Film de guerre au budget modeste réalisé par Adrian Vitoria et sorti en 2011, « Age of Heroes » nous propose de revenir sur la création du commando n°30 par Ian Fleming en 1941 durant la Seconde Guerre Mondiale, unité considérée comme précurseur des troupes d’élites britanniques. Dans cette modeste production britannico-norvégienne, on y suit les péripéties du caporal Rains (Danny Dyer), soldat obtus et borné accusé de désertion mais finalement recruté par le major Jones (Sean Bean) pour faire partie de la toute nouvelle équipe du trentième commando que vient de mettre sur pied Ian Fleming (James D’Arcy), qui deviendra plus tard l’auteur du célèbre « James Bond ». Rains et ses camarades doivent subir un entraînement difficile et éprouvant pour faire partie des meilleurs, repoussant ainsi leurs limites physiques et mentales. Objectif de leur première mission : prendre d’assaut une tour allemande en plein coeur de la Norvège afin de récupérer un précieux système de radar germanique stratégique. « Age of Heroes » aborde ainsi les thèmes du sacrifice, de l’honneur et de la camaraderie entre les membres hétéroclites du tout premier commando britannique crée par Ian Fleming, dont l’expérience militaire durant la Seconde Guerre Mondiale servira d’inspiration pour ses futurs romans de « James Bond ». Le film est réalisé de façon honnête et efficace avec un budget assez modeste mais un casting de qualité mené de front par l’impeccable Sean Bean et quelques très bonnes scènes de combat (l’infiltration de la tour, la bataille de la ferme, etc.). Evidemment, ce n’est pas « Saving Private Ryan » et Adrian Vitoria n’est pas Spielberg, mais qu’importe, « Age of Heroes » remplit parfaitement son rôle de film de guerre/drame historique, bien que l’on regrettera le fait que le récit soit parfois un peu expédié – le film est relativement court et va vraiment à l’essentiel – Rien de bien neuf donc pour ce petit film de guerre honnête et efficace mais d’une concision un brin frustrante.

La partition musicale du compositeur anglais Michael Richard Plowman renforce à son tour la dimension épique et héroïque du récit en mettant l’accent sur les rythmes martiaux, les cuivres amples et les thèmes mémorables. Il s’agit d’ailleurs du film le plus ambitieux que le compositeur ait fait jusqu’à présent (rappelons que Plowman travaille pour le cinéma depuis le début des années 90). Dans une note du livret de l’album publié par Movie Score Media, le compositeur précise que les producteurs de « Age of Heroes » souhaitaient ainsi une musique thématique et héroïque, tout en apportant une dimension moderne à la musique de ce film de guerre. Si l’orchestre live est bel et bien présent – ici, le Hungarian Studio Orchestra enregistré à Budapest – Plowman a aussi dû faire appel aux synthétiseurs, mélangés aux parties orchestrales. Le résultat, assez hybride, est une combinaison honnête d’orchestre et de synthétiseurs, bien que l’on regrettera l’emploi parfois un ‘cheap’ de l’électronique, qui n’apporte pas toujours grand chose à la partition du film, mais conserve néanmoins ce ton moderne que la production souhaitait sur le long-métrage d’Adrian Vitoria. Le score de « Age of Heroes » repose essentiellement sur trois thèmes principaux variés et structurés tout au long du récit : le thème principal, baptisé « Age of Heroes Theme » par le compositeur lui-même, est introduit dès l’ouverture du film, et s’impose par son ton solennel et vibrant partagé entre la ferveur des cordes, des cuivres et des timbales/caisse claire, une ouverture qui rappelle parfois celles de la série des jeux « Medal of Honor » de Michael Giacchino, bien que l’on pense parfois aux harmonies ou à certaines sonorités de « Saving Private Ryan » de John Williams ou « Band of Brothers » de Michael Kamen. Aucun doute possible : on est bel et bien ici en pleine musique de film de guerre moderne, avec son lot de thèmes solennels et de mélodies incitant au courage et au recueillement. Le deuxième thème est le thème héroïque, introduit brillamment dans le morceau « Heroes ». S’il s’agit à coup sûr du thème le plus mémorable de la partition de « Age of Heroes », il s’agit aussi de la mélodie la plus discutable en terme d’inspiration, car extrêmement ressemblante au thème héroïque de « Narnia » d’Harry Gregson-Williams – on y retrouve une série de notes similaires et un enchaînement de quatre accords semblables et aussi archi utilisés au cinéma depuis des décennies – Mais qu’importe les similitudes du « Heroes Theme » avec bon nombre de mélodies héroïques préexistantes, le résultat est plutôt spectaculaire et imposant à l’écran, alors que le thème dispense son lot de courage, de bravoure et de détermination sur fond d’ostinato rythmique entêtant, entendu pour la première fois lors des préparatifs de la mission. Enfin, le troisième thème baptisé « Death Theme » est une mélodie plus tragique et sombre associée aux pertes humaines dans le film. Ce thème est introduit par des cordes ascendantes dans « A Heroes Elegy » et repris dans la plupart des passages dramatiques du film (« The Last Request »), thème que l’on reconnaît ici grâce à sa montée de notes et ses tensions chromatiques poignantes et résolument tragiques.

