1-Habemus Papam 4.33
2-Il conclave 4.05
3-La notte dei cardinali 2.32
4-Smarrimenti 2.53
5-Gli allenamenti 1.16
6-La pallavolo 3.22
7-Cappella Sistina 1.39
8-Le finestri del Papa 2.08
9-Fede e psicoanalisi 2.09
10-La fuga di Melville 2.33
11-Il solitudine 1.38
12-Il gabbiano 3.52
13-I cardinali a teatro 1.33
14-Il ritorno 2.47
15-Todo cambia 4.43*

*Interprété par Mercedes Sosa

Musique  composée par:

Franco Piersanti

Editeur:

Radio Fandango 0600753338322

Album produit par:
Franco Piersanti

(c) 2011 Fandango/Sacher Film/Le Pacte/France 3 Cinéma. All rights reserved.

Note: ***1/2
HABEMUS PAPAM
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Franco Piersanti
Nouveau long-métrage du cinéaste italien Nanni Moretti sorti en 2011, « Habemus Papam » aborde un sujet rarement évoqué au cinéma, les coulisses du Vatican et l’élection d’un nouveau Pape. L’histoire se déroule juste après la mort du dernier souverain pontife. Le Conclave décide de se réunir afin d’élire son successeur. Selon la tradition, une fumée blanche doit s’élever au dessus des toits du bâtiment pour signaler à la population que le nouveau pape a été élu, et ce alors que les fidèles attendent avec angoisse le résultat du vote sur la place Saint-pierre à Rome. Et c’est finalement le cardinal Melville (Michel Piccoli) qui est élu pour devenir le nouveau pape. Mais le nouveau pape ne semble pas prêt à supporter le poids d’une telle responsabilité et décide finalement de fuir le Vatican. Personne ne sait ce qu’il se passe et où se trouve le pape. De son côté, le souverain pontife s’interroge sur son attitude : est-ce par angoisse, dépression ou peur de ne pas être à la hauteur d’une telle fonction ? Alors que Melville envisage désormais de suivre une psychanalyse incognito – l’identité du nouveau Pape n’ayant toujours pas été révélée publiquement – le Vatican, de son côté, cherche des solutions pour surmonter la crise. C’est alors qu’intervient le médecin Brezzi (Nanni Moretti), qui est le premier à parler de psychanalyse mais doit se heurter aux règlements très stricts du Vatican et aux convictions de son entourage. Film personnel et indéniablement provocant, « Habemus Papam » nous propose d’orchestrer la confrontation inattendue entre la religion et la psychanalyse sur fond de crise de la foi. Bien loin des clichés habituels sur la religion catholique et le Vatican, « Habemus Papam » nous montre l’envers du décor et dévoile l’humanité des artisans de la papauté : derrière les tenues luxueuses des cardinaux se cachent des hommes effrayés et anxieux, qui n’ont aucune envie d’être élu Pape. Pire encore, Melville, le nouveau représentant brillamment interprété par un Michel Piccoli en pleine forme malgré son âge, apparaît comme un acteur frustré ayant raté sa vocation, incapable d’assumer ses nouvelles fonctions de Pape. Nanni Moretti égratigne au passage le faste et le luxe du Vatican et évoque les rites séculaires de l’institution sans aucune forme d’ironie : la première partie de son film tiendrait presque du documentaire (avec tous ces journalistes agglutinés sur la place Saint Pierre) que du film de fiction à proprement parler. Mais lorsque le personnage de Michel Piccoli rentre en scène, suivi du psy brillamment interprété par Nanni Moretti, le film prend une toute autre tournure : à travers la crise existentielle de Melville, c’est la crise de la foi indissociable de ce nouveau millénaire qui se joue devant nos yeux. Mais bien loin de sombrer dans un pessimisme déprimant, Moretti propose de contrer la morosité ambiante par la détente, les jeux et la joie – au risque de paraître blasphématoire pour les croyants purs et durs – d’où une scène assez atypique où Brezzi orchestre une grande partie de volley à l’intérieur d’un Vatican totalement désorienté par l’absence du Pape. Le psychanalyste n’est pas vraiment là pour critiquer ou rejeter la religion mais se propose au contraire d’aider les cardinaux à sa façon - le film basculant alors étrangement dans la farce. C’est d’ailleurs là que le bât blesse, car « Habemus Papam » est un film résolument bancal et inégal : passionnant dans sa première partie très bien documentée ou dans les scènes avec l’excellent Michel Piccoli, plus décevant et frustrant dans les scènes avec Nanni Moretti (parce que trop décalé et hors sujet par rapport au postulat de départ, surtout dans la longue scène de volley très mal amenée), le long-métrage du cinéaste italien est un melting-pot d’idées qui ne collent pas toujours bien ensemble, le résultat étant assez brouillon et pas toujours convaincant. Entre drame psychologique et farce naïve et enfantine, « Habemus Papam » ne sait pas toujours sur quel pied danser et manque un brin de cohésion, un film assez provocant dans la forme mais pas s
i subversif que cela dans le fond.

