1-Overture 2.28
2-The Grid 1.36
3-The Son of Flynn 1.35
4-Recognizer 2.37
5-Armory 2.03
6-Arena 1.33
7-Rinzler 2.17
8-The Game Has Changed 3.25
9-Outlands 2.42
10-Adagio For Tron 4.11
11-Nocturne 1.41
12-End Of Line 2.36
13-Derezzed 1.44
14-Fall 1.22
15-Solar Sailer 2.42
16-Rectifier 2.14
17-Disc Wars 4.11
18-C.L.U. 4.39
19-Arrival 2.00
20-Flynn Lives 3.22
21-Tron Legacy (End Titles) 3.17
22-Finale 4.23

Musique  composée par:

Daft Punk

Editeur:

Walt Disney Records D000567202

Album produit par:
Daft Punk

Artwork and pictures (c) 2010 Walt Disney Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
TRON LEGACY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Daft Punk
« Tron Legacy » (Tron l’Héritage) nous permet de retrouver l’univers informatique du premier opus de Steve Lisberger sorti en 1982, modernisé et remis au goût du jour sous la caméra du jeune premier Joseph Kosinski. Toujours produit par Walt Disney, l’histoire de ce « Tron » version 2011 se déroule ainsi 20 ans après la mystérieuse disparition de Kevin Flynn (Jeff Bridges), programmeur de génie qui avait réussi à défaire le MCP à l’époque. Son ancien ami Alan Bradley (Bruce Boxleitner) reçoit un jour un message étrange en provenance de la salle de jeux désaffectée de Kevin. Son jeune fils Sam (Garrett Hedlund), qui est à la tête de la société de son père ENCOM, qu’il délaisse totalement, reçoit un jour la visite d’Alan Bradley qui l’informe du message qu’il a reçu il y a quelques temps. Sam se rend alors dans la salle des jeux vidéo de son père et découvre un laboratoire secret contenant un ordinateur. Sam se retrouve alors aspiré dans le même monde virtuel dans lequel se retrouva son père en 1982. Le jeune Sam doit désormais affronter les dangers d’un univers informatique où règnent les programmes redoutables et les jeux mortels, et dans lequel CLU, l’ancien programme de Kevin, s’est rebellé et cherche à retrouver son créateur pour l’affronter et prendre le contrôle du système. Epaulé par la belle Quorra (Olivia Wilde), la confidente de Kevin Flynn, Sam va devoir braver mille dangers afin de retrouver son père et de l’échapper à quitter ensemble ce cyber univers devenu plus avancé technologiquement et aussi plus dangereux. « Tron Legacy » reprend donc les grandes lignes du premier opus et nous propose une nouvelle aventure filmée cette fois-ci en 3D, confiée à un jeune réalisateur passionné, Joseph Kosinski. Hélas, le cyber espace décrit dans « Tron Legacy » a beau être plus avancé et plus moderne, il reste bien moins impressionnant pour notre époque que celui du premier film en 1982. Certes, les effets spéciaux ont évolué grandement entre les deux films, mais ceux de « Tron Legacy » paraissent déjà bien plus ordinaires et conventionnels pour un film de 2010, d’autant que la 3D n’est encore une fois pas à la hauteur de nos attentes, et que les personnages du film s’avèrent être quelque peu unidimensionnels et sans grande saveur. Quand au scénario, il nous promet quelques bonnes péripéties mais ne brille pas d’une originalité particulière, se contentant bien souvent de reprendre des éléments du premier film pour les réadapter dans cette suite plus moderne. Le design de CLU, qui consiste en une numérisation intégrale de l’acteur Jeff Bridges avec 20 ans de moins, c’est-à-dire tel qu’il apparaissait dans le film d’origine de 1982 (technique moderne déjà utilisée dans « Terminator Renaissance » de McG), laisse lui aussi à désirer, tant le rendu paraît à la fois artificiel, lisse et peu crédible. Malgré un visuel bleuté spectaculaire, quelques scènes d’action impressionnantes (le fameux jeu de combat avec le lancer de disque), « Tron Legacy » ennuie plus qu’autre chose, le film n’étant finalement qu’un simple blockbuster hollywoodien impersonnel et sans réelle prise de risque, là où le concept révolutionnaire du premier film aurait dû inciter les créateurs de « Legacy » à envisager une orientation plus ambitieuse et surtout plus expérimentale de leur concept, plutôt que de livrer un énième ersatz de jeu vidéo interminable et immature - le film dure près de 2h06 - avec un scénario pauvre et décevant. Blockbuster stylisé et visuellement splendide, peut-être, mais est-ce suffisant pour en faire un bon film ?

