CD 1

1-Immigrant Song 2.48*
2-She Reminds Me of You 4.25
3-People Lie All the Time 4.10
4-Pinned and Mounted 5.05
5-Perihelion 6.02
6-What If We Could? 4.08
7-With the Flies 7.41
8-Hidden in Snow 5.19
9-A Thousand Details 3.59
10-One Particular Moment 7.01
11-I Can't Take It Anymore 1.48
12-How Brittle the Bones 1.49
13-Please Take Your Hand Away 6.00

CD 2

1-Cut Into Pieces 4.04
2-The Splinter 2.33
3-An Itch 4.10
4-Hypomania 5.48
5-Under the Midnight Sun 7.01
6-Aphelion 3.34
7-You're Here 3.29
8-The Same as the Others 3.09
9-A Pause for Reflection 4.12
10-While Waiting 2.18
11-The Seconds Drag 4.34
12-Later Into the Night 4.56
13-Parallel Timeline with
Alternate Outcome 6.33

CD 3

1-Another Way of Caring 7.03
2-A Viable Construct 3.15
3-Revealed in the Thaw 2.47
4-Millennia 1.20
5-We Could Wait Forever 4.22
6-Oraculum 8.21
7-Great Bird of Prey 5.19
8-The Heretics 5.20
9-A Pair of Doves 2.02
10-Infiltrator 7.04
11-The Sound of Forgetting 2.30
12-Of Secrets 3.26
13-Is Your Love
Strong Enough? 4.30**

*Interprété par Karen O
Programmée et interprétée par
Trent Reznor et Atticus Ross
Produit par Trent Reznor,
Atticus Ross et David Fincher
Ecrit par Jimmy Page et
Robert Plant
**Interprété par
How to Destroy Angels
Produit par How to Destroy Angels
et David Fincher
Ecrit par Bryan Ferry.

Musique  composée par:

Trent Reznor/Atticus Ross

Editeur:

The Null Corporation NULL 002

Musique arrangée et produite par:
Trent Reznor, Atticus Ross
Producteurs exécutifs:
David Fincher, Scott Rudin
Direction de la musique pour
Columbia Pictures:
Lia Vollack
Consultant soundtrack:
Paul Kremen

Artwork (c) 2011 Columbia Pictures Industries, Inc. and pictures (c) 2011 Columbia Pictures and Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All rights reserved.

