1-The English Patient 3.30
2-A Retreat 1.21
3-Rupert Bear 1.22
4-What Else Do You Love? 1.00
5-Why Picton? 1.04
6-Cheek to Cheek 3.15*
7-Kip's Light 1.24
8-Hana's Curse 2.06
9-I'll Always Go Back
To That Church 1.48
10-Black Nights 1.53
11-Swoon, I'll Catch You 1.47
12-Am I K. In Your Book? 0.55
13-Let Me Come In! 2.35
14-Wanf Wang Blues 2.47**
15-Convento Di Sant'Anna 9.09
16-Herodotus 1.04
17-Szerelem, Szerelem 4.32***
18-Ask Your Saint
Who He's Killed 1.04
19-One O'Clock Jump 3.10+
20-I'll Be Back 4.00
21-Let Me Tell You
About Winds 0.55
22-Read Me To Sleep 4.56
23-The Cave of Swimmers 1.55
24-Where or When 2.14++
25-"Aria" from "The Goldberg Variations" 2.57+++
26-Cheek to Cheek 3.42#
27-As Far As Florence/
E'n Csak Azt Csodálom
(Lullaby for Katharine) 6.24

*Interprété par Fred Astaire
Ecrit par Irving Berlin
**Interprété par Benny Goodman
Mueller/Johnson/Busse/Wood
***Interprété par Muzsikás
avec Márta Sebestyén
Traditionnel, arrangé par
Karoly Cserepes
+Interprété par Benny Goodman
Ecrit par Count Basie
++Interprété par
Shepheard's Hotel Jazz Orchestra
Rodgers/Hart
+++Interprété par Julie Steinberg
Ecrit par Johann Sebastian Bach
#Interprété par Ella Fitzgerald
Ecrit par Irving Berlin.

Musique  composée par:

Gabriel Yared

Editeur:

Polydor 537325-2

Music sound designer:
Georges Rodi
Montage musique:
Robert Randles
Coordination musique:
Ling Ling Li
Album produit par:
Robert Randles

Artwork and pictures (c) 1996 Miramax Film Corp. All rights reserved.

Note: ****
THE ENGLISH PATIENT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Gabriel Yared
Mélodrame hollywoodien récompensé par 9 Oscars en 1996, « The English Patient » (Le Patient Anglais) est l’un des plus grands succès cinématographiques du réalisateur britannique Anthony Minghella et reste l’un de ses projets les plus ambitieux. Adapté du roman homonyme de Michael Ondaatje sorti en 1992, « The English Patient » raconte une histoire d’amour tragique sur fond de guerre et de souvenirs du passé. L’histoire débute en pleine Seconde Guerre Mondiale. Un homme (Ralph Fiennes) qui voyageait avec une femme en avion a été sauvé de justesse des flammes par des nomades suite au crash de son appareil en plein désert du Sahara. Gravement brûlé, le mystérieux survivant est remis aux Alliés et soigné par Hana (Juliette Binoche), une infirmière militaire canadienne arrivée en Toscane en 1944. Mais l’homme a perdu la mémoire et semble incapable de se souvenir de son nom. Hana décide alors de l’inscrire sous le nom « patient anglais » et demande à ses supérieurs le droit de s’installer dans un monastère abandonnée pour pouvoir s’occupe de son patient. Peu de temps après, Hana et le patient anglais sont rejoints par deux démineurs menés par le lieutenant sikh Kip Singh (Naveen Andrews) et un certain Caravaggio (Willem Dafoe), qui prétend s’occuper des relations entre les résistants italiens et les Alliés. Caravaggio semble alors en savoir plus qu’il n’y paraît quand à l’identité du mystérieux patient anglais, mais reste avare en information. Un jour, pendant les lectures d’Hérodote et les discussions qu’il a avec Caravaggio, le patient anglais retrouve la mémoire et se souvient enfin qui il était : il est en réalité le comte László Almásy, un aviateur hongrois qui assurait des services d’expéditions archéologiques dans le désert lybien auxquelles participèrent les britanniques dans les années 30. Il se souvient alors d’une passion dévastatrice et impossible avec Katharine Clifton (Kristin Scott Thomas), l’épouse d’un important milliardaire anglais qui finance l’expédition, Geoffrey Clifton (Colin Firth). « The English Patient » s’inscrit donc dans la continuité des grands mélodrames hollywoodiens épiques d’antan, avec une ampleur encore inédite à cette époque dans la filmographie d’Anthony Minghella. L’histoire est racontée à travers une série de flashbacks et de souvenirs, un récit qui mélange efficacement passion amoureuse brûlante, drame historique et aventure avec un savoir-faire évident. Le film s’avère être très long (près de 162 minutes) et n’est malheureusement pas dénué de nombreuses longueurs. Mais l’interprétation extrêmement solide des acteurs et la qualité de la mise en scène du cinéaste anglais ont fait de « The English Patient » l’un des films incontournables de l’année 1996 et aussi l’un des plus grands mélodrames hollywoodiens des années 90. Niveau casting donc, le long-métrage réunit Ralph Fiennes, Kristin Scott Thomas, Juliette Binoche, Willem Dafoe et Colin Firth dans une histoire ample, romantique et tragique inspirée du véritable comte László Almásy qui a réellement existé – on lui doit la découverte de l’oasis de Zerzura dans le désert lybien au début des années 30 – bien qu’une bonne partie de son histoire soit totalement romancée pour les besoins du film. Le succès du film fut tel qu’il remporta donc 9 Oscars, incluant celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure musique de film, un énorme succès qui permit aussi à certains acteurs du film de faire littéralement décoller leur carrière, que ce soit pour Ralph Fiennes, Juliette Binoche ou bien encore Colin Firth.

