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1-Burghölzli 1.23
2-Miss Spielrein 1.36 3-Galvanometer 1.04 4-Carriage 1.07 5-He's Very Persuasive 2.13 6-Sabina 0.57 7-Otto Gross 2.47 8-A Boat with Red Sails 1.01 9-Siegfried 1.01 10-Freedom 1.13 11-End of the Affair 1.05 12-Letters 2.24 13-Confession 1.30 14-Risk My Authority 1.10 15-Vienna 1.09 16-Only One God 2.26 17-Something Unforgivable 2.50 18-Reflection 5.57 19-Siegfried Idyll 32.04* *Interprété par Lang Lang Composé par Richard Wagner Extrait de l'opéra "Siegfried" (1876) Arrangé par Howard Shore Monté par Jonathan Schultz. Musique composée par: Howard Shore Editeur: Sony Classical 88697987262 Produit par: Howard Shore Producteur exécutif pour Howe Records: Joe Augustine Coordinateur album: Alan Frey Monteur score: Jonathan Schultz Monteur musique: Jennifer Dunnington Manager production: Elizabeth Cotnoir Coordinateur de production: Alan Frey Programmation musicale: James Sizemore Préparation musique: Vic Fraser, Amy Baer (c) & (p) 2011 Howe Records LLC, under exclusive license to Sony Music Entertainment. All rights reserved. Note: *** |
A DANGEROUS METHOD
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ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
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Music composed by Howard Shore
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« A Dangerous Method » est le nouveau long-métrage de David Cronenberg réalisé quatre ans après « Eastern Promises » (2007). Il s’agit d’une adaptation cinématographique de la pièce « The Talking Cure » de Christopher Hampton, elle-même déjà adaptée du roman « A Most Dangerous Method » de John Kerr. Le film se déroule à Vienne au début du 20ème siècle. Le psychanalyste Carl Jung (Michael Fassbender) reçoit un jour dans son cabinet une patiente nommée Sabina Spielrein (Keira Knightley). La jeune femme souffre d’hystérie et manifeste un comportement violent et désordonné. Jung décide alors de la soigner et finit par entretenir une liaison amoureuse avec elle : Sabina devient ainsi la maîtresse de Jung. Mais comprenant que cette relation n’a aucun avenir, en plus de compromettre sérieusement son mariage et son éthique professionnelle, le psychanalyste décide de rompre avec la jeune femme. Furieuse, Sabina se venge et révèle sa relation avec Carl Jung à Sigmund Freud (Viggo Mortensen), l’un des plus proches collègues de Jung, considéré comme le père de la psychanalyse moderne. Dès lors, l’intervention déplacée de Sabina rendra les rapports extrêmement tendus entre Jung et Freud, rapports qui évolueront très vite de la séduction mutuelle à la rupture finale. « A Dangerous Method » aborde ainsi le thème de la psychanalyse vu à travers le triangle Jung / Spielrein / Freud, trois conceptions de la profession pour trois personnages hors du commun : l’un est le fondateur de la psychanalyse analytique, l’autre est le père de la psychanalyse moderne, quand à la jeune femme, d’abord patiente de Jung à l’origine, elle deviendra par la suite l’une des premières psychanalystes femmes de son temps. Cronenberg délaisse cette fois-ci le gore, les mutations de la chair ou les excentricités en tout genre pour développer une atmosphère plus intellectuelle et psychologique, avec une relation bizarre et torturée entre les personnages de Michael Fassbender et Keira Knightley. Mention spéciale à l’actrice qui n’hésite pas à rompre ici avec son image glamour habituelle pour camper une patiente hystérique et totalement torturée – elle n’hésite d’ailleurs pas à en faire des tonnes ! - à des années lumières des rôles habituels de la comédienne, qui s’est quelque peu enlaidie au début du film pour l’occasion. Il n’y avait d’ailleurs que David Cronenberg pour offrir une telle prise de risque à une actrice de renom comme Keira Knigthley. Quand à l’indispensable Michael Fassbender, il