1-Flandes 8.38
2-Alatriste 1.13
3-Angélica y María 2.35
4-Malatesta 2.11
5-Bocanegra 4.21
6-La Conquista de Breda 6.14
7-Quien No Sospecha Tanto Amor 3.05
8-Asalto al Galeón 4.16
9-Toca Ser Libres 3.23
10-Los Menesteres del Rey 3.57
11-Traición a Íñigo 3.10
12-Duelo 4.03
13-Recordando a Quevedo 3.26
14-El Collar 3.38
15-La Mancha de la Traición 1.32
16-La Playa 1.56
17-Batalla 3.01
18-Héroe Abatido 2.42
19-Cuenta lo que Fuimos 3.52
20-Fanfarre y Créditos 7.47

Musique  composée par:

Roque Baños

Editeur:

Meliam Music MM0090601

Album produit par:
Roque Baños
Orchestré par:
Roque Baños

(c) 2006 Estudios Picasso/Origen Producciones Cinematograficas S.A./NBC Universal Global Networks. All rights reserved.

Note: ***1/2
ALATRISTE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Roque Baños
A l’origine, « Alatriste » est une série de six romans de l’écrivain espagnol Arturo Perez-Reverte parus entre 1996 et 2006, qui racontent l’histoire du capitaine Alatriste, un mercenaire loyal qui combat en pleine Espagne du 17ème siècle. Le personnage d’Alatriste est une véritable icône populaire en Espagne, et les cinq romans sont fréquemment étudiés dans les écoles grâce au réalisme du contexte historique dans lequel se déroule chaque livre. Agustín Díaz Yanes nous livre avec « Alatriste » un film d’aventure sombre et violent, mélangeant Histoire et drames sentimentaux. Le scénario est quand à lui un condensé des six ouvrages originaux d’Arturo Perez-Reverte. L’histoire débute en 1622. Diego Alatriste (Viggo Mortensen) est un soldat courageux à la solde du roi Philippe IV, avant-dernier roi de la maison d’Autriche. Alatriste vient tout juste d’affronter les ennemis du pays dans les Flandres lorsqu’il apprend la mort de l’un de ses meilleurs amis au combat, qui lui confie alors son jeune fils, Iñigo Balboa (Unax Ugalde). Alatriste jure alors de veiller sur lui et de l’élever comme son propre fils. Mais les années passent, et Alatriste vieillit sur les champs de bataille, dont il ressort régulièrement victorieux mais diminué et las, tandis que la cour du roi est le théâtre de manipulations et de corruptions, orchestrées par le très influent comte-duc Olivares (Javier Camara). Alatriste vit dans la précarité, à l’instar d’une bonne partie du peuple espagnol de l’époque, dans un Empire décadent gouverné par la tyrannie des dirigeants, la cupidité de l’aristocratie et la terreur menée par l’influente inquisition espagnole. Alatriste décide alors de donner un autre sens à sa vie en courtisant Maria de Castro (Ariadna Gil), belle et séduisante actrice renommée, qui ne laisse pas le roi indifférent. Après une liaison brève mais intense, Alatriste et Maria finissent par s’éloigner l’un de l’autre. Quand à Iñigo, ce dernier tombe amoureux de la belle Angélica de Alquézar (Elena Anaya), la nièce d’un important aristocrate de la cour du roi, sans se douter qu’Angélica est une manipulatrice qui agit par haine et intérêt. Alatriste continuera quand à lui son parcours de mercenaire à Madrid puis à Séville, déjouant plusieurs conspirations tandis qu’il vit une passion sans lendemain pour Maria, désormais courtisée par le roi. Le courageux soldat livrera finalement sa dernière bataille à Rocroi en mai 1643. « Alatriste » reste à ce jour le film le plus cher de l’histoire du cinéma espagnol, avec un budget de 24 millions d’euros (totalement dérisoire par rapport à un budget de blockbuster hollywoodien moyen, mais très élevé pour une production européenne d’une telle envergure). Le film d’Agustín Díaz Yanes vaut surtout pour la qualité de ses décors et ses costumes, sa brillante reconstitution de l’histoire tourmentée de l’Espagne du 17ème siècle, et l’interprétation convaincante de Viggo Mortensen dans la peau de Diego Alatriste. Hélas, le film n’est pas dénué de longueurs, et le rythme parfois lent de certaines scènes empêche l’intrigue de décoller véritablement : le scénario hésite trop souvent entre scènes de bataille épiques et séquences intimistes/passionnelles plus ternes et sans relief. Quand à la mise en scène, elle manque très nettement d’ampleur, car à trop vouloir refuser le côté spectaculaire qu’il souhaitait délaisser sur « Alatriste », le réalisateur a finit par accoucher d’un film bancal et frustrant, pas totalement abouti pour convaincre pleinement : le fait même que le scénario soit un condensé des six romans originaux empêche le scénario de s’épanouir totalement, là où on était pourtant en droit d’attendre une vraie fresque épique historique à la manière du « 1492 » de Ridley Scott par exemple, et non pas une série de saynètes d’amour contrariés et de bavardages incessants. A noter pour finir que « Alatriste » a remporté 3 Goyas en 2007 dans la catégorie meilleur costume, meilleur décorateur et meilleur producteur.

