1-Freedom of the Wa 2.40
2-Wuji - Main Theme 3.45
3-Love Theme 2.13
4-Kunlun, the Slave 1.48
5-Qingcheng, the Princess 1.22
6-Guangming, the General 1.07
7-Wuhuan, the Duke 1.53
8-Princess Kite 5.03
9-The Promise 5.22
10-Snow Country 4.32
11-The Robe 8.04
12-Save the King 4.00
13-Guilang, the Assassin 2.24
14-Saving a Princess 3.17
15-Feather Fight 2.04
16-Waterfall 2.44
17-Stampede 4.45
18-Come Back 4.28
19-Birdcage 1.53
20-Wuhuan's Plan 10.20

Musique  composée par:

Klaus Badelt

Editeur:

Superb Records SPB-2641

Album produit par:
Klaus Badelt, Christopher Brooks
Orchestrations de:
Robert Elhai, Jeff Toyne,
Ian Honeyman, Andrew Raiher

Interprété par:
The Chinese National Symphony Orchestra
Conduit par:
Li Xincao

Artwork and pictures (c) 2006 Beijing 21st Century Shengkai, China Film Group and Moonstone Productions, LLC. All rights reserved.

Note: *****
THE PROMISE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Klaus Badelt
« Wu-Ji » (alias « The Promise ») est un blockbuster chinois réalisé par Chen Kaige et sorti en 2005, dans la lignée de classiques du genre tels que « Hero » ou « Crouching Tiger, Hidden Dragon ». « Wu-Ji » s’inscrit donc dans la continuité des grands wu-xia pian (films de sabre chinois) du cinéma asiatique contemporain, en nous transportant dans la Chine antique, à une époque non définie. L’histoire commence lorsqu’une jeune fillette nommée Quingcheng cherche des vêtements et de la nourriture sur un champ de bataille couvert de cadavres de soldats, jusqu’au jour où elle fait la connaissance d’un autre enfant qui surgit brusquement de nulle part, vêtu d’une armure, et qui réussit à la piéger en lui faisant du chantage. Quingcheng réussit à s’enfuir après avoir perdu son butin. Peu de temps après, l’enfant rencontre une mystérieuse déesse surgit d’un lac, qui lui propose alors un pacte magique : elle recevra toutes les richesses et les biens du monde, mais en échange, elle ne pourra jamais tomber amoureuse sous peine de perdre tous ceux qui l’aiment. Face à un choix crucial et difficile, Quingcheng accepte. Quelques décennies plus tard, le général Guangming (Hiroyuki Sanada) affronte une armée de barbares et réussit à vaincre ses ennemis, avant de retourner au palais du roi, assiégé par les troupes du traître Wuhuan (Nicholas Tse). Mais sur le chemin, Guangming est attaqué et blessé par l’un des mystérieux assassins envoyé par Wuhuan, Snow Wolf (Liu Ye). Le général n’a plus d’autre choix que de confier son armure et ses armes à son esclave personnel, Kunlun (Jang Dong-gun), qui se chargera de se faire passer pour le général afin de sauver le roi (Cheng Qian) avant qu’il ne soit trop tard. Grâce à cette supercherie, Kunlun retourne au palais et tue le roi par mégarde, croyant qu’il s’agissait d’un ennemi armé. Il tombe ensuite amoureux de la belle princesse Quingcheng (Cecilia Cheung), sans se douter encore de la malédiction qui pèse sur la jeune femme. « Wu-Ji » est un wu-xia pian réalisé dans la plus pure tradition du genre, entre scènes contemplatives typiques du cinéma asiatique et effets spéciaux spectaculaires et totalement surréalistes. Le film évoque le thème de la destiné et de l’inéluctabilité conséquente aux choix réalisés par les principaux protagonistes du film : des décisions cruciales qui entraîneront des répercussions irréversibles sur leurs propres destins et ceux de leurs semblables. « Wu-Ji » pose ainsi une question cruciale : sommes-nous réellement maître de notre propre destin ou ne serions-nous pas simplement les jouets de forces divines qui décideraient de notre destin comme bon leur semble ? Hélas, le film est hélas plombé d’images numériques factices et d’effets visuels lourdingues et ratés, d’une laideur parfois étonnante pour un film de 2005 (et ce malgré le budget conséquent du film). Le réalisateur chinois Chen Kaige multiplie les plans à effets spéciaux pour un visuel totalement surréaliste, fantastique et onirique, mais le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur de nos attentes. Restent la romance impossible entre Quingcheng et l’esclave Kunlun (qui possède une vitesse surhumaine capable d’altérer le temps), et de très belles scènes de bataille dans la grande tradition du genre, sans oublier un spectaculaire casting de stars asiatiques, réunissant à la fois des acteurs chinois, coréens et japonais. Malgré son visuel féerique contemplatif, sa Love Story tumultueuse et ses séquences de bataille grandioses, « Wu-Ji » échoue et reste une solide déception, qui ne parvient pas à égaler les grands classiques du wu-xia pian traditionnel.