La partition symphonique dramatique et romantique de Gabriel Yared reste à n’en point douter l’un des éléments-clé du film d’Anthony Minghella, partition qui a d’ailleurs gagnée l’Oscar de la meilleure musique de film en 1996. Avec la complicité de l’orchestre du Academy of St. Martin in the Fields dirigé par Harry Rabinowitz, du pianiste John Constable et de la chanteuse de musique traditionnelle hongroise Márta Sebestyén, Gabriel Yared évoque les différentes facettes de ce récit épique, dramatique et romantique en utilisant un langage symphonique classique et élégant, servi par des orchestrations riches, et une utilisation remarquable de thèmes traditionnels hongrois et d’airs baroques – et, chose assez rare dans le cinéma américain, la musique de Yared a été entièrement composée durant le tournage du film : le compositeur a eu ainsi près de 10 mois de travail pour nous livrer sa très belle partition pour « The English Patient ». Le film débute au son des vocalises mélancoliques et solitaires de Márta Sebestyén sur l’air traditionnel hongrois « Szerelem, Szerelem », une sorte de lamentation accompagnant les premières scènes de désert libyen au début du film – et qui résonne de manière vaguement orientale, tout en rappelant dans le film les origines du comte László Almásy. La deuxième partie de « The English Patient » introduit les premiers thèmes de la partition de Yared : une mélodie aux accents vaguement ethniques avec hautbois et cordes pour le désert libyen et le drame lié à l’histoire du patient anglais, et un thème plus mélancolique et romantique des cordes autour de la passion dévorante pour Almásy et Katharine Clifton, qui s’apparente au Love Theme de la partition de « The English Patient ». Avec « A Retreat » (qui introduit un joli thème mélancolique de clarinette pour Hanna) et « Rupert Bear », la musique devient plus lyrique, plus intime et personnelle : Gabriel Yared met alors l’accent sur les cordes, les bois et la harpe pour évoquer les sentiments et les états d’âme des différents protagonistes du film. Les notes délicates du piano de « What Else Do You Love ? » confirment clairement l’orientation lyrique et romantique de la musique de « The English Patient », tout comme la clarinette et le hautbois de « Why Picton ? », avec une écriture toujours très classique d’esprit et inspirée du 19ème siècle, à mi-chemin entre l’élégance d’un Mahler ou le romantisme flamboyant d’un Strauss. On notera le très beau thème pour piano baroque inspiré de Jean-Sébastien Bach dans « Kip’s Lights », une idée mélodique centrale que Yared développe à plusieurs reprises dans le film. Ce thème baroque de piano revient ainsi dans une très belle version pour cordes, bois et mandoline dans « I’ll Always Go Back To That Church », pour la scène poétique où Kip et Hanna visitent ensemble l’église italienne. Yared nous propose ici une orchestration plus classique et romantique de cette mélodie élégante et poétique, tout en évoquant le caractère plus magique et optimiste de la scène – signalons d’ailleurs que le recours à un style baroque vient ici de la passion commune d’Anthony Minghella et Gabriel Yared pour la musique de Bach, et qui sert parfaitement le propos du réalisateur sur son film.