La partition orchestrale du compositeur espagnol Roque Baños est sans aucun doute l’élément le plus positif du film d’Agustín Díaz Yanes, sans être pour autant LE chef-d’oeuvre du compositeur, figure emblématique de la musique de film en Espagne - Roque Baños est effectivement connu pour ses collaborations avec Álex de la Iglesia, Jaume Balagueró ou bien encore Carlos Saura. Le travail du compositeur sur « Alatriste » reste assez typique du style orchestral habituel de Roque Baños : à son classicisme d’écriture un brin hollywoodien -notamment dans les passages d’action- et ses orchestrations toujours très soignées (le tout servi par l’interprétation remarquable du PRO-ART Orchestra & Chorus dirigé par Roque Baños lui-même), le compositeur ajoute une utilisation d’instruments solistes remarquable, et plus particulièrement à travers une guitare hispanisante, des percussions, un choeur aux accents religieux et un duduk arménien aux sonorités vaguement orientales, instrument remis au goût du jour au cinéma depuis le succès du « Gladiator » de Hans Zimmer en 2000. Quand aux notes de la guitare andalouse, elle rappelle beaucoup le travail de Baños sur « Salomé » de Carlos Saura (2002), tout en évoquant dans « Alatriste » les sonorités musicales traditionnelles de l’Espagne du 17ème siècle. Le film commence au son du mystérieux « Flandes », lors de la scène d’affrontement dans les Flandres au début du film. Baños mélange ainsi percussions guerrières, duduk arménien et même voix masculines. Le compositeur apporte à sa musique un caractère contemplatif et méditatif assez typique de son travail sur « Alatriste ». Quand à la première scène de bataille dans les Flandres, Baños choisit de l’illustrer avec un premier morceau d’action guerrier rythmé par les tambours de la bataille, des cordes agitées et des cuivres imposants, le tout sur fond de guitare hispanisante (on n’est guère loin du « Gladiator » de Zimmer). Le thème solennel et émouvant associé dans le film au personnage de Viggo Mortensen, évoquant son courage et sa loyauté, est entendu dans « Alatriste », confié à un luth solitaire qui rappelle la musique baroque du 17ème siècle. Ce thème reviendra surtout vers la fin du film, à travers une superbe coda orchestrale incontournable lors de la bataille finale. Le second thème est entendu dans « Angélica y Maria ». Il s’agit d’une sorte de Love Theme mélancolique et torturée, confié à un hautbois et des cordes amères assez classique d’esprit, mais dont le caractère résigné évoque clairement l’amour impossible entre Angélica et Iñigo. Le morceau développe ensuite le troisième thème du score, un Love Theme associé cette fois-ci à la romance contrariée et sans lendemain entre Alatriste et Maria dans le film, thème subtil et tout en retenue, confié davantage aux bois (hautbois, flûte) sur fond d’arpèges de harpe. « Malatesta » introduit un solide mélange de guitare sèche dont les notes brèves et posées rappellent le style de la musique arabo-andalouse de l’époque, avec les tambours guerriers du début et les choeurs masculins lors du premier duel à l’épée dans le film.

