1-Hinge 1.23
2-Blue Dimes 0.56
3-Crackerland 0.45
4-Gypsy Grandma 0.55
5-Something You Just Can't Win 2.41*
6-Baby Kay 0.47
7-Sink 0.48
8-Reckoning 2.59
9-The Picture 0.56
10-Moments 0.51
11-Horses 1.23
12-Blue Moon Revisited 4.28**
13-Flesh & Bone 1.31
14-Two Ride Together 0.52
15-Surprise 3.30
16-Cicadas 0.39
17-Ghosts 0.41
18-Star-Crossed 1.21
19-Stardust 3.51***
20-Twenty 0.53
21-The People In The Picture 1.14
22-Lazy J 1.47
23-Bruise 2.22
24-Everything He Told You
(End Title) 2.42

*Interprété par George Jones
Ecrit par Smokey Stover
**Interprété par The Cowboy Junkies
Ecrit par Richard Rodgers et
Lorenz Hart
"Blue Moon Revisited" écrit par
Margo Timmins et Michael Timmins
***Interprété par Willie Nelson
Ecrit par Hoagy Carmichael et
Mitchell Parish.

Musique  composée par:

Thomas Newman

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-5460

Produit par:
Thomas Newman, Bill Bernstein
Producteur exécutif:
Robert Townson
Monteur musique:
Bill Bernstein
Préparation de la musique:
Julian Bratolyubov

Artwork and pictures (c) 1993 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ***
FLESH AND BONE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Thomas Newman
Derrière ses fausses allures de western, « Flesh and Bone » est en réalité un drame intimiste et psychologique assez intense signé Steve Kloves (connu pour avoir signé dans les années 2000 les scripts de la saga « Harry Potter »). Deuxième long-métrage de Kloves sorti en 1993 après « The Fabulous Baker Boys » (1989), « Flesh and Bone » met en scène Dennis Quaid dans le rôle d’Arlis Sweeney, un homme hanté par un souvenir d’enfance qui l’a traumatisé à vie : il y a 30 ans, lorsqu’il était enfant, Arlis, qui aidait son père Roy (James Caan) à cambrioler des fermes, assista au massacre d’une famille par son propre père. Devenu adulte, Arlis fait la connaissance de Kay Davies (Meg Ryan), jeune femme paumée en pleine procédure de divorce, avec qui il va vivre une romance balbutiante. Mais les choses changent le jour où Roy, le père d’Arlis, réapparaît mystérieusement au bout de 30 ans pour reprendre contact avec son fils. C’est à cause d’une photo cachée dans les affaires de Kay qu’Arlis va découvrir que la jeune femme est en réalité la petite fille qui a survécu il y a 30 ans au massacre de la famille Davies dans la ferme. Roy est bien décidé à finir ce qu’il a commencé il y a bien longtemps, mais Arlis ne l’entend pas de cette façon et a bien l’intention de s’opposer cette fois-ci à son père. « Flesh and Bone » est un drame psychologique assez immersif, servi par un casting de qualité (Dennis Quaid, Meg Ryan, James Caan et une jeune Gwyneth Paltrow quasiment à ses débuts), une photographie de qualité du français Philippe Rousselot et une mise en scène sobre et intense de Steve Kloves. Le film se déroule entièrement dans les confins du Texas, les décors de cette Amérique rurale lointaine conférant au film un caractère de western mélancolique assez saisissant, qui renforce brillamment la trame psychologique/intimiste du récit. Dennis Quaid est formidable en fils hanté par le souvenir d’un crime commis par un père destructeur, campé avec brio par l’impeccable James Caan. Entre eux deux, Meg Ryan s’impose encore une fois dans le rôle de la jolie fille au grand coeur, qui apporte à son personnage une vraie sensualité que l’actrice n’avait encore jamais eu l’occasion d’exploiter dans ses précédents films (elle qui se limitait bien souvent au rôle de jeune amoureuse dans les comédies romantiques tendance Nora Ephron). Moins pudique et réservée que dans ses précédents films, Meg Ryan ose ici se montrer plus sexy et plus extravertie, une prise de risque fort bienvenue pour celle que l’on a trop souvent cantonnée aux rôles de blondinette romantique mignonne et gentillette. Mais la plus grande réussite du film reste à coup sûr l’image du père destructeur qui hante l’ensemble du film, car même quand le personnage de James Caan n’est pas présent à l’écran, Steve Kloves parvient à nous rappeler constamment sa présence par le biais de sons ultra graves qui ponctuent chaque allusion au personnage dans le film, comme pour renforcer la présence fantomatique du père. Cette trouvaille fort intéressante renforce la tension psychologique du film, renforcé par le regard brûlant et la mâchoire serrée de Dennis Quaid. « Flesh and Bone » analyse ainsi les relations conflictuelles père-fils avec brio, sur fond de romance contrariée et de quête de la rédemption, un très beau suspense psychologique !

