1-Soldiers of the Queen 0.50*
2-MT 0.49
3-Grocer's Daughter 2.18
4-Grand Hotel 0.46
5-Swing Parliament 3.42
6-Eyelash 1.45
7-Shall We Dance?
(From "The King and I") 4.24**
8-Denis 1.55
9-The Great in Great Britain 2.21
10-Airey Neave 0.48
11-Discord and Harmony 2.35
12-The Twins 1.04
13-Nation of Shopkeepers 1.45
14-Fiscal Responsibility 1.48
15-Crisis of Confidence 4.04
16-Community Charge 2.02
17-Casta Diva
(from "Norma") 5.34***
18-The Difficult Decisions 1.33
19-Exclusion Zone 4.14
20-Statecraft 3.41
21-Steady the Buffs 4.51
22-Prelue No.1 in C major,
BWV 846 1.53+

*Interprété par The Military
Band of the Queen's Regiment
Ecrit par Leslie Stuart
**Interprété par Deborah Kerr,
Marni Nixon et Yul Brynner
Ecrit par Rodgers & Hammerstein
***Interprété par Maria Callas
Orchestra del Teatro alla Scala
Dirigé par Tullio Serafin
Ecrit par Vincenzo Bellini
+Interprété par Olli Mustonen, piano
Ecrit par J.S. Bach.

Musique  composée par:

Thomas Newman

Editeur:

Sony Classical SK 91434

Album produit par:
Thomas Newman, Bill Bernstein
Orchestrations de:
J.A.C. Redford
Arrangements vocaux:
J.A.C. Redford
Supervision musique:
Ian Neil
Montage musique:
Bill Bernstein
Assistant monteurs:
Tony Lewis, James Bellamy
Préparation musique:
Jill Streater Music Prep
Producteurs album:
Richard Glasser
Développement produit:
Isabelle Tulliez

Artwork and pictures (c) 2011 Pathé Productions Limited & The Weinstein Company. All rights reserved.

Note: ***
THE IRON LADY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Thomas Newman
Surfant sur la vague des biopics sortis récemment au cinéma (« Cloclo », « The Special Relationship », « The Lady », « J. Edgar », etc.), « The Iron Lady » (La dame de fer) tombe à point nommé et profite d’un effet de mode actuel pour retranscrire un épisode de la vie politique de Margaret Thatcher, qui fut premier ministre de l’Angleterre entre 1979 et 1990. Le film débute de nos jours, alors que Margaret Thatcher, atteinte de la maladie d’Alzheimer, se remémore certains instants majeurs de sa vie, de sa jeunesse dans l’épicerie anglaise de ses parents jusqu’à ses débuts dans la politique et sa première élection à la chambre des communes en 1959. Après son mariage avec le riche Denis Thatcher en 1951, son passage au ministère de l’éducation et des sciences de 1970 à 1974, et son élection à la tête du Parti conservateur en 1975, celle que l’on surnommait déjà « la dame de fer » deviendra officiellement le 71ème premier ministre du Royaume-Uni le 4 mai 1979, poste qu’elle occupa pendant un peu plus de onze ans. L’Angleterre de Margaret Thatcher connut énormément de remous et de crises en tout genre, qu’il s’agisse des tensions en Irlande dans les années 80 et les attentats perpétrés par l’IRA, des nombreux problèmes de société (les chocs pétroliers des années 70, la montée de l’immigration et les premières tensions raciales), et l’épisode agité de la guerre des malouines en 1982 – conflit armé qui opposa l’Angleterre et l’Argentine pour le contrôle de deux petits archipels britanniques dans l’Atlantique sud, les Malouines et la Géorgie du Sud – sans oublier les divisions de l’Angleterre au sujet de l’Europe ou les nombreuses manifestations et émeutes en réaction à l’instauration de la très impopulaire ‘poll tax’ en 1990, une décision qui entraîna la démission de Thatcher en novembre 1990. Réalisé par la britannique Phyllida Lloyd – à qui l’on doit l’adaptation en film de la comédie musicale « Mamma Mia ! » - « The Iron Lady » est un solide biopic qui doit énormément à Meryl Streep, totalement époustouflante dans le rôle de Margaret Thatcher. Le jeu de la comédienne est absolument confondant de vérité, tout comme sa ressemblance physique avec la ‘dame de fer’ : on peut même penser qu’il n’y avait que Meryl Streep pour interpréter un rôle aussi complexe, difficile et exigent. Effectivement, « The Iron Lady » aborde la vie de Thatcher sous un angle à la fois politique (sous forme de nombreux flashbacks) mais aussi humain (le présent, la vieillesse, la maladie, les souvenirs). C’est d’ailleurs dans la partie se déroulant dans le présent que le film de Phyllida Lloyd gagne des points en montrant un visage plus humain et pathétique de cette vieille dame qui jette un regard nostalgique et amer sur 11 ans de règne politique, entre son mari Denis (Jim Broadbent) et son incroyable et dangereuse ambition politique, qui l’amena à prendre des décisions difficiles et très impopulaires. Le film n’aborde d’ailleurs qu’une partie de ces événements en omettant certains détails majeurs ou en réarrangeant certains éléments pour les besoins dramatiques du récit. A la sortie du film en 2011, certains critiques ont d’ailleurs largement dénigré le film en soulignant le fait qu’un biopic sur Margaret Thatcher ne pouvait décemment pas se permettre d’ignorer le bellicisme forcené de la ‘dame de fer’, un élément curieusement peu représenté dans ce long-métrage. Malgré quelques approximations et un ton parfois un peu consensuel et trop conciliant (chose un peu dérangeante quand on sait à quel point Margaret Thatcher reste l’une des personnalités politiques les plus controversés de son époque !), « The Iron Lady » est une belle réussite dans son genre, car si le film reste assez inégal, manquant cruellement de subversion et de singularité, il permet à Meryl Streep de s’offrir un rôle en or, récompensé justement par l’Oscar de la meilleure actrice en 2011.

