1-Happier Times 1.01
2-Grandfatherly/Demonstrations 2.38
3-Aftermath/Dead Children 2.07
4-He's My Child/I Never Saw Him/
Gordon's Arrest 1.47
5-Torture 1.22
6-Monsters Win/Funeral Parlor 2.40
7-Wife Waffles/Flashbacks 2.29
8-Gordon Tortured 2.10
9-The Search/Christmas
In The Park 3.29
10-Without Slap/Emily's Beating 1.26
11-Father and Son 2.18
12-Garage Explodes/Ben Knows 1.54
13-Father and Daughter/
Stoltz and Suzette 2.36
14-Ben's Death 1.53
15-Stanley Kills Stoltz 0.58

Bonus Tracks:

16-The Search (Alternate) 0.54
17-Source Music 1 2.03
18-Source Music 2 1.24
19-Ben's Death (Alternate) 0.50

Musique  composée par:

Dave Grusin

Editeur:

Kritzerland KR 20017-8

Edition CD produite par:
Bruce Kimmel
Musique conduite par:
Dave Grusin

Edition limitée à 1000 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1989/2011 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
A DRY WHITE SEASON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Dave Grusin
Adaptation cinématographique du roman éponyme d’André Brink paru en 1980, « A Dry White Season » (Une saison blanche et sèche) est un film dur et bouleversant évoquant les conditions de vie difficiles des noirs durant l’apartheid en Afrique du sud. Le film, réalisé par la cinéaste martiniquaise Euzhan Palcy et sorti en 1989, met en scène Donald Sutherland dans le rôle de Ben Du Toit, un Afrikaner professeur d’école qui vit à Johannesburg, en 1976. L’histoire débute lorsque Gordon (Winston Ntshona), le jardinier de Ben, vient le voir et lui demande de l’aider à faire la lumière sur la mort de son fils, tués par des policiers afrikaners durant les révoltes noires du quartier de Soweto. Ben refuse alors de s’impliquer dans ces problèmes, convaincu que les accusations que lance Gordon contre le gouvernement blanc du pays sont infondées. Mais les choses changent lorsque Ben est témoin de la violence perpétrée par les blancs envers les noirs, et plus particulièrement lorsqu’il découvre le cadavre du fils de Gordon à la morgue, portant des traces évidentes de torture. Peu de temps après, Emily, la femme de Gordon, est assassinée dans des conditions suspectes. Ben comprend alors que l’ensemble du système judiciaire du pays est complètement corrompu, et que la police secrète dirigée par le sinistre capitaine Stoltz (Jürgen Prochnow) sème la terreur dans la ville et semble complètement intouchable. Bouleversé et révolté par la situation, le professeur décide de faire appel à Ian Mackenzie (Marlon Brando), un avocat blanc défenseur des droits de l’homme, qui va l’aider à résoudre cette affaire. Mais en osant affronter la corruption des autorités locales, Ben Du Toit va s’attirer des ennuis et verra sa famille et ses proches menacés par Stoltz et ses policiers. Véritable plaidoyer révoltant contre les injustices et les atrocités commises par les afrikaners en plein apartheid sud-africain, « A Dry White Season » est une oeuvre engagée, forte et bouleversante, un film coup de poing qui fut évidemment censuré en Afrique du sud à sa sortie en salle en 1989, mais qui, depuis, a reçu bon nombre de récompenses et reste constamment salué par la critique (et ce même si le film a échoué financièrement au box-office 1989). La cinéaste d’origine martiniquaise Euzhan Palcy se passionna tellement pour son projet qu’elle s’impliqua à fond dans la conception de son oeuvre, se rendant directement à Soweto afin de retranscrire de la façon la plus réaliste possible les évènements tragiques de 1976. Marlon Brando, qui n’a qu’un petit rôle dans le film, fut tellement ému par le projet qu’il décida de réduire son salaire - tout comme Donald Sutherland et Susan Sarandon - afin d’économiser le budget du film et de permettre à la réalisatrice de concrétiser son projet et son envie de défendre la cause des noirs en Afrique du sud. Grâce à l’engagement personnel d’Euzhan Palcy, « A Dry White Season » reste encore aujourd’hui une référence incontournable dans le cinéma social et politique américain, un film poignant mais malheureusement un peu oublié, qui reste à redécouvrir (et à rééditer) d’urgence !