La partition symphonique épique et dramatique de Klaus Badelt est de loin l’atout majeur de « Wu-Ji ». C’est la première fois que le compositeur d’origine allemande compose pour une grosse production asiatique, une première expérience particulièrement enrichissante pour le musicien qui s’offre un luxe rare : écrire l’un de ses plus grands chef-d’oeuvre pour un film étranger. Le compositeur issu du studio Media-Ventures/Remote Control de Hans Zimmer a atteint des sommets dans les années 2000 en signant quelques perles de la musique de film moderne tels que « K-19 », « Time Machine », « Rescue Dawn » ou bien encore « Pirates of the Carribean » (co-écrit avec une dizaine de compositeurs dont Hans Zimmer lui-même). Mais avec « Wu-Ji/The Promise », Klaus Badelt nous livre une partition grandiose, épique, d’une richesse thématique inédite chez le compositeur, et d’une beauté à couper le souffle. Visiblement très inspiré des images poétiques et surréalistes du film de Chen Kaige, Badelt nous offre une composition orchestrale où se mélange aspirations occidentales et asiatiques servies par un lyrisme omniprésent, un sens extraordinaire de la mélodie et des orchestrations riches et élaborées pour une approche musicale quasi opératique (d’ailleurs, Badelt a écrit un opéra pour la Chine en 2010). Le score de « Wu-Ji » utilise donc l’orchestre symphonique habituel, brillamment interprété ici par le Chinese National Symphony Orchestra, agrémenté d’un ensemble d’instruments solistes allant de l’inévitable erhu (violon chinois caractéristique) à la dizi (flûte en bambou typique de la musique chinoise), en passant par le zheng (cithare chinoise traditionnelle entre 12 et 16 cordes), sans oublier un violon soliste et des vocalises éthérées de la soliste chinoise Hang Yue. L’interprétation solide de l’orchestre national de Chine égale sans problème celle des orchestres occidentaux, l’orchestre sonnant de façon ample et grandiose tout au long du film. Le score repose sur cinq thèmes associés aux principaux personnages du film : on commence par le thème principal, ample et grandiose, exposé dans « Wuji-Main Theme », qui évoque la destinée des héros, suivi du magnifique et bouleversant « Love Theme », thème romantique déchirant pour la romance impossible du quatuor amoureux Guangming/Kunlun/Wuhuan/Quingcheng. Suivent ensuite le thème de l’esclave Kunlun (« Kunlun, the Slave ») et le thème héroïque et guerrier du général Guangming dans l’épique « Guangming, the General » pour l’arrivée du général face à ses troupes vers le début du film. Pour finir, le bad guy du film, Wuhuan, a droit à son propre thème, mélodie plus mélancolique que réellement sournoise, qui affirme à son tour la dimension tragique du grand méchant de « Wu-Ji », entendu dans « Wuhuan, the Duke ». Après avoir exposé ses cinq thèmes avec une intensité rare, Badelt développe ses différentes mélodies tout au long de sa partition à la manière de leitmotive wagnérien, et ce pour chaque apparition des personnages dans le film. Mais l’on retiendra avant tout l’excellent thème principal et le magnifique « Love Theme », probablement la mélodie la plus remarquable de toute la partition de « Wu-Ji », et aussi la plus poignante.

