1-A Planet 2.37
2-Going In 2.03
3-Engineers 2.29
4-Life 2.30*
5-Weyland 2.04
6-Discovery 2.32
7-Not Human 1.49
8-Too Close 3.20
9-Try Harder 2.03
10-David 3.00
11-Hammerpede 2.42
12-We Were Right 2.43*
13-Earth 2.35
14-Infected 1.56
15-Hyper Sleep 2.01
16-Small Beginnings 2.11
17-Hello Mommy 2.04
18-Friend From The Past 1.14**
19-Dazed 4.29
20-Space Jockey 1.29
21-Collision 3.05
22-Debris 0.44
23-Planting The Seed 1.35
24-Invitation 2.16
25-Birth 1.24

*Composé par Harry Gregson-Williams
**Inclut "Alien Theme"
composé par Jerry Goldsmith.

Musique  composée par:

Marc Streitenfeld/
Harry Gregson-Williams

Editeur:

Sony Masterworks 197834

Produit par:
Marc Streitenfeld
Musique additionnelle de:
Harry Gregson-Williams

Artwork and pictures (c) 2012 20th Century Fox Film Corp. All rights reserved.

Note: ****
PROMETHEUS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marc Streitenfeld/
Harry Gregson-Williams
Annoncé depuis plus d’un an, « Prometheus » aura suscité une attente extraordinaire de la part du public cinéphile. Alors que le film de Ridley Scott – qui marque ici son grand retour à la science-fiction, genre qu’il n’avait plus abordé depuis « Blade Runner » en 1982 – était prévu à l’origine pour être un cinquième opus de la saga « Alien », le cinéaste anglais choisit finalement de faire de son nouveau long-métrage le point de départ d’une nouvelle franchise dont le scénario resterait ancré dans l’univers d’Alien, univers que Scott lui-même débuta en 1979 avec son célèbre film d’horreur/science-fiction qui révolutionna le genre à la fin des années 70 et imposa sur nos écrans l’une des plus célèbres créatures extra-terrestre de toute l’histoire du cinéma. L’attente fut longue et interminable pour les fans, car « Prometheus » se dévoila petit à petit pendant de nombreux mois grâce à plusieurs trailers, teasers, spots TV, vidéos virales, puzzle audio et même création d’une station fantôme dans l’ancienne station de métro Saint-Martin à Paris, entièrement redécorée avec les décors du film en mai 2012, une campagne marketing tout bonnement hallucinante pour un film que l’on annonçait déjà comme quasi révolutionnaire, prêt à marquer l’histoire du cinéma – y compris dans son utilisation de la 3D. Toute l’équipe du film a véritablement joué le jeu, dissimulant des indices à droite à gauche au détour de nombreuses interviews, sites et autres articles de presse. Quand à Ridley Scott lui-même, il annonçait déjà que le public reconnaîtrait dans « Prometheus » l’ADN d’Alien, sans en dire plus. « Prometheus » se déroule en 2089, soit plusieurs décennies avant l’histoire de « Alien ». L’archéologue Elizabeth Shaw (Noomi Rapace) et son compagnon Charlie Holloway (Logan Marshall-Green) viennent de faire une découverte extraordinaire en Ecosse, une peinture préhistorique représentant un humanoïde géant pointant du doigt six étoiles, une peinture quasi-identique à de nombreuses autres représentations trouvées dans d’autres civilisations à travers le monde. Suite à cette découverte, le milliardaire Peter Weyland (Guy Pearce) décide de financer une vaste expédition scientifique à bord du gigantesque vaisseau Prometheus à destination d’une lointaine planète nommée LV-223, selon les coordonnées indiquées par les représentations. Le voyage dure 2 ans, mais à leur arrivée, Shaw, Charlie et leur équipe, assistée de l’androïde David (Michael Fassbender), découvrent les traces d’une civilisation extra-terrestre, des créatures gigantesques que Shaw et Charlie ont baptisé les « ingénieurs » (ou « Space Jockey »), et qui, selon eux, seraient responsables de la création de l’humanité. Mais ce voyage fascinant va très vite tourner au cauchemar lorsque les scientifiques vont découvrir que les ingénieurs ont crée en réalité une terrifiante arme biologique enfermée dans de mystérieuses urnes, un liquide noir inconnu capable aussi bien de donner la vie comme de la détruire.

