Shock Treatment

1-Shock Treatment Main Title 2.32
2-Home Work 0.59
3-Broken Glass 0.40
4-The New Patients 1.28
5-Night Scene 3.46
6-No More Shock 1.02
7-Aftershock 1.46
8-Edwina Wants the Money 1.11
9-Martin Comes To 1.11
10-Nelson's Seduction 2.03
11-Shot in the Neck (Mono) 2.03
12-Another Treatment 2.25
13-Ashley's Plight 2.05
14-Nelson's Escape 3.00
15-Hot Money 5.11
16-End Title 0.51

The Extras

17-Main Title Effects 2.27
18-Shock Treatment Main Title
(Mono) 2.31
19-The New Patients (Mono) 1.29
20-No More Shock (Mono) 1.02

Fate is the Hunter

21-Fate is the Hunter
Main Title 1.25
22-The Room 2.06
23-The Room Revisited 0.32
24-Moon Fish 1.25
25-Forest Scene 2.19
26-Night Scene 0.55
27-Fate is the Hunter
End Title 1.15

The Extras

28-Bar Room (Source) 2.24
29-Jerry Wright Vocal 1.07
30-Fate is the Hunter
End Title Chorus 1.08

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 237

Album produit par:
Nick Redman, Douglass Fake
Producteur exécutif du CD:
Roger Feigelson
Direction de la musique
pour la 20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
Assistante production:
Regina Fake
Assistant éditorial:
Frank K. DeWald

American Federation of Musicians.

(c)(p) 1964/2013 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
SHOCK TREATMENT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Sorti en 1964, « Shock Treatment » est un thriller produit par la 20th Century Fox, mettant en scène Stuart Whitman, Roddy McDowall et Lauren Bacall dans un solide suspense sur fond de psychiatrie, de manipulation et d’appât du gain. Martin Ashley (Roddy McDowall) travaille comme jardinier pour le compte de la richissime Amelia Townsend (Beatrice Grenough), jusqu’au jour où, dans un accès de folie, il décide de la tuer et de lui dérober 1 million de dollars. Martin est alors jugé par le tribunal et interné dans un hôpital psychiatrique où il sera remis aux mains du Dr. Edwina Beighley (Lauren Bacall). C’est alors que l’un des proches de Mme Townsend, Harley Manning (Judson Laire), décide d’engager un acteur talentueux, Dale Nelson (Stuart Whitman), qui devra se faire passer pour un fou afin d’être interné à son tour dans le même hôpital où se trouve Martin Ashley. Son objectif : sympathiser avec Martin et découvrir où se trouvent les 1 millions de dollars que le jardinier a caché quelque part. Mais très vite, Dale découvre qu’il n’est pas le seul à s’intéresser à l’argent, car la redoutable Dr. Beighley s’y intéresse à son tour, et n’hésite pas à faire parler Martin sous hypnose pour parvenir à ses fins. Les choses se compliquent lorsque Beighley découvre que Dale Nelson n’est autre qu’un simulateur et un menteur, venu ici pour mettre la fin sur les 1 millions de dollars. Afin de l’empêcher de nuire, le Dr. Beighley décide de lui administrer des électrochocs et une drogue expérimentale capable de le maintenir dans un état de catatonie quasi permanent. « Shock Treatment » est donc une plongée immersive et sombre dans l’univers glauque d’un hôpital psychiatrique dans lequel les patients sont maltraités par une psychiatre sans scrupules aux ambitions douteuses. Le film de Denis Sanders présente ainsi une galerie de personnages bien distincts – l’acteur qui prend tous les risques pour le plus gros contrat de sa vie, le jeune jardinier psychotique et instable, la doctoresse sans scrupules et sans humanité appâtée par le gain, la jeune fille traumatisée par sa mère, etc. – Il faut dire que l’univers de la psychiatrie est arrivé assez tôt dans le cinéma hollywoodien : on se souvient notamment du « Spellbound » d’Alfred Hitchcock qui, dès 1945, abordait déjà la psychiatrie sous l’angle du suspense. Dans les années 60, il y eut un regain d’intérêt dans ce domaine avec notamment « Shock Corridor » de Samuel Fuller sorti un an avant en 1963, et qui abordait déjà un sujet similaire (les concepteurs de « Shock Treatment » semblent d’ailleurs s’en être majoritairement inspiré !). Au final, avec un casting de qualité, une atmosphère immersive et sombre et quelques scènes mémorables bien qu’assez brèves (séquence très courte d’électrochoc, sur laquelle le film a été majoritairement vendu, jusque dans son affiche), « Shock Treatment » est un polar réussi bien que sans grande prétention, malheureusement gâché par de nombreuses incohérences qui finissent par gâcher la vision du film - les patients vivent dans l’hôpital comme dans un pensionnat, les maladies mentales sont totalement sous-exploitées dans le film, la fin est assez ridicule et peu crédible - Dans le même genre, le « Shock Corridor » de Samuel Fuller semblait bien plus cohérent et abouti !

