1-Hammertime 0.57
2-Los Alamos 2.18
3-Sins Of The Father 2.15
4-Peeping Owen 4.03
5-Bully Thy Name 1.35
6-The Back Seat Killer 1.39
7-The Blood Flood 1.40
8-The Asphalt Jungle Gym 5.37
9-At Your Disposal 4.39
10-Neighbors Of Love 3.05
11-First Date Jitters 2.52
12-Killer In-Stinks 2.20
13-Acid Test Dummy 1.03
14-Visitation Rights 5.08
15-New Day On An Old Lake 1.37
16-Polling For Owen 2.36
17-Owen Remember Thy
Swashing Blow 1.16
18-Blood By Any Other Name 1.37
19-Regarding Evil 3.46
20-Let Me Out 1.16
21-Virginia Territory 1.42
22-Invitation Only 2.13
23-Dread On Arrival 6.14
24-Parting Sorrows 2.54
25-The Weakest Goes
To The Pool 3.44
26-Trained And Steady
(Film Version) 2.16
27-End Credits 5.57
28-Trained And Steady
(Original Track) 2.16

Musique  composée par:

Michael Giacchino

Editeur:

Varèse Sarabande 302 067 053 2

Produit par:
Michael Giacchino
Producteur exécutif:
Robert Townson
Musique additionnelle de:
Andrea Datzman
Consultant musical:
Joel Sill
Montage musique:
Paul Apelgren

Artwork and pictures (c) 2010 Hammer Let Me In Productions, LLC. All rights reserved.

Note: ***1/2
LET ME IN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Michael Giacchino
Après l’impressionnant « Cloverfield », le réalisateur Matt Reeves nous livre avec « Let Me In » (Laisse-moi entrer) un solide drame horrifique adapté du livre « Let The Right One In » du romancier suédois John Ajvide Lindqvist, déjà adapté au cinéma en 2008 par le réalisateur suédois Tomas Alfredson dans le film « Morse ». Pour l’occasion, le film a permis de faire ressusciter un très célèbre studio américain spécialisé dans le cinéma d’épouvante depuis près de 80 ans, la Hammer, qui n’avait quasiment rien produit depuis 1979. « Let Me In » raconte l’histoire d’un jeune garçon de 14 ans, Owen (Kodi Smit-McPhee), qui vit seul, avec sa mère, et est constamment martyrisé par les autres garçons de sa classe. C’est alors qu’Owen fait la connaissance d’Abby, une mystérieuse jeune fille de 12 ans qui vient juste d’emménager dans l’appartement à côté du sien. Très vite, Owen se lit d’amitié avec Abby, qui semble bien différente des autres personnes qu’il connaît. Mais au même moment, une série de meurtres sanguinaires et de disparitions mystérieuses se multiplient dans le quartier. Owen découvre alors avec stupeur qu’Abby cache un très lourd secret. « Let Me In » reprend donc les grandes lignes du film d’origine et nous propose une vision plus hollywoodienne du récit originel, le film étant servi par un duo de jeunes comédiens au talent indéniable : Kodi Smit-McPhee, révélation du film « The Road », et la jolie Chloe Moretz, vue récemment dans « Kick-Ass ». Le film alterne efficacement entre suspense, effets sanguinolents et scènes intimistes avec brio, sans apporter grand-chose de neuf au genre. « Let Me In » raconte une amitié improbable entre un jeune garçon et une jeune fille vampire, une amitié étrange, ambiguë, déroutante, servie par une mise en scène privilégiant les personnages et la psychologie plutôt que les effets horrifiques faciles (malgré quelques scènes bateau et prévisibles). On appréciera surtout ici l’atmosphère lugubre et pesante du film, avec comme toile de fond l’innocence de l’enfance face à l’horreur la plus inattendue et une Chloe Moretz mi-ange mi-démon absolument stupéfiante.

Après avoir écrit la musique du générique de fin de « Cloverfield » en 2008, Michael Giacchino retrouve à nouveau le réalisateur Matt Reeves sur « Let Me In », pour lequel le compositeur signe une partition orchestrale alternant avec brio suspense horrifique et morceaux intimistes et mélancoliques. Le point fort du score de « Let Me In » réside avant tout dans cette étonnante double facette qui risque fort d’en déstabiliser plus d’un, entre la terreur pure et la mélancolie paisible. Pour parvenir à ses fins, Giacchino utilise le Northwest Sinfonia Orchestra avec une chorale d’enfants, le Northwest Boychoir, et quelques synthétiseurs discrets, le tout soutenu par les orchestrations d’Andrea Datzman (qui signe aussi la musique additionnelle du film) et de Chris Tilton, complice habituel de Giacchino. Le score de « Let Me In » utilise un thème principal associé à l’amitié improbable entre le jeune garçon et la jeune fille vampire, un thème extrêmement simple, délicat et minimaliste que l’on découvre très vite dans le film. Un premier thème est entendu quand à lui dans « Sins of The Father » et « Peeping Owen », introduit délicatement par une harpe, des cordes et un célesta dans « Peeping Owen ». Giacchino fait preuve d’un certain romantisme mélancolique au classicisme élégant et discret, utilisant les instruments avec parcimonie sans jamais en faire de trop. C’est d’ailleurs le minimalisme de l’approche instrumentale voulue par Giacchino dans les passages plus intimistes qui surprend ici, bien loin des envolées orchestrales hollywoodiennes habituelles. Ici, Giacchino conserve un ton humain et poétique dans ses passages intimistes épurés à l’extrême, refusant tout excès mélodramatique hollywoodien comme on en autant pourtant à longueur de journée dans les gros blockbusters U.S. Le film est introduit par le sinistre « Hammertime », où les voix d’enfants glissent irrémédiablement vers un crescendo de dissonance, installant un malaise certain dans le générique de début du film sur fond de quelques notes de harpe. Giacchino, peu habitué au registre de la musique horrifique, surprend ici en faisant référence à un style musical avant-gardiste proche de Ligeti ou de Penderecki - et qui rappelle par la même occasion l’approche avant-gardiste moderne de sa musique pour la série TV « Lost ». A ce sujet, les accords dissonants de cuivres entrecoupés de silence dans « Los Alamos » (un élément à suspense récurrent dans le score) rappellent avec une certaine passion le début du « Songe de Jacob » de Penderecki, le tout agrémenté de quelques glissandi dissonants. Ces passages évoquent dans le film la partie horrifique/suspense de l’histoire, tandis que les voix d’enfants évoquent la fausse innocence d’Abby, pervertie par le redoutable secret qu’elle cache en elle.

