1-Volare (Nel Blu
Di Pinto Di Blu) 2.59*
2-Rum Diary 2.41
3-Suckfish and Snake 2.32
4-Mother of Balls 3.59
5-Chenault 2.44
6-Flagged Me Smiling 2.55
7-Pink Jelly Remains 2.41
8-Rockin' On Rooster
(With My Dead Monkey's Mother) 3.05
9-Sweet Bee 2.19
10-Cock-of-the-Rock 3.54
11-Black Note Blues 3.56
12-My Car the Cockroach 3.50
13-Neon Popsicles 2.30
14-Hefti-Tefi 2.42
15-He Must Be a Sadist 3.37
16-Puerto Rican Piss-Off 3.22
17-Whacking A Salesman 2.32
18-The Biggest Crook
in New Jersey 5.30
19-Desperate Drunks and
Postcard Loons 3.04
20-The Mermaid Song
(Instrumental) 1.34**
21-What About El Monstruo? 2.38***
22-Roll Out the Roosters 1.58***
23-Kemp in the Village 1.56+
24-The Mermaid Song 2.09++

*Interprété par Dean Martin
**Interprété par Johnny Depp
***Interprété par JD Band
+Interprété par Johnny Depp
et JJ Holiday
++Interprété par Patti Smith.

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Lakeshore Records LKS-342432

Produit par:
Christopher Young

(c) 2011 GK Films/Infinitum Nihil/FilmEngine/Dark & Stormy Entertainment. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE RUM DIARY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
« The Rum Diary » (Rhum Express) est le nouveau long-métrage de Bruce Robinson, qui n’avait rien réalisé depuis le film « Jennifer 8 » en 1992. Sorti en 2011, « The Rum Diary » est l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Hunter S. Thompson publié en 1998. Le film met en scène Johnny Depp dans la peau de Paul Kemp, un journaliste gonzo adepte du rhum et de la belle vie, qui part s’installer à San Juan, Porto Rico, pour y décrocher un job de rédacteur pour le quotidien local du San Juan Star. Arrivé sur place, Kemp fait la connaissance de Bob Sala (Michael Rispoli), qui travaille aussi pour le journal local et l’aide à s’acclimater à ce nouveau pays. Peu de temps après, Kemp rencontre la séduisante Chenault (Amber Heard), qui se trouve être la fiancée de Sanderson (Aaron Eckhart), un ambitieux homme d’affaire américain qui mène un important projet de construction immobilière à Puerto Rico. Découvrant la pauvreté qui existe à Puerto Rico, Kemp tente d’écrire des articles à ce sujet avant d’être rappelé à l’ordre par son patron, Lotterman (Richard Jenkins), qui refuse de lire de tels articles dans la presse, qui s’avèreraient être trop préjudiciables pour le tourisme local. Quelques temps plus tard, Kemp rencontre Sanderson et ses associés, qui lui proposent alors un job bien payé : écrire un long article élogieux sur le riche entrepreneur et son projet immobilier (douteux) sur l’île, projet qui devrait lui permettre d’amasser une solide fortune lui et ses associés, tout en contrôlant pour de bon le tourisme du pays. Kemp accepte ce job dangereux. Mais les choses se gâtent lorsque Sanderson découvre que Chenault a une relation avec Kemp. Licencié, le journaliste, qui n’a plus un sou en poche, décide de révéler la corruption de ces hommes d’affaires en dénonçant les trafics sordides qui sévissent sur l’île, souillée par de riches entrepreneurs américains bien décidés à faire de Puerto Rico un paradis capitaliste pour les riches. « The Rum Diary » reprend donc les grandes lignes du roman d’Hunter S. Thompson en évoquant le rythme de vie parfois complexe des journalistes gonzo, une méthode d’investigation journalistique particulière basée essentiellement sur l’ultra subjectivité, largement popularisée par Hunter S. Thompson lui-même aux USA dans les années 70. Le personnage de Paul Kemp, interprété ici par un Johnny Depp toujours aussi impeccable, est en partie autobiographique, notamment dans sa description de consommation d’alcool à répétition (le rhum) et de drogues, un trait caractéristique récurrent du journalisme gonzo. Le film accumule effectivement les scènes de beuverie de façon inquiétante, tout comme cette scène particulière durant laquelle Kemp et Sala planent après avoir consommé une drogue inconnue. Malheureusement, si le roman d’origine apportait un vrai point de vue satirique et sulfureux à cette dénonciation du capitalisme forcené à Puerto Rico, le film échoue à transmettre le moindre message, la faute à un rythme lent et ennuyeux, un script un peu paresseux et des longueurs éprouvantes et pénibles. « The Rum Diary » s’étire en longueur et peine à trouver le juste milieu entre son évocation d’une chronique journalistique et ses allures de drame intimiste hollywoodien. C’est dommage, car on pouvait espérer davantage de cette adaptation du fameux roman d’Hunter S. Thompson, tout juste sauvé de la noyade par un casting solide (l’excellent Johnny Depp, la très séduisante Amber Head) et de très beaux décors tropicaux. Du rhum, du rhum, encore du rhum, tel semble être le maître mot de ce film très alcoolisé (à consommer avec modération !) et paresseux, qui échoue à renouer avec la folie d’un « Fear and Loathing in Las Vegas » (1998) de Terry Gilliam, autre adaptation d’un roman de Hunter S. Thompson avec le même Johnny Depp.

