1-Exode 2.50
2-Kadish 2.43
3-Naté 6.09
4-A la recherche du Qès 2.56
5-Mère et enfant 3.08
6-La conversion 1.55
7-Le rêve de Salomon 3.29
8-Le mensonge 4.10
9-Couchi 2.23
10-Inchilalo 2.55
11-Va, vis et deviens 6.58
12-Every Time (Love Song) 5.31*

*Interprété par Mathieu Coupat
Composé par Armand Amar
Paroles de John Boswell et
Mathieu Coupat.

Musique  composée par:

Armand Amar

Editeur:

Naïve France NV 804 511


(c) 2005 Elzévir Films/Oï Oï Oï Productions. All rights reserved.

Note: ***1/2
VA, VIS ET DEVIENS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Armand Amar
Récompensé par plusieurs prix dont le césar 2006 du meilleur scénario et le prix européen au Festival de Berlin 2005, « Va, vis et deviens » permet au réalisateur d’origine roumaine Radu Mihaileanu de nous offrir un drame humain poignant sur les difficultés de l’intégration et du déracinement. Le film s’inspire de l’histoire vraie des falashas, les juifs noirs d’Ethiopie immigrés en Israël en 1984 lors de l’opération Moïse, une importante mission américano-israélienne qui permit à des milliers de juifs éthiopiens d’échapper à la famine et à la mort. Le film évoque ainsi le parcours du jeune Schlomo, qui passa sa petite enfance dans un camp de réfugiés africains au Soudan avec sa mère chrétienne, jusqu’à ce que cette dernière tombe malade et décède. Peu de temps avant son décès, la mère poussera son jeune fils de neuf ans à se déclarer juif afin d’échapper à la famine et à la mort (d’où le titre du film : « va, vis et deviens »). Schlomo passera ainsi une bonne partie de sa vie à mentir, se faisant passer pour un juif qu’il n’est pas. Le jeune enfant, déclaré orphelin, sera alors recueilli et élevé dans une famille française sépharade vivant à Tel-Aviv, les Harrari. Schlomo grandit mais se sent mal dans sa peau et dans ce nouveau pays, alors qu’il se souvient de sa mère qui lui manque et de ses racines qu’il a perdues. Il doit désormais vivre avec la peur que quelqu’un découvre un jour son secret. « Va, vis et deviens » s’intéresse donc à l’histoire vraie des falashas et de leur difficulté à s’intégrer en Israël (apprentissage de la religion, de la langue, etc.), se heurtant bien souvent au racisme et au rejet des rabbins. Il est aussi question ici des tensions entre Israéliens et Palestiniens, des espoirs de paix entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat dans les années 1990 et aussi de la Guerre du Golfe, avec le travail quotidien dans un Kibboutz, une communauté dans laquelle la collectivité organise la vie de tous les jours, inspirée à l’origine par le mouvement sioniste sous l’influence du socialisme associatif. Brassant tous ces thèmes avec une certaine passion, Radu Mihaileanu nous livre ici un film poignant porté par l’interprétation magnifique des jeunes Moshe Agazai et Moshe Abebe dans le rôle de Schlomo, figure emblématique du falasha déraciné qui tente de se faire accepter parmi les juifs israéliens au bout de nombreuses années d’une vie tumultueuse et agitée. Même si le film tombe parfois dans le larmoyant et les clichés, il n’en demeure pas moins très réussi malgré pas mal de longueurs et un côté un peu trop « politiquement correct » (on aurait aimé plus de prise de risque de la part du réalisateur, quoique les sujets abordés ici s’avèrent être un peu trop sensibles pour pouvoir tenter quoique ce soit !). Avec son discours sur la tolérance, l’effort d’intégration et la lutte contre l’antisémitisme, « Va, vis et deviens » est une très belle fable humaniste bouleversante mais inégale, qui essaie un peu trop de faire couler les larmes du spectateur à tout prix en assénant ses thèmes avec un point de vue naïf, moralisateur et très consensuel.

La partition orchestrale d’Armand Amar reste à n’en point douter l’élément-clé du film de Radu Mihaileanu, une musique assez présente tout au long du film et généreusement mise en valeur sur les images, à tel point qu’elle finit par devenir une sorte de personnage à part entière tout au long de l’histoire. Armand Amar construit l’essentiel de sa partition à l’aide d’une partie orchestrale conventionnelle et d’un ensemble d’instruments solistes ethniques associés à la fois aux cultures africaines et israéliennes dans le film, un voyage musical et initiatique entre l’Ethiopie natale de Schlomo et l’Israël de la famille adoptive du jeune garçon. Dès le début du film, Amar évoque l’exode des falashas dans « Exode » à l’aide de vocalises africaines discrètes et de quelques cordes. Les instruments à cordes sont ici porteurs d’une émotion et d’un lyrisme doucement tragique, un élément récurrent dans le score de « Va, vis et deviens », et qui a d’ailleurs quelque peu divisé le public béophile, une partie reprochant le côté trop emphatique et trop mélodramatique de la musique d’Armand Amar dans le film (elle est effectivement très présente dans le film et tombe malheureusement dans un côté larmoyant un peu lourdingue par moment !). C’est en tout cas cette approche dramatique et élégiaque (qui fait penser à « Indigènes ») qu’Amar a choisi ici pour « Va, vis et deviens », avec, dans le magnifique « Kadish », une très belle utilisation du duduk arménien et des cordes. Hélas, depuis le succès du « Gladiator » de Hans Zimmer en 2000, il est assez incroyable de constater à quel point cet instrument a plus que jamais le vent en poupe dans le monde de la musique de film américaine ou européenne, un instrument qui risque fort de donner des indigestions « auditives » à ses détracteurs qui reprochent à certains compositeurs de s’en servir beaucoup trop au cinéma. Dommage qu’Armand Amar soit tombé à son tour dans ce piège facile. Néanmoins, son utilisation du duduk dans « Va, vis et deviens » est assez remarquable, l’instrument apportant sa chaleur unique et son timbre doux et quasi proche de la voix humaine au personnage de Schlomo dans le film. Les cordes résonnent ici aussi de façon tragique, comme pour mieux traduire à l’écran les thèmes du déracinement, des difficultés d’intégration.

