1-Creation of Tron 0.46
2-Only Solutions 3.37*
3-We've Got Company 2.15
4-Wormhole 2.26
5-Ring Game and Escape 2.54
6-Water, Music, and Tronaction 2.22
7-Tron Scherzo 1.44
8-Miracle and Magician 2.37
9-Magic Landings 3.40
10-Theme from Tron 1.31
11-1990's Theme 2.04**
12-Love Theme 2.04
13-Tower Music/Let Us Pray 3.47
14-The Light Sailer 2.36
15-Sea of Simulation 3.23
16-A New Tron and the MCP 5.10
17-Anthem 1.37
18-Ending Titles 5.10
19-Tronaction (Original Version) 1.26

Bonus Track

20-Break In (For Strings,
Flutes and Celesta) 5.31
21-Anthem for Keyboard Solo 1.09

*Interprété par Journey
**Interprété par Journey

Musique  composée par:

Wendy Carlos

Editeur:

Walt Disney Records 60748-7

Produit par:
Wendy Carlos

Artwork and pictures (c) 1982 Walt Disney Productions. All rights reserved.

Note: *****
TRON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Wendy Carlos
Véritable film culte emblématique du début des années 80, « Tron » est un film majeur dans le cinéma hollywoodien de cette époque car il a permis de concrétiser l’avancée de la technologie des effets spéciaux au cinéma. Effectivement, le film de Steven Lisberger - passionné d’univers informatique - est quasiment entièrement tourné à partir d’images de synthèse conçues par ordinateur, chose banale aujourd’hui mais assez révolutionnaire pour l’époque. Pour relever ce challenge technique quasiment sans précédent au cinéma, Steven Lisberger a dû réunir une équipe d’effets spéciaux incluant de grands artistes issus d’horizons divers tels que Syd Mead, Moebius (alias Jean Giraud) et l’illustrateur Peter Lloyd, le tout sous la supervision de Harrison Ellenshaw et Richard Taylor, avec la complicité de quatre sociétés d’informatique pour la conception des images de synthèse du film, « Tron » ayant aussi été produit par le studio Walt Disney Pictures. Le film raconte l’histoire de Kevin Flynn (Jeff Bridges), programmeur de génie dont les programmes ont été volés par un de ses collègues, Ed Dillinger (David Warner). Ce denier récolte tous les bénéfices du travail de Flynn et réussit à le faire licencier. Cherchant à se venger par tous les moyens, Kevin utilise son programme CLU pour pénétrer le système informatique de Dillinger à la recherche de preuves compromettantes. Hélas, le système est protégé par le Maître Contrôle Principal (MCP), un ancien programme d’échec qui a évolué en une entité informatique dotée d’une conscience artificielle ultra moderne. MCP réussit finalement à neutraliser CLU. Pour remédier au problème, Kevin décide alors de s’introduire dans l’entreprise pour avoir accès de l’intérieur à l’ordinateur mère. Le MCP contrôle alors un laser qui réussit à transformer Kevin en programme informatique projeté à l’intérieur de l’ordinateur. Dès lors, Kevin va devoir lutter contre les programmes à la solde du MCP afin de sauver le système des mains du Maître Contrôle Principal.

