1-Qué Es Un Fantasma? 2.58
2-Un Evento Terrible 3.09
3-Condenado A Repetirse 4.13
4-Una Y Otra Vez 2.49
5-Un Instante De Dolor 2.22
6-Quizá 4.23
7-Algo Muerto 2.57
8-Por Momentos Vivo Aún 2.51
9-Un Sentimiento 4.31
10-Suspendido En El Tiempo 5.03
11-Una Photografía Borrosa 3.13
12-Un Insecto Atrapado
En Ámbar 3.42
13-Un Fantasma 5.49
14-Eso Soy Yo 2.53
15-Besos Fríos 2.29*
16-Una Lágrima 2.41**
17-Recordar 3.02***
18-Presumidos 3.18+
19-Yo No Sé Que Me Han
Hecho Tus Ojos 3.11++

*Ecrit par R.Romero & R.Llurba
Interprété par Raquel Meller
**Ecrit par E. Cardenas
et N. Verona
Interprété par Carlos Gardel
***Ecrit par CH. Borel Clercy
et J. Salado
Interprété par Imperio Argentina
& Manolo Russell
+Ecrit par Alcazar & Prometeo
Interprété par Carmelita Ambert
++Ecrit par F. Canaro
Interprété par Carlos Gardel.

Musique  composée par:

Javier Navarrete

Editeur:

Blue Moon BMCD 4023

Album produit par:
Javier Navarrete

Artwork and pictures (c) 2001 El Deseo, S.A. & Tequila Gang. All rights reserved.

Note: ***
EL ESPINAZO DEL DIABLO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Javier Navarrete
Réalisé par Guillermo Del Toro et sorti en 2001 entre ses deux grosses productions hollywoodiennes, « Mimic » et « Blade II », « El Espinazo del diablo » (L’échine du diable) est un film fort différent de la part du cinéaste mexicain. Délaissant totalement l’approche hollywoodienne type et les artifices inhérents aux grosses productions U.S., le film d’épouvante de Del Toro est une oeuvre un peu à part dans la filmographie du réalisateur, un long-métrage beaucoup plus personnel qui rappelle clairement ce que le cinéaste fit sur le méconnu « Cronos » en 1993. « El Espinazo del diablo » nous plonge ainsi en pleine guerre civile espagnole. Carlos (Fernando Tielve), un jeune garçon de 12 ans dont le père est mort au combat, vient tout juste d’arriver à Santa Lucia, un établissement catholique pour orphelins. L’établissement est dirigée par Carmen (Marisa Paredes), vaillante directrice fatiguée qui a perdu une jambe, et le professeur Casares (Federico Luppi). Très vite, Carlos va devoir faire face à l’hostilité de ses nouveaux camarades, et plus particulièrement du jeune Jaime (Inigo Garcés), qui va le malmener quotidiennement, alors qu’il devra aussi subir les mauvais traitements de Jacinto (Eduardo Noriega), l’irascible homme à tout faire de l’établissement. Peu de temps après son arrivée, Carlos va très vite comprendre que Santa Lucia, dont une bombe – apparemment désamorcée - est mystérieusement tombée par erreur du ciel pendant un raid aérien, abrite en ses murs deux secrets importants : les lingots d’or de la cause républicaine, protégés soigneusement par la directrice, et le fantôme d’un enfant qui hante le sous-sol de l’établissement, et ce depuis un accident tragique survenu il y a plusieurs mois. « El Espinazo del diablo » est un film d’épouvante assez différent de ce que Guillermo Del Toro fait habituellement à Hollywood. Produit par Pedro Almodóvar et Alfonso Cuarón, « El Espinazo del diablo » est un film plus intimiste et aussi plus lent, totalement dénué du moindre artifice horrifique hollywoodien : l’histoire réunit un groupe d’orphelins et une poignée d’adultes qui tentent de survivre dans cet orphelinat en pleine guerre civile espagnole. Le film vaut surtout par son atmosphère étrange et mystérieuse qui tourne autour de l’idée du fantôme – comme l’annonce clairement le prologue du film. Mais là où « El Espinazo del diablo » s’avère être bien différent de ce que l’on voit habituellement dans ce type de film, c’est dans la façon dont il traite la figure emblématique du spectre pour en faire quelque chose de plus intime et de plus personnel. Le monologue d’ouverture le dit très clairement : un fantôme, c’est un moment perdu ou oublié, quelque chose que l’on croyait mort mais qui est toujours en vie.

