1-Never Hear Surf Music Again 5.51*
2-The Canyon 3.01
3-Liberation Begins 2.14
4-Touch of the Sun 4.38
5-Lovely Day 4.16**
6-Nocturne No.2 in E flat,
Op.9 No.2 4.00***
7-Ca Plane Pour Moi 2.59+
8-Liberation in a Dream 4.05
9-If You Love Me
(Really Love Me) 3.26++
10-Acid Darbari 4.20
11-R.I.P. 5.10
12-Liberation 3.11
13-Festival 9.24+++
14-If I Rise 4.37#

*Interprété par Free Blood
Ecrit par John Pugh
**Interprété par Bill Withers
Ecrit par Bill Withers
et Skip Scarborough
***Ecrit par Frédéric Chopin
+Interprété par Plastic Bertrand
Ecrit par Francis Jean Deprijck et
Yves Maurice Lacomblez
++Paroles françaises originales de
Edith Piaf
Adapté par Geoffrey Parsons
Musique de Marguerite Monnot
Interprété par Esther Phillips
+++Interprété par Sigur Ros
Ecrit par Jon Thor Birgisson,
Orri Pall Dyrason, Georg Holm
et Kjartan Sveinsson
#Interprété par Dido et A.R. Rahman
Musique de A.R. Rahman
Paroles de Dido Armstrong
et Rollo Armstrong.

Musique  composée par:

A.R. Rahman

Editeur:

Interscope Records B0015076-02

Album produit par:
A.R. Rahman

Artwork and pictures (c) 2010 20th Century Fox. All rights reserved.

Note: ***
127 HOURS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by A.R. Rahman
Inspiré de l’histoire vraie de l’alpiniste américain Aron Ralston, « 127 Hours » est le nouveau long-métrage du britannique Danny Boyle sorti en 2010, un an après le succès colossal aux Oscars de « Slumdog Millionaire ». Le film revient sur le périple tragique d’Aron Ralston (James Franco), jeune alpiniste de 27 ans qui décida de partir seul en randonnée dans les gorges de l’Utah, le 26 avril 2003. Aron est parti précipitamment de chez lui et n’a prévenu personne de son excursion. C’est un alpiniste chevronné et expérimenté, dont l’objectif est de gravir les plus hauts sommets de la région. C’est alors que le cauchemar commence pour le jeune Aron : alors qu’il se trouve au fin fond d’une faille du Blue John Canyon, un rocher se détache au dessus de lui et vient emprisonner son bras dans le mur de pierre. Pris au piège, Aron va vivre les pires cinq jours de son existence, en proie à l’hypothermie, la déshydratation et les hallucinations liées à son état physique. Comprenant que les secours n’arriveront pas, Aron décide de prendre la plus grave décision de sa vie pour sortir de ce piège. Avec « 127 Hours », Danny Boyle frappe à nouveau très fort et relate un récit fort et bouleversant, inspiré de l’autobiographie d’Aron Ralston. Cela faisait quasiment quatre ans que le cinéaste souhaitait faire un film sur la vie d’Aron Ralston : à l’origine, le script prévoyait une heure de film sans paroles, mais le scénario final de Simon Beaufoy parvient à éviter le piège de l’ennui et de la monotonie en variant les idées de mises en scènes et d’effets visuels à travers les pensées et les flashbacks du héros, brillamment incarné dans le film par James Franco (le rôle était initialement destiné à Cillian Murphy). Relevant le défi avec brio, Boyle développe une histoire entièrement vécue à la première personne. La narration du film repose essentiellement sur les souvenirs, les ressentis et les émotions d’Aron dans le film : « 127 Hours » s’affirme ainsi comme une expérience visuelle et émotionnelle à la fois réaliste et onirique. C’est aussi l’occasion pour Danny Boyle d’élaborer une esthétique visuelle forte et originale, nous livrant ainsi un long-métrage viscéral et très prenant, qui parvient à ne jamais lasser malgré le caractère répétitif de l’intrigue initiale. Résultat : « 127 Hours » est un film intense et puissant, une histoire bouleversante sur le besoin de survivre et la foi que représente les liens qui nous rattachent à la vie, au fond du gouffre. A voir, donc !