Pour le compositeur Thomas Newman, « The Iron Lady » représente l’opportunité de renouer avec son style intimiste et minimaliste habituel, à l’instar de ses partitions des années 90 pour des drames ou des comédies dramatiques. Le score de « The Iron Lady » utilise toutes les ressources de l’orchestre symphonique traditionnel – enregistré à Londres – en faisant la part belle aux formations instrumentales plus restreintes, même si Newman a choisit cette fois-ci de délaisser son schéma habituel de jeu des solistes et d’instrumentation singulière pour une approche beaucoup plus orchestrale et conventionnelle, agrémentée de quelques éléments synthétiques plus modernes. Niveau orchestration, Thomas Newman met ici l’accent sur les cordes, le piano, les parties électroniques (nappes et/ou loops) et un choeur grandiose intervenant dans le solennel et classique « Discord and Harmony », qui évoque les musiques martiales britanniques d’Edwar Elgar, pour évoquer de façon imposante le règne politique de Thatcher, entre les troubles de la société britannique de l’époque et le bellicisme accru de la dame de fer durant la fameuse guerre des Malouines. Malgré ses qualités d’écriture évidentes et son classicisme 19èmiste éminemment authentique, « Discord and Harmony » reste un morceau à part dans le score de « The Iron Lady », bien moins représentatif de la musique du film de Phyllida Lloyd que « MT » ou « Grocer’s Daughter », qui réunit quelques uns des éléments-clés du score, à savoir une écriture à la fois minimaliste mais aussi cyclique et répétitive, avec ses notes répétées de cordes et de bois sur fond d’éléments synthétiques atmosphériques. Newman dévoile davantage son approche synthétique dans le sombre « Grand Hotel », évoquant la tentative d’attentat contre le couple Thatcher. Evidemment, le lyrisme cher au compositeur n’est pas en reste avec deux morceaux particulièrement poignants, « Swing Parliament » et « Steady the Buffs ». Le premier, résolument poignant, évoque de par son écriture raffinée et élégante des cordes une certaine mélancolie très britannique d’esprit, avec une touche de solennité vibrante, tandis que le second valorise le piano sur fond de nappe synthétique, dans un style plus proche du minimalisme habituel cher à Thomas Newman. Plus étonnant et singulier, « Steady the Buffs » nous propose une série d’arpèges rapides et nerveux d’un violon agité sur fond de cordes, synthés et percussions pour souligner la chute de Thatcher et la révolte sociale en Angleterre. Le violon soliste apporte ici une couleur particulière à « Steady the Buffs » et témoigne du savoir-faire évident du compositeur lorsqu’il s’agit de valoriser les instruments solistes. On retrouve ici le thème lyrique et solennel de « Swing Parliament » confié aux cordes et aux choeurs de façon émouvante et nostalgique, une sorte d’ultime adieu à un passé désormais lointain.