Les morceaux évoquant les intrigues politiques sont plus fonctionnels et décevants sur l’album, en particulier à cause de leur caractère souvent très lent et monotone : c’est le cas par exemple d’un morceau comme « Bocanegra ». En revanche, la musique sait se faire plus imposante et prenante lors des moments-clé du film, comme la reprise émouvante et solennelle du thème principal aux cordes à la fin de « La Conquista de Breda », ou lors de la reprise poignante du thème d’amour pour Maria au hautbois dans « Quien No Sospecha Tanto Amor », suivi du thème de cordes pour Angélica. A noter que le Love Theme d’Angélica et ses cordes tourmentées et résignées ne sont pas sans rappeler le romantisme classique et crépusculaire de Bernard Herrmann – on pense ici à certaines mesures de « Vertigo ». L’action n’est pas en reste avec le frénétique et guerrier « Asalto Al Galeon », qui rappelle ici aussi certaines sonorités de « Gladiator » lors de la scène de la bataille sur le navire vers le milieu du film. Le Love Theme d’Angélica revient dans « Toca Ser Libres » et « Traicion A Inigo » avec toujours ce même sentiment de fatalité et de résignation, tandis que le thème romantique de Maria est cette fois-ci confié à une guitare mélancolique et solitaire et une flûte dans l’émouvant « Los Menesteres Del Rey », dont les notes hispanisantes caractéristiques ne sont pas sans rappeler Joaquin Rodrigo et son célèbre « Concierto de Aranjuez ». « Duelo » accompagne la scène où Alatriste affronte ses conspirants en duel à l’épée vers la fin du film, bref passage d’action cuivré suivi de la guitare mélancolique de Maria. La musique reste donc parfaitement cohérente et suit le déroulement de l’histoire avec intérêt, partagé entre les instruments solistes et les thèmes. On appréciera par exemple la reprise mélancolique du thème principal murmuré par une voix lointaine dans « Recordando a Quevedo » ou une envolée poignante du Love Theme pour Alatriste et Maria dans le bouleversant « El Collar », lorsque Alatriste retrouve Maria vers la fin du film à l’hôpital pour les malades syphilitiques. La musique de Roque Baños atteint son climax dans l’impressionnant « Batalla », accompagnant avec force et conviction la bataille finale du film à grand renfort de tambours guerriers, de cuivres martiaux et de choeurs en latin épiques, un moment incontournable dans la partition de « Alatriste ». Enfin, le thème principal est repris dans son intégralité par l’orchestre et les choeurs d’hommes de manière solennelle et classique dans « Héroe Abatido » pour rendre hommage au courage et à la loyauté exemplaire du capitaine Alatriste à la fin du film. La fanfare finale de « Cuenta Lo Que Fuimos » conclut le film sur une touche épique et grandiose avec une conclusion orchestrale/chorale solennelle et épique à souhait : on aurait simplement aimé entendre un peu plus ce style tout au long de la partition !

Au final, Roque Baños signe une partition de qualité pour « Alatriste », apportant un mélange savant d’émotion, de lyrisme retenue et d’aventure au film d’Agustín Díaz Yanes sans briller d’une quelconque originalité particulière. Comme toujours avec Baños, on regrettera le côté un brin impersonnel de la composition, qui mélange les influences de façon parfois très (trop ?) évidente. Néanmoins, la partition de « Alatriste » est le compagnon idéal pour tous ceux qui apprécient les romans d’Arturo Perez-Reverte et pour ceux qui ont adoré l’ambiance du film d’Agustín Díaz Yanes. La musique de Roque Baños vaut surtout pour la qualité de ses thèmes et de ses nombreux développements tout au long du récit, bien que l’on regrettera là aussi le côté impersonnel et souvent trop subtil des thèmes, qui, bien que très présents, ne laissent aucun souvenir particulier en mémoire. Alternant entre action et passages plus contemplatifs et retenus, la musique de « Alatriste » rappelle le savoir-faire évident du compositeur espagnol, véritable touche-à-tout décidément à l’aise dans tous les styles et toutes les ambiances. Voilà donc un travail de qualité à réserver néanmoins aux afficionados de Roque Baños !



---Quentin Billard