L’excellente partition symphonique du compositeur italien Franco Piersanti reste l’un des meilleurs éléments du film de Nanni Moretti. « Habemus Papam » marque la sixième collaboration entre Franco Piersanti et Nanni Moretti après « Io sono un autarchico » (1976), « Ecce Bombo » (1978), « Sogni d’oro » (1981), « Bianca » (1983) et « Il Caimano » (2006). Après une longue période durant laquelle Moretti collabora plus activement avec Nicola Piovani à la fin des années 80 et dans les années 90, « Il Caimano » marqua le retour de Piersanti sur les musiques des films du cinéaste italien, collaboration qui se prolongera ainsi avec « Habemus Papam » en 2011, pour lequel le compositeur signe une partition orchestrale à la fois lyrique, dramatique et légère, à l’image du film lui-même. Le score est brillamment introduit par le poignant « Habemus Papam », morceau dramatique et mélancolique au lyrisme classique et élégant typique du compositeur italien, partagé entre des cordes amères et graves (contrebasses, violoncelles) incluant un petit ensemble de solistes, un groupe de bois (flûtes, hautbois) et quelques cuivres plus solennels et imposants. Le thème principal, mélancolique et émouvant, évoque davantage le drame humain qui se joue à l’écran (un Pape angoissé, incapable d’assumer ses responsabilités) que la dimension religieuse ou le faste du Vatican. Construite à l’échelle humaine et émotionnelle, la musique de « Habemus Papam » reflète habilement les différentes émotions et sentiments des protagonistes principaux du récit, sans jamais tomber dans les excès mélodramatiques trop en vogue de nos jours dans le cinéma en général. Dans un registre similaire, « Il Conclave » conserve cette approche émotionnelle en valorisant le jeu mélancolique d’une trompette soliste solennelle sur fond de cordes graves, après une introduction privilégiant les percussions pour marquer le suspense lié à l’élection du nouveau Pape. « La notte dei cardinali » évoque la solitude et l’isolement des cardinaux, enfermés dans l’enceinte du Vatican face à une situation impossible. Piersanti met en avant ici le groupe des cordes solistes (violon, alto, violoncelle) avec deux bassons, un marimba, un célesta et un piano intime aux notes délicates et au minimalisme touchant. A noter que les orchestrations, judicieusement choisies, évoquent clairement la scène de nuit et la sensation du temps qui passe avec une mélancolie profonde mais douce.

La partition de « Habemus Papam » dévoile une autre facette dans « Gli allenamenti », plus légère et enjouée, à base de bois et de cuivres sautillants (basson, flûte, cor, trompettes), de xylophone, célesta, claves, caisse claire, tambourin et cordes bondissantes (incluant un violoncelle soliste aux notes élégantes et des pizzicati légers. Dans « La pallavolo », la musique oscille non seulement ici entre légèreté insouciante mais aussi majestuosité rappelant la grandeur des décors du film lors de la scène de volley du film, et un sentiment grisant d’optimisme et de joie qui permettrait presque d’oublier la gravité de la situation liée au nouveau Pape. Piersanti s’amuse ici avec ses différents instruments, dans un style mélodique plus simple et direct aux accents quasi populaires – on penserait presque à une mélodie d’opérette classique du 19ème siècle. Le thème joyeux de « La pallavolo » grandit tout au long du match de volley, accompagné d’une excellente chorale aux connotations quasi religieuses vers la fin du morceau. Dès lors, la musique de Franco Piersanti alterne entre mélancolie intime et jovialité légère pour mieux accentuer les différents aspects du film. « Cappella Sistina » reprend ainsi le thème principal lié à Melville (« Habemus Papam ») et son mélange de cordes et vents graves et mélancoliques, alors que la musique devient même un brin plus mystérieuse avec son atmosphère nocturne plus feutrée et étrange dans « La finestre del Papa », avec son écriture très classique du violoncelle soliste et ses couleurs orchestrales quasi oniriques et surréalistes. « Fede e Psicoanalisi » associe au personnage du psychanalyste interprété par Nanni Moretti un style mélodique plus agité et tourmenté dans lequel les différentes couleurs instrumentales se mélangent de façon plus complexe, traduisant une agitation associée aux tourments et aux doutes de Melville dans le film. Le personnage de Michel Piccoli est d’ailleurs le principal sujet de « La fuga di Melville », évoquant la fuite du nouveau Pape dans les rues de la ville, avec des couleurs orchestrales plus troublantes et des harmonies complexes et nuancées, évoquant la musique symphonique savante du début du 20ème siècle, ponctué de quelques dissonances étranges et troublantes – à noter ici l’emploi d’un basson soliste aux consonances mélancoliques. Le violoncelle lyrique de « In solitudine » dialogue avec le basson pour un nouveau morceau minimaliste et touchant au classicisme élégant, tandis que le piano domine dans la sonate classique et solitaire de « Il gabbiano ».

Enfin, les accents musicaux tourmentés et agités de « La fuga di Melville » reviennent dans « I cardinali a teatro », rappelant de manière sombre que Melville ne peut échapper à ses fonctions et qu’il est l’élu de Dieu. C’est d’ailleurs une conclusion résolument pessimiste qui achève la partition de Franco Piersanti dans « Il ritorno », reprenant une dernière fois le thème dramatique dans un style plus sombre, amer et résigné, accompagnant le discours final de Melville devant la population : il n’est définitivement pas celui que le peuple attendait et ne peut accepter cette fonction pour laquelle il a été élu. La déclaration finale tombe comme un couperet, tandis que la musique évacue tout sentiment de légèreté et d’espoir et concrétise la dimension dramatique et mélancolique de « Habemus Papam » sous un angle résolument tragique mais sans aucune forme d’envolée mélodramatique. La musique de Piersanti reste minimaliste, délicate et élégante jusqu’au bout, même dans les moments les plus sombres du récit. Elle évoque les doutes et les angoisses de Melville sans jamais en faire de trop, avec cette écriture classique indissociable des oeuvres de Franco Piersanti. « Habemus Papam » reste au final une partition émouvante, élégante et prenante qui, sans être un chef-d’oeuvre dans la filmographie du musicien italien, n’en demeure pas moins une belle réussite et la preuve incontestable d’une collaboration de qualité entre Franco Piersanti et Nanni Moretti, du très beau travail qui impose encore une fois Piersanti comme l’un des meilleurs compositeurs de musique de film italien de notre époque, aux côtés du maestro Ennio Morricone. Recommandé, donc !




---Quentin Billard