1-The Last Man 6.09
2-Holy Dread! 3.51
3-Tree Of Life 3.44
4-Stay With Me 3.36
5-Work 2.34
6-Xibalba 5.22
7-First Snow 3.08
8-Finish It 4.25
9-Death is the Road to Awe 8.25
10-Together We Will Live Forever 5.01

Musique  composée par:

Clint Mansell

Editeur:

Nonesuch Records 79901

Album produit par:
Clint Mansell

Artwork and pictures (c) 2006 Warner Bros. Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE FOUNTAIN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Clint Mansell
Nouveau long-métrage très attendu du génial Darren Aronofsky, « The Fountain » met en scène le combat initiatique et millénaire d’un homme pour sauver la femme qu’il aime. Le récit s’articule tout au long du film autour de trois histoires qui se déroulent dans trois époques différentes : le passé, au temps des conquistadors espagnols du 16ème siècle, le présent avec un scientifique et chercheur en cancérologie qui tente de guérir le cancer du cerveau de son épouse Izzi en menant des expériences sur des singes rhésus, et enfin le futur dans une dimension spirituelle et métaphysique du 26ème siècle avec un homme en état de méditation qui se retrouve en plein coeur d’une nébuleuse, à l’intérieur d’une bulle transparente en suspension qui le transporte lui et un immense arbre à l’agonie. Ces trois personnages (tous trois interprétés par l’excellent Hugh Jackman), le conquistador Tomas, le chercheur Tommy Creo, et l’astronaute Tom ont tous un même but, dans ces trois époques différentes : chercher un moyen de sauver une femme, interprétée dans le film par Rachel Weisz, à travers les époques et les dimensions. Avec une narration étonnante et une esthétique très particulière, Darren Aronofsky nous offre un nouvel exploit cinématographique six ans après le prodigieux « Requiem For A Dream » (2000). « The Fountain » est un récit alambiqué et complexe d’intrigues métaphysiques, d’une quête spirituelle pour l’amour, la rédemption, l’évolution intérieure et la paix de l’âme. La dimension religieuse occupe donc ici une place prépondérante dans le récit d’Aronofsky, à travers un film que le réalisateur souhaitait faire depuis plusieurs années déjà (le projet fut lancé au départ en 2002 avec Brad Pitt et Cate Blanchett dans les rôles principaux avant d’être abandonné peu de temps après).

Dans les trois histoires que raconte en parallèle le cinéaste tout au long de son film, c’est toute l’évocation d’une quête intérieure pour l’amour et la paix qui transparaît à travers le parcours de Tomas, Tommy et Tom. Le conquistador recherche le légendaire Arbre de Vie décrit dans la Bible, censé offrir l’immortalité, et qui serait caché quelque part dans une pyramide Maya. Le scientifique cherche un moyen de sauver son épouse Izzi (brillamment interprété par Rachel Weisz, qui interprète aussi la reine Isabelle d’Espagne pour la partie avec les conquistadors) d’un cancer qui la ronge lentement, tandis que Tom prend conscience des mystères et des secrets qui le hantent depuis un millénaire à l’intérieur de sa bulle méditative - on pourrait ainsi s’imaginer qu’il est l’écho ou la synthèse des deux autres personnages du passé et du présent. Bien loin ici de la noirceur tragique et torturée de « Requiem For A Dream », « The Fountain » se veut au contraire comme une sorte de quête de la rédemption et de la paix intérieure, faisant preuve d’une audace narrative et visuelle rarement vue au cinéma américain. « The Foutain » fait ainsi partie de ces films rares qui ne ressemblent à aucun autre, grâce à leur point de vue personnel et unique, fruit de la personnalité d’un cinéaste de génie. Fascinant du début jusqu’à la fin, « The Fountain » est un récit initiatique, métaphysique et spirituel extrêmement émouvant et fort, servi par une dimension artistique incroyable, des symboles forts (l’arbre de la vie, la bulle méditative, etc.), des images inoubliables, et bien sûr, deux acteurs de talent au coeur de ces trois histoires : Hugh Jackman et Rachel Weisz, en bref, le nouveau chef-d’oeuvre de Darren Aronofsky !