La partition minimaliste et atmosphérique de Thomas Newman est l’élément clé de « Flesh and Bone ». La musique contribue à son tour à renforcer l’ambiance sombre et mélancolique du film en alternant entre touches « americana » traditionnelles (pour les décors ‘western’ du Texas), passages de cordes dramatiques et nappes sonores oppressantes. Thomas Newman utilise pour les besoins du film un ensemble instrument constitué de piano, autoharpe (variante de la cithare autrichienne, très utilisée dans la musique folk et le bluegrass), marxophone (sorte de cithare sans frette crée par Henry Charles Marx et commercialisée aux Etats-Unis au début du 20e siècle), guitares diverses, mandolines, violon, flûtes, ocarinas, clarinette basse, sirènes, dulcimer, cloches, bols, etc. On retrouve parmi les principaux solistes du score les musiciens attitrés de Thomas Newman : l’incontournable George Doering, mais aussi Michael Fisher, le violoniste Sid Page, Steve Kujala, Bill Bernstein, Rick Cox, George Budd, etc. Dès les premières minutes de la partition, Newman impose le ton minimaliste et étrange de sa partition avec une ouverture plutôt abstraite et expérimentale (« Hinge ») à base de bols, de tenues cristallines et de sons d’insectes étranges (criquets, grillons, etc.) évoquant les décors de l’Amérique profonde du film. A contrario, « Blue Dimes » s’avère être plus conventionnel et mélodique en dévoilant le thème principal du score, mélodie aux accents folk/americana interprétée par un violon sur fond de guitares folk, piano et ocarina. C’est d’ailleurs ce ton « americana » qui dominera une bonne partie de la partition de Thomas Newman dans le film. La musique oscille constamment entre ces touches folks typiquement américaines et ce sentiment de malaise latent suggéré dans « Hinge » et confirmé dans le sombre et atmosphérique « Crackerland ». La musique de « Flesh and Bone » possède aussi une facette plus lyrique, intime et émouvante comme le rappellent les cordes mélancoliques et retenues de « Gypsy Grandma ».

« Sink » reprend ces sonorités expérimentales étranges entendues au début du film dans « Hinge » et renforce la tension psychologique de la musique à l’écran, reflétant ainsi les pensées intérieures d’Arlis Sweeney dans le film, tout en suggérant la présence menaçante d’un père destructeur qui hante une bonne partie du film. « Reckoning » renforce d’ailleurs cette approche atmosphérique et non conventionnelle avec une utilisation de textures sonores un brin abstraites mélangées à quelques cordes plus dramatiques et retenues. Un morceau comme « Hinge » et ses sonorités synthétiques tordues et torturées semblerait même surgir d’une musique de thriller/épouvante, tandis que « Horses » renforce l’approche minimaliste et intimiste du score avec une utilisation très réussie du piano sur fond de nappes synthétiques. Avec une économie de moyens qui lui est chère, Newman parvient à créer une atmosphère particulière à l’écran, tout en reflétant les pensées et états d’âme des principaux protagonistes du film. « Flesh & Bone » est ainsi très représentatif de cette atmosphère psychologique étrange voulue par le compositeur sur le long-métrage de Steve Kloves, avec une utilisation à nouveau assez expérimentale des différents instruments (cloches, bols, guitares) et des parties électroniques. Les parties plus mélodiques évoquent quand à eux le rapprochement entre Arlis et Kay comme le rappelle la scène des chevaux dans « Two Ride Together », et le retour du thème americana au violon. Seule ombre au tableau : les morceaux sont très courts, ne permettant pas de réels développements des différentes ambiances proposées par le compositeur. Sa musique conserve malgré tout une intensité dramatique qui va crescendo tout au long du film, comme le rappelle « Surprise » illustrant le retour du père d’Arlis avec des cordes plus présentes, sur fond de sonorités abstraites et étranges. Cette écriture dramatique des cordes revient dans « Star Crossed », avec ces sonorités étranges en arrière-plan qui semblent surgir du passé d’Arlis (à noter ici les effets de flûte ethnique en arrière-plan). Les cordes de « The People in the Picture » rappellent la tragédie à l’origine de l’histoire avec une retenue poignante typique de Thomas Newman, tandis que les sonorités expérimentales étranges reviennent dans « Lazy J », reprenant les sons de « Hinge » avec les bruits d’animaux (ici, un oiseau). « Bruise » conclut l’histoire tandis que le thème principal de violon est repris une dernière fois pour le générique de fin (« Everything He Told You (End Title) »), la boucle étant bouclée.

Les amateurs des musiques minimalistes et un brin abstraites de Thomas Newman seront donc aux anges avec la partition de « Flesh and Bone », score psychologique et dramatique à double facette, oscillant entre passages folk/americana pur et morceaux expérimentaux et étranges plus atypiques. Thomas Newman expérimente autour des sons de ses différents instruments et nous propose un résultat musical plutôt satisfaisant bien que pas follement mémorable. La musique crée néanmoins une atmosphère musicale très particulière à l’écran, une approche psychologique et immersive qui renforce parfaitement les différents enjeux dramatiques du film de Steve Kloves. A recommander essentiellement aux aficionados de Thomas Newman !



---Quentin Billard