confirme encore une fois son statut de meilleur acteur américain du moment, omniprésent de nos jours au cinéma (son rôle d’androïde dans le très attendu « Prometheus » de Ridley Scott pourrait bien lui faire atteindre les sommets), campant un Carl Jung tout à fait convaincant. Face à lui, Viggo Mortensen, acteur fétiche de Cronenberg (il a tourné dans « A History of Violence » et « Eastern Promises »), interprète un Freud passionnant, symbolisant la figure du patriarche et du mentor de Jung tout en demeurant un concurrent sérieux aux théories du jeune psychanalyste. Dans ce clash des pensées et des esprits, le cinéaste canadien parvient à tisser une narration un brin académique mais non dénuée d’intérêt, à la manière d’un roman ou d’une pièce de théâtre, un film qui doit autant à ses interprètes inspirés qu’à cette manière qu’a Cronenberg d’évoquer encore et toujours les fantasmes refoulés de ses personnages, qui finissent par exploser à un moment ou un autre – ici, les scènes sexuelles étranges où Spielrein s’adonne à ses fantasmes sado-masochistes bizarres avec Jung – Analysant les dessous retors et l’intellect de ses deux monstres sacrés de la psychanalyse que sont Jung et Freud, Cronenberg nous offre un film certes un brin classique et didactique dans sa forme, mais plus savoureux et intense dans le fond, un film un peu inattendu et déstabilisant de la part du cinéaste canadien, qui ne ressemble pas vraiment à ses précédents films et qui reste plus sobre et modeste dans sa mise en scène, bien que l’on y retrouve certaines idées chères au réalisateur.
Qui dit David Cronenberg dit bien évidemment Howard Shore à la musique. Le réalisateur canadien retrouve ainsi son fidèle compositeur de toujours qui le suit depuis maintenant plusieurs décennies. Rappelons que la collaboration entre Shore et Cronenberg débuta sur le film d’horreur « The Brood » en 1979, et se prolongea par la suite avec les films « Scanners » (1981), « Videodrome » (1982), « The Fly » (1986), « Dead Ringers » (1988), « Naked Lunch » (1991), « M. Butterfly » (1993), « Crash » (1996), « eXistenZ » (1999), « Spider » (2002), « A History of Violence » (2005) et « Eastern Promises » (2007). A l’instar du film lui-même, la partition musicale d’Howard Shore s’avère être bien plus académique et classique que ce que le compositeur a pu faire auparavant sur les films de Cronenberg. Adoptant un style résolument symphonique, Howard Shore élabore une musique à la fois intime, dramatique et psychologique pour « A Dangerous Method », une partition orchestrale lente et immersive dominée par le piano de Nikolaus Resa. Le score repose sur un thème principal constitué d’une cellule de 3 notes répétées à plusieurs reprises de façon entêtante, évoquant dans le film le triangle Jung/Spielrein/Freud. Ce motif est confié au piano et à des cordes agitées dans « Burghölzi », introduction un brin fiévreuse et brutale évoquant les troubles psychologiques de la jeune Spielrein au début du film. Le motif est développé plus intensément dans « Miss Spielrein » avec les cordes, les cors et le piano. A noter la façon dont le motif semble se balader constamment dans le grave, partagé entre le piano et les contrebasses. Shore rappelle aussi l’époque à laquelle se déroule l’histoire en ayant recours à un style plus classique, en référence au postromantisme allemand - la bande originale du film utilise par exemple le fameux « Siegfried Idyll » de Richard Wagner, tiré de la tétralogie « L’anneau du Nibelung », arrangé ici par Howard Shore pour les besoins du film et brillamment interprété par le pianiste classique Lang Lang (et parfois développé sous une forme orchestrale). Ce recours à un style plus classique et académique paraît évident dans « Galvanometer », dominé par un piano délicat et élégant. Le thème principal est développé dans son intégralité dans « Carriage », où Shore