Cette phrase symbolique n’est rien d’autre qu’une astucieuse métaphore qui résume l’essentiel du film : il y a bien évidemment le spectre du petit Santi, qui hante mystérieusement les lieux depuis sa mort dans le sous-sol de l’orphelinat, une mort gardée secrète depuis longtemps, mais il y a aussi les occupants de Santa Lucia. Que ce soit les adultes comme les enfants, chacun semble errer sans but dans ce lieu de la dernière chance à la manière de fantômes : Carmen, la directrice, est hantée par la souffrance de sa jambe, le professeur Casares, lui, est un poète raté qui n’arrive pas à assumer ses responsabilités de dirigeant et d’amant, tandis que le cruel Jacinto fait preuve d’une sauvagerie sans nom mais cache au fond de lui les souvenirs oubliés de son enfance passée à l’orphelinat (souvenirs qui ressurgiront au détour d’une scène vers la fin du film, lorsque Jacinto récupèrera une photo de lui lorsqu’il était enfant), sans oublier le petit Carlos, enfant abandonné par son tuteur et le reste de ses petits camarades, qui attendent en vain le retour hypothétique de leurs parents – le seul moment où de nouveaux adultes arriveront à l’orphelinat, ce seront des soldats venus fusiller des déserteurs. « El Espinazo del diablo » se charge ainsi d’une puissante symbolique d’un monde en perdition où l’humanité a baissé les bras face aux horreurs de la guerre – comme le rappelle la figure symbolique de la bombe plantée en plein milieu de la cours – et représente l’idée du fantôme à travers les personnages vivants comme les morts, et ce alors que l’Espagne est en train de tomber aux mains des nationalistes. Partant donc de ce postulat symbolique et de cette vision très personnelle du fantôme, Guillermo Del Toro nous livre un film plus intimiste et lent, sans sursauts de terreur ni artifice à suspense, le tout servi par la très belle photographie de Guillermo Navarro et des images très détaillées (l’impressionnant et étrange générique de début, le plan introductif sur le couloir, les plans de la bombe, ceux du sous-sol, etc.). Niveau casting, Eduardo Noriega s’impose dans le rôle de la brute épaisse qui deviendra le vrai bad guy du film, tandis que les jeunes acteurs campent à merveille des rôles pourtant difficiles et complexes (l’opposition Carlos/Jaime, qui se transformera en amitié). Il y a fort à parier que « El Espinazo del diablo » en déconcertera plus d’un, car le film ne va vraiment jamais là où on l’attend et s’éloigne quelque peu de ce que l’on a l’habitude de voir dans le cinéma d’épouvante hollywoodien (ou même espagnol), refusant la routine horrifique artificielles, la paresse scénaristique et les effets faciles. Sans être une production révolutionnaire pour autant, « El Espinazo del diablo » s’apprécie ainsi pour toutes ses nuances, preuve du talent incontestable de Guillermo Del Toro, qui s’avère finalement être bien plus inspiré lorsqu’il s’éloigne d’Hollywood !

« El Espinazo del diablo » doit aussi beaucoup à la partition mystérieuse et mélancolique du compositeur espagnol Javier Navarrete. Le compositeur, qui travaille pour le cinéma espagnol depuis la fin des années 80, a écrit la musique de plusieurs films d’Antonio Chavarrías avant de rencontrer Guillermo Del Toro sur « El Espinazo del diablo » en 2001, marquant ainsi le début de la collaboration artistique entre les deux hommes (Navarrete retrouvera ainsi Del Toro sur le fabuleux « El Laberinto del fauno » en 2006). Le compositeur espagnol livre pour « El Espinazo del diablo » une partition symphonique dramatique, mélancolique et mystérieuse qui évite toute forme de cacophonie ou de sursauts de terreur grand-guignolesques comme on l’entend trop souvent dans ce type de film, car, loin de céder aux tentations des codes habituels de la musique horrifique, Javier Navarrete répond par une musique plus retenue, un brin minimaliste et profondément mélancolique. Dès l’ouverture du film, le morceau « Qué es un fantasma ? » annonce clairement la couleur en développant un thème mystérieux aux notes descendantes, à base de cordes sombres, de bois solistes (hautbois, basson, etc.) et de timbales discrètes. L’ouverture reste sombre, certes, mais jamais agressive ni même terrifiante. Elle entretient en revanche une atmosphère de mystère dense avec cette sensation pesante de profonde amertume mélangée à un sentiment étrange d’inquiétude, une très belle introduction qui complète à merveille les images étranges et ondulantes du générique de début. Dans « Un Evento Terrible », Navarrete accentue la sensation de drame à l’origine de cette histoire de fantôme en utilisant quasi exclusivement l’ensemble des cordes partagées entre notes rapides et pizzicatos, sans oublier l’apparition de quelques notes de piano discrètes vers la fin du morceau et la reprise du thème dramatique de l’ouverture. Ici, comme pour l’ouverture, le compositeur joue sur la retenue et évite toute forme d’envolée massive au profit d’une atmosphère à la fois mystérieuse, contemplative et inquiétante, qui renforce clairement dans le film la sensation que les enfants et les adultes sont livrés à eux-mêmes dans cet orphelinat perdu en plein désert espagnol. L’atmosphère de mélancolie revient clairement dans « Condenado a repetirse », marqué lui aussi par le retour du thème dramatique aux notes descendantes, qui évoque encore une fois la mystérieuse tragédie du passé qui hante les lieux et l’idée des apparitions spectrales par le biais de cordes amères empruntes d’une sensation de tristesse tragique et pesante. Mais ici aussi, la musique conserve une retenue un brin pesante et inquiétante, avec ses cordes élégantes, sa harpe et ses quelques bois. Le compositeur met à nouveau l’accent sur le basson et les pizzicati graves à la fin de « Condenado a repetirse » pour accentuer l’idée d’un événement qui revient sans arrêt (le fantôme), condamné à se répéter inlassablement, comme le signifie le titre du morceau en espagnol. L’idée de la souffrance associé à l’état de fantôme est suggérée à travers le sombre et mélancolique « Un Instante De Dolor » où l’on retrouve les mêmes formules que dans les précédents morceaux : pizzicati, cordes pesantes et tenues, piano minimaliste et même quelques violons plus lyriques et quasi funèbres.

