1-Dark Shadows/Prologue (Uncut) 7.52
2-Resurrection 2.54
3-Vicky Enters Collinswood 1.21
4-Deadly Handshake 2.14
5-Shadows/Reprise 1.08
6-Is It Her? 0.43
7-Barnabus Comes Home 4.18
8-Vicky's Nightmare 1.26
9-Hypno Music 0.47
10-Killing Dr. Hoffman 1.14
11-Dumping The Body 0.58
12-Roger Departs 2.33
13-Burn Baby Burn/In-Tombed 2.49
14-Lava Lamp 2.17
15-The Angry Mob 4.40
16-House Of Blood 3.38
17-Final Confrontation 2.20
18-Widow's Hill/Finale 3.47
19-The End? (Uncut) 2.42
20-More The End? 1.55
21-We Will End You! 1.09

Musique  composée par:

Danny Elfman

Editeur:

WaterTower Music WTM39283

Album produit par:
Danny Elfman

Artwork and pictures (c) 2012 Warner Bros. Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
DARK SHADOWS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Danny Elfman
Tim Burton marque son retour derrière la caméra deux ans après « Alice in Wonderland » (2010) avec « Dark Shadows », adaptation cinématographique d’une série télévisée créée par Dan Curtis et diffusée sur la ABC entre 1966 et 1971. C’est l’occasion pour le cinéaste de retrouver à nouveau son complice de toujours, l’infatigable Johnny Depp, qui se retrouve cette fois-ci en train d’endosser le costume d’un vampire du 18ème siècle propulsé dans l’Amérique hippie des années 70. L’histoire de « Dark Shadows » débute en 1760 : la famille Collins, originaire de Liverpool, vient tout juste de s’installer dans le Nouveau Monde où elle fonde la ville de Collinsport et crée une industrie de pêche qui connaît un grand succès et permet à la ville de vivre pleinement. En 1785, Barnabas Collins (Johnny Depp) est courtisé par sa servante, Angélique Bouchard (Eva Green), qui est tombée follement amoureuse de lui, mais Barnabas repousse ses avances, alors qu’il projette de se marier avec Josette. Furieuse, Angélique, qui utilise secrètement la sorcellerie, se venge de Barnabas en faisant assassiner ses parents et en provoquant le suicide de Josette. L’odieuse sorcière s’arrange ensuite pour que toute la ville se retourne contre Barnabas, qu’elle transforme en vampire, enfermé pour l’éternité dans un cercueil enterré au plus profond de la forêt. Deux siècles plus tard, en 1972, des ouvriers déterrent accidentellement le cercueil de Barnabas-vampire, qui réussit enfin à se libérer de sa tombe et tue tous les ouvriers après avoir assouvi sa soif de sang. Barnabas retrouve alors sa luxueuse demeure de Collinsport, mais tout semble avoir changé : le château est mal entretenu et semble être tombé en ruine. Sa demeure abrite désormais ses descendants du 20ème siècle. Barnabas, qui découvre le monde de 1972, fait la connaissance d’Elizabeth Collins Stoddard (Michelle Pfeiffer), sa fille de 15 ans rebelle et fan de rock Carolyn (Chloë Moretz), son frère Roger Collins (Jonny Lee Miller) et son fils précoce David (Gully McGrath) âgé de 10 ans, sans oublier Willie Loomis (Jackie Earl Haley), l’homme à tout fait de la maison. Le vampire rencontre aussi le docteur Julia Hoffman (Helena Bonham Carter), psychiatre alcoolique employée des Collins qui s’occupe du traitement de David, et la nouvelle servante de la maison, la jeune et mystérieuse Victoria Winters (Bella Heathcote), la nouvelle gouvernante de David qui ressemble étrangement à Josette. Bien décidé à reprendre les choses en main dans cette maison où plus rien ne va, Barnabas s’intègre à ce nouveau monde et décide de renflouer l’entreprise de pêche des Collins. Mais il se heurte alors à la concurrence d’Angélique, qui vit toujours au 20ème siècle et est devenue une importante femme d’affaire qui dirige l’entreprise rivale. Cette dernière tente à nouveau de séduire Barnabas, mais en vain. La sorcière décide finalement de mener son ultime vendetta contre le vampire et la famille Collins, prête à en découdre pour de bon. Avec « Dark Shadows , Tim Burton effectue un retour magistral au cinéma, dans une ambiance sombre, gothique et ironique rappelant « Sleepy Hollow ». « Dark Shadows » pastiche allègrement les films de vampire tout en faisant preuve d’un humour noir irrévérencieux et plein d’autodérision. En plaçant Johnny Depp dans la peau d’un vampire perdu en plein coeur de l’Amérique des ‘seventies’, c’est tout un mythe qui en prend un coup : choc des époques, choc des cultures, le tout sur fond d’imageries gothiques ténébreuses, parfois sanguinaires et toujours incroyablement drôle. La mise en scène de Tim Burton reste fidèle à l’esprit rebelle du cinéaste, avec un casting prestigieux dominé par Johnny Depp et Eva Green, incroyablement hot et sexy dans le film, sans oublier quelques solides seconds rôles (le vétéran Christopher Lee, la trop rare Michelle Pfeiffer, la toujours aussi talentueuse Chloë Moretz, etc.), et un astucieux mélange explosif d’épouvante et d’humour totalement assumé par le réalisateur. Entre pastiche macabre et gothique rappelant « Adams Family » et gags loufoques rappelan
t « Les Visiteurs », « Dark Shadows » réussit son pari risqué de mélanger humour et frisson, même si le film n’a rien d’un chef-d’oeuvre et n’ira certainement pas rejoindre le rang très prisé des musts de Tim Burton : cela n’en demeure pas moins une jolie réussite incontestable !