Le film doit beaucoup à son aspect visuel, totalement maîtrisé, avec ses décors désertiques qui rappellent David Lean (d’où des références à « Lawrence of Arabia » vers le début du film), son utilisation simple et profonde de la 3D, et ses intérieurs en hommage aux créations biomécaniques de Giger sur le premier « Alien » de 1979. La découverte de l’immense sculpture d’un visage humain dans le vaisseau des ingénieurs reste le clou du film, une image qui symbolise le long-métrage de Ridley Scott depuis ses débuts, et qui excita la curiosité des fans depuis la parution des premières affiches de « Prometheus » de nombreux mois auparavant. Autre point fort du film : son casting de qualité, réunissant quelques grands talents du moment, que ce soit Noomi Rapace (révélée par la saga « Millenium » en 2009), Logan Marshall-Green, Charlize Theron, Idris Elba, Guy Pearce, Rafe Spall, Sean Harris ou le très charismatique Michael Fassbender, qui campe ici un androïde à la personnalité ambiguë et passionnante, bien plus humain qu’il n’y paraît – David est d’ailleurs LE personnage le plus complexe du film, qui rappelle parfois le personnage du répliquant de « Blade Runner ». Il pose même quelques questions essentielles : en créant des humains artificiels, les hommes sont devenus des sortes de dieux, à l’image des ingénieurs qui ont crée les hommes. A ce sujet, on relèvera une réplique essentielle dans le film. Lorsque Holloway s’interroge sur les motivations qui ont poussé les ingénieurs à nous créer, David reformule la question « et moi, pourquoi les hommes m’ont crée ? », ce à quoi Holloway répond simplement « parce que nous le pouvions ! ». Et c’est là où le film ouvre quelques portes, qui vont bien au-delà d’un simple film de science-fiction américain (et si notre création n’était que le fruit d’un simple acte spontané, et ne faisait nullement partie d’un vaste plan calculé ?). « Prometheus » lance des pistes de réflexion provocantes sur les origines de l’humanité et remet en cause la foi et la religion de façon brutale. Le personnage d’Elizabeth Shaw cristallise d’ailleurs à elle seule toutes ces réflexions : comme le rappelle Weyland dans le film, elle est une chercheuse motivée par la foi, mais ses découvertes vont l’amener progressivement à revoir ses opinions et à ressentir une douloureuse et cruelle désillusion (réplique-clé de Shaw. : « nous avions tellement tort ! »). Tout le film est d’ailleurs articulé sur ce sentiment tragique de désillusion, qui renvoie ainsi subtilement au mythe grec de Prométhée, à l’origine du titre du film : à force de vouloir percer le secret de nos origines, les hommes ont fini par défier les dieux et ont été punis de leur orgueil par les dieux eux-mêmes, tout comme les scientifiques du « Prometheus » seront punis de leurs agissements par les terrifiantes créations biologiques des ingénieurs. Abordant ainsi des thèmes fascinants – la création de l’humanité, la rencontre avec nos créateurs, le pourquoi de nos origines (et de notre destruction programmée) – le script ambitieux et controversé de Damon Lindeloff et John Spaihts avait pourtant tout pour faire de « Prometheus » un futur classique de la science-fiction. Et pourtant, le principal souci du film vient avant tout du développement bâclé des personnages et des quelques incohérences de l’histoire. Le cinéaste lui-même annonçait que « Prometheus » allait enfin lever le voile sur une énigme posée dans le « Alien » de 79, celle du mystérieux squelette fossilisé retrouvé dans l’épave du vaisseau vers le début du film. « Prometheus » répond partiellement à cette énigme et dévoile LE personnage de cette nouvelle saga ambitieuse, l’ingénieur, un être extra-terrestre dont l’apparence massive ressemble fortement à celle des hommes, et pour cause : il est notre créateur, et son ADN est similaire au nôtre.