Même chose pour « Quiza », la musique restant assez présente à l’écran sans jamais en faire de trop, et ce grâce à son approche minimaliste et retenue bien que très monotone (surtout sur l’album). « Quiza » prend une tournure quasi élégiaque à travers son écriture de cordes morose, tandis que « Una Y Otra Vez » traduit davantage d’agitation avec des cordes plus mouvantes et des harmonies plus brèves. A noter ici l’emploi de brèves ponctuations de timbales à la fin de « Una Y Otra Vez », qui suggèrent clairement la tension du film, tandis que les cordes et le cor anglais résonnent de façon plus inquiétante lors de la conclusion du morceau. Même chose dans le pesant « Algo Muerto », tandis que « Por Momentos Vivo Aun » où l’on ressent enfin quelque chose de grave et d’intense dans la composition de Navarrete : surfant encore une fois sur l’idée de l’événement cyclique qui hante les lieux, le compositeur utilise ici un ostinato de notes ondulantes de cordes tandis que la musique est parsemé de quelques dissonances, de bois sombres et de timbales qui créent un sentiment de tension plus intense à l’écran, lors d’une scène vers la fin du film. Le second thème du score est entendu clairement dans « Un Sentimiento » : après une première apparition du thème principal au début du morceau, le second thème est interprété par des cordes élégiaques et sombres à partir de 1:56. Il exprime clairement le drame et la souffrance des personnages du film. A noter que « Un Sentimiento » devient plus chaleureux avec l’emploi d’un cor à la fin du morceau, instrument alors quasiment peu entendu depuis le début de la partition. Le thème associé aux douleurs cachées est alors repris au piano de manière délicate et fragile au début de « Una Fotografia Borrosa », évoquant la souffrance et les fantômes du passé (d’où le son un peu lointain et triste du piano). « Una Fotografia Borrosa » est de loin l’un des plus beaux morceaux du score de « El Espinazo del diablo », qui nous permet enfin d’entendre le thème du passé dans son intégralité. La musique s’intensifie dans « Un Fantasma » avec un final plus massif et agité qui rompt un peu avec la monotonie dramatique du reste du score, lors de la scène de l’explosion vers la fin du film, tandis que le thème principal est repris une dernière fois lors de la conclusion du film (« Eso Soy Yo »). Vous l’aurez donc compris, Javier Navarrete signe une partition orchestrale sombre, mélancolique et retenue pour « El Espinazo del diablo », une partition qui risque fort d’en étonner plus d’un à cause de ses orchestrations sobres et son extrême retenue quasi pudique. On regrettera le caractère monotone de la composition de Navarrete et le côté un peu plat des thèmes qui manque clairement de personnalité ou de singularité. Mais le résultat à l’écran est impeccable, la musique renforçant parfaitement l’ambiance sombre et mystérieuse du film de Guillermo Del Toro sans jamais en faire de trop. Javier Navarrete s’éloigne donc du style musical horrifique hollywoodien et souligne au contraire la dimension psychologique et humaine du récit par le biais d’une musique essentiellement dominée par le jeu dense et profondément mélancolique des cordes. A découvrir donc, en même temps que l’excellent film de Del Toro !




---Quentin Billard