1-Main Titles 3.30
2-Four At the Pigsty: Part 1 3.00
3-Marie's Doppelganger 1.16
4-Olga's Murder 3.47
5-The Journey 2.27
6-They're Our Deaths 1.48
7-Four At The Pigsty: Part 2 1.13
8-Awaiting Midnight 3.12
9-Kitchen Reconstruction 2.09
10-Escaping The House 4.18
11-Killing Misharin 1.52
12-Marie's Death 2.40

Bonus Tracks

13-Adagio: Color of Time 6.14*
14-Fireworks Overture 9.07*

*Interprété par The City of Prague
Philharmonic Orchestra,
dirigé par Mario Klemens.

Musique  composée par:

Alfons Conde

Editeur:

MovieScore Media MMS-08008

Producteur exécutif de l'album:
Mikael Carlsson
Orchestrations de:
Alfons Conde
Musique produite par:
Alfons Conde, Juan Antonio Ros

Artwork and pictures (c) 2006 After Dark Films. All rights reserved.

Note: ***
THE ABANDONED
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alfons Conde
« The Abandoned » (Abandonnée) est le nouveau film d’épouvante de Nacho Cerdà, cinéaste espagnol bien connu des spécialistes de l’horreur, à qui l’on doit entre autre la terrifiante « Trilogia De la Muerte », incluant le film « Aftermath » qui fit scandale à sa sortie en 1994 pour son contenu nécrophile extrêmement choquant. Avec « The Abandoned », Cerdà nous plonge dans une atmosphère oppressante et troublante, où il est question de doppelgänger (double maléfique d’une personne) et de sombres secrets enfouis dans le passé, qui refont surface dans le présent. L’histoire suit le parcours de Marie Jones (Anastasia Hille), une productrice de cinéma américaine d’origine russe, qui décide un jour de retourner dans sa Russie natale après qu’un enquêteur lui ait révélé que la maison de sa défunte mère retrouvée morte dans des circonstances étranges lui appartient désormais. Peu de temps après son arrivée dans la maison abandonnée, Marie se retrouve seule, alors que son accompagnateur disparaît mystérieusement dans ce lieu totalement désert et isolé de tout. Après avoir exploré la maison, Marie fait alors la connaissance d’un individu étrange nommé Nikolaï (Karel Roden) : ce dernier prétend avoir été attiré ici pour les mêmes raisons qu’elle : il serait en réalité son frère jumeau, venu lui aussi chercher sa mère. Très vite, Marie et Nikolaï vont comprendre que la maison est soumise à des forces surnaturelles, qui les obligent à rester bloqués à l’intérieur, pourchassés par leurs sinistres doppelgängers qui leur annoncent un sort bien funeste. « The Abandoned » est un énième film de fantôme qui, bien que réalisé avec un budget extrêmement modeste (à peine 3 millions de dollars), n’en demeure pas moins réellement impressionnant et totalement convaincant. Nacho Cerdà contourne le problème de la limite technique en instaurant une véritable atmosphère de peur et de terreur, par le biais d’une photographie sombre et soignée, d’une caméra extrêmement nerveuse et de deux acteurs qui semblent possédés par leurs rôles respectifs. Si le film n’a rien de vraiment original, il reste extrêmement bien filmé et réellement prenant, en particulier grâce à son atmosphère claustrophobique malsaine et à sa mise en scène nerveuse, sur le fil du rasoir. Le concept du doppelgänger n’est certes pas nouveau au cinéma, et la façon dont Nacho Cerdà le présente nous laisse un peu sur notre faim au début (les doubles ont l’apparence de zombie ordinaire), mais très vite, la mayonnaise prend et on finit par se prêter au jeu, en particulier grâce à l’atmosphère poisseuse et glaciale, renforcée par des décors sales et délabrés, des caves plongées dans la pénombre, des trous mystérieux dans le plancher (qui disparaissent aussi rapidement) ou des effets de mise en scène divers qui permettent d’intensifier les scènes choc du film et les sursauts de terreur pure (à noter que « The Abandoned » rappelle beaucoup par moment l’univers du « Silent Hill » de Christophe Gans). Malgré le manque d’originalité du film, on ressort conquis de cette expérience éprouvante que représente le nerveux « The Abandoned », dans une intrigue qui oscille entre passé et présent et nous rappelle encore une fois l’incroyable vitalité du cinéma d’horreur espagnol !