A la surprise générale, c’est le groupe électro français Daft Punk qui a été choisi par le jeune réalisateur Joseph Kosinski pour signer la musique de « Tron Legacy ». Les musiciens du groupe - Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo - ont toujours manifesté une certaine passion pour l’univers de « Tron », plus particulièrement dans le look de leurs costumes high-tech qu’ils arboraient bien souvent lors de leurs différentes tournées tout au long des années 90 (les deux musiciens font même une brève apparition dans le film). Certaines musiques de Daft Punk (l’album « Discovery ») avaient déjà été utilisées en 2001 pour le film d’animation japonais « Interstella 5555 » de Kazuhisa Takenouchi - pour lequel les deux membres de Daft Punk signèrent aussi le scénario - tandis que Thomas Bangalter avait déjà travaillé pour Gaspar Noé sur la musique des films « Irréversible » en 2002 et « Enter the Void » en 2009. Le résultat est-il à la hauteur de nos attentes ? Encore une fois, nous serions malheureusement tentés de répondre par la négative, tant l’ensemble paraît fort prévisible, très hollywoodien et quelque peu impersonnel de la part de Daft Punk, mais il serait pourtant fort injuste de bouder cette partition qui, en plus d’apporter une ambiance musicale assez forte et impressionnante aux images du film de Joseph Kosinski, possède aussi beaucoup d’atouts qui en font une partition tout à fait honorable pour un film de ce genre. Les deux musiciens de Daft Punk ont ainsi mélangé orchestre symphonique traditionnel et synthétiseurs atmosphériques et modernes pour obtenir, comme dans le premier score de Wendy Carlos sorti en 1982, une fusion orchestre/électronique assez détonante, avec en guest-star la présence surprise de Bruce Broughton en tant que conseiller aux orchestrations. Il aura fallut en tout quasiment deux ans à Daft Punk pour concevoir cette partition au moment même où le projet était déjà lancé et en cours de gestation dans les studios de Walt Disney. Pour concevoir le style musical de « Tron Legacy », les deux compères de Daft Punk ont donc concrétisé un style synthético-orchestral hérité de l’écurie Media-Ventures/Remote Control de Hans Zimmer, auquel ils rendent ici hommage, Zimmer étant d’ailleurs remercié dans les crédits de l’album, aux côtés de John Powell et Harry Gregson-Williams.

Le score de « Tron Legacy » s’articule autour d’un thème principal très réussi, ample, grandiose et dramatique avec sa courbe mélodique simple et descendante, une mélodie accrocheuse qu’on aura vite fait de retenir instantanément. Annoncé dès « Overture » au début du film, ce thème est confié à des cors sur fond d’harmonies de cordes et impose d’emblée le ton ample et grandiose de cette nouvelle aventure dans l’univers informatisé et démesuré de Tron. « The Grid » introduit quand à lui aux synthétiseurs chers à Daft Punk en reprenant le thème principal sur fond de rythmiques électro typiques de Daft Punk. A noter l’accompagnement en ostinato de cordes, un tic d’écriture hérité des partitions de Remote Control, et plus particulièrement du « Dark Knight » de Hans Zimmer ou de « Transformers » de Steve Jablonsky. Dans « The Son of Flynn », les synthétiseurs deviennent plus personnels dans leur utilisation, plus typiques du modus operandi de Daft Punk : on pense immédiatement ici à certaines sonorités de leurs albums électro des années 90. A noter quelques harmonies intéressantes et soignées dans la construction du morceau, mais là aussi, rien de bien neuf par rapport à ce que l’on connaît déjà du groupe frenchy. « Recognizer » semble quand à lui tout droit sortir du « Dark Knight » de Hans Zimmer, avec, encore une fois, ses ostinatos de cordes et ses grands accords de cuivres imposants sur fond de rythmiques électroniques. La musique apporte alors un rythme imposant aux scènes d’action du film, où Sam se déplace dans l’univers de Tron et franchit les obstacles le séparant de sa quête pour retrouver son père. Le thème est toujours présent, mais développé ici à partir de ses accords, sans la mélodie, une bonne alternative aux reprises thématiques qui risqueraient, sur la longueur, d’être trop répétitives et envahissantes. L’action n’est donc pas en reste, avec la scène du jeu de disque dans « Disc Wars » ou « Arena », dominés par des ostinatos répétitifs de cordes et des synthétiseurs énergiques dont les sonorités de pad « nineties » apportent un côté à la fois kitsch et nostalgique assez agréable aux images du film.

