1-Main Title 3.01
2-Fred Meets Ginger 1.20
3-Birth Scene 2.55
4-Elsa's Theme 2.10
5-Examining the Baby 1.46
6-Dren is Sick 2.09
7-The Award Winner Is...0.40
8-Fred & Ginger Destroy
Each Other 1.00
9-Taking Dren To The Van 1.26
10-Arrival At The Farm 1.58
11-Alone in the Barn 2.05
12-Dren Grows Wings 1.45
13-The Cat 2.33
14-Dren's Tail 2.22
15-Observing Dren 2.00
16-Love Scene 2.11
17-The Burial 1.57
18-Male Dren 5.00
19-Epilogue and End 2.19
20-Night and Dren 2.34*

*Composé par Richard Pell.

Musique  composée par:

Cyrille Aufort

Editeur:

Colosseum Records CST 8139.2

Album produit par:
Cyrille Aufort

(c) 2009 Gaumont/Copperheart Entertainment/Dark Castle Entertainment. All rights reserved.

Note: ***1/2
SPLICE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Cyrille Aufort
Révélé par son long-métrage « Cube » en 1997, le réalisateur Vincenzo Natali revient aujourd’hui avec un nouveau film prometteur et ambitieux, « Splice », un projet de longue haleine sur lequel le cinéaste travaille depuis environ une dizaine d’années. Si le réalisateur a effectivement rencontré plusieurs difficultés pour tourner son film (budget trop élevé pour le producteur canadien d’origine, scénario jugé trop ambitieux, etc.), « Splice » a néanmoins fini par voir le jour, nous permettant enfin de découvrir le grand film que l’on était en droit d’attendre de la part du cinéaste canadien. Véritable variante du film de monstre croisé avec le mythe de Frankenstein, « Splice » évoque de façon troublante les dérives de la manipulation génétique et la possibilité de créer de nouvelles formes de vie grâce à la science. Le film relate l’histoire d’un couple de scientifiques superstars, Clive (Adrien Brody) et Elsa (Sarah Polley). Ces derniers ont réussi à créer de nouvelles espèces hybrides en combinant l’ADN de différentes espèces animales. Ils veulent désormais passer à l’étape suivante en faisant fusionner l’ADN humain avec celui d’un animal. Mais le laboratoire pharmaceutique qui les finance refuse de les soutenir, considérant leur projet comme dangereux et contraire aux règles d’éthique de la science moderne. Clive et Elsa décident alors de poursuivre leur expérience en secret. Ils réussissent à créer Dren (Delphine Chaneac), une créature hybride dont la croissance rapide va très vite faire d’elle une adulte en seulement quelques mois. Désormais, Clive et Elsa vont devoir tout faire pour protéger leur secret et vont très vite s’attacher à leur créature. Ce sera alors le début du cauchemar pour les deux scientifiques qui savent désormais que leur expérience est allée bien au-delà de ce qu’ils espéraient : il est maintenant trop tard pour faire marche arrière. « Splice » s’inspire ainsi de certaines réalités scientifiques d’aujourd’hui (la manipulation génétique de l’ADN, la possibilité de cloner voire de créer de nouvelles espèces) pour nous raconter une fable dérangeante et étonnante, un film riche dans les sujets qu’il aborde - tout en empruntant une certaine mythologie proche du « Frankenstein » de Mary Shelley - et bien loin de se limiter au simple postulat initial de film de monstre. Car « Splice » est bien plus que cela. Dénonçant les dérives de la science moderne, le film de Vincenzo Natali réussit à trouver un équilibre étonnant entre récit horrifique et interrogation humaine et morale, une fable tragique où l’innocence de la créature interprétée par une Delphine Chaneac méconnaissable (formidable prouesse technique, alliant acteur live et trucages numériques) cède très vite la place aux pulsions humaines les plus viles. Face à elle, deux acteurs en pleine grâce, Adrien Brody et Sarah Polley. Abordant des sujets dérangeants et inattendus comme les limites relationnelles dans une cellule familiale, la sexualité inter-espèce ou l’inceste - le tout doublé d’un questionnement perturbant sur les limites de la science moderne face à l’éthique et la morale - « Splice » se paye carrément le luxe de nous offrir l’une des plus belles créatures du cinéma fantastique américain, un cinéma qui dérange et qui gagne en intensité, malgré des influences évidentes (on pense notamment à Cronenberg).