La partition originale du compositeur barcelonais Alfons Conde apporte à « The Abandoned » une véritable atmosphère de terreur et d’angoisse pure, en particulier grâce à son emploi de longues nappes sonores obsédantes et de sursauts orchestraux d’une extrême violence. Comme souvent dans ce type de cinéma, la musique possède un rôle fondamental dans l’élaboration de l’atmosphère générale du film et de la mise en scène : elle se place ici du point de vue des deux personnages principaux du film et représente leurs peurs et leurs angoisses face à une situation qui devient de plus en plus surnaturelle et inquiétante. Au sujet d’Alfons Conde, signalons que le compositeur a étudié auprès de Conrad Pope (orchestrateur de John Williams) à l’UCLA dans les années 90 avant de se spécialiser dans le jazz puis la musique de film. La musique de « The Abandoned » a été confiée au Moscow Symphony Orchestra et à la chorale du Keto Kelktiboa Choir, le tout agrémenté de quelques parties électroniques atmosphériques. A noter que dans le film, une bonne partie de la musique de Conde a été remplacée par des compositions originales synthétiques de David Kristian. Du coup, difficile de se faire un avis véritable quand à la qualité du travail d’Alfons Conde dans le film, tant l’ensemble reste totalement dénaturé, entrecoupé de nombreux passages synthétiques dissonants qui ne sont pas du compositeur. C’est pourquoi il est indispensable d’écouter l’album publié par MovieScore Media pour pouvoir appréhender concrètement le travail d’Alfons Conde dans son ensemble. La musique de « The Abandoned » s’inspire du style horrifique/suspense de Christopher Young et instaure à l’écran une véritable ambiance d’angoisse et de terreur pure. Dès le début du film, « Main Titles » instaure une ambiance mystérieuse et inquiétante avec ses harmonies de cordes denses, ses violoncelles dramatiques, ses trilles étranges de violons, ses voix féminines fantomatiques, ses quelques touches synthétiques discrètes (qui rappellent curieusement des sons du score du jeu vidéo « Silent Hill 3 » d’Akira Yamaoka) et ses notes répétées de piano. Les orchestrations sont riches, denses et soignées, Conde montrant un savoir-faire évident dans l’élaboration d’atmosphère lugubre et mystérieuse, parfaitement intrigante à l’écran. La tension apparaît véritablement forme dans « Four At the Pigsty, Part 1 », où l’écriture orchestrale devient plus complexe et aussi plus abstraite et agressive : le mystère du « Main Titles » cède alors la place à une atmosphère oppressante à base de cordes dissonantes, de clusters agressifs, de glissandi et de martèlement de slaps (samplés) des contrebasses. Alfons Conde s’inspire, comme souvent dans ce type de musique atonale et sombre, des techniques instrumentales avant-gardistes de la musique contemporaine du XXe siècle, et ce avec un savoir-faire évident. Le suspense devient particulièrement prenant ici, notamment dans l’écriture dissonante et lugubre des cordes et des quelques ponctuations de cuivres et de bois.