Note: ***
THE GIRL WITH THE DRAGON TATTOO
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trent Reznor/Atticus Ross
« The Girl with the Dragon Tattoo » (Millénium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes) offre l’occasion à David Fincher de renouer enfin avec le registre du thriller, un style qu’il n’avait plus abordé depuis « Zodiac » en 2007 (rappelons que le réalisateur brilla tout au long des années 90 avec des films à suspense redoutables tels que « Se7en », « Panic Room » ou bien encore « The Game »). « The Girl with the Dragon Tattoo » reste fidèle à l’intrigue d’origine du film de 2009 (réalisé par Niels Arden Oplev) et du roman de Stieg Larsson : Mikael Blomkvist (Daniel Craig) travaille comme reporter pour le mensuel suédois Millénium. Son dernier article lui a d’ailleurs attiré pas mal d’ennuis avec l’homme d’affaires suédois Hans-Erik Wennerström (Ulf Friberg), qu’il a traîné dans la boue, l’accusant de corruption. Au même moment, Lisbeth Salander (Rooney Mara), jeune hacker de génie, a été engagée par le très influent industriel Henrik Vanger (Christopher Plummer) pour recueillir des informations au sujet de Blomkvist. Vanger envisage de confier une mission particulière au journaliste, mais il a pour cela besoin de tout connaître sur cet individu avant de prendre les décisions qui s’imposent. Convaincu que Blomkvist est finalement l’homme de la situation, Henrik Vanger rentre en contact avec le reporter et lui propose enfin un nouveau job : enquêter sur la disparition mystérieuse de sa nièce Harriet il y a plus de 40 ans. Blomkvist sera aidé dans sa tâche par Lisbeth Salander tout au long de son enquête, qui s’avèrera longue, difficile et semée d’embûches en tout genre – certaines personnes ne verront pas d’un très bon oeil le fait que Mikael et Lisbeth fassent ressurgir un passé bien sombre et feront tout pour les empêcher de parvenir à leurs fins - Ensemble, ils seront amenés à découvrir de bien tristes vérités enfouies dans le lointain passé de la famille Vanger, entre secrets inavouables, faux-semblants et complots de famille. Si le scénario de Steven Zaillian est resté assez identique au roman et au film d’origine (David Fincher allant même jusqu’à tourner en Suède et en Suisse afin de conserver l’ambiance d’origine du long-métrage de 2009) malgré quelques modifications et nouveautés – vers la fin notamment - la mise en scène de Fincher s’affranchit considérablement de la version de Niels Arden Oplev pour proposer une atmosphère plus psychologique et encore plus immersive et dérangeante, largement véhiculée par l’image froide et grisâtre de Jeff Cronenweth et les décors de Donald Graham Burt. « The Girl with the Dragon Tattoo » est long, parfois trop long même (2h38) mais le suspense est incroyablement présent et l’atmosphère radicalement plus psychologique que dans la version originale : on se rapproche clairement ici du cinéma d’Alfred Hitchcock, avec ses personnages torturés, son intrigue aux multiples ramifications et ses rebondissements dérangeants. Le film de David Fincher reste suffisamment personnel pour éviter la redite avec le film original de 2009, dans un style parfois proche de « Zodiac » voire de « Se7en », notamment dans la façon dont Fincher éclaire ses scènes d’une lumière blafarde et parfois presque brumeuse, ou dans la façon dont il illustre des personnages brisés et égarés, en quête d’une vérité impossible – comme dans « Zodiac » - Quand au générique de début, il reste un véritable modèle du genre et s’impose par ses idées visuelles époustouflantes, quasiment construit à la manière d’un clip vidéo. Bien évidemment, le long-métrage de Fincher est avant tout le récit d’une longue et périlleuse enquête menée conjointement par Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander, deux conceptions radicalement opposées qui rappellent là aussi l’intrigue de « Zodiac », à ceci près que « The Girl with the Dragon Tattoo » peine à convaincre autant que le précédent thriller du réalisateur, car trop proche du roman d’origine et donc plus discipliné et moins surprenant – et ce malgré certaines scènes choc comme la séquence incroyablement perverse et dérangeante durant laquelle Lisbeth, régulièrement violée, se retourne c
ontre son propre agresseur et devient à son tour le bourreau – Si cette version américaine n’apporte donc rien de nouveau par rapport à l’oeuvre d’origine, elle témoigne malgré tout du talent de David Fincher dans la création d’atmosphères psychologiques troublantes et immersives, et d’intrigues denses et complexes. Quand au casting, il doit beaucoup au charisme de l’indispensable Daniel Craig et à la méconnue Rooney Mara, qui succède ainsi à Noomi Rapace dans le rôle clé de Lisbeth Salander (d’où le titre du film, en référence à ce personnage), jeune actrice déjà aperçue dans le précédent film de David Fincher, « The Social Network ».