Avec « Naté », Armand Amar nous offre un très beau chant ethnique aux consonances juives, interprété avec grâce par une soliste féminine aux consonances juives sur fond de cordes et de duduk, un autre morceau dramatique et élégiaque emprunt d’une émotion à fleur de peau. Comme souvent avec le compositeur d’originaire israélienne (qui s’est senti visiblement très touché par le sujet abordé par le film), sa musique joue sur une retenue émouvante et un certain minimalisme, entre les cordes et les différents solistes (violoncelle, duduk, soprano, etc.). Si « Kadish » et « Naté » apportent une émotion et un lyrisme fort appréciable aux images, « A la recherche du Qès » évoque la détermination de Schlomo en ayant recours à des cordes plus agitées et rythmées et un piano soliste. On appréciera ici l’effort apporté par le compositeur à l’écriture de sa partie orchestrale, assez classique d’esprit et typique du style habituel d’Amar. « Mère et Enfant » est une très belle pièce pour harpe, célesta, cordes et choeur d’enfants illustrant avec poésie la relation entre Schlomo et sa mère dans le film - un morceau qui n’est pas sans rappeler Danny Elfman. Dommage néanmoins que les cordes soient un peu trop souvent utilisées avec peu de recul, ces instruments apportant, comme explicité un peu plus haut, un pathos qui finit par s’avérer un brin lourdingue et qui manque cruellement de subtilité et de nuances par moment. On retrouve le thème de duduk mélancolique dans « La Conversion », associé dans le film à Israël, tandis que « Le Rêve de Salomon » se veut plus sobre et intimiste avec des cordes retenues, quelques notes de piano et le thème juif de « Naté » indissociable du personnage de Schlomo dans le film, et sa difficile intégration dans un pays qui n’est pas le sien, loin de ses racines et des ses origines. La musique conserve ici aussi cette mélancolie poignante et tragique, qui traverse l’ensemble de la partition d’Armand Amar dans le film.

Le compositeur évoque l’idée du secret et du mensonge de Schlomo sur son identité dans « Le Mensonge ». Il règne ici une certaine gravité dramatique dans le jeu des cordes tout à fait représentative du travail d’Amar dans « Va, vis et deviens ». Cette gravité se retrouve dans le sombre « Couchi » avec son violoncelle plaintif tout en sobriété, ambiance qui trouve écho dans le non moins dramatique « Inchilalo ». La musique évoque donc parfaitement les épreuves que traverse Schlomo tout au long du film et reflète ses différents sentiments, sa tristesse, son mensonge avec lequel il devra vivre une bonne partie de sa vie, et aussi ses regrets et ses doutes, un autre morceau poignant de la partition de « Va, vis et deviens ». Le thème de duduk revient alors dans « Va, vis et deviens », une très belle conclusion de près de 7 minutes emprunt d’une certaine sensibilité et d’une émotion rare, avec duduk, cordes, piano et violoncelle. Amar véhicule ici son émotion sans élans orchestraux mélodramatiques, en jouant sur une certaine retenue non dénuée de gravité, une musique tragique et pleine de regret, mais qui évite tout élan orchestral surdimensionné afin de conserver une approche clairement intime et humaine. Vous l’aurez donc compris, Armand Amar signe une très belle partition de qualité pour « Va, vis et deviens », sans aucun doute l’une de ses plus belles partitions pour le cinéma, dont le principal problème vient surtout de son côté un peu larmoyant et ses cordes trop appuyées et un peu trop présentes tout au long du film, porteuses d’un pathos peu subtil sur les images. On aurait ainsi aimé entendre une musique qui sache se faire plus discrète dans sa façon de véhiculer l’émotion, en évitant le cliché facile des cordes dramatiques et du duduk arménien (trop utilisé de nos jours au cinéma !). Quoiqu’il en soit, « Va, vis et deviens » reste une très belle partition de la part d’Armand Amar, apportant une émotion et un lyrisme poignant au film de Radu Mihaileanu. Les fans du compositeur apprécieront grandement la beauté de l’une des plus belles compositions d’Armand Amar pour le cinéma !



---Quentin Billard