Le film se risque à créer toute une nouvelle mythologie passionnante aux contours religieux et métaphysiques fascinants, une histoire d’ailleurs assez similaire à celle des « Montagnes Hallucinées » de H.P. Lovecraft. Hélas, malgré ses thèmes passionnants et ses quelques scènes choc (la césarienne forcée, l’attaque de Millburn, le final), « Prometheus » frôle parfois la série-B pure et dure, avec ses hauts et ses bas : personnages plats, réactions inadaptées, manque de développement (on a parfois l’impression qu’il manque des scènes pour justifier telle action ou telle autre !) et de trop nombreuses questions qui restent en suspend – si les ingénieurs nous ont crée, pourquoi veulent-ils nous détruire ? Et pourquoi Ridley Scott annonça que les dernières minutes de « Prometheus » serviraient de prologue à « Alien » alors que le film se termine bien au contraire sur quelque chose de totalement différent ? – Le long-métrage du cinéaste anglais est assurément frustrant, car s’il tient malgré tout ses promesses de nous offrir un grand spectacle de science-fiction comme on en voit rarement ces derniers temps, le film ne parvient pas à développer complètement tous les enjeux de son script ambitieux mais trop condensé, et donc forcément inabouti et inégal, avec un arrière-goût frustrant d’inachevé. Quand à la stupidité étonnante de certains personnages du film (Fifield et Millburn qui s’amusent à jouer avec une dangereuse créature alien à l’apparence d’un cobra !), elle ne convient pas à l’attitude scientifique de leurs personnages et traduit clairement le manque d’investissement des deux scénaristes du film par rapport aux personnages qu’ils ont crée. A ce sujet (SPOILER !), les exemples sont légion dans le film : Shaw découverte ensanglantée et blessée devant Weyland et ses compagnons, qui n’ont absolument aucune réaction, Janek qui décide trop rapidement de se sacrifier avec le Prometheus sans la moindre émotion, la mort abrupte et frustrante de Meredith Vickers (Charlize Theron), dont le personnage s’avère pourtant plus profond qu’il n’y paraît (est-ce une androïde, à l’instar de David ? Quelle est la cause de son hostilité vis-à-vis de son père, Peter Weyland ?), etc. Le manque d’implication émotionnelle de certains personnages du film renforce le ton parfois assez froid et mécanique de « Prometheus », qui reste finalement bien trop court pour pouvoir développer pleinement ses différents enjeux dramatiques et scénaristiques (le film fait pourtant 2 heures !). Quand à ceux qui s’attendaient à retrouver dans le film le célèbre xénomorphe bien connu de « Alien », ils seront probablement déçus d’une façon ou d’une autre, car, bien que les similitudes avec « Alien » soient présentes dans le nouveau long-métrage de Ridley Scott, on part encore une fois sur quelque chose de vraiment différent ! Mais que l’on se rassure : « Prometheus » n’est que le point de départ d’une nouvelle saga (comme le dit David dans le film : « les grandes choses ont de petit commencement ! »), et il y a fort à parier que les nombreuses questions restées en suspend dans ce premier film seront probablement abordées dans de futures suites. C’est en tout cas ce que les fans de la saga espèrent au plus haut point !

