1-Destination Kerity 4.39
2-La plage 1.42
3-Le camion 2.05
4-Cauchemar & hallucination 2.29
5-La lettre d'Eléonore 2.45
6-Rencontre avec Piquetout 1.51
7-Nathanaël ce héros 1.33
8-La tempête 0.43
9-La bibliothèque secrète 4.03
10-La petite fille aux allumettes 0.46
11-On y va 1.47
12-Sauvetage inattendu 3.31
13-Piquetout et l'étrange chineur 0.53
14-Le bébé 0.34*
15-Le crabe 2.10*
16-Le piano d'Eléonore 1.07
17-Cerf volant 1.22
18-Cerf volant (2) 3.05
19-Escalier 0.31
20-Fujara 2.17
21-Angelica 0.52
22-Le père 2.51
23-Les bijoux 4.30
24-Piquetout 2.51

*Composé par Laurent Juillet.

Musique  composée par:

Christophe Héral

Editeur:

Movie Score Media MMS09030

Album produit par:
Christophe Héral

(c) 2009 Gaumont/La Fabrique. All rights reserved.

Note: ***1/2
KÉRITY, LA MAISON DES CONTES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christophe Héral
« Kérity la maison des contes » (connu outre-Atlantique sous le titre « Eleanor’s Secret ») est un film d’animation français réalisé par Dominique Monféry, servi par la direction artistique de Rébecca Dautremer. Le film raconte l’histoire du jeune Nathanaël, un petit garçon de 7 ans venu s’installer avec ses parents dans une grande maison au bord de la mer à Kérity. Nathanaël ne sait toujours pas lire et se sent frustré par cela, jusqu’au jour où sa tante Eléonore lui lègue son immense bibliothèque qui contient des milliers de livres en tous genres. Le jeune enfant est alors très déçu, car il ne sait pas lire. Et pourtant, en s’aventurant dans la bibliothèque, Nathanaël va découvrir un merveilleux secret : lorsque la nuit tombe, tous les contes célèbres prennent vie et les personnages sortent des livres et s’animent par magie. Ainsi, Nathanaël croise Alice, le capitaine Crochet, Peter Pan, le petit Poucet, la maléfique fée Carabosse, etc. Mais un danger les guette tous, car la bibliothèque est sur le point de disparaître, les livres étant rachetés par le fourbe Piquetout. Désormais, Nathanaël est le seul capable d’empêcher cela et de sauver ses nouveaux amis. La fée Carabosse le rétréci alors, et le jeune enfant, désormais à la même taille que ses nouveaux compagnons, s’élance dans l’aventure, où il devra apprendre à lire afin de réciter une précieuse formule magique qui les sauvera tous. Et tout au long de son périple, Nathanaël va devoir affronter une série d’obstacles incluant des crabes géants, un ogre affamé et Piquetout. « Kérity la maison des contes » reste au final un magnifique film d’animation, sorti en toute confidentialité en France en 2009 mais débordant pourtant de poésie, d’aventure, d’émotion, et même d’un soupçon de pédagogie - l’importance pour les enfants de savoir lire et de s’intéresser aux contes populaires et légendaires. Avec son message simple essentiellement destiné aux jeunes enfants, « Kérity la maison des contes » aurait pu basculer dans l’anecdotique pur si le film de Dominique Monféry ne faisait pas preuve d’une telle inventivité et d’une telle fraîcheur, avec un graphisme simple et épuré aux formes arrondis, et un univers riche et touchant, servi par un casting vocal de luxe (Jeanne Moreau, Julie Gayet, Pierre Richard, Lorant Deutsch, Denis Podalydès, etc.). Le film ne déçoit pas et nous offre ainsi un subtil mélange entre aventures et émotion pour ce joli conte initiatique sur la transmission de la lecture et de la culture littéraire populaire.

