1-Main Title/The Trenches 4.54
2-First Love Touch 3.55
3-Heartbeat To A Gunshot 4.28
4-Mathilde's Theme 4.19
5-Secret Code 5.01
6-Elodie's Theme 2.44
7-Kissing Through Glass 2.07
8-Massage Fantasy 2.24
9-Never Had the Child 2.24
10-The Man From Corsica 2.42
11-Our Soldiers' Letters 2.44
12-Why Do You Cry? 2.18
13-End Titles 6.51

Musique  composée par:

Angelo Badalamenti

Editeur:

WEA Music France 75597988055

Album produit par:
Angelo Badalamenti

Artwork and pictures (c) 2004 Warner Bros. Entertainment, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
UN LONG DIMANCHE
DE FIANçAILLES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Angelo Badalamenti
Après le succès colossal du « Fabuleux destin d’Amélie Poulain » en 2001, Jean-Pierre Jeunet s’attaqua en 2004 à un nouveau projet pour le moins ambitieux qu’il mit près de deux ans à mettre en place : l’adaptation cinématographique du roman « Un long dimanche de fiançailles » de Sébastien Japrisot sorti en 1991. Entièrement tourné en France mais produit en partie par le studio hollywoodien de la Warner, « Un long dimanche de fiançailles » reste l’une des plus grosses productions cinématographiques du cinéma français, avec un budget colossal estimé à 45 millions d’euros. Le film, qui se déroule durant la Première Guerre Mondiale, retrace l’histoire de Mathilde (Audrey Tautou), une jeune fille de 17 ans dont le fiancé Manech (Gaspard Ullliel) a disparu mystérieusement sur le front, et qui mène son enquête pour tenter de retrouver l’homme qu’elle aime, convaincue qu’il est toujours en vie. Superstitieuse et pleine d’espoir, Mathilde ne lâche rien et reste déterminée à retrouver Manech, car même si tous autour d’elle semblent vouloir la décourager, elle sait au fond d’elle que son fiancé est toujours en vie, quelque part. Elle va alors mener son enquête auprès de tous ceux qui ont vécus la bataille des tranchées de la Somme en 1917. Elle apprend l’histoire des cinq soldats condamnés à mort par la cour martiale pour s’être automutilés afin d’échapper à la guerre : ces cinq individus – parmi lesquels se trouvaient un certain Bastoche (Jérôme Kircher) et Manech – ont été conduits à un avant-poste nommé « Bingo crépuscule » puis livrés à leur sort dans un no man’s land tout juste situé entre les lignes françaises et allemandes. Mathilde réussit à récolter les témoignages de certains survivants et recueille les indices, afin de découvrir ce qui s’est réellement passé ce jour-là où Manech a disparu durant un bombardement allemand. « Un long dimanche de fiançailles » reste un film absolument typique de Jean-Pierre Jeunet : arborant une photographie couleur sépia (dominée par les teintes jeunes) typique du cinéaste français, le long-métrage nous propose une brillante reconstitution de la tristement célèbre guerre des tranchées de la Somme durant la Première Guerre Mondiale, juxtaposé à une intrigue d’enquête et de quête effrénée pour la vérité. Audrey Tautou reste convaincante en jeune amoureuse déterminée, bien que son sourire atrocement niais nous rappelle hélas les souvenirs agaçants de « Amélie Poulain », tandis que le casting s’impose par son accumulation ahurissante de têtes connues et de stars du cinéma français : Gaspard Ulliel mais aussi les acteurs fétiches de Jeunet comme Dominique Pinon, Jean-Claude Dreyfus, Ticky Holgado, sans oublier Clovis Cornillac, Marion Cotillard, Julie Depardieu, Jodie Foster, Jean-Paul Rouve, Jean-Pierre Darroussin, André Dussollier, etc. Hélas, « Un long dimanche de fiançailles » reste au final un film inégal, car si les scènes de guerre sont tout bonnement époustouflantes, sombres et tragiques, certaines scènes sont plombées par un humour maladroit et agaçant (le running gag du facteur campé par Jean-Paul Rouve, gag totalement inutile qui n’apporte rien à l’histoire et jure grossièrement avec le ton sérieux et tragique du récit) et la romance entre Mathilde et Manech vire parfois dans le gnan-gnan un peu puéril, sans oublier le fait que le film est bourré de longueurs (on aurait pu le raccourcir d’au moins 15 à 20 minutes !). Néanmoins, grâce au travail remarquable de Bruno Delbonnel à la photographie et le scénario bien construit et captivant de Guillaume Laurant et Jean-Pierre Jeunet, « Un long dimanche de fiançailles » reste une belle réussite plutôt rare dans le paysage cinématographique français, bien que le film ait été à l’origine d’une polémique concernant sa nationalité (la Warner ayant participé en partie à la production, le CNC français refusa d’allouer à l’oeuvre de Jeunet une subvention de 8 millions d’euros). Malgré ses quelques défauts, et même si le film est loin d’être le chef-d’oeuvre de Jean-Pierre Jeunet, « Un long dimanche de fiançailles » remporta un franc succès à sa
sortie et obtint 5 Césars en 2005 sans oublier 2 nominations aux Oscars pour la meilleure photographie et le meilleur décor.