La musique de « The Girl with the Dragon Tattoo » a de nouveau été confiée au duo Atticus Ross/Trent Reznor, qui avaient déjà collaboré ensemble sur le précédent film de Fincher, « The Social Network », pour lequel ils avaient d’ailleurs remporté l’Oscar de la meilleure musique de film en 2011. Rappelons qu’Atticus Ross est un spécialiste de l’électro, de la musique industrielle et du rock alternatif, ayant déjà travaillé en tant qu’arrangeur/programmeur sur des albums du groupe Nine Inch Nails de Trent Reznor dès le début des années 2000. Ross deviendra même membre du groupe de rock indus How to Destroy Angels avec Trent Reznor et sa femme Mariqueen Maandig en 2010. C’est d’ailleurs grâce à cette fructueuse collaboration que Ross et Reznor travaillent régulièrement ensemble depuis quelques temps sur des musiques de film, l’expérience de « The Social Network » s’étant avérée suffisamment concluante pour que David Fincher fasse de nouveau appel au tandem sur « The Girl with the Dragon Tattoo ». Les deux compères élaborent à nouveau sur ce thriller lent et immersif une partition entièrement électronique et résolument moderne, éloignée des clichés habituels des musiques à suspense orchestrales d’Hollywood. Dès les premiers instants, la musique s’impose par son ton anti-conventionnel et son environnement sonore totalement électronique, à l’image de l’ambiance si particulière du film lui-même. Autre élément inédit : la BO du film de David Fincher est sortie directement sous la forme d’un triple album d’un peu plus de 173 minutes de musique, sans aucun doute une première et un record (inégalé) dans le monde des éditions CD de musique de film. Le succès de Reznor et Ross sur « The Social Network » (et leur victoire aux Oscars) a certainement contribué à cette initiative inédite. Toujours est-il que seuls les fans absolus de musique électro expérimentale et des deux compositeurs pourront travers les 3 heures de musique présentées sur le triple album de « The Girl with the Dragon Tattoo », qui présente un travail très complet et cohérent par rapport à l’ambiance du film mais extrêmement fastidieux à écouter d’une traite et sacrément indigeste pour des oreilles non averties. Le film débute avec une reprise de « Immigrant Song », fameuse chanson de Led Zeppelin remixée ici par Trent Reznor et Atticus Ross pour les besoins du film, dans un arrangement trash/rock/électro enragé et interprétée par la voix criarde de Karen O. Cette reprise agressive/trash du tube de Led Zep, non dénuée de qualités, correspond parfaitement à l’univers du film de Fincher et impose dès l’excellent générique de début un rythme et une ambiance très particulière (le générique étant quasiment filmé à la manière d’un clip vidéo). Concernant le score lui-même, il se compose essentiellement d’une très longue série de drones et de sound design électronique brumeux et glauque, idéal pour l’atmosphère poisseuse et froide du film mais pas toujours très convaincante sur l’album. On appréciera ainsi l’ostinato mélodique mystérieux de « She Reminds Me of You » et ses nappes sonores inquiétantes, pour les premières scènes introduisant Lisbeth Salander, morceau plutôt obscur et étrange avec sa guitare électrique filtrée, aux sons lointains et sombres. Fidèle à leurs habitudes, Reznor et Ross manipulent les sons avec un savoir-faire évident, qui devrait ravir les amateurs de musiques électroniques atmosphériques glauques. « People Lie All the Time » prolonge ainsi ce travail des sons en jouant sur les effets habituels de filtres, de loops, de nappes sonores et de notes de piano.

La musique est souvent placée de façon libre sur les images, suivant un procédé déjà utilisé par David Fincher sur « The Social Network ». Rejetant l’idée d’un underscore traditionnel qui soulignerait chaque action et chaque geste par une musique ou un son, Trent Reznor et Atticus Ross se contentent bien souvent d’illustrer les scènes dans leur entièreté, avec une liberté de ton rare pour une production hollywoodienne (pour le meilleur comme pour le pire !). La musique apporte donc plutôt une atmosphère globale sur les scènes du film sans illustrer particulièrement l’action ou les mouvements. D’un point de vue purement musical, un morceau totalement expérimental comme « Perihelion » risque de braquer la plupart des auditeurs mais de ravir ceux qui aiment les atmosphères sonores étranges et inédites, les deux compositeurs manipulant ici les masses sonores et les textures électroniques dans un style qui n’est pas sans rappeler les travaux d’Akira Yamaoka sur la saga des jeux vidéo « Silent Hill ». Il règne dans certains passages comme « What If We Could ? » une certaine mélancolie froide et étrange, soutenue par un piano solitaire et quelques notes de célesta sur fond de nappes sonores industrielles et plus inquiétantes. Dans un même ordre d’idée, « With the Flies » va encore plus loin dans l’expérimental pur pour la séquence choc du viol de Lisbeth : Trent Reznor et Atticus Ross manipulent ici les sons pour créer un véritable magma sonore dérangeant, à base de nappes sonores saturées, de loops industriels et d’effets sonores incluant une alternance stéréo gauche/droit sur certains drones électro. Ici aussi, la musique conserve ce climat étrange et inquiétant difficile à écouter d’une traite pendant 7 minutes non-stop mais dont le résultat à l’écran est à la fois immersif, viscéral et impressionnant (bien que la musique ne laisse aucun souvenir particulier après vision du film !). Les compositeurs manipulent aussi certains sons instrumentaux comme c’est le cas dans « Hidden in Snow », où ils créent un ostinato mélodique à partir des cordes métalliques d’un piano préparé. Le piano est d’ailleurs un élément-clé du score de « The Girl with the Dragon Tattoo », apparaissant parfois sous des formes camouflées ou au contraire plus acoustiques et réalistes, suivant les différentes scènes du film. Dans « I Can’t Take It Anymore », le piano devient ainsi plus mélodique et plus naturel. Et si vous appréciez les ambiances étranges, lugubres et poisseuses, vous apprécierez certainement les 6 minutes de « Please Take You Hand Away » ou les 4 minutes du très trash et macabre « Cut Into Pieces », qui rappelle là aussi les travaux similaires d’Akira Yamaoka.