Niveau thématique, on découvre un premier thème de quatre notes ascendantes confiées aux cordes sur fond d’ostinato rythmique synthétique répétitif dans « Grocer’s Daughter », et qui souligne la détermination et l’ambition inexorable de la jeune Thatcher, de sa jeunesse passée dans l’épicerie de son père jusqu’à ses débuts dans la politique. Ce thème reviendra à plusieurs reprises dans le film pour souligner les moments-clé de l’existence de Margaret Thatcher, comme le rappelle « Nation of Shopkeepers », qui valorise ici aussi l’accompagnement électronique/rythmique avec son ostinato entêtant et répétitif de cordes. Le thème revient une dernière fois dans « Statecraft », avec ici aussi une accentuation de plus en plus évidente de la partie électronique, comme pour rendre la musique plus moderne ou plus proche de notre temps. Le second thème du score est entendu dans les lyriques et poignants « Swing Parliament » et « Steady the Buffs », un thème plus long mais aussi plus touchant et vibrant, sans aucun doute les deux meilleurs morceaux de la partition de « The Iron Lady ». On retrouve le traditionnel mélange intime de piano et nappe synthétique dans l’introspectif « Eyelash » ou dans le très beau « The Twins », et une utilisation très réussie de la harpe et des cordes dans « Denis », pour évoquer la relation entre Thatcher et son mari. Quand à « The Great in Great Britain », il s’agit d’un pastiche très réussi et très agréable de la musique classique anglaise, tout comme « Discord and Harmony », un joli exercice de style assez inhabituel de la part de Thomas Newman, et qui adopte parfaitement le point de vue britannique du film. Dans « Crisis of Confidence », on entame la dernière partie du film et du score avec une approche plus sombre et mouvementée, entre percussions agressives, cordes répétitives, synthétiseurs atmosphériques et même rythmes militaires déchaînés, comme c’est le cas dans « Exclusion Zone » pour illustrer la séquence de la guerre des Malouines. Même chose pour « The Difficult Decisions » et ses sonorités plus sombres et inquiétantes, évoquant le début des émeutes et des manifestations en Angleterre, entre les années 80 et 90. Plus étonnant, « Community Charge » valorise la guitare électrique et la batterie pour une approche rock assez singulière superposée à l’orchestre et au piano, Thomas Newman conservant l’idée d’une approche musicale à la fois classique et moderne pour le film de Phyllida Lloyd. La musique de Thomas Newman remplit donc parfaitement le cahier des charges en soulignant à la fois les aspects humains, dramatiques et sociaux de « The Iron Lady », tout en privilégiant une juxtaposition de style parfois un peu hétéroclite (minimalisme, électronique, classique, répétitif et même rock) et brouillonne, mais très adaptée au film. On ressent clairement la personnalité complexe et forte de Thatcher dans le thème de « Grocer’s Daughter » ou sa facette plus humaine dans « Swing Parliament », tandis que le belliqueux « Exclusion Zone » renforce la tension et le sentiment de révolte qui gronde dans l’Angleterre des années 80. Le score de « The Iron Lady » marque donc le grand retour de Thomas Newman sur le devant de la scène en 2011, avec ses partitions récentes pour « The Help » et « The Adjustement Bureau », une partition très réussie dans le film et qui, sans faire partie des musts du compositeur, témoigne du savoir-faire évident de Thomas Newman et de son habileté à manier les styles et les sonorités pour parvenir à ses fins !




---Quentin Billard