1-Jacob's Ladder 4.17
2-High Fever 7.42
3-Descent To Inferno 8.19
4-Sarah 7.17
5-The Ladder 7.14
6-Sonny Boy 3.06*

*Interprété par Al Jolson
Ecrit par B.G. De Silva,
L. Brown, Ray Henderson
et Al Jolson.

Musique  composée par:

Maurice Jarre

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-5291

Produit par:
Maurice Jarre
Producteur exécutif de l'album:
Robert Townson
Supervision de production:
Tom Null

Artwork and pictures (c) 1990 Carolco Pictures. All rights reserved.

Note: ***
JACOB'S LADDER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Maurice Jarre
Grand classique du cinéma américain du début des années 90, « Jacob’s Ladder » (L’échelle de Jacob) met en scène Tim Robbins dans l’un de ses meilleurs rôles. Réalisé par Adrian Lyne (auteur bien connu du sulfureux « 9 1/2 Weeks »), « Jacob’s Ladder » reste un film culte de cette époque, narrant l’histoire troublante et angoissante de Jacob Singer (Robbins), modeste employé des postes new-yorkaises assailli par de terrifiants cauchemars en pleine journée. Jacob est harcelé par d’incessants flash-backs dans lesquels il revoit la mort de son jeune fils, son premier mariage et son service au Viêt-Nam. S’enfonçant de plus en plus dans la folie et la paranoïa, Jacob décide de comprendre ce qui est en train de lui arriver, avec l’aide de sa petite amie, Jezebel (Elizabeth Pena). « Jacob’s Ladder » possède le paradoxe étrange d’être à la fois considéré comme le meilleur film d’Adrian Lyne tout en ayant été l’un des plus grands échecs commerciaux du réalisateur britannique. Pourtant, le long-métrage est important sur plus d’un point, car il lança la mode, en même temps que le « Angel Heart » d’Alan Parker (1987), du film à twist final, une mode qui trouvera écho tout au long des années 90 avec des classiques du genre tels que « Sixth Sense » de Shyamalan (dont la révélation finale doit beaucoup à celle du film d’Adrian Lyne), ou « Usual Suspects » de Bryan Singer. Autre fait moins connu, « Jacob’s Ladder » a aussi beaucoup inspiré la saga « Silent Hill », une importante série de jeux vidéos pour lesquels les concepteurs japonais ont été très influencés par le look et l’esthétique générale du film de Lyne (la station de métro de Bergen Street, les apparitions fantomatiques des visages déformés aux mouvements accélérés, etc.). « Jacob’s Ladder » doit tout autant à l’interprétation remarquable de Tim Robbins qu’à l’esthétique troublante et métaphorique du film - qui, pour l’anecdote, est parfois considéré comme un remake du court-métrage français « La rivière du hibou » de Robert Enrico sorti en 1962, qui raconte une histoire totalement similaire à celle du film d’Adrian Lyne. Le film possède deux niveaux de lecture bien distincts, le réalisateur nous offrant quelques pistes intéressantes, notamment à travers l’utilisation de symboles et de références religieuses (les prénoms bibliques Jacob et Jezebel, l’ascension finale de l’escalier, la référence à la fameuse « échelle de Jacob » extraite de la Genèse, etc.), et ce jusqu’à la bouleversante révélation finale. Film fort et mémorable, récompensé en 1991 par le prix du public et le prix de la critique du festival d’Avoriaz, « Jacob’s Ladder » reste à n’en point douter un premier film majeur du cinéma américain du début des ‘nineties’, culte et référentiel, tout simplement !