Amateurs de musique électronique atmosphérique étrange et oppressante, « The Girl with the Dragon Tattoo » est fait pour vous ! En utilisant continuellement les synthétiseurs et le duo piano/célesta qu’ils déforment suivant les besoins du film, Trent Reznor et Atticus Ross élaborent une partition libre sur les images comme sur le fond, avec une inventivité constante dans la manipulation des sons. Certains passages comme « Under the Midnight Sun » (scène où Salander est à l’hôpital) développent sur la longueur une atmosphère lente et immersive, dans laquelle les sons industriels et les loops se mélangent pour un résultat sonore clairement expérimental et décidément très éloigné des musiques de thriller hollywoodiennes habituelles. Même une scène de suspense comme la séquence où Martin piège Blomkvist chez lui rejette les clichés habituels pour une approche plus abstraite et totalement expérimentale. A noter l’emploi de vocalises féminines samplées dans « While Waiting », qui évoque de façon distante le personnage d’Harriet Vanger dans le film (sur le double album du score, ce morceau est d’ailleurs intitulé « Harriet Theme I »). Le morceau « Millenia » est aussi rattaché au personnage d’Harriet, comme le confirme là aussi une autre piste du double CD (« Harriet Theme 4 »). On retrouve aussi les sonorités d’Harriet dans « A Pair of Doves ». Dès lors, on comprend que Trent Reznor et Atticus Ross ont cherché un moyen d’évoquer le personnage énigmatique d’Harriet au coeur de l’intrigue du film en créant une identité sonore forte pour son personnage, sans vraiment y arriver hélas (le mot d’ordre était d’éviter toute mélodie et/ou thème conventionnel à l’écran !). On notera aussi le retour du piano préparé dans « A Viable Construct », qui emploie par la même occasion quelques samples électro kitsch très années 80, dans la lignée du travail des deux compositeurs sur le film « Social Network ». Certaines scènes d’action comme « Great Bird of Prey » (lorsque Blomkvist se fait tirer dessus chez lui) permettent au duo d’expérimenter autour des rythmes et des loops électro divers, mais ce sont les passages atmosphériques lents et sombres qui dominent ici l’ensemble de la partition du film.

L’approche de Trent Reznor et Atticus Ross sur « The Girl with the Dragon Tattoo » possède ses points positifs comme ses négatifs, car elle nous amène alors à nous demander si Reznor et Ross sont réellement de véritables compositeurs pour l’image, tant le procédé semble à la fois audacieux et très facile (peut-on alors coller n’importe quel type de musique sur l’écran, sans trop réfléchir au rapport image/musique ?). Et pourtant, n’en déplaise aux détracteurs des deux compositeurs, le résultat à l’écran parle de lui-même, et bien que l’on ait souvent accusé les deux compères d’être d’habiles opportunistes profitant d’une mode ambiante de la musique électro à Hollywood, le score de « The Girl with the Dragon Tattoo » remplit parfaitement le cahier des charges, apportant une certaine personnalité aux images du film de Fincher. Le triple album est extrêmement indigeste et trop conceptuel en soi, on lui préfèrera davantage le double album qui correspond bien mieux au score du film et qui respecte davantage l’ordre chronologique des musiques, à quelques morceaux prêts. Mais que l’on ne s’y trompe pas : « The Girl with the Dragon Tattoo » reste un score très particulier et assez difficile d’accès, qui risque fort d’en rebuter plus d’un à cause de son caractère totalement abstrait, anti-conventionnel et expérimental. Mais dans un paysage hollywoodien trop souvent dominé par les conventions et l’absence totale de prise de risque, un travail comme celui-ci fait plaisir à entendre, à défaut de laisser un souvenir quelconque dans l’esprit !



---Quentin Billard