1-20th Century Fox Fanfare 0.13
2-Main Title (from
"Planet Of The Apes") 2.13
3-Crash Landing 6.40
4-The Searchers 2.25
5-The Search Continues 4.55
6-The Clothes Snatchers 3.09
7-The Hunt 5.10
8-A New Mate 1.04
9-The Revelation 3.20
10-No Escape 5.39
11-The Trial 1.45
12-New Indentity 2.24
13-A Bid For Freedom 2.36
14-The Forbidden Zone 3.23
15-The Intruders 1.09
16-The Cave 1.20
17-The Revelation (Part II) 3.15
18-Suite (from "Escape From
The Planet Of The Apes") 16.27

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5848

Album produit par:
Nick Redman

Artwork and pictures (c) 1968 20th Century Fox/Varèse Sarabande Records. All rights reserved.

Note: ***1/2
PLANET OF THE APES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
On ne présente plus l'un des grands chef d'oeuvre du cinéma de science-fiction, 'Planet of The Apes' (La Planète Des Singes), du décidément très doué Franklin J.Schaffner, adapté d'un roman de Pierre Boulle. Le film raconte les péripéties d'un astronaute américain, Taylor, incarné par l'excellent Charlton Heston, qui atterrit accidentellement avec son astronef sur un monde mystérieux dans lequel vit une société de singes. Dans cette société civilisée, les hommes sont réduits à l'état de bêtes primaires, traités par les singes comme des animaux. Le film nous propose ainsi une brillante réflexion sur la nature meurtrière de l'homme, pleinement mise en évidence à la fin du film, lors de la terrible découverte de Taylor, une pure scène d'anthologie cinématographique aussi parfaitement ancrée dans l'état d'esprit des sixties - le film date de 1968! La mise en scène est très réussie comme dans la plupart des films de Schaffner, qui arrive à rendre son film captivant de bout en bout.

La musique de Jerry Goldsmith pour 'Planet of The Apes' est généralement considérée comme un grand classique dans sa carrière. Sa musique a très largement contribué au succès du film de Schaffner. L'ambiance est le mot d'ordre de la musique de 'Planet of The Apes'. Il s'agit d'un score avant-gardiste écrit dans le style des musiciens contemporains tels que Edgar Varèse, Stravinsky, Schoenberg, Penderecki, Bartók ou bien encore Ligeti, bien que la partition soit plus proche par moment de Bartók ou des expérimentations de Varèse. Pour les besoins du film, Goldsmith utilise des orchestrations étranges et insolites, des sonorités instrumentales inhabituelles, notamment avec les cors de bélier, la cuica (sorte de tambour à friction brésilien dont la sonorité évoque des sons de cris de singe), les sons métalliques (scène du désert), sans oublier bien sur le fameux procédé d'echoplex, procédé d'écho sonore sur des instruments très utilisé dans cette musique par Goldsmith, et réutilisé plus tard dans d'autres musiques telles que 'Patton' (1970), 'Tora! Tora! Tora!' (1970) ou le monumental 'Alien' (1979). Le score de 'Planet of The Apes' possède un thème peu utilisé mais brièvement évoqué par petites sections. Le fameux 'Main Title' du générique de début expose d'entrée une ambiance étrange: l'impression de voyager dans un autre monde, avec ses sonorités d'échoplex caverneuses et ses sons de pizzicati accompagnant le thème joué d'entrée à la flûte et repris ensuite par divers instruments à vents (basson, hautbois, etc.). La ligne mélodique (construite à partir du système dodécaphonique - 12 sons différents énoncés une seule fois et qui ne sont pas répétés. Les 12 sons sont en fait issus de la gamme chromatique) rappelle par moment le style de la musique dodécaphonique et sérielle des musiciens contemporains (Schoenberg et ses disciples dans les années 20/30, Boulez et le 'sérialisme intégral' dans les années 50) avec une écriture atonale faite de silences, d'altérations accidentelles et de demi tons chromatiques. La musique du générique de début évoque clairement la découverte d'un monde nouveau, mystérieux voire inquiétant, une idée à laquelle s'associe ici la musique sérielle (qui, en 1968, commençait à devenir tout de même désuète). Ce mystérieux thème semble planer dans les airs alors que l'on aperçoit à l'écran des images de nébuleuses lumineuses flotter dans l'espace, offrant au spectateur l'impression d'errer dans l'espace, une impression vivement renforcée par le thème atonal, l'atonalité autorisant à la musique une certaine liberté, hors des contraintes tonales, donc, hors des contraintes terriennes et plus propice à l'évocation imagée de l'espace. Les sons d'écho suggèrent quand à eux une impression de profondeur, de grandeur, voire tout simplement, un sentiment de mystère et de vide absolu. Avec une ouverture aussi originale et expérimentale pour l'époque (Goldsmith en profite déjà pour signaler la présence de quelques instruments insolites au sein de sa formation orchestrale), 'Planet of The Apes' s'annonce déjà comme une partition originale reflétant les considérations artistiques d'un compositeur totalement inspiré par son sujet.

