Certes, ces gardiens ne sont pas les héros ordinaires qui peuplent les comics books de chez Marvel mais bien des êtres imparfaits en proie à une destinée crépusculaire, qui ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. La réussite vient avant tout du choix du casting, suffisamment malin pour ne pas être immédiatement tombé dans le piège facile des grandes têtes d’affiche : ici, les acteurs ne sont pas des grandes stars, mention spéciale à l’excellent Jackie Earle Haley dans le rôle de Rorschach, et Billy Crudup dans celui du Dr Manhattan, l’acteur y trouvant là l’un des meilleurs rôles de toute sa filmographie, avec un final sur la planète Mars qui frôle une sorte de perfection « métaphysique » comme on l’avait rarement vu au cinéma américain ces derniers temps (et qui pourrait presque faire penser par moment au « 2001 » de Kubrick). On n’oubliera pas non plus de rappeler le fait que le réalisateur prend son temps pour développer chacun des personnages (d’où la durée assez conséquente du film) avec un souci pertinent du réalisme dans le jeu des acteurs et un rythme plus libre que dans la plupart des films de super-héros ultra calibrés que l’on voit régulièrement aujourd’hui à Hollywood. On remarquera aussi que la réalité alternative décrite par Zack Snyder dans son film pourrait presque trouver un écho troublant dans notre réalité d’aujourd’hui : la multiplication des mandats de Richard Nixon dans le film ne pourrait-elle pas faire penser à l’administration Bush, les menaces de conflits qui n’en finissent pas ne pourrait-elle pas renvoyer ici aussi à certains conflits interminables de notre époque ? Mention spéciale pour finir au personnage du Dr. Manhattan, une sorte de dieu bleuté maudit, froid et imperturbable qui n’a plus sa place dans notre monde (cf. la scène où il est accusé d’avoir provoqué le cancer de son ancienne compagne), une sorte de montée de l’athéisme rappelant la venue d’une apocalypse pas si lointaine que cela, le tout baignant dans un univers new-yorkais nocturne non dénué de mélancolie, de désespoir voire même d’une certaine forme d’ironie grinçante. Au final, « Watchmen » est la grande réussite passionnante que se devait d’être le film de Zack Snyder, profond, complexe, ultra violent, passionnant de bout en bout et parfois même mystique et incroyablement métaphysique : un grand moment de cinéma, qui devrait, on l’espère, révolutionner un peu le genre du film de super-héros et apporter une toute autre dimension à un genre de plus en plus galvaudé par les conventions hollywoodiennes et en très nette perte de vitesse ces cinq dernières années !

La bande son de « Watchmen » participe à son tour activement à l’atmosphère si particulière crée par Zack Snyder dans son film : entre les tubes américains des années 50 jusqu’aux années 80, le film évolue lentement dans cette réalité alternative qui ne perd pas pour autant pied avec les références culturelles et musicales de notre réalité. A cela s’ajoute la partition orchestrale de Tyler Bates, fidèle complice de Zack Snyder depuis ses débuts, et pour lequel le compositeur a officié sur « Dawn of the Dead » (2004) et « 300 » (2006). Avec « Watchmen », Tyler Bates signe ainsi un score mélangeant orchestre, choeur et synthétiseurs sans grande surprise particulière. Dès « Rescue Mission », Bates introduit le style synthético-orchestral de sa partition avec un mélange entre des cuivres massifs, des cordes agitées et une série de rythmiques électroniques modernes sur fond de guitares électriques et de choeurs grandioses. Bates évite soigneusement d’offrir toute dimension trop héroïque à ces héros mais opte davantage pour une musique plus sombre et puissante. « Rescue Mission » reste en tout cas un premier morceau de choix dans le score de « Watchmen », évoquant la détermination des personnages à sauver ce qui reste de leur groupe. La musique prend alors une dimension plus dramatique et humaine dans « Don’t Get Too Misty Eyed » avec une sorte de Love Theme poignant pour violoncelle et cordes évoquant la romance entre le Hibou II et le Spectre Soyeux. La partition opte ensuite pour une approche plus atmosphérique typique du compositeur dans le sombre « Tonight The Comedian Died », où la musique devient plus sinistre et incertaine, à base de sonorités électroniques étranges et atmosphériques, porteuses d’une tension et d’un suspense intense à l’écran, alors que Rorschach est le premier à apprendre le meurtre du Comédien.