Le compositeur allemand Marc Streitenfeld retrouve quand à lui Ridley Scott après avoir oeuvré sur ses précédents films : « A Good Year » (2006), « American Gangster » (2007), « Body of Lies » (2008), « Robin Hood » (2010), sans oublier de mentionner sa participation à une production Ridley/Tony Scott, « The Grey » de Joe Carnahan (2012). C’est la première fois que Streitenfeld se voit confier la musique d’une grosse production de science-fiction, et pour « Prometheus », le musicien avait fort à faire, car il devait passer derrière certains de ses plus illustres collègues qui ont tous oeuvré sur la saga « Alien » : Jerry Goldsmith bien sûr, mais aussi James Horner, Elliot Goldenthal ou bien encore John Frizzell. La musique de « Prometheus », bien que n’égalant jamais le niveau d’un Goldsmith ou d’un Goldenthal, est à coup sûr l’atout majeur du film de Ridley Scott et la preuve irréfutable que la collaboration Streitenfeld/Scott est en passe de devenir l’une des plus intéressantes du moment. Le compositeur, ancien assistant d’Hans Zimmer, signe pour « Prometheus » une partition d’une richesse thématique époustouflante, servie par des atmosphères électroniques élaborées et par une utilisation tout à fait maîtrisée de l’orchestre symphonique et d’une chorale féminine tour à tour mystérieuse, lyrique et angoissante. Pour Marc Streitenfeld, le travail sur « Prometheus » débuta il y a plusieurs mois dès la lecture du script, qui inspira particulièrement le compositeur, très excité à l’idée de travailler sur le nouveau film de science-fiction de Ridley Scott depuis « Alien » et « Blade Runner ». De plus, Streitenfeld travailla pendant quasiment un an sur la musique de « Prometheus », ce qui explique sans aucun doute la qualité du résultat final, sûrement et lentement mûri. Enregistrée à Londres avec un orchestre de 90 musiciens, la musique de « Prometheus » s’avère être parfois majestueuse et solennelle, parfois émouvante et poignante, et parfois incroyablement violente, sombre et terrifiante, à l’instar du film. Si l’on retrouve quelques vagues références à la musique d’Alien de Goldsmith, le score de « Prometheus » part dans une toute nouvelle direction, et impose d’emblée une thématique impressionnante par sa force et sa cohésion. Le thème principal, ample, majestueux et solennel (« Life », « We Were Right »), est l’oeuvre d’Harry Gregson-Williams, appelé à renfort par la production pour écrire la partie additionnelle du score, et notamment la mélodie principale. Ce thème, confié dès l’ouverture du film (« Life ») à un cor solennel sur fond de tenue de cordes latentes, de quelques touches synthétiques et des voix grandioses accompagne de façon grandiose et prenante les premiers plans de notre monde lors de la création de l’humanité il y a des milliers d’années. C’est le thème de la vie, de la création et de la recherche de nos origines dans le film, d’où le côté majestueux et solennel qui impose d’emblée une force et une émotion dès l’ouverture du film. Ce thème sera d’ailleurs très présent dans le film, mais curieusement sous représenté sur l’album, hormis deux pistes assez courtes. Le score contient aussi toute une variété de thèmes bien ancrés dans l’histoire, à commencer par un motif inquiétant de deux notes répétées, souvent confié à des flûtes (en référence à Goldsmith) dont la sonorité a été retravaillé par ordinateur pour lui conférer un aspect plus étrange, un motif court que l’on nommera « motif alien » - on l’entend au début de « Going In », dans « Not Human », dans « Hyper Sleep », dans « Birth » et aussi abondamment dans « David ». Le motif alien intervient régulièrement dans le film lorsqu’il est question de l’univers extra-terrestre des ingénieurs ou de leurs terrifiantes créations.

