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1-The First Seance 5.29
2-Blanche's Challenge 2.09 3-The Mystery Woman 3.27 4-The Rescue of Constantine/ The Diamond Chandelier 2.21 5-Kitchen Pranks 2.08 6-The Shoebridge Headstone 2.23 7-Maloney's Visit to the Jewelry Store/Maloney's Knife/ The Stake Out 4.58 8-The Second Seance 2.20 9-Nothing Held Back 0.37 10-The White Mustang 1.19 11-Blanche and George 1.17 12-Maloney's Exit 2.03 13-Share and Share Alike 0.54 14-The Mondrian Shot/ The Revealed Identity 1.47 15-The Search Montage 3.41 16-Blanche's Arrival/ Blanche's Note 2.29 17-Blanche Gets the Needle 3.03 18-Breaking Into the House 5.16 19-The Secret Door/ Blanche Wakes Up 1.39 20-End Cast 4.14 21-Family Plot Theme 2.38 22-The Stonecutter 6.35 Musique composée par: John Williams Editeur: Varèse Sarabande VCL 1110 1115 Album produit par: Robert Townson, Mike Matessino Orchestrations: Herbert W. Spencer, Al Woodbury American Federation of Musicians Edition limitée à 5000 exemplaires. Artwork and pictures (c) 1976/2010 Universal Studios. All rights reserved. Note: **** |
FAMILY PLOT
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ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
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Music composed by John Williams
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« Family Plot » (Complot de famille) est le dernier film d’Alfred Hitchcock, sorti en 1976. Le film est un mélange étonnant de polar à suspense et de comédie noire, adapté du roman de Victor Canning « The Rainbird Pattern », sur un scénario d’Ernest Lehman. « Family Plot » marqua ainsi les retrouvailles entre Hitchcock et Lehman pour la seconde fois après « North by Northwest » en 1959, pour lequel le scénariste signa l’un de ses meilleurs scripts (il a aussi écrit les scénarios pour des grands films tels que « The King and I », « Sabrina », « West Side Story » ou bien encore « Who’s Afraid of Virginia Woolf ? »). Avec « Family Plot », Alfred Hitchcock nous offre une intrigue à suspense diabolique, comme à l’accoutumée, l’histoire débutant par une étonnante séance de spiritisme : une vieille dame très riche, Julia Rainbird (Cathleen Nesbitt), est rongée par les remords et a décidé de faire appel à une voyante, Blanche Tyler (Barbara Harris). Julia est hantée depuis plusieurs années par des cauchemars dans lesquels elle voit sa défunte soeur lui demander de retrouver son fils illégitime que Julia avait fait disparaître par crainte des commérages. La vieille dame demande alors à Barbara de l’aider à retrouver son neveu Edward disparu depuis de nombreuses années, en échange d’une grosse somme d’argent (10.000 dollars), et ce afin de faire de lui son héritier avant sa mort. Mais en réalité, Blanche est une pseudo-voyante qui falsifie la plupart du temps ses séances de spiritisme. Elle vit avec George Lumley (Bruce Dern), un modeste chauffeur de taxi. Ils décident alors de se lancer ensemble sur les traces du fameux héritier Rainbird, héritier dont ils finissent par retrouver la trace en la personne du bijoutier Arthur Adamson (William Devane). Ce dernier semble avoir tout fait pour faire croire à sa mort depuis bien longtemps, et s’est aujourd’hui reconverti dans la vente de bijou après avoir changé de nom et d’identité suite à l’assassinat de ses parents (ce qui explique pourquoi il s’est ensuite fait passer pour mort). Il vit aujourd’hui avec sa compagne Fran (Karen Black), qui l’aide à organiser des kidnappings de milliardaires et de riches hommes d’affaire afin de les cacher dans une pièce secrète de leur garage en attendant une rançon. Mais lorsqu’Arthur découvre que George et Blanche sont à sa recherche, le bijoutier kidnappeur commence à s’inquiéter, craignant de voir débarquer chez lui la police : avec l’aide d’un ami, Joseph Maloney (Ed Lauter), Arthur décide de s’occuper des deux fouineurs. « Family Plot » est donc l’ultime film d’Hitchcock, et aussi une oeuvre assez surprenante de la part du cinéaste. En choisissant d’atténuer la noirceur dramatique du scénario original d’Ernest Lehman en y introduisant une bonne dose d’humour et d’auto-dérision, Hitchcock nous livre un film hybride qui oscille entre burlesque et suspense d’une manière quasi inédite dans l’immense filmographie du cinéaste.
