1-The Insidious Plane 1.45
2-Insidious 2.10
3-Give It Time 0.56
4-Unawakened (mvmt1) 1.10
5-Unawakened (mvmt2) 1.20
6-Voices in the Static 0.51
7-It Said It Was A Visitor 0.47
8-Hallway Twins 0.26
9-Hooves For Feet 1.12
10-The Further 4.32
11-Broken Open 2.20
12-Gas Mask Vision 1.40
13-Muted Whisperings 1.35
14-Leave This Vessel 1.19
15-Night Terror 2.57
16-Bring Him Back 0.54
17-Into The Further 1.03
18-Into The Lair 1.20
19-He's Looking At Us 1.00
20-They're Coming Through 1.26
21-Slithers Into Fog 1.09
22-The Child Awake 1.07
23-A New World 0.39
24-Dark Boundaries Crossed 1.45
25-Void Figure 7 3.21
26-Void Moment Suite 1.40

Musique  composée par:

Joseph Bishara

Editeur:

Void Recordings VR01

Produit par:
Joseph Bishara

(c) 2011 Alliance Films/IM Global/Haunted Movies. All rights reserved.

Note: ***1/2
INSIDIOUS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joseph Bishara
Surfant sur la vague des films d’épouvante évoquant les phénomènes paranormaux (on pense d’emblée à « Paranormal Activity »), « Insidious » est une assez bonne réussite dans son genre et nous offre quelques beaux moments de frissons en perspective, même si le film de James Wan (réalisateur de « Saw » et « Dead Silence ») s’avère être au final plutôt inégal et un peu bancal, surtout à cause des 20 dernières minutes, totalement bâclées et navrantes. Le film débute dans la maison de Josh (Patrick Wilson) et Renai Lambert (Rose Byrne). Le couple mène une existence ordinaire entre leur travail et leurs trois enfants, alors qu’ils viennent juste d’aménager dans leur nouvelle demeure. Mais Renai a du mal à prendre ses marques dans cette nouvelle maison, et commence à ressentir un certain malaise. Un matin, le couple découvre avec horreur que Dalton (Ty Simpkins), le fils aîné de la famille, est plongé mystérieusement dans une sorte de coma totalement énigmatique. Devant l’incapacité des médecins à fournir un véritable diagnostic, Josh et Renai décident de ramener Dalton chez eux et de l’installer dans une chambre médicalisée. Peu de temps après, des événements inquiétants surviennent un peu partout dans la maison : des voix se font entendre, des cris, des portes qui s’ouvrent, des visages qui apparaissent puis disparaissent, etc. Alors que Josh fuit ses responsabilités, Renai, totalement terrifiée, décide de faire appel à des spécialistes des activités paranormales. Elise Rainier (Lin Shaye), la médium engagée par Renai, leur apprend en fait que Dalton n’est pas dans le coma mais qu’il possède le pouvoir du voyage astral, son âme étant ainsi capable de se détacher de son corps pour voyager librement dans l’espace environnant. Le problème, c’est qu’au cours d’un de ces voyages, l’âme de Dalton a attiré un terrifiant démon qui cherche ainsi à s’emparer de son corps pour se matérialiser dans notre monde. « Insidious » surfe ainsi sur la vague des films d’épouvante en rapport avec le paranormal et le surnaturel, revenu au goût du jour depuis le triomphe de la franchise « Paranormal Activity » au cinéma. Ce n’est d’ailleurs certainement pas une coïncidence si le film de James Wan est produit par Oren Peli, réalisateur du premier « Paranormal Activity ». Mais à l’inverse de ce film, « Insidious » s’avère être nettement plus démonstratif, et pour le coup, bien moins réussi : si toute la première partie du film est effectivement très réussie, avec son atmosphère troublante et oppressante qui joue davantage sur la suggestion d’une présence maléfique que sur les effets horrifiques habituels, la seconde partie met carrément les pieds dans le plat et démolit complètement tout ce que le réalisateur a entrepris pendant près d’une cinquantaine de minutes : le démon est alors complètement dévoilé et prend l’apparence d’un banal acteur dans un costume rouge/noir ridicule, tandis que l’autre monde est une version kitsch du monde réel simplement filmé dans le noir, avec un ou deux filtres en plus. « Insidious » se transforme alors en vulgaire nanar d’épouvante ridicule et en série-B fauchée, alors qu’on s’attendait à quelque chose de bien plus ambitieux et prometteur étant donné la première partie, pourtant brillante et plutôt réussie. Le film de James Wan mélange alors les influences sans grande imagination (on pense autant à « Poltergeist » qu’à « The Entity » ou « Paranormal Activity », sans oublier certains films d’épouvante espagnols récents) et se casse totalement la figure lors des 30 dernières minutes absolument désastreuses ! Malgré cela, « Insidious » reste l’un des plus grands succès du box-office U.S. de l’année 2011, confirmant la mode du film de phénomènes paranormaux, mode qui a encore de beaux jours devant elle !