Le retour de Bruce Robinson derrière la caméra permet au compositeur Christopher Young de retrouver sur « The Rum Diary » le cinéaste britannique, deux décennies après « Jennifer 8 » en 1992. Chris Young nous livre avec « The Rum Diary » une partition jazzy teintée de rythmes latino entraînants et agréables, évoquant clairement les décors tropicaux de Puerto Rico. Chris Young dévoile dans « Rum Diary » (ouverture du film) son thème principal confié à un saxophone, instrument-clé du score, sur fond de batterie jazzy, guitare, basse et orchestre à cordes. Pour Christopher Young, « The Rum Diary » est l’occasion de délaisser l’univers habituel des films d’horreur pour écrire une musique rythmée, rafraîchissante et intime, à la manière de ses musiques jazzy pour « Rounders », « Shade », « Lucky You » ou « The Man Who Knew Too Little ». Rappelons d’ailleurs à ce sujet que le compositeur fut lui-même batteur de jazz à ses débuts, bien avant de se lancer dans la musique pour le cinéma. Chris Young maîtrise donc parfaitement le registre du jazz, un style qu’il connaît bien et avec lequel il est incontestablement très à l’aise. Après l’excellente ouverture rafraîchissante de « The Rum Diary », Chris Young nous fait entendre du scat chanté dans « Suckfish and Snake » (on pense parfois à Bobby McFerrin) sur fond de batterie et d’orgue hammond jazzy, ou de superbes impros de la trompette et de la guitare dans le non moins jazzy « Mother of Balls ». La musique évoque le train de vie de Paul Kemp et ses collègues journalistes à Puerto Rico en adoptant le point de vue du personnage de Johnny Depp, tout en évoquant les décors du film. L’approche jazzy évoque donc autant les décors du film que le rythme de vie du journaliste gonzo. Dans « Chenault », Chris Young dévoile un semblant de Love Theme pour la relation naissante entre Kemp et Chenault, à grand renfort de batterie en balais, de piano, de cordes et de saxophone langoureux et sensuel, un slow romantique et tendre qui rappelle le goût du compositeur pour les atmosphères jazzy ‘vintage’ et élégantes. Hélas, comme c’est souvent le cas dans les partitions plus jazzy de Christopher Young, le score évolue agréablement sur l’album à la manière d’un album jazz qui s’apprécie tout autant avec ou sans le support des images, mais peine parfois à retranscrire le souvenir du film en tant que musique pour l’écran : les morceaux se suivent et se succèdent sans thème récurrent, variant les ambiances et les rythmes à loisir pour le plaisir incontestable de l’écoute, mais sans enjeu dramatique apparent à l’écran, hormis quelques morceaux par-ci par-là.