La partition symphonique de Dave Grusin est sans aucun doute l’une des plus belles partitions écrites par le compositeur pour le cinéma, une musique hélas un peu tombée dans l’oubli (comme le film), mais qui a été fort heureusement rééditée par le label Kritzerland il y a quelques années. Dave Grusin était à l’époque de « A Dry White Season » un compositeur de choix pour les drames et les films à suspense, avec, à son actif, des partitions aussi diverses que « Three Days Of The Condor », « Murder By Death », « The Heart Is A Lonely Hunter », « The Yakuza » ou bien encore le classique du cinéma d’aventure familial 80’s, « The Goonies ». La partition de « A Dry White Season » n’a malheureusement été que partiellement utilisée dans le film, certaines pièces ayant été rejetées tandis que d’autres ont été simplement répétées ou déplacées à d’autres endroits du film. Dave Grusin a écrit ainsi près de 30 minutes de musique, agrémenté de quelques pièces vocales africaines traditionnelles et de quelques pièces de « source music » écrites par Grusin lui-même (piste 17 et 18 de l’album). Le score de « A Dry White Season » repose ainsi sur un thème principal, très présent tout au long du film, dévoilé immédiatement dans « Happier Times », associé au début du film à Ben Du Toit. Le thème se distingue par sa mélodie de cordes/bois lyrique et chaleureuse, au classicisme d’écriture évident et très élégant. L’idée de faire appel à l’esthétique de la musique classique dans « Happier Times » pour le personnage afrikaner de Donald Sutherland dans le film est assez judicieux, puisqu’il souligne la culture européenne de Ben Du Toit, qui va très rapidement contraster avec tous les passages africains/ethniques du reste du score pour la population du quartier de Soweto. Les sonorités ethniques apparaissent d’ailleurs clairement dans « Grandfatherly-Demonstrations », où Dave Grusin utilise un ensemble d’instruments africains traditionnels mélangés à l’orchestre symphonique habituel, sur un ton plus sombre et dramatique. A noter ici l’emploi des cuivres et de rythmes martiaux qui évoquent clairement le sentiment de danger et d’urgence lors de la scène des répressions policières au début du film. Les mélanges de sonorités africaines et de l’orchestre symphonique sont très réussis sans jamais en faire de trop. Dave Grusin dose chaque partie avec un certain doigté, et évoque clairement, dans ses ponctuations de cuivres agressives ou ses harmonies tourmentées de cordes le drame à venir.