Tyler Bates développe alors le style massif et grandiose qu’il a mis en place dans « Rescue Mission » avec « Silk Spectre » pour le personnage du Spectre Soyeux, nous offrant ainsi l’un des rares passages héroïques et épiques de sa partition, avec choeurs et orchestre. Et à la dimension plus dramatique et humaine du film, le compositeur répond par des passages plus intimistes et atmosphérique tels que « We’ll Live Longer » ou la guitare solitaire de « You Quit ! » sur fond de sound design tendance new-age. Tyler Bates varie ainsi les ambiances à loisir, en optant à la fois pour une approche par moment classique (« Don’t Get Too Misty Eyed », « The Last Laugh ») et parfois résolument plus moderne, comme dans « Only Two Names Remain » et son style plus électro/sound design quasi expérimental. Dans « The American Dream », Bates évoque une Amérique crépusculaire et nocturne avec un très beau morceau mélancolique - plus classique d’esprit - pour trompette solitaire et cordes, très vite rejoint par un ensemble de guitares, de claviers et de nappes synthétiques plus modernes. Le compositeur se montre relativement inventif dans le maniement de ses différentes sonorités électroniques comme le confirme un morceau comme « Edward Blake - The Comedian », qui illustre le personnage du comédien avec une rythmique assez insouciante et quelques sonorités synthétiques à la fois modernes et un peu kitsch. Seule ombre au tableau : la quasi absence d’un thème principal fédérateur dans la partition de « Watchmen ». Comme toujours avec Tyler Bates, le compositeur semble décidément bien incapable d’écrire un vrai thème fort pour sa musique et préfère davantage opter pour une série d’atmosphères musicales plus morcelées mais sans la moindre structure thématique digne de ce nom.

On retrouve le Tyler Bates moderne de « 300 » dans « Prison Fight », accompagnant la séquence violente de l’affrontement dans la prison avec Rorschach et le reste des détenus, au son d’un mélange rock/électro plutôt agressif, avec guitares électriques saturées et loops électro modernes sans grande originalité. On préfèrera alors davantage le somptueux « Just Look Around You » qui évoque la partie plus métaphysique du film de Zack Snyder et plus précisément du personnage du Dr. Manhattan, avec un solide mélange entre orchestre, choeurs et synthétiseurs atmosphériques. La musique apporte une dimension dramatique, tragique et humaine au personnage brillamment incarné par Billy Crudup dans le film, sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux du score de « Watchmen ». En revanche, on restera plus déçu par la bouillie électronique plus difforme et un peu facile de « Dan’s Apocalyptic Dream » ou du sound design glauque de « Who Murdered Hollis Mason ». Le suspense devient alors plus imposant dans le très sombre « I’ll Tell You About Rorschach », bien éloigné du style des musiques de film de super-héros habituel. Ici, Tyler Bates aborde le film comme une sorte de thriller dramatique extrêmement intense, faisant donc fi, comme signalé plus haut, de toute forme de thème à proprement parler afin de privilégier une série d’atmosphères dramatiques, sombres et parfois même oppressantes. L’action reprend ensuite le dessus dans l’urgent et tendu « Countdown » annonçant l’apocalypse final, morceau malheureusement gâché par un sound design trop envahissant (comme toujours chez Tyler Bates) qui finit par noyer un orchestre se limitant bien trop souvent à des cordes par-ci et des cuivres par-là, avec quelques choeurs en plus : on est très proche ici du style du récent « The Day The Earth Stood Still », duquel on retrouve malheureusement un peu les mêmes défauts : une écriture orchestrale très pauvre, des effets faciles, beaucoup trop de sound design envahissant. On appréciera néanmoins le caractère grandiose d’un morceau comme « It Was Me », l’ambiance plus déterminé de « All That Is Good » ou l’intimité de « I Love You Mom ».

On reste malgré tout assez déçu par le travail livré par Tyler Bates sur « Watchmen », car après un « Dawn of the Dead » assez fonctionnel et un « 300 » de bien triste mémoire, difficile de ressentir le moindre enthousiasme pour le score de « Watchmen ». Encore une fois, on a l’impression que Zack Snyder fait fausse route en confiant systématiquement la musique de ces films à un compositeur bien incapable d’écrire correctement pour l’orchestre symphonique et qui semble constamment englué dans ses synthétiseurs et son sound design facile et assez soulant à la longue, le pire étant que Bates semble définitivement incapable d’écrire un thème digne de ce nom pour un film ! Hélas, « Watchmen » ne déroge pas à la règle et reste assez décevant, bien qu’assez adapté à l’univers particulier du film de Zack Snyder. Mais c’est aussi là que le bat blesse, car Tyler Bates est apparemment incapable de posséder la même singularité et le même sens de l’esthétique que le réalisateur américain : du coup, sa musique reste absolument passe-partout et sans surprise, là où on se serait attendu au contraire à une oeuvre musicale beaucoup plus ambitieuse et aboutie, à l’instar du film de Snyder. Il manque donc à la partition musicale de « Watchmen » ce même goût pour le risque et les partis pris artistiques singuliers (voire extrêmes), là où Tyler Bates se contente bien trop souvent de recycler ses formules musicales habituelles - rythmes électro à tout va, touches rock disséminées par-ci par-là, orchestre noyé sous une tonne de sound design, etc. Au final, le score de « Watchmen » reste donc assez réussi dans le film, apportant une ambiance à la fois sombre et dramatique à cette histoire de héros décadents sur fond de fin du monde annoncée, mais un score qui reste aussi bien trop fonctionnel et un peu terne pour susciter un vrai enthousiasme ou un vrai engouement : osons le dire, la musique de Tyler Bates n’est tout simplement pas à la hauteur du chef-d’oeuvre de Zack Snyder !



---Quentin Billard