Giacchino opte pour une utilisation épurée d’instruments solistes dans des passages comme « Sins of the Father », « Peeping Owen », « The Asphalt Jungle Gym » ou bien encore « First Date Jitters ». Harpe, célesta, violoncelle et quelques nappes synthétiques discrètes suffisent à évoquer l’amitié naissante entre Owen et Abby, un îlot d’innocence où la pureté semble ne pas avoir été encore corrompue. Même les cordes et le piano de « Parting Sorrows » dispensent une mélancolie discrète et touchante tout en restant très épurée. Niveau thème, on découvre un premier thème dans « Sins of the Father », puis le thème émouvant de l’amitié dans « First Date Jitters » et « Neighbors of Love », sans oublier un thème plus dramatique dans « Parting Sorrows » et le superbe et incontournable « End Credits ». Paradoxalement, la beauté et l’innocence apparente de ces passages intimistes est régulièrement contrebalancée par les passages plus sombres et gothiques comme le dissonant « Bully The Name » ou le sinistre « The Back Seat Killer » et ses notes sombres de piano, harpe et percussions. Giacchino parvient à traduire le suspense et l’horreur sans jamais verser dans la cacophonie pure, preuve en est qu’il n’est pas indispensable d’en faire des tonnes dans une musique pour traduire à l’écran le sentiment de l’horreur ou de l’épouvante. En ayant recours aux techniques instrumentales habituelles de la musique avant-gardiste des années 50 (Ligeti, Xenakis, Penderecki), Giacchino parvient à insuffler à ces passages plus sombres une véritable force, comme c’est le cas dans le traitement des cordes de « The Back Seat Killer » (jeu sul ponticello des violons, glissandi, harmoniques, etc.) ou de « The Blood Flood » pour la scène où le vieil homme récupère le sang d’une de ses victimes. Ce dernier morceau permet d’ailleurs de réentendre les voix d’enfants mystérieuses et inquiétantes, aux consonances quasi religieuses. C’est le cas dans le gothique et ténébreux « Acid Test Dummy » pour la scène où la victime du vampire s’enflamme à l’hôpital, dans lequel les choeurs entonnant un impressionnant « Dies Irae » ténébreux.

Giacchino utilise aussi la voix épurée du jeune soprano Nathan Stoltzfus dans « Visitation Rights » pour rappeler à l’écran l’idée de l’innocence apparente des deux enfants face à des horreurs indicibles tapies dans l’ombre. A ce sujet, on appréciera le caractère glacial et ténébreux d’un passage angoissant comme « Blood By Any Other Name », avec ses glissandi sinistres de cordes, ses voix mystérieuses et ses flatterzunge de trombones en sourdine. Même chose pour l’inquiétant « Let Me Out » avec ses notes graves de harpe ou « Virginia Territory » avec ses glissandi de choeurs et ses effets avant-gardistes de cordes, sans oublier le long et intense « Dread On Arrival » ou le climax de terreur de « The Weakest Goes To The Pool » pour la scène finale dans la piscine. Enfin, Giacchino nous propose un vrai tour de force dans « End Credits », reprenant le troisième thème de sa partition dans une véritable pièce symphonique à part entière, rappelant le langage classique des grands musiciens du 19ème siècle et du 20ème siècle. On ressent presque ici une sensibilité quasi européenne dans l’écriture de l’orchestre, un morceau classique bluffant de justesse et épatant de maturité, chose rare de nos jours dans la musique de film hollywoodienne. Au final, Michael Giacchino nous étonne avec son nouvel opus symphonique pour « Let Me In », une partition alternant efficacement minimalisme romantique épuré et angoisse latente et ténébreuse avec brio. Certes, on pourra toujours regretter le côté un peu lent et difficile d’accès de cette partition, qui nécessitera obligatoirement plusieurs écoutes afin d’en appréhender davantage les différents détails et subtilités. A l’écran, la musique apporte une poésie pleine de justesse, toute en fragilité - à l’image des deux enfants - et une noirceur étonnante de la part de Michael Giacchino. Sans être le nouveau chef-d’oeuvre du compositeur, la partition de « Let Me In » n’en demeure pas moins très réussie et à la fois touchante et inquiétante : vivement recommandée à tous les fans du compositeur !



---Quentin Billard