Le second thème majeur du score apparaît dans « Aftermath-Dead Children », thème mélancolique confié à un flugelhorn jazzy solitaire brillamment interprétée par le trompettiste sud-africain Hugh Masekela, sur fond de tenues de cordes sombres et de petites percussions ethniques discrètes. Ce thème de trompette élégiaque possède un caractère funèbre qui évoque la lamentation pour les victimes des brutalités policières, et plus particulièrement du fils de Gordon, le jardinier de Ben Du Toit qui cherche à découvrir la vérité sur la mort de son enfant. Ces quelques touches jazzy discrètes apportent à leur tour un certain relief à la musique de « A Dry White Season », rappelant d’ailleurs le style jazz habituel de Dave Grusin. Pour l’anecdote, signalons que le trompettiste Hugh Masekela n’est retourné en Afrique du sud qu’après 1991, à la libération de Nelson Mandela. On peut donc supposer que sa participation à la musique de « A Dry White Season » résonna d’une manière affective et personnelle pour le musicien, qui apporte une véritable émotion subtile et sincère aux passages de flugelhorn solitaire dans la musique de Dave Grusin. Le thème de trompette funèbre revient ainsi au début de « He’s My Child/I Never Saw Him/Gordon’s Arrest », un thème qui reviendra d’ailleurs à plusieurs reprises dans le film, une sorte de leitmotiv du drame associé au fils de Gordon et à son arrestation par les policiers du capitaine Stoltz – ce dernier possède quand à lui son propre thème, un motif de 4 notes ascendantes, très présent dans des morceaux tels que « He’s My Child » ou « Monsters Win ». A noter que « Gordon’s Arrest » se conclut avec une reprise du magnifique thème principal, confié à des cordes élégiaques et élégantes de toute beauté, soutenues par un raffinement d’écriture classique savoureux et quelques notes discrètes de piano électrique. L’émotion est donc palpable dans la musique de « A Dry White Season », mais tout en jouant sur une retenue sincère et poignante, sans jamais en faire de trop. Ces passages élégiaques et mélancoliques contrastent d’ailleurs avec la brutalité de passages plus violents et sombres comme « Torture », évoquant dans le film la maltraitance des policiers à l’aide de ponctuations de trompettes brutales, de rythmique synthétique discrète et de quelques dissonances. On retrouve d’ailleurs les ponctuations de trompettes à plusieurs reprises dans le film, un trait caractéristique pour tous les passages associés aux policiers, comme le rappelle clairement « Monsters Win » avec ses rythmes martiaux et sa reprise de l’entêtant motif de Stoltz et du thème élégiaque de trompette pour Gordon, confié cette fois-ci à une flûte, tandis que « Funeral Parlor » contraste en imposant une ambiance plus élégiaque et funèbre.

Le thème de trompette revient dans « Wife Waffles » en contrepoint des instruments sud-africains traditionnels qui apportent une couleur ethnique délicate à la musique de « A Dry White Season ». Au fur et à mesure que l’histoire s’avance et que Ben Du Toit s’attire les foudres de Stoltz et ses collègues policiers, la musique devient de plus en plus sombre et tragique comme le confirme l’intense et grave « Flashbacks » avec son écriture orchestrale tourmentée, ou l’élégiaque « Gordon Tortured » et ses cordes plaintives. On retrouve une ambiance similaire dans « The Search/Christmas in the Park » où règne un sentiment d’urgence avec ses quelques roulements de caisse claire et sa reprise du motif de Stoltz et du thème principal sur fond de brèves ponctuations de trompettes en sourdine et de cordes sombres. Les ponctuations de trompettes associées aux policiers reviennent dans « Without Help/Emily’s Beating » et confirment clairement la gravité tragique de la situation. La musique devient véritablement poignante dans l’adagio pour cordes de « Father and Son » qui reprend encore une fois le très beau thème principal aux consonances classiques savoureuses, tandis que la sensation de drame s’intensifie dans « Garage Explodes/Ben Knows » - qui reprend au passage le motif de 4 notes ascendantes que l’on entend régulièrement dans les passages évoquant la conspiration policière orchestrée par Stoltz – ou dans « Father and Daughter/Stoltz and Suzette ». « Ben’s Death » permet au film d’atteindre son climax dramatique pour la mort de Ben. Le morceau débute avec un certain entrain en mélangeant batterie pop, instruments ethniques et cuivres déterminés, avant de s’enchaîner sur une reprise sombre et funèbre du thème de Ben et du motif de 4 notes de Stoltz. Enfin, le flugelhorn d’Hugh Masekela revient une dernière fois, avec une dernière reprise du motif de Stoltz aux cuivres pour le final dramatique et intense de « Stanley Kills Stoltz ». Avec « A Dry White Season », Dave Grusin signe donc une de ses plus belles partitions de sa période années 80, et aussi une partition injustement méconnue, que l’on pourra enfin redécouvrir grâce à l’excellente édition CD du label Kritzerland, qui nous permet enfin d’apprécier le travail du compositeur sur le film d’Euzhan Palcy. Les fans de Dave Grusin ne devront donc surtout pas manquer cette très belle partition qui, sans être un incontournable dans la filmographie du compositeur, n’en demeure pas moins très réussie, apportant une émotion sincère et véritable au film sans jamais en faire de trop.




---Quentin Billard