Si le film de Steve Lisberger est une véritable révolution technologique pour l’époque, il doit aussi beaucoup à l’excellente partition de Wendy Carlos, qui a su mélanger adroitement expérimentations électroniques et orchestre symphonique pour une oeuvre musicale hybride représentant à la fois l’humain et la machine. Wendy Carlos, connut pour ses expérimentations musicales insolites sur l’album « Switched-On Bach » et ses musiques pour Stanley Kubrick (« A Clockwork Orange » et « The Shining »), utilisa ainsi toutes les ressources du prestigieux London Philharmonic Orchestra agrémenté d’un orgue et d’un mélange de synthétiseur Moog, d’un Moog Modular pour les lignes de basse et les sons plus graves, et d’un synthétiseur digital Crumar G.D.S (très moderne pour l’époque !). Au sujet du GDS ou « General Development System », il faut savoir que ce synthétiseur très complexe a été crée aux Etats-Unis à la fin des années 70, avec seulement 5 ou 6 exemplaires qui furent réalisés et utilisés dans le monde. Après « Tron », Wendy Carlos s’en servira aussi pour son album « Peter and the Wolf ». Fait rarissime en 1982 : Wendy Carlos décida de mettre de côté les traditionnels synthétiseurs analogiques de l’époque pour utiliser exclusivement des claviers digitaux (les séquenceurs MIDI n’existaient pas encore en 1982 !). Conséquence : la synchronisation à l’image devenait plus complexe, car l’enregistrement des différentes « couches » sonores se faisait alors de façon manuelle. Dès le début du film, Wendy Carlos met en avant ce mélange électronique/orchestre assez inédit pour l’époque, et ce dès l’ouverture du film dans « Creation of TRON » avec ses synthétiseurs ‘eighties’ assez particuliers, son orchestre imposant et ses quelques choeurs. Dans « We’ve Got Company », Carlos développe l’action avec une utilisation toujours assez personnelle des synthétiseurs. Les orchestrations sont quand à elles très riches et détaillées, portées par un classicisme d’écriture évident rappelant quelques grands maîtres de la musique contemporaine du 20ème siècle. Ce classicisme musical se retrouve dans le très symphonique « Wormhole » évoquant le danger à l’intérieur de l’univers informatique du MCP. Ici aussi, l’écriture orchestrale de Wendy Carlos est extrêmement riche et élaborée, tandis que les synthétiseurs se glissent malicieusement entre les instruments pour renforcer la tension du morceau. Encore une fois, cela peut paraître banal de nos jours, mais pour l’époque, Wendy Carlos fut l’une des premières musiciennes à mélanger ainsi orchestre et synthétiseur (et ce même si Jerry Goldsmith le faisait aussi depuis la fin des années 60 !).

L’ambiance reste sombre dans « Ring Game and Escape », pour la scène du jeu de disque. Carlos évoque ici aussi l’idée du danger avec une instrumentation étoffée, des percussions martiales, des cordes dissonantes et un mélange bois/cuivres et synthétiseur très inventif. A noter l’utilisation d’un motif ascendant de trois notes entendu dès l’ouverture du film (« Creation of TRON ») qui revient dans « Ring Game and Escape » et personnifie lui aussi le danger à l’écran. Le morceau est aussi une véritable réussite niveau orchestration acoustique/électronique, les synthétiseurs faisant partie intégrante de l’orchestre, doublant parfois un instrument ou devenant soliste. A vrai dire, le contrepoint qui s’opère tout au long du morceau entre symphonique et électronique est, une fois encore, assez bluffant et inédit pour l’époque. La musique reflète parfaitement le concept même du film : un mélange entre réalité et fiction informatisée. Dans « Water, Music and TRONAction », la musique met en avant des sonorités électroniques cristallines limite new-age, tandis que l’orchestre et les choeurs deviennent plus présents. Le score évoque clairement les mystères de l’univers informatique du film tout en développant le thème principal de trois notes aux cordes - à noter, comme toujours, un contrepoint impressionnant entre l’orchestre et les claviers, le tout sur fond d’écriture éminemment classique d’esprit. Le motif principal, véritablement passe-partout, permet à la compositrice de le remodeler à loisir suivant les différentes situations du film. « Water, Music and TRONAction » est d’ailleurs un exemple même de développement thématique plutôt satisfaisant. « TRON Scherzo » se rapproche quand à lui, de par ses sonorités électroniques kitsch (mais diablement modernes pour l’époque !), du style de certaines musiques de jeu vidéo des années 80. Plus impressionnant encore, « Miracle and Magician » met en avant des orchestrations et des harmonies quasi impressionnistes avec, comme toujours, le retour du thème protéiforme de trois notes, développé ici aussi d’un instrument à un autre, sous des formes parfois plus mélodique et parfois plus rythmique. Le motif évoque autant les dangers qui guettent Kevin et Tron dans le monde informatique du film que de leur volonté de mettre fin aux agissements du MCP. Wendy Carlos n’hésite d’ailleurs pas à jouer aussi sur des changements rythmiques pour soit raccourcir le thème soit le rallonger, comme c’est le cas, aux cordes, à la fin de « Miracle and Magician » (le tout sur fond d’harmonies impressionnistes). Le thème finit même par devenir obsédant lorsqu’il est répété inlassablement dans « Magic Landings » et son atmosphère mystérieuse et étrange sur fond de rythmes syncopés des synthétiseurs.