Si l’intrigue du film n’a rien d’étonnant pour un Hitchcock, le traitement de l’histoire et des personnages reste plus inattendu : on se souviendra notamment de la fameuse scène de la voiture sans frein qui dévale la route à toute vitesse, avec un Bruce Dern sans dessus dessous, obligé de sortir de sa voiture avec un pied sur sa figure : on nage ici en plein burlesque, chose totalement inédite dans un thriller hitchcockien (d’autant que la scène est une sorte d’hommage plein de dérision à « North by Northwest »). C’est d’autant plus étonnant que le cinéaste s’étai pourtant déjà essayé à l’humour noir dans la comédie macabre « The Trouble with Harry » en 1955, film inattendu et atypique qui n’avait malheureusement pas réussi à convaincre le public de l’époque. Quand aux personnages de « Family Plot », ils sont à des années lumières des héros séduisants de l’âge d’or hollywoodien qu’incarnaient Cary Grant ou James Stewart, et s’orientent clairement vers la figure archétypale du héros de comédie américaine avec leurs lots d’imperfections et de maladresse, totalement dépassés par les événements. Le film a malheureusement fortement vieilli (les incrustations kitsch des décors dans les scènes de voiture ne fonctionnent plus en 1976 !) et marque la fin de toute une génération, assurément. Il n’empêche que, malgré la maladie et la fatigue (Hitchcock décèdera quatre ans après « Family Plot »), le cinéaste de « Psycho » et « The Birds » parvient à jeter un regard amusé et un peu tendre envers sa propre oeuvre dans son ultime long-métrage hollywoodien, comme nous le rappelle le dernier clin d’oeil de Barbara Harris face à la caméra à la fin du film (adressé malicieusement au public d’Hitchcock ?). Le film se referme ainsi, le rideau s’abaisse sur la fin d’une longue et richissime carrière pour le cinéma. Alors certes, « Family Plot » n’est pas le meilleur film d’Hitchcock, ni son oeuvre la plus aboutie (bien que le scénario reste absolument excellent !), mais son mélange inédit d’humour et d’allusions sexuelles – chose rare chez le cinéaste – en font un dernier long-métrage assez atypique de la part d’un réalisateur qui, arrivé à la fin de sa vie, se sent plus libre que jamais face aux conventions cinématographiques d’Hollywood, et résume un peu tout l’art du cinéaste avec l’ultime retour de ses thèmes de prédilection (le changement d’identité, le thème du double, un anonyme confronté à une situation qui le dépasse totalement, etc.) et une mise en scène incroyablement maîtrisée, comme d’habitude. « Family Plot » marque donc avec humour les adieux du cinéaste au monde du septième art, l’ultime projet (« The Short Night ») que tenta de monter Hitchcock en 1978 n’ayant malheureusement pas pu se faire. C’est la première et unique fois que le compositeur John Williams composa pour un film d’Alfred Hitchcock avec « Family Plot ». On raconte que dans la liste des compositeurs auxquels avait pensé le cinéaste sur « Family Plot » se trouvaient ainsi Miklos Rozsa, Jerry Goldsmith, Michel Legrand, Lalo Schifrin, Richard Rodney Bennett, David Rose, Laurence Rosenthal ou bien encore Maurice Jarre. A l’origine, les producteurs d’Universal suggérèrent à Hitchcock d’engager Henry Mancini, mais le cinéaste refusa de le prendre sur son film, et ce suite à la mésaventure de son précédent film, « Frenzy » (1972), pour lequel la partition originale de Mancini avait été rejetée au profit d’une nouvelle musique signée Ron Goodwin. En 1976, Williams n’avait pas encore triomphé sur « Star Wars » et « Superman », mais il était néanmoins une valeur sûre à Hollywood, depuis le succès du « Jaws » de Spielberg en 1975. C’est d’ailleurs grâce à cette célèbre partition que Williams fut finalement suggéré à Hitchcock par le biais d’Harry Garfield, directeur de la musique chez Universal. Pour le compositeur, travailler avec un