La partition orchestrale du jeune compositeur Christophe Héral est de loin l’un des meilleurs éléments du film « Kérity la maison des contes ». Le compositeur n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’il signait déjà en 2004 la musique d’un autre film d’animation français tout aussi réussi, « L’île de Black Mór » de Jean-François Laguionie (Héral est aussi connu pour son travail remarquable et inspiré sur le jeu vidéo « Beyond Good & Evil » de chez UbiSoft). La musique de « Kérity la maison des contes » utilise ainsi toutes les ressources de l’orchestre symphonique habituel, avec un ensemble d’instruments solistes qui viennent agrémenter l’ensemble avec une certaine fraîcheur. A vrai dire, le mot-clé de la partition de Christophe Héral est à n’en point douter le mot « fraîcheur » : le compositeur fait preuve tout au long du film d’une certaine inventivité, maniant les styles et les instrumentations avec une imagination constante. C’est avec un plaisir assez rafraîchissant que Christophe Héral compose la musique du long-métrage de Dominique Monféry en utilisant l’Orchestre de la Radio Nationale de Macédoine couplé à un choeur d’enfants et une série d’instruments solistes divers - cymbalum, flûte, accordéon, percussions, piano, clarinette, etc. Variant les sonorités et les styles avec une aisance incroyable, Christophe Héral nous livre ainsi un thème principal touchant et mémorable dans « Destination Kerity », associé à l’aventure merveilleuse de Nathanaël tout au long du film, un thème confié ici aux choeurs d’enfants et à l’orchestre. Les orchestrations sont très soignées, et le style magique, candide et poétique de cette ouverture n’est pas sans rappeler le style de certaines partitions de Danny Elfman pour Tim Burton. Le piano fait alors son entrée et développe le très joli thème principal avec une douceur et une intimité plus chaleureuse. La coda du morceau se conclut avec une très belle reprise du thème pour célesta, guitare, piano et même quelques nappes synthétiques discrètes : une très belle ouverture, assurément !

Encore plus enjoué et rafraîchissant, « La plage » évoque des rythmes de danse proche ici de la habanera ou des musiques espagnoles populaires avec une fraîcheur considérable : ostinato rythmique de tambourin, bois, cordes et guitare suffisent à créer cette atmosphère de bonne humeur et de détente (Nathanaël vient passer ses vacances avec ses parents dans la maison de sa tante Eléonore à Kérity). Il règne ici une certaine d’insouciance joyeuse et rafraîchissante tout à fait agréable à l’écran. On appréciera aussi l’utilisation du cymbalum qui apporte une couleur particulière au morceau plus sombre « Le camion », teinté de quelques dissonances pour évoquer le méchant du film - on relèvera ici un travail intéressant autour de cordes dissonantes avant-gardistes et d’effets électroniques plus atmosphériques (on n’est guère loin par moment du style de certains passages du « Coraline » de Bruno Coulais). Dans « Cauchemars & hallucination », le compositeur évoque une scène de cauchemar de Nathanaël vers le début du film avec son lot de gargouillis de pizz de cordes avant-gardistes et d’effets de chuchotements qui semblent surgir d’une oeuvre aléatoire moderne de Penderecki ou d’une musique de film d’horreur. Les gargouillis évoquent ici les mots qui assaillent le jeune enfant dans son cauchemar, Héral faisant preuve ici aussi d’une inventivité constante dans le maniement de ses différentes sonorités (voix d’enfant, chuchotements, travail sur les cordes métalliques d’un piano préparé, etc.). Le thème principal reste très présent mais malmené ici par des sonorités plus chaotiques. Dans « La lettre d’Eléonore », on respire à nouveau avec une musique plus intime et chaleureuse entre la guitare et le mélange piano/célesta.

