1-Main Titles 1.07
2-Blanca Meets Miguel 1.55
3-The New House 4.32
4-Whores Don't Make Miracles 1.37
5-A Long Dream 1.32
6-First Night in the House 4.10
7-The Three Girls 0.35
8-Ex-votos 1.33
9-I Have Strange Dreams 1.37
10-The Baby Visited 0.48
11-Nightmare 0.55
12-Black Smoke 3.19
13-The Baby's Gone 2.38
14-Who's Knocking at the Door? 2.49
15-Francesca Meets Miguel 2.14
16-Lecture at the Seminary 2.36
17-Footprints on the Wall 1.11
18-Because I'm Telling You 1.32
19-Recording the Prayers 2.18
20-Leave My Wife Alone 3.24
21-Good and Bad Miracles 2.16
22-Miguel's Hesitance 2.21
23-The Secret Room 6.16
24-The Martyrs and
the Third Postulate 13.18

Musique  composée par:

Alfons Conde

Editeur:

Movie Score Media MMS-09015

Produit par:
Alfons Conde, Juan Antonio Ros
Préparation de la musique:
Penka Kouneva
Producteur exécutif de l'album:
Mikael Carlsson

Motion picture artwork (c) 2009 Eqlipse Producciones Cinematograficas. Original Film Artwork by Brian D. Fox independent for Lightning Entertainment. All rights reserved.

Note: ****
NO-DO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alfons Conde
Révélé en 2006 avec sa modeste série-B à suspense « The Dark Hour », le réalisateur espagnol Elio Quiroga renoue avec le cinéma fantastique dans « No-Do » (« Les témoins du mal », connu aussi sous le titre anglais « The Beckoning »), film de fantôme hérité de productions espagnoles similaires telles que « The Others », « El Orfanato » ou bien encore « Fragile ». Les « No-Do », ou « Noticiario Documentales », sont des films d’actualités cinématographiques espagnols conçus pour informer les spectateurs des salles de cinéma durant l’ère franquiste. Mais le film n’aborde quasiment jamais le sujet de la dictature de Franco mais n’est qu’un prétexte à une énième intrigue vaseuse de revenants et de spectres maléfiques, avec son lot de suspense et de rebondissements mous du genoux. « No-Do » raconte l’histoire de Francesca (Ana Torrent), une jeune pédiatre traumatisée par la mort de son enfant, qui décide un jour de se retirer en convalescence avec son mari dans une grande maison réaménagée, qui abritait autrefois un internat catholique pour jeunes filles. Alors que Francesca semble reprendre goût à la vie, des événements étranges surviennent dans la maison, la rendant de plus en plus inquiète et angoissée quand à la santé de son bébé et celle de sa fille. Elle va découvrir rapidement que tout ceci n’est pas le fruit de son imagination mais des manifestations d’esprits torturés qui hantent les lieux, esprits associés aux terribles secrets que tenta de dissimuler autrefois l’Eglise catholique. « No-Do » débute sur une évocation des films d’information de l’ère franquiste puis se métamorphose rapidement en suspense théologique/religieux typiquement espagnol : la maison dans laquelle vit Francesca n’est pas sans rappeler par exemple l’orphelinat du film de Juan Antonio Bayona. Hélas, le film d’Elio Quiroga s’avère être plutôt lent, terne et ennuyeux. Les quelques effets spéciaux et autres sursauts horrifiques ne parviennent pas à rehausser le niveau d’une production peu inspirée, dans laquelle le cinéaste mélange les références et les inspirations sans grande imagination : l’histoire met du temps à démarrer, le personnage principal – le prêtre – met beaucoup trop de temps à intervenir dans le récit, les flashbacks et scènes d’archive/documentaires ponctuent de manière bancale l’histoire, saccageant non seulement le rythme du film mais aussi son suspense, sans oublier un casting correct bien que très moyen. Décidément, on ne retiendra pas grand chose de ce « No-Do » fort décevant de la part d’Elio Quiroga, surtout après le premier essai réussi de « The Dark Hour » sorti deux ans plus tôt.

Le film offre l’occasion au compositeur espagnol Alfons Conde de retrouver le cinéaste de « The Dark Hour » pour cette nouvelle production fantastique pour laquelle le musicien signe une partition ample, gothique, religieuse et ténébreuse, une musique de très grande qualité et d’une intensité bien plus impressionnante que le film lui-même. Ecrite pour le Bulgarian Symphony Orchestra SIF309 et la chorale du Kup Taldea, la partition de « No-Do » nous plonge dès l’ouverture du film (« Main Titles ») dans une ambiance gothique et sombre assez impressionnante, dominée par les vocalises spirituelles et mystérieuses de la soliste Miren Urbieta. « Blanca Meets Miguel » développe une ambiance mystérieuse à base de cordes, vents, piano, célesta et chœur, mais c’est « The New House » qui introduit l’élément clé du score, le thème principal interprété ici par la chorale a cappella à la manière d’un chant religieux traditionnel. Le thème principal, dominé par ses harmonies modales, évoque parfois la musique religieuse contemporaine du 20ème siècle, notamment dans cette manière qu’a le compositeur de complexifier ses harmonies par l’ajout d’accords dissonants et ambigus. Le thème principal, d’une beauté évidente, devient parfois plus sombre et mystérieux quand Alfons Conde l’enveloppe de sonorités plus mystérieuses. A noter le rôle indispensable du piano dans « The New House », instrument de l’intimité, associé à Francesca dans le film. Les orchestrations restent très soignées, riches et pleines de détails, un élément caractéristique des musiques du compositeur espagnol. Dans « Whores Don’t Make Miracles », le suspense s’impose d’emblée par un sursaut orchestral introductif et l’ajout de voix fantomatiques et de cordes sombres et inquiétantes suggérant la présence d’esprits dans la maison de Francesca et son mari. La musique est à la fois mystérieuse, envoûtante et inquiétante dans « A Long Dream », où l’on retrouve une écriture chorale aussi riche qu’élégante, plutôt néo-classique d’esprit. A noter que le motif mystérieux et descendant des cordes introduit dans « Blanca Meets Miguel » revient dans « First Night in the House », symbolisant les sombres secrets que renferme la maison de Francesca. La musique demeure ainsi intense et immersive, sans en faire de trop au début du film, mais réussissant à susciter un vrai climat de mystère religieux et de suspense théologique. Les influences paraissent flagrantes par moment – on pense parfois à Jerry Goldsmith ou Christopher Young – mais qu’importe, le patte musicale plus européenne d’Alfons Conde est bel et bien là, le compositeur semblant visiblement très inspiré par son sujet. La partie finale de « First Night in the House » nous permet de replonger dans le suspense et l’épouvante avec une atmosphère atonale brumeuse à base de tenues dissonantes de cordes, de notes vaporeuses de piano et de vocalises féminines fantomatiques. Le motif de 4 notes descendantes est repris ici brièvement au piano pour rappeler l’idée que la maison de Francesca est le théâtre d’événements étranges et terrifiants.