D’une beauté difficilement descriptible, le « Love Theme » exposé aux cordes sur fond de zheng et de dizi est très vite rejoint par l’ensemble de l’orchestre, puis repris peu de temps après dans le magnifique « Princess Kite », accompagné cette fois-ci d’un violon soliste d’une grande élégance. Ici aussi, Badelt confère à son thème romantique une beauté et un lyrisme bouleversant, d’une rare intensité pour une musique de film contemporaine, et ce même si sa mélodie s’avère être d’une grande simplicité, comme toujours chez le compositeur. A noter que « Princess Kite » cède ensuite la place à un premier morceau d’action guerrier à grand renfort de cuivres majestueux, d’harmonies nobles (d’une rare densité) et de ponctuations guerrières des traditionnels tambours taikos japonais. Badelt reprend même le Love Theme sous une forme plus épique et martiale assez fougueuse, avant de céder la place à un orchestre martial d’une virtuosité rare (encore une fois, il faut saluer la performance impressionnante des musiciens chinois !). Le thème principal est alors repris à la fin de « Princess Kite » dans toute sa splendeur, à travers une puissante envolée épique tout à fait représentative du travail de Badelt sur « Wu-Ji » (à noter une très belle surprise harmonique à 4:02 !), et ce malgré une légère approximation des trompettes vers 4:13. La splendeur colossale des orchestrations – soutenues par le travail remarquable de l’orchestrateur vétéran Robert Elhai (ancien orchestrateur d’Elliot Goldenthal entre autre) – nous laissent véritablement pantois ici, du quasiment jamais entendu chez Klaus Badelt ! Impossible de rater ensuite dans le film la reprise du Love Theme dans « The Promise », à travers un violon concertant virtuose sur fond de cordes torturées et suraiguës. Badelt évoque les égarements et les choix des personnages autour de la belle princesse Quingcheng à travers une utilisation souvent très riche et passionnée des instruments de l’orchestre. A vrai dire, c’est cette idée de passion qui est au coeur même de la musique de « Wu-Ji », une passion amoureuse qui dévaste les héros du film de Chen Kaige et qui reflète par la même occasion la passion évident de Klaus Badelt sur cette partition d’une beauté et d’une grandeur extraordinaire. Certes, on pourra toujours reprocher au compositeur de reprendre trop souvent les mêmes thèmes tout au long du film (le thème romantique passionné étant effectivement quasi omniprésent d’un bout à l’autre de l’histoire), mais il paraît néanmoins difficile de reprocher sérieusement au compositeur de développer pas moins de cinq thèmes tout au long de sa partition, à une époque où la musique de film contemporaine devient de plus en plus avare en thème et en mélodie.

A noter le rôle de la soliste Hang Yue et du violoncelle dans « Snow Country », où règne une atmosphère onirique et féerique typiquement asiatique, sur fond de claviers synthétiques discrets et d’envolée orchestrale grandiose, soutenu par un choeur magique et mystique et des notes légères et vaporeuses de la flûte dizi. Badelt résume parfaitement dans « Snow Country » toute la dimension surréaliste et féerique du film de Chen Kaige, sans oublier la trame dramatique du récit et l’utilisation délicate des instruments asiatiques. Dans « The Robe », la passion est encore une fois au coeur des préoccupations musicales de Klaus Badelt, 8 minutes de lyrisme dramatique d’une rare intensité, pour la fameuse scène de la robe, et pour lequel le compositeur reprend plusieurs thèmes du score et les développe à loisir, enrichissant le film de ses mélodies qui s’entrecroisent et se juxtaposent avec une richesse rare. La dernière partie de « The Robe » débouche d’ailleurs sur une nouvelle envolée symphonique épique et puissante, et un final action/guerrier ponctué de percussions martiales intenses (à noter le jeu puissant des toms et des taikos) et de cuivres massifs – Badelt a rarement écrit des morceaux d’action aussi puissants et virtuoses dans toute sa carrière ! De l’action, vous en aurez aussi avec l’excitant « Guilang, the Assassin », pour la scène où le général affronte l’assassin envoyé par Wuhuan. Ici aussi, priorité au jeu remarquable des tambours taikos, tandis que « Saving a Princess » mélange Love Theme, thème du général Guangming et thème de Kunlun pour un nouveau déchaînement orchestral guerrier et épique à couper le souffle. On notera aussi la puissance des cuivres et des percussions dans « Feather Fight » et dans « Stampede », superbe morceau d’action épique et héroïque de près de 4 minutes pour une autre scène de bataille du film. L’histoire aboutit à l’intense et tragique climax dramatique de « Wuhuan’s Plan », où les thèmes se rejoignent enfin pour 10 minutes d’une puissance et d’une beauté lyrique à couper le souffle. Klaus Badelt nous livre donc une composition d’une richesse incroyable pour « Wu-Ji », une partition exemplaire et inattendue pour laquelle le compositeur allemand repousse ses propres limites et nous livre le plus grand chef-d’oeuvre de toute sa carrière – ironiquement, il lui aura fallut quitter Hollywood pour y arriver ! – une musique d’une puissance incomparable, à mi-chemin entre ses musiques épiques habituelles et les grandes musiques de wu-xia pian de Tan Dun ou Shigeru Umebayashi. Voilà en tout cas une partition majestueuse et extraordinaire qui vous restera longtemps en tête et dans le coeur, une oeuvre de passion (avec tous les excès propres aux créations passionnées) fougueuse et débridée, qui vous emportera du début jusqu’à la fin du film : impossible donc de rater ce chef-d’oeuvre de la musique de film contemporaine !



---Quentin Billard