Alors que l’on se serait attendu à retrouver Charlie Clouser (compositeur de la franchise « Saw ») sur « Insidious », James Wan a finalement décidé de confier la musique de son film à Joseph Bishara. Ce spécialiste des musiques d’épouvante a écrit les partitions de séries-B horrifiques telles que « The Gravedancers » (2006), « Unearthed » (2007), « Autopsy » (2008), « Night of the Demons » (2009) ou bien encore « 11-11-11 », le nouveau thriller d’épouvante de Darren Lynn Bousman (auteur de trois opus de la franchise « Saw »). Pour « Insidious », le compositeur est aussi acteur puisqu’il apparaît même dans le film dans le rôle du fameux démon qui persécute la famille Lambert. Dès les premières minutes du film, la partition de Joseph Bishara surprend d’emblée par son approche totalement expérimentale et clairement avant-gardiste, dans un style rappelant autant la musique bruitiste/aléatoire contemporaine du XXe siècle que des expérimentations avant-gardistes de Christopher Young ou de Lalo Schifrin. Pour parvenir à ses fins, Bishara a décidé d’utiliser un ensemble instrumental incluant un orchestre à cordes avec un quatuor à cordes (violoncelle, alto, 2 violons), un piano et un piano préparé utilisant différentes techniques (jeu sur les cordes du piano à l’aide d’objets divers), techniques empruntées à John Cage qui fut l’un des pionniers du piano préparé dans les années 40. Le score de « Insidious » oscille ainsi entre expérimental pur et passages plus mélodiques et intimes pour évoquer Dalton et la famille Lambert. Dans une interview récente, le réalisateur James Wan a avoué que l’idée d’utiliser une approche avant-gardiste sur la musique de « Insidious » lui a été inspirée par la partition musicale de Carl Zittrer pour une obscure série-B d’épouvante canadienne nommée « Dead of Night » (aka « Deathdream ») et sortie en 1972. Le cinéaste souhaitait ainsi un son totalement non conventionnel pour « Insidious », en dehors des quelques passages de piano plus mélodiques et touchants pour la famille. L’approche musicale de Joseph Bishara a d’ailleurs souvent été comparée aux travaux de Ligeti et Penderecki utilisés dans « The Shining » de Stanley Kubrick (1980). La musique crée dans le film une atmosphère certes oppressante et angoissante, mais aussi particulièrement étrange et troublante, notamment dans les sons métalliques bizarres crées par le biais du piano préparé, et par le jeu avant-gardiste des cordes, qui multiplient les techniques instrumentales héritées de l’école polonaise des années 50/60 : glissandi multiples, clusters, jeu de l’archet derrière le chevalet, grincements sonores stridents, etc.