Autre thème, plus mémorable, celui du Prometheus que l’on appellera « thème des humains », entendu dans « A Planet », et qui se divise en réalité en trois segments mélodiques bien distincts. Les premières notes du thème sont entendues dans « A Planet » dès 0:18 au cor, puis à 0:47 au hautbois, avant d’être repris dans son intégralité aux cordes à partir de 1:25. Ce thème, ample et dramatique, évoque la quête humaine – on l’entend lors de la découverte de LV-223, alors que le vaisseau Prometheus s’apprête à se poser sur la planète – tout en annonçant la dimension tragique du récit. Streitenfeld bâtit ce grand thème autour de deux segments mélodiques bien distincts : le premier est la partie A, qui va de 1:25 à 1:42. La partie B du thème, avec des cuivres graves plus massifs, va de 1 :42 à 1 :50. Enfin, la partie C, dominée par des violoncelles imposants, va de 1:50 à 2:04. A noter que, régulièrement, Streitenfeld superpose le thème du Prometheus à un motif plus mystérieux associé à la planète LV-223, un thème de deux notes dont la parenté avec le motif alien est plus qu’évidente : ce thème de la planète débute dans « A Planet » dès 0:29 et confère aux images un sentiment subtil de mystère et de découverte sous un angle à la fois inquiétant et énigmatique. On appréciera d’ailleurs la façon dont le compositeur juxtapose parfois ce motif malléable de la planète à celui du Prometheus en contrepoint, une excellente idée qui permet à Marc Streitenfeld de développer pleinement ses deux mélodies. Le thème du vaisseau, repris dans « Small Beginnings », « Dazed » et « Space Jockey », atteint ensuite son paroxysme dans le génial « Collision », sans aucun doute l’un des meilleurs passages du score de Streitenfeld, grande envolée orchestrale poignante, solennelle et déterminée avec ses ostinati de cordes urgentes, ses cuivres amples et sa coda héroïque et désespérée lors du sacrifice final de l’équipage. Le thème complet du Prometheus ainsi que le motif de deux notes de la planète LV-223 prennent ici une dimension à la fois dramatique et vibrante, non dénuée d’émotion, une très belle réussite qui prouve à quel point Streitenfeld n’a jamais perdu de vue la partie plus humaine et émotionnelle dans sa musique. On notera d’ailleurs la façon avec laquelle le compositeur joue sur son thème du vaisseau en changeant les harmonies pour leur conférer un caractère poignant et tragique prenant mais sans jamais en faire de trop, comme c’est le cas pour le passage entre 1:37 et 2:18 ou lors de la magnifique envolée finale de 2:46 (frissons d’émotions 100% garantis !), surtout lorsque les choeurs et les cuivres viennent renforcer l’impact de la musique à l’écran. Et comme si cela ne suffisait pas, Streitenfeld nous gratifie d’autres thèmes, avec une mélodie ambiguë, lente et mystérieuse entendue pour la première fois dans « Weyland », et qui distingue par ses notes hésitantes et étrangement mélancoliques. A noter la façon dont Streitenfeld utilise les cordes de manière froide à base d’harmoniques dans « Weyland », doublées par des choeurs féminins et quelques sonorités électroniques brumeuses. Le thème de Weyland reviendra plusieurs fois dans le film, et notamment dans le sombre « Try Harder », dans « Dazed » et dans la seconde moitié de « Friend from the Past » - qui rend explicitement hommage au fameux thème principal d’Alien de Jerry Goldsmith, lors de la première apparition holographique de Peter Weyland au début du film, un endroit assez curieux pour y placer la mélodie de Goldsmith – Le thème sombre et mélancolique de Weyland évoque la partie sombre du personnage tout en évoquant, par son aspect mélancolique, cette idée de quête impossible de l’immortalité, pour un vieillard qui a accompli de grandes choses dans son existence mais qui se retrouve aujourd’hui à la fin de sa vie et qui semble prêt à tout pour y arriver, quitte à rejeter sa propre fille et à aimer un fils artificiel (symbole de la perte de l’humanité du milliardaire excentrique). Elizabeth Shaw (Noomi Rapace) a droit à son propre thème, mélodie intime et un brin mélancolique ent
endue dans le touchant « Invitation », reprise aux cordes avec un sentiment d’urgence dans « Too Close » (scène de la tempête) ou dans « Infected », avec ses cordes dramatiques et élégiaques poignantes lors de la mort d’Holloway. Le thème de Shaw évoque son rapport à la foi, l’idée de sa quête à la fois scientifique et spirituelle, et de tout ce qu’elle devra perdre pour trouver les réponses tant attendues.