Dans « Black Nights », la musique devient plus réservée, avec une écriture plus lyrique de piano, violoncelle et cordes, le tout baignant dans ce classicisme d’écriture cher à Gabriel Yared, témoignant d’un savoir-faire plus qu’évident. Et c’est avec un certain plaisir que l’on retrouve le Love Theme pour Almásy et Katharine dans « Swoon, I’ll Catch You », qui évoque dans le film le jeu de séduction interdit entre les deux amants, avec un ton amer et quelque peu résigné, suggérant l’impossibilité d’épanouissement dans cette passion destructrice. La mélodie débute à 0:33 aux cordes, puis est à nouveau reprise dans une envolée symphonique poignante et passionnée à 1:05, avec toujours ce même sentiment de fatalité et de tragédie d’un amour impossible et contrarié par les événements et le destin. C’est d’ailleurs l’une des rares fois où Yared développe pleinement son Love Theme, qu’il suggère davantage par bribe tout au long du film. Le thème baroque revient dans « Convento Di Sant’Anna » et « Let Me Come In », suggérant à nouveau avec élégance les sentiments des personnages, dans une très belle version pour piano puis pour 2 violons. « Herodotus » reprend quand à lui le thème dramatique final de l’ouverture (« The English Patient »), avec ses harmonies romantiques et dramatiques caractéristiques qui rappellent clairement le « Tristan & Isolde » de Richard Wagner, un thème associé aussi à l’idée des secrets liés au passé du patient anglais et à sa passion aveugle pour une femme mariée – dans une interview, Yared déclara un jour qu’Anthony Minghella avait aussi en tête Puccini comme compositeur de référence pour la musique de « The English Patient ». Dans « I’ll Be Back », on retrouve le thème de clarinette d’Hanna (Juliette Binoche), avec ses choeurs masculins discrets en fond sonore, tapis dans l’ombre, comme pour suggérer l’idée du drame et des souffrances de la guerre – et de la jeune infirmière. Le morceau se prolonge ensuite sur une reprise du thème du désert libyen de « The English Patient », développé ici entre les cordes et la clarinette d’Hanna : ainsi donc, Yared fait converger petit à petit ses idées mélodiques/instrumentales comme pour suggérer l’idée du puzzle en train de se résoudre, d’un secret sur le point de tomber : on retrouve d’ailleurs à 2:36 les premières notes du Love Theme aux cordes, à peine suggéré, sur un ton plus tragique et amer, thème qui aboutit au poignant « Let Me Tell You About Winds », dans lequel Yared mélange aussi ses différentes idées mélodiques : ainsi donc cohabitent en introduction du morceau le Love Theme et le thème dramatique aux consonances wagnériennes, tandis que l’on retrouve les choeurs masculins discrets et les notes furtives de clavecin déjà entendues à la fin de « The English Patient ». La musique évolue ainsi vers une idée de résolution et regroupe toutes les idées de manière plus compacte et moins éparpillée : cette progression suit de manière parfaitement cohérente celle du film.

C’est donc sans surprise que le Love Theme revient ainsi de façon tragique dans « The Cave of Swimmers » et « As Far As Florence » (qui débute d’ailleurs avec le thème du désert au hautbois) : ce morceau résume d’ailleurs une bonne partie des idées de Yared sur « The English Patient » : la voix de Márta Sebestyén se superpose aux cordes et au thème baroque de piano pour Kip, avant d’enchaîner sur une reprise puissante et lyrique du Love Theme et du thème dramatique wagnérien, avant de conclure avec le piano plus délicat de John Constable, pour un dernier thème lui aussi inspiré de Bach et de la musique baroque. Avec « The English Patient », Gabriel Yared nous offrit ainsi en 1996 sa première grande partition hollywoodienne, et sans aucun doute l’une de ses oeuvres les plus mémorables de sa filmographie U.S., un sommet de romantisme classique et de lyrisme poignant et élégant, brillamment élaboré sur les images et cohérent de bout en bout dans sa construction thématique et ses différentes idées mélodiques. « The English Patient » reste un aboutissement dans la carrière de Gabriel Yared, couronnée d’un Oscar, à connaître et à découvrir sans hésiter !



---Quentin Billard