géant mythique du cinéma tel qu’Alfred Hitchcock représentait un immense honneur bien rare dans la carrière d’un musicien pour le septième art. Dans une note du livret de l’album publié par Varèse Sarabande, John Williams explique la facilité avec laquelle il travailla avec Hitchcock sur « Family Plot », le cinéaste l’ayant laissé relativement libre par rapport à ses propres compositions, n’exigeant simplement de lui que sa musique suive essentiellement le déroulement du récit plutôt que les personnages eux-mêmes, et que le score évoque aussi l’humour plus léger du film. A ce sujet, une phrase célèbre d’Alfred Hitchcock à John Williams résuma clairement les desideratas du cinéaste au sujet de la musique de son film : « Mr. Williams...murder can be fun ! ». En une phrase, tout est dit ! Suivant le concept souhaité par Hitchcock, John Williams s’attela à la composition de sa partition pour « Family Plot » en sélectionnant judicieusement sa formation orchestrale – le Hollywood Studio Symphony. Ainsi donc, Williams décida de n’utiliser que très peu de cuivres (il n’y a ni trompettes ni tuba, juste 4 cors et 6 trombones), et conserva une section de bois très minimaliste – 3 flûtes, 4 clarinettes, 2 saxophones, 1 hautbois et 1 basson - face à un pupitre de cordes bien plus massif, incluant 20 violons, 9 altos, 9 violoncelles et 4 contrebasses, sans oublier l’apport indispensable d’instrument soliste et plus particulièrement du clavecin, instrument-clé de la partition de « Family Plot », accompagné de quelques timbales pour les scènes à suspense et de quelques synthétiseurs 70’s (au reste de l’orchestre s’ajoutent ensuite 2 harpes, des claviers et trois guitaristes). Autre élément clé du score de John Williams : l’utilisation étonnante d’une chorale féminine mystérieuse lors des scènes de spiritisme du film, qui permirent d’ailleurs au compositeur de nous offrir certains des meilleurs morceaux de sa partition pour « Family Plot ». Le film s’ouvre sur le mystérieux « The First Seance » accompagnée d’orchestrations impressionnistes – cordes, célesta, harpe, bois, piano – et de choeurs féminins envoûtants évoquant la première séance de spiritisme du film. Le morceau rappelle beaucoup le « Sirènes » tiré des « Nocturnes » de Claude Debussy, influence majeure dans les passages choraux de « Family Plot ». « The First Seance » introduit un premier thème, mystérieux et prenant, qui reviendra lors de la plupart des séances de spiritisme du film, associé aux (faux) pouvoirs de Blanche. Dans « Blanche’s Challenge », Williams introduit l’omniprésent clavecin, tandis que la flûte et le piano reprennent le thème du spiritisme dans une version instrumentale plus posée et légère. Le morceau présente ensuite le deuxième thème, mélodie ascendante associée à Blanche dans le film, avec ses notes plus malicieuses et espiègles qui évoquent la duperie de la jeune femme. Le thème de Blanche revient ensuite dans « Kitchen Pranks » ou dans « Blanche and George » avec le piano, le hautbois et les cordes. Il est entendu régulièrement dans les scènes avec Blanche ou lors des fausses séances de spiritisme, et apporte un peu de légèreté fort bienvenue à un score somme toute assez sombre et agité. Mais si la partie comédie est assurée par le thème malicieux de Blanche, « The Mystery Woman » introduit le suspense et la tension avec son mélange de clavecin/synthétiseurs/orchestre, développant le troisième thème associé dans le film à Arthur Adamson et sa compagne Fran. Le thème se distingue par sa mélodie de cordes aux allures quasi baroques, sur fond de clavecin, de synthétiseurs et de timbales suggérant la tension et la menace représentée par le couple de kidnappeurs. Ce thème sombre et intriguant aux accents baroques sera d’ailleurs très présent tout au long du film lors des scènes de suspense. Autre motif présenté ici : une succession mystérieuse et intrigante de tierces répétées au synthétiseur ARP typique des ‘seventies’, motif que l’on retrouvera plusieurs fois dans le film, pour le secret lié au passé criminel d’Adamson. Williams combine bien souvent le thème d’Arthur/Fran et le motif de tierces du synthétiseur sans hésiter à les développer aussi conjointement ou séparément. On notera la manière dont Williams développe le thème d’Adamson au synthétiseur ARP dans « The Stonebridge Headstone », avec des sonorités plus sinistres sur fond de cordes lugubres, de harpe, de clusters graves de piano et de clarinette basse obscure. Encore une fois, la musique suggère à l’écran ce sentiment de mystère et de lourd secret à l’origine des mésaventures des deux héros du film. Le thème reste omniprésent et quasi obsédant, tant il semble omniprésent tout au long du film (on le retrouve dans « Maloney’s Visit to the Jewelry », « Share and Share Alike », « Breaking Into the House », etc.). Quand au motif mystérieux du synthétiseur, il reste l’élément clé des scènes d’intrigue comme « The White Mustang », « Nothing Held Back », « Share and Share Alike » ou « The Secret Door/Blanche Wake ». La terreur est aussi au rendez-vous durant la scène de poursuite de « Maloney’s Exit » avec la scène de poursuite en voiture : timbales, piano, cuivres massifs sont ici de la partie, pour rythmer la scène avec frénésie. Comme dans « The White Mustang », le thème de Blanche est à nouveau présent, mais malmené ici par quelques dissonances et des orchestrations plus sombres et plus inquiétantes, notamment dans l’emploi agressif du piano et des timbales. C’est ce climat de tension et d’intrigue qui permet à John Williams de faire basculer une partie de la musique de « Family Plot » dans l’atonal pur, rappelant par moment son style plus avant-gardiste et expérimental hérité de partitions telles que « Images ». Dans « The Search Montage », la tension reste de mise avec le thème de Blanche repris au clavecin sur fond de ponctuations de percussions (avec le raclement sec d’un guiro brésilien) et de cordes staccatos. La musique oscille ici entre comédie et tension de façon tout à fait judicieuse et nuancée, à l’image du film d’Hitchcock. Le suspense est suggéré à nouveau par le synthétiseur ARP et les développements du thème intrigant d’Arthur Adamson/Fran. Les 20 dernières minutes du film permettent à Williams de faire monter la tension d’un cran lors de « Blanche’s Arrival » avec sa reprise sinistre du thème de Blanche au piano sur fond de cordes/timbales menaçantes, ou dans l’agressif et dissonant « Blanche Gets the Needle », un pur passage d’angoisse et de suspense, alors qu’Adamson neutralise Blanche avec une seringue hypodermique. On appréciera ici la façon dont le synthétiseur résonne de façon dissonante, notamment avec sa série de secondes mineures dissonantes assez troublantes, et son utilisation très avant-gardiste des cordes et des percussions. Enfin, signalons le retour du thème impressionniste des séances de spiritisme avec la chorale des six chanteuses dans « The Second Seance » ou « End Cast ». Petite astuce de la part de John Williams : après le retour du thème de clavecin de Blanche, le thème d’Adamson est repris dans une tonalité majeure vers la fin de « End Cast » avec des orchestrations plus légères et optimistes marquant la conclusion du récit. John Williams signe avec « Family Plot » un travail absolument remarquable, servi par des orchestrations inventives, des développements thématiques très prenants et une approche des images très cohérente et bien pensée. L’unique contribution du maestro américain à un film d’Alfred Hitchcock aura permis au compositeur de se dépasser pour ce qui reste un grand moment de musique de film, à redécouvrir enfin grâce à l’excellente édition CD de Varèse Sarabande ! ---Quentin Billard |