« Dark Shadows » marque les retrouvailles entre Tim Burton et Danny Elfman, qui signe là sa treizième collaboration à un film du réalisateur, collaboration qui, rappelons-le, débuta en 1985 avec la musique du film « Pee-Wee Big Adventure » et se prolongea avec quelques grands classiques tels que « Batman », « Beetlejuice », « Edward Scissorhands » ou bien encore « Mars Attacks ! ». Pour « Dark Shadows », Danny Elfman saisit l’occasion d’écrire une nouvelle grande partition orchestrale gothique et ténébreuse, dans un style qui rappelle son travail sur « The Wolfman » de Joe Johnston (2010). Inspiré par le mélange d’humour, de dérision et de pastiche horrifique du film, Danny Elfman retrouve sa personnalité musicale habituelle à grand renfort d’ambiances gothiques, de passages horrifiques/dissonants et de sonorités synthétiques 70’s rétro – sans oublier les chansons rock/funk du film - L’introduction du film permet à Elfman de poser les bases de sa partition (« Dark Shadows-Prologue – Uncut »), dévoilant le thème principal du score à partir de 0:31, mélodie de cinq notes à la fois mélancolique, sombre et dramatique, illustrant la famille Collins et la romance brisée entre Barnabas et Josette. Après un début plutôt calme à base de flûtes altos sombres en écho – autre effet récurrent dans le score - la musique évolue rapidement grâce à des orchestrations amples à base de cordes, bois, cuivres, cordes et quelques timbales, pour une introduction dramatique et torturée, amplifiée par la partie chorale résolument gothique : on pense d’emblée à « The Wolfman », tandis que le thème principal, largement développé dans cette ouverture, passe d’un pupitre à un autre avec une certaine aisance. Autre thème majeur à 0:55 : un motif de six notes associé à Angélique et à ses pouvoirs maléfiques de sorcière, un motif mystérieux qui évoquera aussi tout au long du film le maléfice de Barnabas. Avec le thème principal de Barnabas et le motif d’Angélique aisément malléable, Elfman construira l’essentiel de sa partition en ajoutant quelques idées secondaires comme ce motif de flûte alto en écho, un ostinato de 4 notes de cordes souvent superposé au thème principal (à partir de 4:23 dans « Dark Shadows Prologue ») ou un autre motif de trois notes ascendantes de cordes, clairement repris du score de « The Wolfman » et entendu pour la première fois dans le prologue à 4:52 - motif qui rappelle aussi parfois le « Dracula » de Wojciech Kilar, auquel Elfman faisait déjà largement référence dans « The Wolfman ». Fidèle à son goût pour les ouvertures amples et mémorables, Danny Elfman nous offre une solide introduction pour « Dark Shadows », 7 minutes proprement grandioses, puissantes, sombres et prenantes, une vraie réussite dans son genre ! « Resurrection » développe l’aspect sombre et terrifiant de la partition d’Elfman à grand renfort d’effets instrumentaux avant-gardistes en référence à la musique bruitiste/atonale du XXe siècle (on pense à Penderecki ou Ligeti par exemple) : glissandi, clusters, gargouillis aléatoires de cordes sont au rendez-vous lors de la scène où Barnabas est libéré de son cercueil et tue tous les ouvriers. Le thème d’Angélique est ici confié à des voix féminines et des cordes sombres (à 1:41), suggérant le maléfice qui pèse désormais sur les épaules de l’anti-héros, devenu un vampire assoiffé de sang. Niveau orchestrations, on retrouve ici aussi l’utilisation caractéristique de la flûte alto déjà entendue au tout début de l’introduction et qui apporte une couleur particulière à la musique.