Enfin, la découverte du vaisseau des ingénieurs permet à Streitenfeld de nous offrir un dernier motif de cinq notes dans « Discovery », entendu notamment lors de la découverte de la sculpture géante, confiée à une clarinette et des voix féminines lointaines et énigmatiques, presque spirituelles et irréalistes. Ce motif de la découverte reviendra dans « Engineers » (on le reconnaîtra en tendant un peu l’oreille à partir de 0:37, confié furtivement aux violoncelles/contrebasses) et vers la fin du sombre et intrigant « Try Harder », avec toujours cette même sensation d’une atmosphère lente, sombre et étrange, associée à la découverte d’une civilisation et d’un monde étranger et inconnu. Pour se faire, Streitenfeld est même allé jusqu’à créer une série d’ambiances électroniques sonores étranges, à base de sons manipulés (exemple : les flûtes ‘alien’ du début de « Going In » ou du terrifiant « Birth »), de sonorités mécaniques, industrielles voire même organiques, comme c’est le cas dans le sombre « Engineers », qui évoque les atmosphères sonores inquiétantes associées aux ingénieurs et à leurs créations dans le film. « Engineers » traduit d’ailleurs clairement tout l’aspect expérimental assez impressionnant du travail de Marc Streitenfeld sur « Prometheus », que ce soit dans sa façon de manipuler les sons ou de créer des atmosphères synthétiques inédites et inventives, très présentes tout au long du score. A noter ce son de battement mécanique entendu dans « Engineers » et associé aux ingénieurs dans le film, qui reviendra aussi dans « Debris » et « Hyper Sleep » lors de la plupart des apparitions des impressionnants space jockeys. Autre élément sonore majeur dans le score de « Prometheus » : l’utilisation du choeur féminin, conférant à la musique de Streitenfeld un caractère parfois mystérieux et religieux assez impressionnant et typique de la musique du film de Ridley Scott : le mélange des voix et des sonorités synthétiques apportent d’ailleurs une vraie personnalité musicale au travail de Streitenfeld à l’image et rappelle les efforts fournis par le musicien pour définir une véritable identité sonore cohérente propre à « Prometheus », sans avoir pour autant à citer Goldsmith, Goldenthal ou d’autres (on évite ainsi les pièges faciles du « Aliens vs. Predator Requiem » de Brian Tyler !). Enfin, que ne serait la partition d’un film de science-fiction horrifique sans quelques bons déchaînements orchestraux violents en règle ? Ainsi, « Prometheus » ne déroge pas à la règle et nous offre avec « Hammerpede », « Hello Mommy » ou « Planting the Seed » quelques solides déchaînements de terreur pure, que ce soit pour l’attaque du serpent alien dans l’agressif « Hammerpede » avec ses sons synthétiques/percussifs étranges et ses effets instrumentaux dissonants/aléatoires des cuivres, ou le terrifiant « Hello Mommy » pour LA scène choc clé du film. On notera l’emploi de techniques instrumentales avant-gardistes ici, Streitenfeld mélangeant effets instrumentaux aléatoires, clusters dissonants (parfois aux choeurs), glissandi et stridences extrêmes et contrôlées pour parvenir à ses fins, même si ces passages horrifiques rompent parfois violemment avec l’atmosphère subtile et assez réservée du reste du score. Quand à « Planting the Seed », il s’agit de loin de l’un des passages les plus impressionnants du score, notamment dans son utilisation inventive des percussions (élément récurrent dans des passages tels que « Too Close », « Collision » ou « Hello Mommy ») et dans son extrême violence musicale, rapide mais incroyablement intense. Quand à « Birth », il conclut le film et le score sur une ultime touche d’horreur, annonçant une suite évidemment apocalyptique. Bilan final plus que positif donc pour Marc Streitenfeld, qui signe avec « Prometheus » son meilleur travail à ce jour, une partition ample, parfois subtile, parfois plus massive et grandiose, mais jamais dénuée d’émotion. C’est avec une conviction rare que Streitenfeld a abordé la composition de « Prometheus » comme une sorte de voyage musical dans les tréfonds de l’univers somb
re de LV-223 et des ingénieurs.

S’il ne fait aucun doute que la partition de Streitenfeld ne fera pas l’unanimité dès la première écoute, il y a fort à parier qu’elle grandira en soi au fil des écoutes, une musique qui s’apprécie d’autant plus par le biais d’écoutes répétées en dehors des images pour pouvoir cerner pleinement les nombreux développements thématiques du score et ses différentes idées sonores parfois si singulières. Car, si la composition de Marc Streitenfeld n’a ni le génie ni la passion d’un « Alien » de Goldsmith ou d’un « Alien 3 » de Goldenthal (auquel on la compare régulièrement, parfois à tort !), elle n’en demeure pas moins très réussie et passionnante à écouter d’un bout à l’autre, chose rare de nos jours pour une musique de film d’un gros blockbuster hollywoodien aussi attendu. Alors que beaucoup craignaient que Marc Streitenfeld ne ruine la saga « Alien » avec sa musique de « Prometheus », le résultat est à contrario incroyablement réussi et redoutablement immersif : les thèmes, simples en apparence, vous resteront très vite dans la tête, avec pour commencer le très beau thème d’Harry Gregson-Williams. Quand à ceux qui aiment les musiques plus expérimentales et singulières, ils apprécieront à coup sûr les passages de terreur ou les morceaux évoquant l’univers des ingénieurs. Enfin, l’émotion n’est pas en reste et des passages dramatiques comme « Invitation », l’excellent « Collision » ou le tragique « Infected » titilleront à coup sûr la fibre humaine des auditeurs, que ce soit sur l’album ou dans le film. La musique apporte d’ailleurs une vraie force aux images et confirme, après la réussite de « Robin Hood », la bonne tenue de la collaboration Scott/Streitenfeld, une collaboration encore balbutiante mais promise à un certain avenir, surtout si le compositeur allemand se montre tout aussi inspiré sur ses prochains projets ! Au final, si le film « Prometheus » a déçu bon nombre de spectateurs, la musique de Marc Streitenfeld, elle, a réconforté paradoxalement une bonne partie du public - béophile ou autre – et s’impose comme l’un des meilleurs travaux du musicien pour le cinéma, en passe de devenir une nouvelle référence dans la jeune carrière de Streitenfeld !




---Quentin Billard