La musique reste généreuse dans ses mélodies et ses instrumentations, même lorsqu’il s’agit d’évoquer le méchant du film dans « Rencontre avec Piquetout ». Le compositeur choisit ici d’illustrer le personnage avec un accordéon et une guitare sur fond de rythmes cubains/brésiliens enjoués et dépaysant. Le cymbalum revient à la fin du morceau pour rappeler discrètement quelques notes du thème principal. Plus étonnant, « Rencontre avec Piquetout » se conclut d’ailleurs sur un musicien qui imite vocalement le son d’une trompette. Le compositeur se montre donc ici très inventif dans la façon dont il jongle entre ses différentes sonorités, multipliant les trouvailles sonores et les styles avec un enthousiasme qui fait plaisir à entendre. La musique devient même plus exubérante et joviale dans « Nathanaël ce héros » lorsque le jeune enfant découvre les personnages des contes dans la bibliothèque d’Eléonore, nous offrant au passage une magnifique reprise orchestrale du thème principal aux cordes sur fond de cymbalum. La guitare intime de « La tempête » ou le whistle et le sitar de « La bibliothèque secrète » apportent à leur tour des couleurs particulières à la partition de « Kérity, la maison des contes », avec cette inventivité constante et se soucier de personnifier les idées et les personnages à travers des sonorités instrumentales recherchées et étoffées (autre que l’orchestre symphonique habituel). La reprise grandiose du thème pour choeurs d’enfants et orchestre à la fin de « La bibliothèque secrète » est un autre grand moment de la partition de Christophe Héral, avec un bref passage d’action pour la transformation du jeune héros. Dans « On y va », la musique rappelle par moment le charme et la fraîcheur de certaines partitions de Joe Hisaishi pour les films d’Hayao Miyazaki, une autre référence intéressante dans la musique de « Kérity ».

Soucieux de jouer sur l’alternance des ambiances et des styles, Christophe Héral va même jusqu’à faire référence à la musique indienne dans « Fujara », « Piquetout et l’étrange chineur » (avec un effet de fade-out soudain volontairement brutal), qui reprend le thème d’accordéon dansant de Piquetout, ou « Sauvetage inattendu », dans lequel le compositeur mêle adroitement flûte exotique sur fond de nappes synthétiques, enchaînant ensuite sur un déchaînement orchestral tonitruant à souhait pour la scène du sauvetage. Le jeune compositeur français Laurent Juillet vient d’ailleurs prêter main forte à Christophe Héral en signant quelques morceaux additionnels comme les déchaînements d’action excitants de « Le bébé » ou l’excellent « Le crabe », qui nous rappelle que l’on est aussi capable d’écrire de grandes musiques d’action en France qui n’ont rien à envier à leurs modèles hollywoodiens ! L’action se prolonge dans « Cerf volant » et « Cerf volant (2) » qui évoque toute la tension de la scène, lorsque Nathanaël et ses amis miniatures se retrouvent sur le cerf-volant. La musique redevient alors plus intime et douce dans « Angelica » (avec son très beau duo pour guitare et piano), tandis que « Les bijoux » ramène les rythmes de danse enjoués du début (avec le whistle) avant une ultime coda orchestrale plus apaisée. Et en guise de bonus, le compositeur nous offre pour le générique de fin du film une reprise du thème de Piquetout dans l’excellent « Piquetout », une sorte de mambo savoureux et très enjoué, idéal pour conclure la partition de « Kérity, la maison des contes » avec un peu de bonne humeur !

Christophe Héral signe donc une partition fraîche, colorée et inventive pour « Kérity, la maison des contes », une musique qui témoigne du savoir-faire évident d’un compositeur plein de promesses, qui déborde d’idées et parvient à en mettre quelques unes en pratique dans cette magnifique partition musicale pour le film de Dominique Monféry. Ainsi donc, la musique apporte une fraîcheur étonnante aux images du film, donne vie à chaque idée et chaque personnage avec un même souci constant de la couleur sonore, du jeu sur les styles musicaux et des développements thématiques. Bien que cette composition ne restera pas gravée dans les annales, on ne pourra qu’apprécier le charme et les qualités d’une partition inventive et pleine d’entrain qui nous donne envie d’en entendre plus !



---Quentin Billard