Le compositeur Angelo Badalamenti retrouva Jean-Pierre Jeunet pour la seconde fois sur « Un long dimanche de fiançailles » après le célèbre « La Cité des enfants perdus » (1995). Le compositeur nous livre ici une nouvelle partition orchestrale à la fois dramatique, lyrique et élégiaque, évoquant la quête de vérité de Mathilde et son amour implacable pour Manech, qui la poussera à se battre jusqu’au bout pour retrouver celle qu’elle aime. Habitué d’ordinaire aux expérimentations musicales et aux orchestrations parfois atypiques – notamment dans son emploi régulier de l’électronique – Angelo Badalamenti fait preuve ici d’un lyrisme classique tout à fait remarquable sur le film de Jeunet, entre recueillement, émotion et élan orchestral dramatique. Le film s’ouvre pourtant de manière totalement mystérieuse avec un ensemble de nappes synthétiques sombres (« Main Title/The Trenches ») et de choeurs samplés, un style synthétique et atmosphérique plus caractéristique de la personnalité musicale habituelle du compositeur de « Twin Peaks ». Très vite, l’orchestre prend le relais avec un cor solitaire évoquant le drame des tranchées, très vite rejoint par les cordes, la trompette et les bois. Badalamenti met d’ailleurs particulièrement l’accent sur les cordes tout au long du film, instruments de prédilection de la musique de « Un long dimanche de fiançailles ». « The Trenches » dévoile le premier thème de la partition, thème dramatique et élégiaque associé aux horreurs des tranchées de la Somme en 1917. Les cordes véhiculent cette sensation de drame et d’amertume tandis que quelques roulements de caisse claire/timbales suffisent à caractériser le contexte de la Première Guerre Mondiale dans l’ouverture du film. « First Love Touch » introduit quand à lui le thème principal du score, le poignant « Mathilde’s Theme » associé tout au long du film au personnage d’Audrey Tautou, et qui accompagne de manière déterminée et récurrente l’enquête de Mathilde. Le thème principal est bâti sur deux phrases mélodiques des cordes : une première, plutôt ambiguë dans son alternance entêtante de tierces majeures/mineures, crée une forme de latence un brin mystérieuse, très rapidement rompue par la seconde phrase mélodique plus émouvante, franche et chaleureuse dans ses harmonies, évoquant la détermination touchante de Mathilde pour retrouver l’homme qu’elle aime. Ce thème constitué de deux parties mélodiques bien distinctes sera extrêmement présent tout au long du film à la manière d’un véritable leitmotiv wagnérien ponctuant de façon obsédante l’enquête de Mathilde dans le film et sa détermination quasi aveugle. Outre son caractère répété et omniprésent, le « Mathilde’s Theme » apporte une réelle émotion aux images du film de Jean-Pierre Jeunet, surtout dans la deuxième partie du thème, véritablement poignante et nostalgique, associé à la romance et aux souvenirs d’amour qui sont encore extrêmement vivaces dans le coeur et l’esprit de Mathilde.