Le reste de la partition s'articule ainsi autour de cette écriture atonale et avant-gardiste. Le crash de l'appareil est illustré avec un orchestre déchaîné sans aucune surprise particulière, avec un bref morceau d'action connoté très années 60. La première grande pièce après le 'Main Title' est probablement la scène de la traversée du désert de Taylor et de ses deux collègues ayant survécu au crash. Goldsmith évoque avec des sonorités étranges le mystère du monde dans lequel ont atterris les trois astronautes. On retrouve bien sur les fameux sons d'échoplex, tandis que les sonorités orchestrales restent particulièrement tendues et inquiétantes, comme si Goldsmith voulait suggérer une menace proche des trois hommes. La musique est véritablement impressionnante dans cette scène, très atonale mais aussi très inquiétante, en tout cas beaucoup plus que le suggèrent les images. Les sons d'échoplex donnent clairement l'impression de voyager dans un monde inconnu, immense et profond. A l'image du désert, l'écho participe à l'impression que donne le paysage de s'étirer jusqu'à l'infini, un désert aride à perte de vue. La découverte des espèces d'épouvantails sur une colline et la traversée de cette montagne est accompagnée par des sonorités métalliques bizarres et inquiétantes, comme si Goldsmith voulait nous dire implicitement: "attention à ce que vous allez découvrir!".

On en arrive alors à la scène de la chasse avec le fameux 'The Hunt', pièce généralement très appréciée par les fans de la BO de Jerry Goldsmith. La chasse des humains par les singes est illustré par un rythme frénétique et sauvage, par le biais d'une ligne de piano virtuose qui suggère une ambiance "thriller"/course poursuite frénétique, tandis que l'orchestre et les percussions entament une sorte de danse enragée et extrêmement sauvage. Goldsmith brille ici par la fluidité et la complexité de son écriture orchestrale, utilisant divers éléments tels qu'un ostinato virtuose de piano, une écriture extrêmement complexe et syncopée du xylophones, des cors de bélier hurleur personnifiant l'apparition des singes et l'ambiance brutale de la chasse, des percussions diverses (tambours), etc. La fin du morceau permet de retrouver une atmosphère plus mystérieuse alors que les singes ramènent Taylor et les autres hommes capturés dans leur camp. La violence de 'The Hunt' est d'une intensité rare dans ce film, capturant toute l'âme et la noirceur de cette sombre aventure sur la planète des singes, tout en démontrant les talents incontestables du maestro californien, qui nous propose là un grand moment d'anthologie musicale!

C'est cette violence particulièrement marquante que l'on retrouve dans la plupart des morceaux d'action enragés de la partition. 'No Escape', scène où Taylor tente de s'enfuir désespérément hors du camp des singes, est évoqué de la même façon avec une musique parfois lourde mais très agressive, accompagnée d'un rythme frénétique. Piano virtuose, cordes furieuses, cuivres massifs, cuica hurleuse, percussions violentes, cor de bélier, rien n'y manque! Ces pièces d'action typique du Goldsmith des années 60 sont un peu lourdes et pas forcément faciles à écouter, mais le résultat à l'écran est tout de même très original et particulièrement pertinent! Le thème du 'Main Title' est plus ou moins évoqué de manière implicite à travers toute la partition, Goldsmith conservant une approche atmosphérique un peu répétitive mais parfaitement ancrée dans l'atmosphère quasi unique du film de Franklin J. Schaffner.

La partition de 'Planet of The Apes' est une oeuvre complexe et atonale rappelant par moment la musique de 'Freud' (1962), une écriture avant-gardiste et osée pour une grosse production hollywoodienne de ce genre, la preuve que, dans les années 60, les producteurs laissaient encore les compositeurs exprimer tout leur potentiel artistique pour le cinéma hollywoodien, permettant ainsi à Jerry Goldsmith de nous proposer une brillante recherche sonore au profit d'une thématique dont il a restreint l'utilisation durant tout le film pour laisser place à un travail d'atmosphère originale mais parfois un peu indigeste et répétitif. La lourdeur de cette musique peut même paraître rebutante pour les oreilles non initiées. Malgré cela, 'Planet of The Apes' est la preuve incontesté d'une collaboration Schaffner/Goldsmith particulièrement brillante et audacieuse. En utilisant la plupart des grandes techniques de la musique 'contemporaine' de l'époque (atonalité, recherches sonores diverses, musique sérielle, jeux instrumentaux nouveaux, etc.), Jerry Goldsmith a offert à 'Planet of The Apes' est une musique innovante, osée, au parti pris artistique ambitieux et maîtrisé de bout en bout. Il paraît évident qu'aujourd'hui on ne composerait plus de musique dans ce style là, ou alors, ce serait vraiment exceptionnel (la récente partition de Danny Elfman pour le 'Planet of The Apes' de Tim Burton en est l'exemple flagrant)! Voilà en tout cas un monument de la musique de film restée inégalée, une partition difficile d'accès à réserver en priorité aux passionnés de Jerry Goldsmith et de ses partitions expérimentales des années 60. Si l'on devait retenir que deux oeuvres emblématiques de l'audacieuse collaboration Schaffner/Goldsmith, 'Planet of The Apes' en ferait certainement parti!


---Quentin Billard