1-Ouverture 1.55
2-Le Réveil de l'avion 1.04
3-L'aventure 2.55
4-L'enfant et l'avion 2.31
5-Le Printemps 2.37
6-L'enfant et l'avion (Variation) 1.52
7-Le Vertige 2.56
8-La Maison Vide 2.26
9-L'avion vole 2.28
10-Solitude 2.16
11-Charly 2.12
12-La Belle équipée 3.08
13-L'avion en danger 2.35
14-L'envol 2.25
15-Le Piano 2.35
16-L'avion fou 2.07
17-La Plage 1.44
18-La Météorite 6.34

Musique  composée par:

Gabriel Yared

Editeur:

Colosseum CST 8101.2

Album produit par:
Gabriel Yared
Conduit par:
Adam Klemens

Artwork and pictures (c) 2005 Fidélité Productions. All rights reserved.

Note: ***
L' AVION
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Gabriel Yared
Avec « L’Avion » (2005), le réalisateur français Cédric Kahn change radicalement de registre et aborde pour la première fois l’univers du film fantastique familial en nous livrant un joli conte pour enfant où l’imaginaire côtoie la réalité avec un sens du merveilleux propre au monde de l’enfance. Le réalisateur de « Roberto Succo » et « L’Ennui » adapte cette fois-ci à l’écran la bande dessinée « Charly » de Madga et Lapière, dont le premier tome, « Jouet d’enfer », est sorti en 1991 aux éditions Dupuis. « L’Avion » constitue un choix étonnant de la part de Cedric Kahn, que l’on connaissait essentiellement jusqu’ici pour ses drames psychologiques sombres et torturés (cf. le thriller « Feux Rouges », sorti en 2003). Mais pour le cinéaste français, réaliser un film pour enfant était un véritable challenge, car il fallait être très rigoureux et conserver un niveau d’exigence élevé, surtout dans la façon dont le film mélange réalité et fantastique avec brio (et parfois très maladroitement). « L’Avion » raconte l’histoire de Charly (Roméo Botzaris), un petit garçon de huit ans qui mène une existence ordinaire avec son père Patrick (Vincent Lindon) et sa mère Catherine (Isabelle Carré). Le soir de Noël, son père lui offre comme cadeau une grande maquette d’avion, alors qu’il lui avait promis un vélo. Charly est déçu, mais il garde quand même l’avion dans sa chambre. Peu de temps après, Patrick meurt tragiquement dans un accident sans avoir eu le temps d’honorer la promesse faite à son fils. Totalement abattu, le petit garçon découvre alors avec stupeur que l’avion que lui a offert son père est vivant et qu’il sait voler. Avec ce nouvel ami inattendu, Charly va s’envoler et vivra une grande aventure afin de retrouver son père pour le remercier de ce cadeau inespéré.

« L’Avion » aborde ainsi avec une certaine pudeur quelques sujets graves comme le déni de réalité, la difficulté du deuil ou le refuge dans l’imaginaire. Progressivement, la réalité bascule lentement dans le fantastique et mélange les genres avec une certaine conviction : film pour enfant, film fantastique, comédie, film d’aventure, drame intimiste, etc. « L’Avion », c’est donc tout cela à la fois. Le pari était fort risqué, d’autant qu’il s’agit là du film le plus cher qu’ait tourné Cedric Kahn – le long-métrage comporte environ 300 plans en effets spéciaux pour les scènes avec l’avion, mélangeant ainsi effets numériques, trucages optiques et effets mécaniques. Le résultat est d’ailleurs somme toute très convaincant, la plupart des scènes d’envol sur l’avion baignant dans un bleu nocturne à la fois mystérieux et apaisé, évoquant le monde de la nuit – et quelque part, de la mort, étant donné que Charly se met à la recherche de son père décédé. Hélas, malgré quelques bonnes idées et beaucoup de bonne volonté, « L’Avion » ne parvient pas à convaincre totalement, en particulier à cause du manque d’émotion du jeune Roméo Botzaris (cf. scène où on lui annonce la mort de son père : tout ce qu’il trouve à dire, c’est de demander s’il peut retourner faire ses devoirs !) et, d’une façon générale, un manque d’émotion évident. Cedric Kahn n’a jamais été à l’aise avec tout ce qui touche aux émotions et aux sentiments, lui qui s’est spécialisé jusqu’à présent dans des films sombres, froids et torturés, et en regardant « L’Avion », on peut clairement ressentir cette maladresse face au contenu émotionnel. Le film n’est pas dénué de poésie, loin de là, et son mélange de magie et de drame opère de façon plutôt satisfaisante, mais l’histoire s’essouffle très vite et tourne en rond alors que la deuxième partie du film déçoit en tombant dans quelques clichés un peu faciles – les méchants militaires qui poursuivent le héros – Autre problème de taille : la pauvreté des dialogues, et l’interprétation inégale des acteurs (Isabelle Carré est parfois convaincante, parfois extrêmement terne. Quand à Vincent Lindon, il n’apparaît qu’à peine 6 ou 7 minutes dans le film !), sans oublier un scénario un brin bancal, peu intéressant dans sa seconde moitié. Hélas, ce premier essai de conte pour enfant ne convainc pas totalement. Cedric Kahn se montre peu à l’aise dans le cadre du film fantastique familial et les maladresses diverses de « L’Avion » en font un film peu abouti, qui nous laisse complètement sur notre faim.