« 127 Hours » marque les retrouvailles entre Danny Boyle et le compositeur indien Allah Rakha Rahman (de son vrai nom A.S. Dileep Kumar) après « Slumdog Millionaire » (2008). Musicalement, Rahman suit les traces de son travail sur le précédent film de Danny Boyle et élabore une partition électronique/pop moderne, non conventionnelle et inventive pour « 127 Hours ». A noter qu’A.R. Rahman n’en est pas à son premier coup d’essai aux Etats-Unis, puisqu’un an après « Slumdog Millionaire », le compositeur signa la musique de « Couples Retreat » pour le film de Peter Billingsley sorti en 2009. Sa musique pour « 127 Hours » mélange adroitement influences occidentales et touches orientales dans la lignée de ses musiques pop traditionnelles pour Bollywood. Si un morceau minimaliste comme « The Canyon » s’avère être touchant de simplicité dans son utilisation des cordes et d’une clarinette (on pense parfois au « Cast Away » d’Alan Silvestri), avec un thème tout en retenue évoquant la solitude d’Aaron Ralston au fond du canyon meurtrier – et aussi une belle concession de Rahman à la musique orchestrale occidentale, qu’il maîtrise amplement – ses morceaux orientés rock-électro moderne sont souvent bien plus intéressants et surprenants dans le film. C’est ainsi que « Liberation Begins » évoque clairement la quête de la survie pour Aaron et les décisions cruciales (et dramatiques) qu’il va devoir prendre pour sortir de cet enfer. On notera ici l’utilisation de notes répétées de guitare électrique sur fond de samples électro modernes. C’est d’ailleurs ce riff répété de guitare qui sera au coeur même de la musique de « 127 Hours », associé constamment tout au long du film au personnage incarné à l’écran par James Franco. Ce motif de la libération reviendra à plusieurs reprises pour évoquer la survie lente et progressive du jeune alpiniste. Ici, point d’envolées orchestrales ou d’élans mélodramatiques, place à un retenue intimiste et touchante dans les choix instrumentaux et mélodiques d’A.R. Rahman, et ce tout au long du film. Si vous vous attendiez à une musique élégiaque et grandiose, passez votre chemin, « 127 Hours » reste une partition subtile, nuancée et toute en retenue.