« Theme From TRON » nous permet d’ailleurs de retrouver l’excellent thème principal de Tron, développé ici dans son intégralité, et pas seulement limité à sa cellule initiale de trois notes. Wendy Carlos apporte à « Theme From TRON » une dimension réellement classique, et ce malgré la présence des synthétiseurs. La compositrice apporte à son thème un mélange subtil de majestuosité et de grandeur quasi féerique assez saisissant dans le film. Autre thème majeur du score de « Tron », le « Love Theme », grandiose et impressionnant, qui s’avère être en réalité un énième développement du superbe thème principal, sous une forme plus romantique et spectaculaire, avec orchestre, synthétiseurs et choeurs. Ici aussi, il règne un sentiment d’émerveillement alors que la musique grandit jusqu’à son climax choral final plutôt spectaculaire. Dans « Tower Music/Let Us Pray », Carlos évoque la séquence de la tour avec des sonorités synthétiques mystérieuses et complexes, avec des choeurs grandioses, tandis que « The Light Sailer » développe une nouvelle fois le thème rythmique de « TRON Scherzo » dans une version plus orchestrale et enlevée - on notera ici une caractéristique de la partition de « Tron », l’incroyable complexité rythmique de la musique, ayant d’ailleurs donné pas mal de fil à retordre aux musiciens du London Philharmonic Orchestra. Autre fait intéressant : le mélange entre orgue et synthétiseurs, qui apporte une couleur souvent très particulier et assez insolite aux images, preuve de l’immense savoir-faire de la compositrice. L’action se prolonge dans « Sea of Simulation » et « A New TRON and the MCP » avec ses effets avant-gardistes de cordes pour la défaite finale du MCP. Enfin, Wendy Carlos nous offre un magnifique « Anthem » qui reprend le thème principal de façon grandiose et émerveillée, avec orchestre, orgue, choeur et synthétiseurs pour le final du film et la victoire des héros, sans oublier le superbe « Ending Titles ». En guise de bonus, l’album nous propose aussi quelques morceaux supplémentaires dont l’excellent « Break In (for Strings, Flutes and Celesta) » ou la reprise du « Anthem » au clavier dans « Anthem for Keyboard Solo ».

Wendy Carlos signe donc avec « Tron » son plus grand chef-d’oeuvre dans le domaine de la musique de film, une partition complexe, riche et extrêmement sophistiquée, à l’image du visuel révolutionnaire du film de Steven Lisberger. Mélangeant influences classiques/contemporaines avec musique électronique ultra moderne pour l’époque, Wendy Carlos nous offre une partition étonnamment hybride, dans laquelle orchestre et synthétiseurs ne font qu’un. Tout ici semble avoir été pensé de façon intelligente, qu’il s’agisse des développements thématiques entêtants, des harmonies impressionnistes ou avant-gardistes de certaines mesures, de l’utilisation du synthétiseur comme soliste au sein de l’orchestre (avec l’orgue et le choeur), ou de l’enregistrement fort complexe des différents synthétiseurs digitaux, le tout ayant demandé un travail colossal en amont de la part de la compositrice - et donc une solide connaissance de la musique électronique et des différentes techniques d’enregistrement de l’époque. Partition extrêmement riche et passionnante à écouter de bout en bout, « Tron » s’impose dès le début des années 80 comme l’une des plus importantes partitions de la musique hollywoodienne, aux côtés du « E.T. » de John Williams, du « Conan » de Basil Poledouris ou du « Poltergeist » de Jerry Goldsmith, une époque où la créativité était plus que jamais au rendez-vous, et où tout semblait permis pour les musiciens travaillant pour le cinéma américain. La musique de « Tron » apporte une force et une atmosphère très particulière et quasi unique au film de Steven Lisberger, une partition incontournable, mémorable, riche et intelligente, comme on en fait rarement. A découvrir absolument !



---Quentin Billard