Danny Elfman met l’accent tout au long du film sur une atmosphère d’épouvante gothique non dénuée de petites touches de malice, à l’instar du film, bien que la musique s’avère être globalement encore plus sombre que le film lui-même. On appréciera le travail autour des voix fantomatiques et de l’électronique dans « Vicki Enters Collinwood », ou les dissonances du sinistre « Deadly Handshake » avec la flûte alto, les synthétiseurs, la harpe, le vibraphone ou les instruments plus graves de l’orchestre (clarinette basse, contrebasson). A noter qu’Elfman rend subtilement hommage à la musique de Robert Cobert pour la série TV originale de 1972 en empruntant au compositeur une esthétique ‘seventies’ qui passe largement par le choix d’instruments clé ou de sonorités caractéristiques de cette époque, comme c’est le cas par exemple dans la reprise du thème principal de « Shadows (Reprise) » et son incorporation étrange de synthétiseurs analogues rétro évoquant les sons électroniques des années 70 (morceau hélas absent du film), sons qui se rapprochent parfois du theremin (cf. « Hypno Music »). Si Elfman ne perd jamais de vue sa thématique, qu’il s’agisse du motif principal mélancolique (« Is It Her ? ») ou du motif sombre d’Angélique (« Barnabas Comes Home »), c’est l’atmosphère gothique et horrifique du film qui semble l’avoir particulièrement inspiré, comme le confirment les longues plages d’atmosphères lugubres, mystérieuses et oppressantes de « Barnabas Comes Home », « Vicki’s Nightmare », « Killing Dr. Hoffman » ou « Burn Baby Burn/In-Tombed ». On retrouve ici un style emprunté à la partition de « The Wolfman », avec le défaut habituel du compositeur : une certaine tendance à la lourdeur et à une densité compacte et extrême, la partition manquant cruellement de respiration, d’aération (cela reste le défaut majeur et récurrent des musiques de Danny Elfman !). La musique sait néanmoins se faire plus nuancée comme c’est le cas dans « Roger Departs », lors de la scène du départ du père de David. Elfman suggère ici l’émotion et la tristesse du jeune garçon avec des cordes plus mélancoliques, mystérieuses, amères et torturées, à l’image de l’introduction du film. A noter l’utilisation à 1:38 d’un choeur d’enfants, élément traditionnel chez Elfman, la chorale reprenant ici le motif mystérieux d’Angélique, avec comme toujours ces effets en écho de flûte alto. « House of Blood » fait monter quand à lui la tension, suggérant les méfaits d’Angélique. Le dissonant « House of Blood » impressionne d’ailleurs par son utilisation étrange de synthétiseurs bruitistes/chaotiques et de choeurs grandioses, le tout accompagnant un orchestre féroce et déchaîné reprenant les motifs d’Angélique et de Barnabas, et ce fameux motif de suspense ascendant de trois notes de cordes qui se ballade tout au long de la partition, repris du score de « The Wolfman ». Le climax du film est illustré avec une férocité orchestrale extrême dans le brutal « Final Confrontation » et « Widows’s Hill (Finale) », qui renvoie clairement au style gothique et massif de « Sleepy Hollow ». A noter ici une reprise formidable du thème d’Angélique, du thème principal et son ostinato de 4 notes et du motif ascendant de 3 notes, une conclusion agitée et nerveuse qui permet au compositeur de faire culminer ses différentes idées mélodiques pour un climax barbare et très réussi ! Elfman récapitule certaines idées majeures du score dans « The End ? », « More the End ? » et « We Will End You! » - titre ironique emprunté à la célèbre chanson de Queen « We Will Rock You », auquel Elfman fait d’ailleurs subtilement référence dans le morceau en imitant le fameux pattern de batterie caractéristique du tube de Queen.

Danny Elfman signe donc une partition solide, massive et ténébreuse pour « Dark Shadows », un score brutal, gothique et intense soutenu par des thèmes de qualité et des orchestrations denses et élaborées, qui apportent une ambiance particulière aux images du film de Tim Burton, même si le score doit parfois cohabiter avec des chansons rock/funk un peu envahissantes, et a parfois du mal à se faire une place à l’écran. L’écoute sur l’album permet d’apprécier le travail d’Elfman dans sa quasi intégralité, incluant des morceaux absents du film ou présentés de façon plus cohérente sur le CD. De quoi réjouir les amateurs du compositeur attitré de Tim Burton, qui signe là un nouvel opus musical réussi bien que très compact, répétitif et un brin indigeste sur la longueur. Sans être la meilleure partition d’Elfman pour Tim Burton, « Dark Shadows » témoigne néanmoins du talent indéniable du compositeur pour les atmosphères lugubres, torturées et mystérieuses, un score à rapprocher de son cousin « The Wolfman », dont l’esthétique et certaines notes demeurent assez similaires !




---Quentin Billard