accentue ici son caractère entêtant, répétitif et psychologique avec ses rythmes répétés de cordes, bois et piano. Le thème évoque à la fois la relation torturée entre Jung et Spielrein mais aussi la séduction mutuelle entre Jung et Freud. Omniprésent, le dit motif se retrouve aussi dans « He’s Very Persuasive », dans lequel Shore évoque là aussi la relation père/fils ou maître/disciple entre le jeune et le vieux psychanalyste, deux générations et deux conceptions différentes de la profession. La musique conserve ici une certaine retenue étonnante et typique de la partition de « A Dangerous Method » : l’écriture orchestrale de Shore reste ici restreinte, utilisant le strict minimum (cordes, bois, piano), bien que l’on ressente parfois quelques harmonies plus dramatiques et tourmentées comme le final de « He’s Very Persuasive ». Une clarinette mystérieuse et solitaire parcourt le fragile « Sabina » avec ses harmonies plus classiques d’esprit, un élément lui aussi caractéristique de « Otto Gross » et son écriture concertante du piano accompagné ici de l’orchestre à la manière d’un concerto classique. Et c’est sans surprise que le fameux motif principal est repris à nouveau aux cordes graves (violoncelles/contrebasses) de façon entêtante, une sorte de leitmotiv obsédant qui, en plus de trotter un moment dans la tête, traduit parfaitement l’atmosphère psychologique et parfois déstabilisante du film. Plus tonale que la plupart de ses précédentes partitions pour Cronenberg, la musique d’Howard Shore fait la part belle à une écriture pianistique concertante comme dans « Otto Gross » et à une esthétique résolument classique et 19èmiste d’esprit. Le piano devient d’ailleurs vecteur des émotions et des pensées intérieures des personnages dans « A Boat With Red Sails » ou « Freedom », tandis que « End of the Affair » nous propose une variation instrumentale intéressante autour de l’air de « Siegfried Idyll » de Wagner, qu’Howard Shore a aussi incorporé dans sa partition et développé pour les besoins du film. Cette mélodie rappelle surtout le fait que Jung et Spielrein partagent une passion commune pour l’opéra « Siegfried » de Wagner dans le film. Le piano devient plus grave dans « Letters » tout en demeurant très délicat et retenu, alors que la musique joue constamment en arrière-fond sonore dans le film tout en se faisant discrète. Le motif entêtant est repris de façon répétitive au piano dans « Letters » comme dans « Confession », morceaux dans lesquels le piano et les cordes deviennent vaguement plus sombres, suggérant une part de mystère lié aux sentiments et aux pulsions refoulées des personnages. On retrouve aussi un peu de Wagner dans les harmonies solennelles de « Risk My Authority » tandis que « Vienna » développe en toile de fond le motif principal de façon mystérieuse par des trémolos discrets des violoncelles et des contrebasses. L’approche dramatique voulue par Shore se concrétise pleinement dans « Only One God » et aboutit à une ultime reprise du thème principal dans « Reflection ». Utilisée de façon discrète dans le film tout en demeurant très présente à l’écran, la musique d’Howard Shore complète l’émotion et la mise en scène du film en accompagnant davantage les pensées des personnages que l’action à proprement parler. Elle renforce par la même occasion l’atmosphère psychologique du récit et joue sur le non-dit et l’idée du refoulement des pulsions, du bouillonnement intérieur des protagonistes du film et du choc des convictions et des intellects. Plus subtile, plus minimaliste et surtout plus tonale et accessible que certaines partitions antérieures pour Cronenberg, « A Dangerous Method » reste un travail de qualité qui devrait surtout combler les amateurs d’Howard Shore et ceux qui suivent avec intérêt sa passionnante collaboration avec le cinéaste canadien depuis la fin des années 70. ---Quentin Billard |