La terreur prend brutalement forme dans le sursaut massif et chaotique du complexe « Marie’s Doppelganger », pour la scène où Marie tombe nez à nez pour la première fois avec son double dans la maison abandonnée. Conde déchaîne ici son orchestre, entre cordes survoltées et dissonantes, timbales agressives et effets instrumentaux aléatoires. Ces différents éléments se condensent alors dans « Olga’s Murder », pour la scène où Marie et Nikolaï revoit en flash-back fantomatique la mort de leur mère Olga. Les cordes prennent une tournure véritablement sinistre ici avec son mélange d’effets dissonants/aléatoires divers (clusters, trémolos stridents) et de ponctuations instrumentales glauques et l’utilisation de quelques samples, et plus particulièrement un son de waterphone mystérieux et de voix fantomatiques. A noter l’utilisation des choeurs vers la fin du morceau, qui suggèrent clairement le caractère cauchemardesque de ses apparitions spectrales dans le film. Conde nous propose ensuite un morceau intimiste plus mélodique et intéressant dans « The Journey », mais malheureusement non utilisé dans le film : le compositeur utilise ici l’écriture plus chaleureuse d’un piano sur fond de cordes amples dramatiques et de quelques bois (hautbois, flûte, etc.). On appréciera ici l’écriture très soignée et élégante des cordes, qui rappelle vaguement le classicisme d’un John Williams. Il est même regrettable que le morceau n’ait pas été retenu pour le film, au profit d’une série d’atmosphères synthétiques plus mystérieuses du compositeur David Kristian. Dans « They’re Our Deaths », Nikolaï comprend que leurs doppelgängers respectifs représentent en réalité leur future mort annoncée. C’est pourquoi la musique prend alors une tournure à nouveau chaotique et cauchemardesque dans l’utilisation agressive et dissonante de l’orchestre. On notera ici l’utilisation remarquable de percussions métalliques martelées avec obstination vers la fin du morceau, pour faire monter la tension à l’écran et suggérer une atmosphère de terreur pure, particulièrement intense à l’écran – à vrai dire, comme souvent dans ce type de film, la musique possède un rôle fondamental sur les images et contribue grandement à l’atmosphère oppressante du long-métrage de Nacho Cerdà. « Four At the Pigsty, Part 2 » n’apporte pas grand chose de plus et continue de surfer sur les codes habituels des musiques horrifiques/suspense hollywoodiennes, avec son lot de clusters, glissandi, samples glauques et dissonances extrêmes. On retrouve l’atmosphère mystérieuse du « Main Titles » dans « Awaiting Midnight », où règne alors une atmosphère plus dramatique et résignée à travers une très belle écriture mélancolique et désespérée des cordes, des bois et du choeur. La partition de « The Abandoned » atteint alors l’un de ses climax de terreur dans le virtuose « Kitchen Reconstruction », lors de la scène où la cuisine se reconstruit mystérieusement comme il y a 40 ans auparavant, lorsque le père de Marie et Nikolaï tua leur mère et tenta d’assassiner ses deux enfants. On appréciera ici la force des cuivres et notamment les trompettes et les trombones, sur fond de gargouillis aléatoires des cordes et de choeurs puissants – on pense parfois ici au style du « Aliens » de James Horner dans l’écriture agressive et sombre de l’orchestre.

La dernière partie du score n’apporte donc rien de bien nouveau ni de surprenant : « Escaping the House » se contente ainsi de multiplier les dissonances et les longues tenues à suspense des cordes pour montrer l’impossibilité des deux héros de quitter la maison abandonnée dans laquelle ils se retrouvent piégés pour de bon. Alfons Conde utilise ici quelques éléments de sound design synthétiques (en plus des samples de ‘slaps’ assez mécaniques de contrebasses) qui ne sont pas sans rappeler le « Scream » de Marco Beltrami. Même chose pour « Killing Misharin » et le climax de terreur final de « Marie’s Death », qui nous fait clairement comprendre que l’issue sera inévitablement tragique pour l’héroïne du film. Pour Alfons Conde, c’est l’occasion de conclure le récit dans un puissant tutti orchestral/choral pour la scène où le camion de Marie plonge dans la rivière, avec un dernier grand sforzando terrifiant de cuivres et de cordes. En guise de bonus, l’album publié par MovieScore Media nous propose deux autres pièces hors cinéma d’Alfons Conde, l’excellent « Adagio/Color of Time » et le très coloré « Fireworks Overture », qui dévoile un talent de composition symphonique évident et une maîtrise remarquable des orchestrations et d’une écriture plus classique d’esprit – « Fireworks Overture » étant très inspiré de John Williams, Bruce Broughton ou de certaines musiques du Golden Age hollywoodien. Alfons Conde signe donc une partition horrifique assez référentielle et sans grande surprise pour « The Abandoned », mais qui apporte une véritable intensité assez extrême aux images du film de Nacho Cerdà, et contribue grandement à faire monter la tension et la terreur tout au long de ce récit mouvementé. L’album de Movie Score Media nous permet d’ailleurs d’apprécier le travail du compositeur dans son intégralité, alors qu’à l’écran, on n’entendra qu’une partie seulement de la musique du compositeur espagnol. Si vous adorez les musiques d’épouvante dans la lignée de Christopher Young ou de Marco Beltrami, le score de « The Abandoned » est vraiment fait pour vous : frissons garantis !



---Quentin Billard