A la solitude extrême d’Aaron Ralston, Rahman répond dans « Touch Of The Sun » par le second thème de sa partition, une mélodie de guitare acoustique sur fond de nappes synthétiques lointaines et de voix synthétiques émouvantes, rappelant les souvenirs passés du jeune Aaron, un très beau morceau intimiste aussi bien touchant dans le film comme sur l’album. Ce thème apparaît d’ailleurs dans le film pour évoquer la lumière du soleil et rappelle la condition de survie difficile d’Aaron au fond du canyon (tout en symbolisant l’espoir de retrouver sa vie d’avant). Le thème de la libération et son entêtant riff de guitare électrique revient à nouveau dans « Liberation In A Dream », mixé sur fond de percussions pop/rock et autres samples électroniques. Le sound design occupe d’ailleurs une place importante dans la musique de « 127 Hours », renforçant à la fois le cadre contemporain du récit tout en soulignant la jeunesse impétueuse d’Aaron Ralston et son incroyable lutte physique et mentale pour la survie. Les rythmes plus rock et urgents de « Liberation In A Dream » suggèrent clairement la détermination d’Aaron, qui ne va cesser d’aller crescendo au fil des jours. Plus étonnant, « Acid Darbari » évoque la détérioration mentale et psychologique de l’alpiniste piégé, par le biais de sonorités indiennes traditionnelles et d’une utilisation plus immersive et étrange du sound design. Rahman mêle ici les sonorités instrumentales/électroniques avec brio, qu’il s’agisse de la flûte indienne, des effets vocaux/instrumentaux ethniques, d’un hautbois discret, de quelques cordes élégiaques, des notes furtives de guitare acoustique et de quelques sons de guitare électrique. Avec « Acid Darbari », A.R. Rahman mélange clairement traditions orientales et occidentales pour un résultat hybride plus étonnant, atmosphérique et planant, très réussi dans le film – et fruit d’une véritable osmose artistique entre le musicien indien star de Bollywood et le cinéaste britannique Danny Boyle. Cette idée de détérioration mentale du jeune Aaron culmine enfin dans le funèbre et sombre « R.I.P. », où la musique nous fait clairement ressentir la souffrance et le désespoir de l’alpiniste, véritablement à bout et désormais prêt à n’importe quoi pour sortir vivant du canyon. Ici aussi, Rahman mélange sonorités indiennes et occidentales pour un mix hybride de ses différentes influences : voix féminine planante, percussions synthétiques, voix ethniques lointaines, sound design atmosphérique, le tout soutenu par des percussions omniprésentes traduisant encore une fois l’idée de la détermination d’Aaron Ralston. Le morceau se conclut de façon inattendue sur un passage purement orchestral à base de cordes agitées et de cuivres massifs, un bref passage assez enragé et virtuose, mais malheureusement trop court pour pouvoir s’avérer pleinement convaincant.

Enfin, le thème de guitare électrique entêtant de la libération revient une dernière fois à la fin du film dans « Liberation », apportant le climax musical nécessaire à la fin de la terrible aventure d’Aaron. A noter pour finir la chanson « If I Rise » écrite par Rahman et interprétée par le musicien lui-même aux côtés de la chanteuse anglaise Dido pour la fin du film, une très belle chanson évoquant l’espoir et la survie d’Aaron, ainsi que son retour à la civilisation, auprès de sa famille et ses proches. Le morceau reprend le très beau thème intimiste de « The Canyon » dans un duo pop très réussi, qui se conclut d’ailleurs avec l’ajout d’un choeur d’enfants, une très belle chanson qui vient apporter un peu de chaleur et d’humanité à un score intimiste somme toute assez sombre et atmosphérique. Pour A.R. Rahman, « 127 Hours » marque donc un nouveau tournant dans la carrière du musicien indien, une nouvelle belle réussite à Hollywood, et une deuxième collaboration de qualité avec Danny Boyle, même si le score de « 127 Hours », aussi réussi soit-il, ne laissera pas un souvenir aussi fort que celui de « Slumdog Millionaire ». On aurait aimé entendre Rahman pousser davantage son exploration des pistes orientales/occidentales, comme il le fit par exemple dans les morceaux « Acid Darbari » ou « R.I.P », mais ces passages sont bien trop souvent furtifs ou trop minimalistes pour pouvoir retenir complètement notre attention. Reste que la partition de « 127 Hours » évolue admirablement tout au long du film en suivant l’état d’esprit, les craintes, les doutes et les souffrances d’Aaron Ralston sans jamais en faire de trop : pas une note paraît plus élevée que l’autre, tout semble vigoureusement dosé pour trouver l’émotion juste, même si l’on regrettera parfois le manque d’audace et de prise de risque de l’ensemble. Moins concluante que « Slumdog Millionaire », la musique de « 127 Hours » reste quand même une jolie réussite dans le film, et constitue une expérience musicale assez satisfaisante, qui nous laisse présager le meilleur pour la suite de la carrière d’A.R. Rahman outre-atlantique, pour peu que le musicien indien sache conserver ses propres idées et sa propre personnalité artistique, dans un milieu bien souvent très fermé et difficilement conciliable avec la créativité et la personnalité d’artiste aussi singulier qu’A.R. Rahman !



---Quentin Billard