La partition électronique et atmosphérique de Maurice Jarre a grandement contribué à l’ambiance étrange et angoissante de « Jacob’s Ladder », une musique planante, inquiétante et troublante, à l’instar du parcours mouvementé de Jacob Singer tout au long du récit. L’ensemble de la partition de Maurice Jarre s’articule autour d’un groupe d’instruments restreints incluant un piano, mais aussi des synthétiseurs atmosphériques à base de voix synthétiques, nappes obscures et sonorités asiatiques lointaines (pour les flashbacks du Viêt-Nam). Le thème principal est exposé dans « Jacob’s Ladder », thème de piano mélancolique et solitaire évoquant les tourments et les sentiments de Jacob Singer tout au long du film. Ce thème intime et poétique typique de Maurice Jarre évolue lentement tout au long du film, malmené par les synthétiseurs atmosphériques du compositeur français. La seconde partie de « Jacob’s Ladder » permet au compositeur d’aborder un style plus atonal et expérimental à base de nappes sonores, voix synthétiques mystérieuses, sonorités asiatiques et effets instrumentaux avant-gardistes (les gargouillis aléatoires de pizzicati des cordes). Le caractère expérimental et angoissant de la musique de Jarre retranscrit ainsi parfaitement à l’écran l’atmosphère troublante et inquiétante dans laquelle Jacob évolue tout au long du film, avec des sonorités qui semblent parfois surgir de l’au-delà. Quand aux sonorités asiatiques/exotiques, elles restent très présentes, notamment dans l’utilisation de la shakuhachi japonaise de Kazu Matsui et de vocalises dans « High Fever », associées aux souvenirs lointains du Viêt-Nam. Pour ces morceaux, Jarre laisse libre cours à l’improvisation de ses interprètes, la musique étant d’ailleurs séquencée sous forme de longues suites de plus de 7 ou 8 minutes sur l’album, afin de laisser la musique se développer plus librement dans la longueur pour une écoute plus immersive. La musique contribue donc grandement à l’atmosphère glauque et troublante du long-métrage d’Adrian Lyne, le score atteignant un paroxysme d’angoisse dans « Descent Into Inferno », 8 minutes d’atmosphère musicale glauque et mystérieuse illustrant parfaitement la descente aux enfers pour Jacob Singer et ses cauchemars incessants. A noter un final assez terrifiant, dominé par la chorale féminine exotique du Kitka Eastern European Women’s Choir.

Fait assez étonnant, Jarre a réussi à éviter toute forme de sonorités kitsch dans ses sonorités électroniques en mettant davantage l’accent sur des nappes sonores agrémentées de solistes, qu’il s’agisse d’instruments samplés ou acoustiques, entouré de quelques grands noms de l’époque tels que Michael Fisher, Nyle Steiner, Michael Boddicker, Judd Miller, Mike Lang et Ralph Grierson. Ces sonorités éclectiques culminent dans l’atmosphérique et sombre « Sarah » avec les vocalises et les sonorités exotiques sur fond de nappes sonores profondes maintenant une tension angoissante. L’ensemble de la partition de « Jacob’s Ladder » fonctionne d’ailleurs sur cette idée de tenue qui traverse un morceau à un autre, tandis que les rares occurrences mélodiques sont assimilées au thème principal brillamment interprété au piano par Gloria Cheng, un thème mélancolique et fragile qui tente de revenir dans « Sarah », opposant ainsi la noirceur expérimentale de la musique à la douceur intimiste et délicate du piano, rappelant les souvenirs lointains de Jacob Singer. Le piano reste ici le lien entre le personnage de Tim Robbins et son passé, qui le harcèle tout en lui indiquant le chemin à suivre tout au long de ses péripéties troublantes et angoissantes. Enfin, « The Ladder » reprend tous les différents éléments de la partition de Maurice Jarre et culmine lors du dernier quart d’heure du film, jusqu’à l’étonnante révélation finale pour laquelle le compositeur s’autorise exceptionnellement une utilisation brève mais appréciable d’un vrai orchestre, reprenant une dernière fois son magnifique thème principal dans un adagio tragique et poignant. Maurice Jarre signe donc une partition immersive et éprouvante pour « Jacob’s Ladder », une musique lente, sombre et atmosphérique à la fois expérimentale, angoissante et mélancolique, à l’instar du film d’Adrian Lyne. Maurice Jarre domine encore une fois l’approche synthétique qu’il utilisa plus particulièrement avec inventivité à la fin des années 80 et au début des années 90, créant des textures sonores souvent étonnantes et avant-gardistes pour l’époque. Sans être pour autant un chef-d’oeuvre impérissable du compositeur, « Jacob’s Ladder » n’en demeure pas moins une partition de qualité dans la filmographie extrêmement riche du maestro français, à découvrir !



---Quentin Billard