Le troisième thème, moins présent, est entendu dans le « Elodie’s Theme », thème de cordes plus sombre et amer, associé dans le film au personnage d’Elodie Gordes brillamment interprété par Jodie Foster. Le thème intervient durant la scène où Elodie raconte à Mathilde par le biais d’une lettre son histoire tragique avec son amant parti à la guerre. Encore une fois, les cordes sont ici très présentes pour véhiculer les sentiments des personnages et la sensation de drame omniprésente dans le film, tandis que les orchestrations sont renforcés ici par l’utilisation d’un cor, d’une trompette, d’une harpe et de quelques bois. « Heartbeat to a Gunshot » permet à Angelo Badalamenti de reprendre ses traditionnels synthétiseurs qui ouvrent le morceau de façon mystérieuse, tandis que l’orchestre devient ici plus imposant dans son caractère sombre et dramatique. Encore une fois, peu de place à l’optimisme ici, priorité à une atmosphère tragique, souvent amère, parfois même contemplative, résignée, ou à contrario plus déterminée, chaleureuse et optimiste lorsque l’on retrouve à l’écran le très beau « Mathilde’s Theme ». « Secret Code » renforce lui aussi cette atmosphère sombre avec des cordes plus imposantes, tandis que le thème dramatique des tranchées reste présent, lors des scènes de flashbacks évoquant le destin tragique du groupe de poilus lors de la bataille dans la Somme. C’est l’occasion pour le compositeur de développer son matériel thématique/orchestral déjà mis en place dans l’ouverture (« The Trenches »), et qui reviendra à chaque scène de tranchée du film. Heureusement, le thème de Mathilde est là pour apporter un peu de chaleur humaine (« Kissing Through Glass ») à un ensemble somme toute très sombre et résigné, thème qui revient de manière touchante aux bois et aux cordes dans « Massage Fantasy » avec une délicatesse et une retenue émouvante. Le drame culmine dans les sombres « Never Had the Child » et « The Man From Corsica » associés aux pertes humaines durant la guerre des tranchées, tandis que « Our Soldiers’ Letters » développe le « Mathilde’s Theme » avant l’émouvante conclusion de « Why Do You Cry ? » pour les retrouvailles finales entre Mathilde et Manech, suivi du magnifique « End Titles » qui développe sur plus de 6 minutes les principaux thèmes du score – le thème d’Elodie, le thème des tranchées et le thème de Mathilde.

Angelo Badalamenti signe donc une très belle partition orchestrale pour « Un long dimanche de fiançailles », une musique qui, à défaut de briller d’une quelconque originalité, apporte une véritable émotion au film de Jean-Pierre Jeunet. De par son approche mélodique très soignée et son caractère tragique et élégiaque, la musique de Badalamenti reflète à merveille les différentes facettes du film de Jeunet sans jamais en faire de trop. Si l’on pourra regrettera le caractère parfois un peu monotone de la composition, on appréciera l’émotion qui se dégage de l’omniprésent « Mathilde’s Theme », qui définit à lui tout seul toute l’atmosphère du film de Jeunet, avec ses cordes chaleureuses évoquant l’amour, le souvenir, la quête de vérité. « Un long dimanche de fiançailles » reste peut être la partition la plus classique et la plus accessible d’Angelo Badalamenti, qui délaisse totalement ici son approche expérimentale/électronique habituelle, bien que l’on retrouve quelques éléments synthétiques disséminés ici et là dans la partition du film. Sans être le chef-d’oeuvre du compositeur, la bande originale de « Un long dimanche de fiançailles » n’en demeure pas moins très réussie, preuve évidente du savoir-faire d’Angelo Badalamenti, qui possède une véritable veine lyrique pas toujours suffisamment exploitée au cinéma. Après la réussite de la musique de « La Cité des enfants perdus », le compositeur de « Twin Peaks » et « Mullholland Drive » confirme la bonne tenue de sa collaboration avec Jean-Pierre Jeunet dans « Un long dimanche de fiançailles », une très belle partition à réserver surtout aux amateurs de musique dramatique et élégiaque, idéale pour se replonger dans l’atmosphère du film de Jeunet.



---Quentin Billard