Certains morceaux d’action comme « Rinzler » déçoivent par leur côté fade et totalement impersonnel, notamment dans l’utilisation peu inventive et passe-partout des percussions, qui semblent surgir tout droit d’un score d’action de Ramin Djawadi ou de Steve Jablonsky. En revanche, belle surprise pour le morceau « Outlands », lors de la séquence où Sam se rend à toute vitesse vers la zone interdite à bord de son véhicule. Si « Outlands » utilise encore une fois un accompagnement entièrement basée sur des ostinatos de cordes peu inventifs, le morceau progresse dans ses harmonies amples et aboutit à un climax orchestral très prenant et quasi héroïque avec son tutti orchestral puissant dominé par un travail de cuivres impressionnant (on sent ici l’apport de Bruce Broughton dans les orchestrations). Mais le score vaut surtout pour son aspect étonnamment mélancolique et dramatique, qui réussit parfaitement au film. Aux couleurs bleutées et sombres de l’image, Daft Punk répond par une musique souvent poignante et étonnamment funèbre, comme c'est le cas dans le superbe « Adagio For TRON », écrit à la manière d’un adagio classique pour orchestre à cordes. La musique apporte ce sentiment de drame en évoquant la relation entre Kevin Flynn et son jeune fils Sam, et l’impossibilité pour Kevin de quitter ce monde et le sacrifice qui entraînera sa lutte contre son alter-ego machiavélique, CLU. On appréciera d’ailleurs l’utilisation du violoncelle soliste sur la fin de « Adagio For TRON », qui apporte à son tour ce sentiment d’amertume et de résignation : une bien belle surprise, et un lyrisme tout à fait inattendu dans la partition de « Tron Legacy ». Même chose pour « Nocturne », avec ses harmonies chaleureuses de cordes plutôt soignées et bercées d’une douce mélancolie sous-jacente. Les amateurs d’électro apprécieront aussi dans le film « End of Line » et ses sonorités synthétiques kitsch évoquant l’univers des « chiptunes » ou des jeux vidéos des années 80/90, tout comme l’excellent et un brin expérimental « Derezzed », qui s’inscrit à 100% dans la continuité des anciens travaux de Daft Punk. Les morceaux d’action se multiplient lors de la dernière partie du film, pour évoquer à l’écran la lutte contre CLU et ses sbires dans « Rectifier » ou « Fall », sans oublier le sombre et impersonnel « C.L.U. » et ses orchestrations plus musclées et cuivrées, et ce jusqu’au climax final grandiose de « Flynn Lives » et la superbe reprise électro du thème principal dans « TRON Legacy (End Titles) » pour le générique de fin, morceau incontournable de la partition de Daft Punk. La musique oscille donc dans le film entre action et parties plus dramatiques et mélancoliques avec une grande cohérence, mais si les morceaux d’action déçoivent par leur côté impersonnel et passe-partout, ce sont les passages plus dramatiques comme « Adagio For TRON » qui impressionnent ici par leur émotion et leur sentiment de résignation tout à fait inattendu : plus que des spécialistes de l’électro, les compères de Daft Punk sont des musiciens avant tout pour qui prime par-dessus tout l’émotion humaine, et la chaleur qui se dégage de certains passages dramatiques du score rivalise sans peine avec l’action d’un « Outlands » ou d’un « Disc Wars ». A l’écran, la musique apporte en tout cas un souffle dramatique assez appréciable, surtout lors de la dernière partie et ce jusqu’au climax final.

Bilan en demi-teinte donc pour la musique de « Tron Legacy ». Depuis le premier opus de Wendy Carlos écrit en 1982, de l’eau a coulé sous les ponts, et l’esthétique musicale s’est considérablement métamorphosée au cinéma. Aujourd’hui, les producteurs hollywoodiens ne jurent plus que par l’écurie Remote Control et Hans Zimmer. Aussi décevant que cela puisse paraître, et alors que l’on attendait beaucoup du passage de Daft Punk à la musique de film, le résultat, très réussi dans le film comme sur l’album, laisse un goût amer, car totalement impersonnel et à des années lumières des réelles possibilités créatives du groupe. Qu’à cela ne tienne, les musiciens de Daft Punk nous livrent malgré tout une partition solide, moderne et dramatique pour « Tron Legacy », une musique très soignée qui, sans être particulièrement originale ou innovante (comme le fut celle de Wendy Carlos à l’époque), saura ravir les fans du groupe électro français et ceux qui apprécient les musiques synthético-orchestrales modernes inspirées du style des dernières partitions de Hans Zimmer (« The Dark Knight », « Inception ») et des musiciens de Remote Control. Ce n’est donc pas l’événement musical que l’on était en droit d’attendre de la part d’un groupe aussi talentueux que Daft Punk, car si la musique apporte un souffle épique et dramatique saisissant au film de Joseph Kosinski, difficile de ne pas ressentir une certaine frustration à l’idée de ce que la musique de « Tron Legacy » aurait pu devenir si Daft Punk n’avait pas été autant bridé dans ses inspirations musicales. Cela reste donc une réussite satisfaisante, mais ce n’est absolument pas l’événement musical pourtant annoncé dans les médias à la sortie du film !



---Quentin Billard