Le compositeur Clint Mansell retrouve à nouveau le cinéaste américain six ans après « Requiem For A Dream », pour lequel le musicien signait sa plus grande partition pour le cinéma. Pour « The Fountain », Clint Mansell a saisi l’opportunité de murir l’écriture de sa musique sur une longue période (entre 5 à 6 ans !), une longue gestation qui débuta peu de temps après que le compositeur ait bouclé sa musique pour « Requiem For A Dream ». A l’origine, Clint Mansell souhaitait n’utiliser qu’un ensemble de percussions pour « The Fountain », alors que le film devait être initialement une superproduction épique. Par la suite, Mansell décida finalement d’opter pour une approche plus classique, épaulé par un assistant (le compositeur manquant de formation musicale classique !) qui lui permit de reconstituer des morceaux initiaux afin de les rejouer avec une nouvelle formation instrumentale et de nouvelles mélodies qui pourraient ainsi s’harmoniser avec le récit du film. Il y eut entre temps quelques changements, puisque Mansell écrivit à partir de l’un de ses thèmes une chanson que devait interpréter Antony Hegarty, mais qui ne fut pas retenu par Darren Aronofsky, qui souhaitait une pièce plus instrumentale pour le générique de fin de son film. Finalement, Clint Mansell décida de confier sa musique à deux interprètes brillants : le quatuor à cordes du Kronos Quartet (auquel le compositeur fit déjà appel pour « Requiem For A Dream ») et le groupe post-rock écossais Mogwai. Chose étonnante, la musique évolua réellement durant la production du film, et non pendant la post-production, comme c’est le cas la plupart du temps. Cette gestation originale de la musique permit ainsi au compositeur de nous offrir l’une de ses plus belles musiques pour le cinéma, six ans après la ‘claque’ de « Requiem For A Dream ».

Le score de « The Fountain » repose sur un thème dévoilé très rapidement dans l’ouverture, un thème d’une mélancolie profonde et rêveuse confiée au Kronos Quartet et un piano dans « The Last Man », révélant un classicisme d’écriture élégant et tout en sobriété. Le violon développe alors une mélodie emprunte d’une certaine poésie, qui deviendra l’élément thématique-clé de la partition de « The Fountain ». On retrouve ici cette même mélancolie crépusculaire et intime qui hantait les images de « Requiem For A Dream », avec pour le final de « The Last Man » quelques notes plus dissonantes des cordes qui préfigurent déjà le caractère sombre et tourmenté du film d’Aronofsky. Dans « Holy Dread ! », Mansell accompagne l’histoire du conquistador Tomas avec un ensemble de percussions, des cordes dissonantes du Kronos Quartet et quelques accords sombres du piano. Priorité ici à un certain minimalisme et une économie de moyens typiques du compositeur : Clint Mansell crée ainsi une atmosphère sombre et planante assez particulière, clairement indissociable de l’univers visuellement riche et puissamment évocateur du long-métrage de Darren Aronofsky. Quelques éléments électroniques plus abstraits interviennent alors dans « Holy Dread ! » pour apporter une atmosphère plus angoissante et noire à la musique dans le film - on nage alors ici en pleine musique de thriller, surtout lorsque le morceau se conclut sur quelques rythmes rock/électroniques dus au groupe Mogwai. Plus étonnant dans ses mélanges de sonorités, « Tree of Life » prolonge cette atmosphère musicale particulière en mixant les influences et les styles : entre le classicisme du quatuor à cordes et la modernité du groupe post-rock écossais, Mansell apporte une véritable palette de couleurs sonores intéressantes aux images - et notamment pour la scène où Tomas se rend dans la pyramide Maya à la recherche de l’arbre de vie (ce qui permet au compositeur d’apporter quelques touches ethniques plus particulières à son morceau). La musique possède ce côté atmosphérique parfois assez étrange et pesant, tout en expérimentant sur ses différents matériaux sonores : cordes dissonantes, percussions diverses, choeurs lointains, instruments ethniques, textures électroniques étranges (dont notamment un alliage intéressante entre violon et synthétiseurs cristallins). Mansell développe ici un thème mystérieux de 3 notes lié à la quête du personnage principal campé par Hugh Jackman dans le film, un thème qui prend des allures à la fois terrifiantes et surréalistes dans « Tree of Life », avant de devenir plus rêveur et quasi onirique dans « Stay With Me ». Ce thème restera en tout cas indissociable des trois personnages principaux du film : Tomas, Tommy et Tom.