Ce sont surtout les scènes de bataille qui permettent à Michael Richard Plowman de nous offrir une série de morceaux d’action intenses et tonitruants aux rythmes martiaux scandés sur fond de cordes et de cuivres agités. L’action culmine ainsi dans « Battle of Dunkirk » avec ses changements rythmiques brillamment exécutés et son écriture orchestrale plutôt riche et maîtrisée, bien que l’on regrettera le fait que les cordes et les cuivres prennent trop souvent la part du gâteau au détriment des bois, souvent absents. A noter ici l’utilisation de quelques choeurs synthétiques que l’on retrouvera tout au long du score, associés aux hommes du commando. Autre morceau d’action de qualité, le bref mais excitant « The Team » avec ses rythmes martiaux entraînants et « Mission and Tower Fight » et « A Battle of the Fallen », dans lequel l’orchestre hongrois s’en donne encore une fois à coeur joie. Ces morceaux apportent un rythme intense aux séquences de bataille du film et renforcent la tension et le danger tout en évoquant le ressenti des soldats, qu’il s’agisse de la peur, du courage et de la détermination. C’est le cas par exemple dans la scène de la fuite dans « Escape, Escape Now », morceau malheureusement gâché par un recours discutable aux synthés cheap, qui renforcent le caractère « musique de téléfilm » de certains passages du score (quid de l’intérêt d’enregistrer un orchestre live si c’est pour avoir ensuite des passages entiers écrits aux synthétiseurs ?). A noter que « Escape, Escape Now » introduit par la même occasion quelques séries de dissonances glauques associés aux nazis dans le film. Les allemands ont d’ailleurs droit à leur propose motif, sonorité électronique mystérieuse en glissando introduite au début de « Dunkirk Mist » et qui apparaît à chaque scène où les allemands se trouvent près du commando, accentuant la sensation de menace (et de proximité). La musique bascule même dans le suspense glauque avec « The Farm House » et « Line Them Up To Die », qui évoquent les méfaits des nazis et la barbarie de leur commandant. Enfin, Michael Richard Plowman conclut sa partition en récapitulant l’essentiel de ses thèmes et de ses idées dans « Age of Heroes Suite ». Le compositeur signe donc une partition orchestrale plutôt martiale, héroïque et rythmée pour « Age of Heroes », suggérant les différentes facettes du récit, entre le drame, l’héroïsme, le courage et l’appréhension du conflit à travers une série de thèmes de qualité. Dommage cependant que le score soit parfois un brin cheap dans son emploi des synthétiseurs et des instruments samplés, et que certains thèmes laissent paraître trop facilement leur inspiration - le thème héroïque, pourtant très prenant au demeurant.



---Quentin Billard