Dès l’ouverture du film et l’apparition du titre, la musique pose d’emblée le ton dans « The Insidious Plane » : les sonorités métalliques étranges du piano préparé et les sonorités synthétiques mystérieuses et obscures nous plongent dans une atmosphère surréaliste et cauchemardesque. Les cordes apparaissent sur la fin du morceau, imitant à travers des effets étranges de glissandi suraigus rapides des sons qui pourraient presque se rapprocher d’une voix humaine ou d’un cri. Cette ambiance bizarre et non conventionnelle se retrouve dans « Insidious » pour le générique de débute du film, où chaque titre est accompagné d’un effet sonore aigu étrange des cordes, tandis qu’un quatuor se trouve à l’avant-plan afin de renforcer l’ambiance sombre et inquiétante de cette ouverture lente mais déjà particulièrement glauque. Dans le film, ces sonorités bizarres accompagnent la plupart des scènes où il est question de la présence maléfique qui tourment la famille Lambert dans leur maison, un son associé à l’autre monde et au démon qui tente de s’emparer du corps de Dalton. Dans « Give It Time », la musique devient plus chaleureuse avec l’utilisation intime et totalement minimaliste d’un piano avec un violoncelle et un alto. Cette approche minimaliste se retrouve dans le mélancolique « Unawakened », là aussi dominé par un petit ensemble à cordes et le piano aux notes solitaires et hésitantes. « Voices in the Static » nous replonge quand à lui dans l’atmosphère oppressante et étrange du début avec ses glissandi chaotiques de cordes aigues et ses martèlements métalliques des cordes du piano. Cette atmosphère est ensuite développée amplement dans les terrifiants « It Said It Was A Visitor », « Hooves For Feet » ou « The Further », morceau qui doit beaucoup à la musique de Krzysztof Penderecki, style maintes et maintes fois imité dans le cinéma d’épouvante/fantastique/science-fiction. Bishara utilise aussi l’électronique dans « Gas Mask Vision », lors de la séquence de spiritisme avec le masque à gaz. L’approche électro du compositeur, superposée au jeu des cordes, crée ici aussi un sentiment troublant et assez astucieux. Le compositeur manipule le son d’une façon souvent fort judicieuse, comme le rappelle « Muted Whisperings » où le jeu étrange des cordes est transformé ici par le biais d’un filtre rendant le son encore plus surnaturel et bizarre. La terreur prend ensuite le dessus dans le chaotique « Leave This Vessel », lorsque la séance de spiritisme tourne à la catastrophe : les cordes sont rendues totalement méconnaissables ici en multipliant les clusters, les nuages de sons et les glissandi/trémolos divers et variés, à la manière de certaines pièces de Penderecki (on pense non seulement au fameux « Thrène pour les victimes d’Hiroshima » mais aussi à « Polymorphia » ou « Anaklasis »). Le frisson est au rendez-vous dans l’angoissant « Night Terror » ou « Into The Further », qui évoque le passage dans l’autre monde avec une approche électronique totalement expérimentale et de plus en plus abstraite, voire complètement surréaliste. Le piano préparé et les cordes dissonantes et déchaînées culminent dans les angoissants « He’s Looking At Us », « Slithers Into Fog » ou « Dark Boundaries Crossed ».

Joseph Bishara nous offre même en guise de bonus deux véritables pièces de musique contemporaine, « Void Figure 7 » et « Void Moment Suite », dans lesquels il expérimente librement ses techniques de piano préparé et d’effets avant-gardistes de l’orchestre à cordes. Si vous aimez les partitions horrifiques expérimentales qui renvoient aux grandes heures de la musique contemporaine du XXe siècle, la partition étrange, macabre et cauchemardesque de « Insidious » est faite pour vous : la musique apporte une atmosphère très particulière à l’écran, totalement indissociable de l’ambiance glauque du film de James Wan, et contribue à renforcer ce sentiment de malaise omniprésent tout au long du film. Si vous cherchez un score horrifique un peu particulier, totalement athématique et très peu hollywoodien dans sa conception, « Insidious » est fait pour vous : à réserver néanmoins aux auditeurs les plus chevronnés !



---Quentin Billard