Dans « Stay With Me », la musique évoque clairement cette idée de quête spirituelle avec un développement plus conséquent du thème de 3 notes sur fond de guitares, de synthétiseurs planants et de cordes mystérieuses et rêveuses. C’est d’ailleurs le caractère à la fois onirique et parfois presque surréaliste de la musique qui apporte un impact véritable aux images du film, et contribue grandement à renforcer cette sensation de quête métaphysique et spirituelle dans cette histoire de quête à travers les âges. A noter que Mansell ne différencie pas les trois époques dans sa musique, conservant un style musical assez homogène et une cohésion d’ensemble indiscutable. Ainsi, la musique relie les trois récits pour n’en faire qu’une seule et même aventure, un choix assez prévisible mais néanmoins très réussi et parfaitement assumé par le compositeur comme le réalisateur. Dans « Death is a Disease », on retrouve cette même forme de mélancolie rêveuse du début avec un mélange de guitares/percussions/cordes assez envoûtant et un brin entêtant - comme pour traduire l’obstination des trois personnages principaux pour une même quête de rédemption et d’aboutissement. La partie se déroulant à l’époque des conquistadors permet à Mansell de nous offrir quelques uns de ses meilleurs morceaux, et plus particulièrement le mélancolique et poignant « Xibalba », avec son très beau thème de violon sur fond de choeurs quasi religieux. On retrouve cette même mélancolie prenante et envoûtante dans « First Snow » et « Finish It », qui fait intervenir quand à lui quelques percussions plus agressives (avec un jeu sur les toms de la batterie et des effets de col legno des cordes) et développe le thème de 3 notes. L’idée de la quête spirituelle et métaphysique aboutit à l’intense « Death is the Road to Awe », où la musique mélange alors adroitement les différentes sonorités instrumentales de la partition pour une même conclusion : glockenspiel, rythmes rock, percussions martelées, cordes entêtantes, et un retour du thème de 3 notes qui atteint ici une véritable apothéose musicale grandiose pour choeur, cordes et section rock : un grand moment de la partition de « The Fountain » !

La boucle est bouclée avec « Together We Will Live Forever » où l’idée d’un accomplissement et d’un amour éternel se concrétise pour de bon, avec un ultime retour du thème principal et son entêtant motif de 3 notes (symbolisant les trois histoires du film). Le morceau est entièrement porté par la grâce et la délicatesse d’un piano intime et tout en retenue, un très bon morceau qui conclut l’album (et le film) sur une ultime touche d’émotion toute en finesse. Bilan final plus que positif donc pour « The Fountain », une BO certes moins prenante et moins passionnante que celle de « Requiem For A Dream » (et peut être aussi plus prévisible et finalement plus conventionnelle dans ses choix musicaux), mais qui apporte néanmoins une atmosphère assez originale et extrêmement forte et cohérente au film de Darren Aronofsky, preuve en est que la collaboration entre les deux hommes reste décidément assez exceptionnelle dans son genre, les deux artistes étant à n’en point douter sur la même longueur d’ondes par rapport à leurs ambitions et à leurs choix artistiques respectifs. Moins intéressant que « Requiem For A Dream », la partition de « The Fountain » n’en demeure pas moins très réussie et extrêmement riche, mélangeant classicisme, électronique et parties rock avec une certaine inventivité et une émotion constante : Clint Mansell conjugue donc l’idée de la quête spirituelle des trois personnages du film avec une musique à la fois atmosphérique, sombre, onirique et poignante, soutenue par un même thème protéiforme et entêtant : une vraie réussite, sans être pour autant LE nouveau chef-d’oeuvre du compositeur !



---Quentin Billard