La partition orchestrale de Gabriel Yared apporte au long-métrage de Cedric Kahn un charme et une poésie évidente. A cette histoire d’avion magique et de quête du père disparu, Yared répond par une musique mélangeant émotion et mystère. Le film débute au son du thème principal introduit d’emblée dans « Ouverture », thème majestueux et intime confié à un cor anglais sur fond de cordes, repris ensuite par une flûte puis par une clarinette. Les harmonies élégantes qui soutiennent la mélodie principale renforcent la sensation de mystère et de poésie qui se dégage de ce thème à l’écran, avec un soupçon de magie associé à l’amitié entre Charly et son avion en plastique. Dans « Le Réveil de l’Avion », Gabriel Yared évoque l’éveil de l’avion de Charly avec des cordes à la fois dramatiques – associées à l’idée de la perte tragique du père – et des bois intimes et mélancoliques, qui laissent planer le doute sur la réalité de cet avion. Dans « L’Aventure », Yared introduit le deuxième thème de la partition de « L’Avion », thème plus mystérieux avec ses arpèges entêtant de harpe, ses notes de hautbois, cordes et piano. Le thème de l’aventure accompagnera la plupart des scènes où Charly accompagne son avion dans de nombreuses aventures, le thème restant à la fois minimaliste et retenu dans son approche instrumentale pour suggérer les différentes épreuves et dangers qui attendent Charly – d’où le côté légèrement inquiétant, mystérieux et intrigant de ce thème dans le film. Encore une fois, Yared confère à l’avion une mélodie qui suscite l’interrogation, le doute : peut-on réellement faire confiance à cet avion qui semble s’être éveillé de nulle part, comme dans un rêve ? Est-ce réellement la réalité ou l’imagination d’un enfant meurtri par le décès de son père ? Toutes ces questions semblent rester en suspend dans « L’Aventure » avec sa sensation inquiétante de doute et de mystère. Le thème intime de Charly revient dans « L’enfant et l’avion » et prolonge ici aussi l’idée de l’amitié forte qui unit l’enfant à son nouveau jouet. Ici aussi, on appréciera le soin apporté aux orchestrations et la façon dont la mélodie passe d’un instrument à un autre avec une certaine aisance. Ici aussi, la musique conserve un côté mystérieux qui renforce la partie plus fantastique/surnaturelle de l’intrigue à l’écran, sans jamais verser dans les envolées grandiloquentes. Les harmonies restent volontairement ambiguës, comme si l’on s’attendait à ce que l’enfant s’éveille.

Encore une fois, la musique laisse brillamment planer le doute à l’écran quand à la réalité de cette aventure irréaliste. Yared apporte néanmoins une certaine tendresse plus poétique à sa musique comme le confirme « Le Printemps » et son piano délicat sur fond de cordes, pour la scène de l’arrivée du printemps. On retrouve d’ailleurs ici le lyrisme mélodique cher à Gabriel Yared, agréable, frais et simple. Dans « Le Vertige », le compositeur renforce l’idée du mystère et du danger en reprenant l’inquiétant thème de l’aventure et ses notes ondulantes de harpe assez entêtantes et répétitives. La tension de « Le Vertige » se retrouve dans « La Maison Vide », qui reprend le thème et ses notes entêtantes de harpe avec un piano solitaire et des cordes en suspend – on appréciera d’ailleurs la façon dont le compositeur superpose le matériau instrumental associé au thème de l’aventure et un groupe de notes au piano tirées du thème du printemps. Ici aussi, Yared privilégie des orchestrations minimalistes et une certaine retenue, illustrant les sentiments intérieurs du petit Charly avec une délicatesse qui ne tombe jamais ni dans la niaiserie ni dans le sentimentalisme primaire. A contrario, la musique demeure curieusement mystérieuse tout au long du film, bien que non dénuée d’un certain charme poétique, comme le rappelle la reprise du thème de l’avion dans « L’avion vole ». En revanche, la mélancolie du jeune enfant est parfaitement retranscrite dans « Solitude » avec beaucoup de pudeur. On notera une reprise très réussie du thème de l’aventure dans « L’avion en danger », pour la scène où l’avion est retenu par des scientifiques dans un complexe militaire. Ici aussi, la tension et le danger sont les maîtres mots du morceau, sans jamais perdre de vue l’idée de la retenue et du minimalisme. Seule ombre au tableau : une utilisation de cordes synthétiques curieusement cheap et malvenues dans « L’Avion Fou », l’un des rares passages un peu agités de la partition de « L’Avion ». Enfin, Yared conclut sa partition dans l’excellent « La Météorite », reprenant ses différents thèmes pour une suite de plus de 6 minutes assez réussie. Gabriel Yared signe donc une assez jolie partition orchestrale pour « L’Avion », teintée de mystère, de doute mais aussi d’intimité, de mélancolie et de délicatesse, un voyage musical minimaliste, intimiste et tout en retenue, qui correspond parfaitement à l’atmosphère du film de Cedric Kahn, sans jamais en faire de trop.




---Quentin Billard