Remake hollywoodien du thriller français « Anthony Zimmer », « The Tourist » permet au réalisateur allemand Florian Henckel von Donnersmarck de réunir le duo Johnny Depp/Angelina Jolie dans une intrigue hitchcockienne à base de faux-semblants et de manipulation. Le cinéaste, remarqué en 2005 pour « La vie des autres », passe cette fois-ci outre-Atlantique pour un polar captivant se déroulant entre Paris et Venise. Frank Tupelo (Johnny Depp), modeste professeur de mathématiques américain, tente d’oublier une rupture sentimentale douloureuse lorsqu’il fait la connaissance de la mystérieuse Elise Ward (Angelina Jolie) dans le train l’emmenant de Paris à Venise. Frank tombe alors sous le charme de la superbe femme, et la retrouve peu de temps après à Venise, où il s’installe avec elle dans une luxueuse chambre d’hôtel. Mais ce que le touriste américain ignore encore, c’est que la mystérieuse Elise est en réalité un agent d’Interpol et va utiliser Frank pour mener à bien sa mission, en faisant croire qu’il s’agit de son amant recherché par toutes les polices du monde. Frank se retrouve alors bien malgré lui embarqué dans une histoire de courses poursuite et de manipulation. Scénario classique donc pour un thriller conventionnel qui doit autant au suspense des polars d’Hitchcock qu’au film d’origine avec Yvan Attal et Sophie Marceau. La réalisation de Florian Henckel von Donnersmarck reste particulièrement impersonnelle et l’intrigue, bien que maîtrisée de bout en bout, lasse un peu à force d’accumuler les poncifs du genre et les scènes déjà-vues. Reste un casting alléchant avec un très beau couple formé à l’écran par Johnny Depp et la sensuelle Angelina Jolie, entourés de quelques pointures comme Paul Bettany, Timothy Dalton ou bien encore Rufus Sewell. A signaler aussi des décors magnifiques, avec en particulier de très belles séquences à Venise, filmées avec brio par le cinéaste allemand. « The Tourist » reste au final un thriller divertissant, bien qu’on était en droit d’en attendre un peu mieux avec une affiche aussi prometteuse !

Prévue à l’origine pour Gabriel Yared, la musique de « The Tourist » a finalement été confiée à James Newton Howard, qui a donc dû écrire la musique du film dans la précipitation. Le score de JNH utilise l’orchestre symphonique habituel (le Hollywood Studio Symphony) agrémenté d’une pléiade de synthétiseurs et rythmiques électroniques qui semblent surgir tout droit de l’écurie Media-Ventures/Remote Control de Hans Zimmer (avec lequel JNH collabore d’ailleurs depuis quelques années déjà, notamment par le biais d’un de ses assistants, Stuart Michael Thomas). Le score de « The Tourist » rappelle par moment le style des musiques d’action de John Powell ou le style du récent « Salt » de James Newton Howard. Le compositeur reste donc en terrain connu ici et apporte à cette histoire d’espionnage et de manipulation un certain panache, à commencer par un mélange adroit de rythmiques électroniques diverses et d’orchestre dans « Tracking Elise » sans oublier « Burned Letter » et la scène où Elise (Angelina Jolie) est suivie par les agents d’Interpol. Les orchestrations font la part belle aux cordes, aux cuivres et aux sonorités synthétiques diverses, affirmant la modernité de style voulue par JNH dans sa partition. Dans « Paranoid Math Teacher », le compositeur introduit le Love Theme pour Frank et Elise, un thème lyrique porté par des cordes élégantes et savoureuses, des bois et un accordéon affirmant le caractère plus ‘européen’ de ces passages, lors des scènes à Venise. On appréciera ici la façon dont le compositeur alterne ainsi habilement entre suspense, action et passages plus lyriques et romantiques. La seconde partie de « Paranoid Math Teacher » développe d’ailleurs le motif d’espionnage entendu au début du score, partagé entre les cordes et les rythmiques synthétiques diverses, afin d’accentuer la sensation de manipulation et de paranoïa autour du personnage de Frank. Cette atmosphère d’espionnage se prolonge dans « Arrival At Venice » et ses cordes furtives sur fond de percussions synthétiques. Rien de bien neuf donc, la musique apportant son lot de mystère et de tension à l’écran sans oublier la partie plus intimiste et émotionnelle de l’histoire.

Ainsi, « Elise Offers a Ride » nous promet une belle envolée orchestrale plus lyrique et entraînante avec un orchestre élégant reprenant le Love Theme sous la forme d’une valse majestueuse et aérienne, lorsqu’Elise emmène Frank dans son hôtel vénitien. L’accordéon reste présent pour apporter une touche ‘européenne’ un brin stéréotypée mais assez agréable au sein de la musique. Les orchestrations deviennent ici nettement plus fouillées que lors des passages d’action/espionnage, « Elise Offers a Ride » alternant agréablement cordes, bois, cuivres et piano avec un certain intérêt. Même chose pour le romantique « A Very Nice Kiss » lors de la scène du baiser entre Elise et Frank. Les bois et les cordes apportent ici une chaleur certaine à la scène, avec un style hérité des partitions plus romantiques du compositeur (on pense ainsi à « One Fine Day » ou même « My Best Friend’s Wedding »). Ce lyrisme passionné culmine dans le magnifique « Bedroom Dreams » et ses harmonies plus raffinées et rêveuses, évoquant les sentiments naissants de Frank pour la mystérieuse Elise, ainsi que dans le très beau « Because I Kissed You ». On appréciera aussi la valse élégante et plus classique d’esprit de « Arriving at the Ball » lors de la scène du bal vénitien vers la fin du film, un sommet de lyrisme et de romantisme raffiné pour James Newton Howard. L’action reprend finalement le dessus dans l’intense poursuite sur les toits (« Rooftop Run »), et ses rythmiques techno à la John Powell. A noter que l’on retrouve ici le motif d’espionnage de « Burned Letter », toujours partagé entre l’orchestre et les synthétiseurs. L’action s’intensifie lors de la poursuite dans les canaux vénitiens (« Chase Through the Canals »), sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux d’action du score de « The Tourist », assez proche lui aussi du style des passages d’action de « Salt ». Même chose pour « Sudden Departure » et le très long « The Infinite Price ». Partition alternant efficacement entre romantisme raffiné et action, « The Tourist » est un score agréable qui, bien que ne brillant guère d’une originalité particulière, apporte une certaine couleur et une chaleur particulière aux images du film de Florian Henckel von Donnersmarck. Cette chaleur passe en partie par les touches ‘européennes’ du score et à l’habileté confondante avec laquelle JNH alterne adroitement lyrisme et action pour les besoins du film. « The Tourist » constitue donc un joli effort de la part du compositeur, même si cette partition restera certainement anecdotique dans la filmographie déjà très riche du musicien.



---Quentin Billard