L’épouvante se concrétise dans l’agressif « The Three Girls », autre sursaut orchestral à l’écriture orchestrale/chorale complexe et savante, mélangeant glissandi de cordes/choeurs, effets instrumentaux aléatoires divers, clusters, etc. On nage ici en pleine musique d’épouvante à l’hollywoodienne, mais avec une richesse d’idées et une écriture résolument savante digne des grands maîtres de la musique contemporaine du 20ème siècle. Dès lors, l’atmosphère de la musique de « No-Do » devient nettement incertaine et macabre, comme le rappelle l’impressionnant « Ex-Votos » ou le dissonant « The Baby Visited ». La musique souligne même le cauchemar de Francesca dans « Nightmare », plongeant davantage l’héroïne dans un univers suffocant et terrifiant, où les spectres de la maison renvoient de façon troublante au passé de la jeune mère traumatisée par le décès de son enfant. Le thème principal est repris brièvement au cor anglais dans « Black Smoke », où l’incertitude et le suspense dominent toujours de façon adéquate – on pense parfois au style de la musique de « The Others » d’Alejandro Amenábar – La musique bascule même dans la terreur pure avec la seconde partie de « Black Smoke », où l’écriture orchestrale se complexifie davantage et rappelle Penderecki, Xenakis ou Ligeti, notamment dans la façon d’aligner les dissonances et de multiplier de façon virtuose les effets instrumentaux/vocaux aléatoires et complexes, d’une violence évidente. Ici aussi, difficile de ne pas penser non plus à Chris Young ou Jerry Goldsmith (on n’est guère loin par moment du style de « The Omen »). Le thème est repris de façon plus délicate et mystérieuse au début de « The Baby’s Gone », avec une écriture plus lyrique et chaleureuse des cordes, Alfons Conde n’oubliant pas pour autant la dimension humaine et dramatique du récit dans sa musique. A noter une autre très belle reprise du thème au violoncelle soliste dans « Who’s Knocking at the Door ? », qui reprend ici aussi quelques vocalises fantomatiques et éthérées de très bonne facture. Ici aussi, la terreur est à l’ordre du jour, notamment lors d’un grand tutti orchestral/choral grandiose et maléfique, suggérant la présence du mal dans la maison de Francesca. C’est l’occasion pour Alfons Conde de reprendre d’ailleurs un style atonal et complexe qu’il avait déjà brillamment expérimenté dans « The Dark Hour » et qu’il développera aussi dans « The Abandoned ». Le caractère liturgique de « Francesca Meets Miguel » rappelle la consonance religieuse du récit, le morceau étant écrit à la manière d’une messe catholique, avec choeur en latin, soliste, orgue et orchestre, dans un registre plutôt atonal et complexe – on pense parfois au « Bless the Child » de Christopher Young. Les amateurs d’ambiances gothiques apprécieront certainement « Footprints on the Wall » ou « Recording the Prayers », tandis que la musique conserve son approche dramatique, mystérieuse et lyrique dans « Good and Bad Miracles » dans lequel Conde évoque le sacrifice sanglant des jeunes filles miraculeuses, sinistre secret que tente de cacher l’église depuis des années. Enfin, la terreur domine largement le sombre « The Secret Room » et le long climax final de « The Martyrs and the Third Postulate », 13 minutes d’intensité pure durant lesquelles la musique d’Alfons Conde atteint des sommets de complexité, de terreur et de virtuosité.

Le musicien espagnol nous livre donc avec « No-Do » l’un de ses meilleurs travaux pour le cinéma espagnol, une partition robuste, ample, gothique et envoûtante, mélangeant orchestre déchaîné et choeurs en latin religieux pour les besoins du film d’Elio Quiroga. Si l’approche voulue par Alfons Conde paraît assez prévisible et sans surprise étant donné le sujet du film, le résultat est somme toute à la hauteur de nos attentes, car après le très réussi « The Dark Hour », le compositeur confirme son talent évident pour les atmosphères sombres et ténébreuses, s’imposant comme un maître de l’écriture orchestrale avant-gardiste et néo-classique, une partition riche et impressionnante, à des années lumières de l’ennui suscité par le film lui-même. Malgré des influences toujours évidentes (Goldsmith, Young, Penderecki, Ligeti), la musique de « No-Do » est un nouveau coup de maître de la part du jeune musicien barcelonais, à découvrir sans tarder grâce à l’excellente édition CD publiée par Movie Score Media !




---Quentin Billard