La musique du compositeur français Cyrille Aufort apporte à son tour une atmosphère particulière à « Splice ». Le compositeur a travaillé pendant un temps en tant qu’orchestrateur pour Alexandre Desplat et a écrit sa première musique de film pour « Hell » de Bruno Chiche en 2006. Un projet ambitieux comme « Splice » offre ainsi l’occasion rêvée à Cyrille Aufort de se faire remarquer du grand public en élaborant une partition plus riche et ambitieuse que ce qu’il a pu faire sur ses précédents films. Enregistrée à Londres avec le Philharmonia Orchestra, la musique de « Splice » apporte un redoutable mélange d’émotions aux images troublantes du film, entre sensualité, mélancolie, angoisse et tension. Pour parvenir à ses fins, Aufort a décidé de créer un thème pour Dren, mystérieux et inquiétant, et un thème plus intime pour Elsa. Le compositeur mélange alors ces deux thèmes tout au long du film, afin de retranscrire à sa manière l’idée du mélange hybride, de l’expérience scientifique. Le « Main Title » impose d’emblée le ton mystérieux et envoûtant du score par le biais d’une mélodie qui prend naissance au piano et à la flûte avant de céder la place à des cordes sensuelles sur fond de nappes synthétiques inquiétantes et de quelques sonorités dissonantes discrètes. L’utilisation de l’électronique apporte ici une touche atmosphérique impressionnante à la musique dans le film. Le thème principal - associé à Dren - s’apparente ici à une sorte de valse envoûtante et mystérieuse qui grandit progressivement tout au long du « Main Title » avant de finir de façon brutale et agressive : en l’espace de 3 minutes, Cyrille Aufort réussit à personnifier de façon astucieuse les différents enjeux dramatiques du film de Vincenzo Natali avec une ouverture très appropriée et aussi très réussie. Dès lors, le ton est donné. Dans « Fred Meets Ginger », on retrouve cette atmosphère à la fois inquiétante et sensuelle avec des cordes et des nappes synthétiques atmosphériques évoquant la création d’hybrides que l’on aperçoit au début du film. Les enjeux dramatiques sont reflétés de façon plus intense dans l’inquiétant « Birth Scene », où la fusion orchestre/électronique opère encore une fois avec brio. Aufort fait appel ici à quelques effets orchestraux évoquant la séquence de la naissance chaotique de Dren, la musique nageant clairement en pleine atonalité - clusters de cuivres, effets aléatoires des cordes - pour retranscrire efficacement toute l’intensité de la scène. A noter qu’Aufort utilise pour l’occasion quelques banques de son dont un glissando progressif de cordes très (trop) utilisé dans la musique de film.

Le compositeur dévoile le thème pour le personnage de Sarah Polley dans « Elsa’s Theme », thème de cordes mélancolique et envoûtant personnifié ici par un dialogue entre les différents pupitres des cordes, le tout sur fond de nappe synthétique - une constante dans la partition de « Splice ». L’écriture de cordes fait autant penser ici au style de l’Adagio du « Gayaneh » de Khatchatourian qu’au « Basic Instinct » de Jerry Goldsmith. Quand à l’idée de la fusion orchestre/synthétiseur, elle revient dans « Examining the Baby » avec ses différentes sonorités électroniques étranges et quasi expérimentales, évoquant la création de Dren. Comme l’explique Vincenzo Natali lui-même dans une note du livret de l’album, la musique est ici le ciment des deux concepts du film : le drame et l’horreur. Avec une cohésion étonnante et un professionnalisme évident, Cyrille Aufort mélange ces différents éléments dans sa musique avec une intensité constante, qui n’a rien à envier à ses camarades hollywoodiens - preuve en est qu’il existe de vrais talents en France, injustement sous-employé par le cinéma français lui-même ! Dans « Dren is Sick », on retrouve les éléments synthétiques étranges associés à Dren, et cette sensation toujours inquiétante de naviguer entre l’angoisse (l’atonalité) et la mélancolie (les notes longues, les motifs mélodiques intimes, etc.). L’atonalité est les dissonances sont à l’ordre du jour dans le chaotique « Fred & Ginger Destroy Each Other », pour l’une des premières séquences gore du film, lorsque les deux hybrides se détruisent mutuellement. Aufort n’oublie pas pour autant la partie mélodique de son travail en reprenant de façon plus pressante le thème d’Elsa dans « Taking Dren To The Van ». « Arrival At The Farm » nous propose quand à lui un intéressant travail de sonorités dissonantes et étranges, toujours à la limite de l’expérimental, un travail qui se prolonge dans « Alone in the Barn » pour évoquer les sentiments troublés de Dren, et son envie de sortir de la ferme dans laquelle Clive et Elsa l’ont enfermé. On retrouve ici le thème de Dren au piano, une valse mélancolique évoquant à la fois l’innocence et la sensualité perverse de la créature, avec ses éléments électroniques atmosphériques et inquiétants.

Les amateurs de sursauts orchestraux et d’atmosphères atonales étranges en auront ici pour leur argent avec des morceaux comme « Dren Grows Wings » ou « The Cat ». Le premier met en avant des effets orchestraux dissonants et avant-gardistes pour l’étonnante scène où Dren fait surgir des ailes dans son dos et tente de s’envoler, tandis que « The Cat » mélange de façon troublante le drame et l’horreur avec une première partie de toute beauté navigant entre piano, cordes, flûte alto et célesta cristallin (dont les harmonies élaborées et élégantes rappelleraient presque certaines partitions dramatiques et intimistes de John Williams). « Dren’s Trail » fait rebasculer la musique dans l’horreur pure avec une utilisation plus remarquable des dissonances et d’une atonalité chaotique et avant-gardiste. Dès lors, la musique devient, à l’image du film, perturbante et inquiétante, comme le rappelle « Observing Dren » ou l’envoûtant « Love Scene » pour la très dérangeante scène d’amour vers la fin du film, reprenant la valse pour piano de Dren. La musique atteint son climax horrifique pour la séquence de l’attaque du Dren mâle dans l’excellent « Male Dren » à la fin du film, qui lorgne cette fois-ci du côté de Christopher Young ou de Penderecki. Cyrille Aufort signe donc une très belle partition pour « Splice », un score oscillant de façon permanente entre horreur et drame avec une intensité constamment renouvelée, le tout sur un mélange hybride orchestre/synthétiseur pour évoquer la créature hybride du film. Le résultat, sans être exceptionnel ni follement original, reste suffisamment spectaculaire pour nous maintenir en haleine jusqu’au bout. La musique d’Aufort n’a donc rien à rougir de certains travaux hollywoodiens du même genre, et révèle un talent certain sur lequel il faudra certainement compter pour les années à venir. Une belle découverte en somme, à écouter en même temps que l’excellent film de Vincenzo Natali !



---Quentin Billard