La musique reste donc plutôt détachée des images, car si elle accompagne le parcours chaotique de Paul Kemp et son compagnon de beuverie à Puerto Rico, elle ne personnifie jamais vraiment les personnages et les enjeux dramatiques du récit, à part de rythmer certaines scènes ou d’évoquer les décors exotiques comme c’est le cas dans « Pink Jelly Remains » avec son mélange agréable de saxophone jazzy, trompette, guitare, basse, cordes et percussions latinos – on pense parfois ici au style du « Out of Time » de Graeme Revell – Une bonne partie du morceau est d’ailleurs basé sur l’improvisation, avec en particulier un duo épatant de trompettes suraiguës du plus bel effet. Même chose dans « Rockin’ on Rooster (With My Dead Monkey’s Mother) » qui évoque la douceur de vivre de l’île à grand renfort de sax sur un tempo plus rapide et entraînant. La mélodie du saxophone reste d’ailleurs très réussie, bien que l’on regrettera là aussi le fait que Chris Young la délaisse par la suite pour passer à autre chose de différent, d’où le caractère morcelé et plutôt ‘album jazz’ du score. A noter que l’on retrouve le tic habituel du compositeur dans les titres de ses morceaux, s’amusant à glisser quelques touches d’humour et autres jeux de mots foireux dans certains titres de sa musique. « Sweet Bee » est un peu particulier puisqu’il s’agit d’une pièce pour piano et cordes, lente et tendre, renforçant le caractère plus intime de la composition de Chris Young tout en renvoyant à la romance hésitante entre Kemp et Chenault dans le film. Mais si le compositeur s’autorise une pause intime avec « Sweet Bee », c’est pour mieux repartir sur les rythmes jazzy/rock dans « Cock-of-the-rock » ou le scat délirant de « Black Note Blues », sans oublier une vague allusion à l’ouverture dans « My Car The Cockroach », qui reprend les harmonies et l’instrumentation de « The Rum Diary » avec une nouvelle mélodie. On appréciera aussi les rythmes latino de « Hefti-Tefti », ou les effets vocaux étranges de « Puerto Rican Piss Off », sans oublier l’harmonica bluegrass de « Whacking A Salesman » ou le sombre et torturé « The Biggest Crook in New Jersey », pièce de free jazz déjantée qui évoque le début des ennuis pour Paul Kemp. Chris Young va même jusqu’à évoquer les beuveries à répétition du personnage principal dans le festif et excellent « Desperate Drunks and Postcard Loons », avec ses harmonies empruntées au blues et au rock’n roll. Vous l’aurez donc compris, « The Rum Diary » est un score assez particulier de Christopher Young, qui s’écoute comme un album de jazz à part entière et qui reste assez détaché des images tout en créant une ambiance appropriée à l’écran. Le compositeur s’est laissé inspirer par les décors dépaysants de Puerto Rico, la douceur de vivre de l’île et les scènes de beuverie arrosées au rhum pour écrire sa partition, le tout baignant dans un fun et une décontraction incontestable, bien que l’on regrettera l’absence d’un thème fédérateur pour rendre le tout cohérent et éviter ainsi le caractère morcelé de la partition. Mais pour les fans du Chris Young jazzy, « The Rum Diary » est une réussite incontestable et rafraîchissante, qui dévoile une autre facette de la personnalité musicale du compositeur américain, rejoignant ainsi les scores tout aussi réjouissants de « Rounders », « Lucky You » ou « The Man Who Knew Too Little » : à découvrir, donc !



---Quentin Billard