Le film a été produit par l’indispensable Aaron Rosenberg, grand producteur américain des années 50-60 responsables de nombreux films de qualité. Rosenberg a souvent été considéré comme l’un des meilleurs producteurs de l’époque, de par la qualité de ses choix artistiques et de ses sujets de film. Et parmi les bons choix de Rosenberg sur « Shock Treatment », il y eut bien évidemment le choix de Jerry Goldsmith à la musique du film de Denis Sanders. Le maestro californien était aussi un choix évident sur un sujet évoquant l’univers de la psychiatrie, Goldsmith ayant ainsi composé la musique de « Freud » deux ans auparavant, qui lui permit de décrocher sa première nomination aux Academy Awards en 1962. Il y a d’ailleurs un lien évident dans le travail de Goldsmith sur « Freud » et celui de « Shock Treatment », un lien que l’on peut d’ores et déjà établir dès les premières minutes de « Shock Treatment Main Title » pour le générique de début du film. Intense, sombre, mystérieuse, cette ouverture débute de façon agressive sur le meurtre suggérée d’Amelia Townsend en introduisant les sonorités modernes et avant-gardistes du score : fidèle à son goût pour l’expérimentation, le jeune Jerry Goldsmith, tout juste âgé de 35 ans lorsqu’il compose « Shock Treatment », utilise ici des techniques très modernes, à commencer par une esthétique atonale/dissonante héritée de ses travaux sur « Freud » et les séries TV « Twilight Zone » et « Thriller ». Premier élément intéressant ici : l’inclusion d’effets de piano enregistrés, accélérés et inversés, une technique certes ordinaire pour des auditeurs des années 2000 mais extrêmement moderne et innovante pour une musique de film des années 60. Le premier motif introduit ici de façon chaotique par les cordes est un motif ascendant et mystérieux de 5 notes, repris ensuite par les effets inversés de piano. Le second thème du score est introduit dès 0:14 aux violons/altos et aux violoncelles/contrebasses, qui développent un motif sombre pour Dr. Beighley (Lauren Bacall), thème de la psychiatrie dont les notes ressemblent étrangement à un motif similaire de « Freud ». A vrai dire, tout le passage à partir de 0:24 est indéniablement ancré dans les harmonies atonales et lugubres de « Freud », un pont esthétique évident reliant les deux partitions écrites à deux ans d’intervalle, sur un sujet commun : la psychiatrie. Jetant à son habitude un regard noir sur les tourments de l’âme humaine, Jerry Goldsmith élabore lentement une musique sombre, envoûtante et immersive, ne délaissant jamais l’aspect mélodique et/ou thématique. Les orchestrations sont ici plutôt restreintes, délaissant de façon intéressante les bois et les cuivres, totalement absents de l’orchestre afin d’accentuer le noir et blanc du film, privilégiant davantage le pupitre des cordes et des percussions (assez fourni). On remarque aussi l’inclusion d’éléments électroniques qui attire ici notre attention, avec notamment l’utilisation remarquable du théremin, fameux instrument électronique largement popularisé à Hollywood dans les années 40/50, et que l’on pourrait voir comme un hommage évident au « Spellbound » de Miklos Rozsa (1945), partition hollywoodienne phare de celui qui fut le mentor et professeur du jeune Goldsmith à la University of Southern California. Le théremin est utilisé ici pour créer des sonorités expérimentales particulières, un peu comme le fit Goldsmith deux ans auparavant avec l’inclusion de synthétiseur dans « Freud ».

Comme le souligne une note de l’album, il faut remarquer ici la façon dont le compositeur a réussi à représenter musicalement chaque personnage de l’histoire avec ses propres motifs et/ou sonorités distinctes. Si l’on note le motif introductif récurrent de 5 notes associé à l’univers des maladies mentales (et plus particulièrement à celle de Martin Ashley) dès le début du « Main Title », on notera un étrange motif mystérieux introduit dans « The New Patients » et repris au théremin/vibraphone dans « Night Scene », entrecoupé d’un violon soliste jouant en doubles cordes (un élément que l’on retrouvera des années plus tard dans des partitions telles que « Mephisto Waltz » par exemple). A noter que le motif de « The New Patients » et « Night Scene » est en réalité basé sur les premières notes du motif ascendant de « Main Title », un motif associé à la folie de Martin, sombre et mystérieux, notamment à travers le jeu parfois élégant et parfois plus torturé des cordes, du théremin ou des instruments supplémentaires (notamment harpe, vibraphone, cithare, etc.). Les dissonances sont évidemment très présentes, comme le rappelle l’agressif « No More Shock », alors qu’un des patients est sur le point de recevoir une nouvelle série d’électrochocs. Goldsmith traduit l’horreur de la scène par une musique désespérément agressive à base de cordes dissonantes torturées en trémolos, reprenant le motif psychologique à la « Freud » des contrebasses du « Main Title » (dès 0:43). Si les choses semblent s’apaiser dans « Aftershock » (malheureusement gâché par une qualité sonore médiocre : probablement un souci de masters usés et vieillissants qu’Intrada n’aura pas réussi à restaurer correctement) et ses trilles dissonantes étranges de violons, « Edwina Wants the Money » introduit les sonorités sombres du Dr. Beighley, et plus particulièrement un effet d’échoplex qui deviendra un élément récurrent dans certaines partitions-clé de Jerry Goldsmith (on retrouvera cela dans « The Satan Bug », « Planet of the Apes », « Alien », « Patton », « Tora ! Tora ! Tora ! », etc.). « Edwina Wants the Money » reprend par la même occasion le sombre thème psychologique introduit dans la seconde moitié du « Main Title ».

« Martin Comes To » reprend l’esthétique de cordes froides et torturées de « Freud » avec le retour du motif principal ascendant, alors que Dale tente de sympathiser avec Martin pour parvenir à ses fins. Ce motif ascendant est aussi de retour dans l’inquiétant « Nelson’s Seduction », et ses cordes froides et torturées traduisant la séduction de la jeune Cynthia (Carol Lynley), avant que cette dernière ne soit prise d’une répulsion et d’un violent accès de colère lié au traumatisme de son enfance. Ici, comme dans « Freud », Goldsmith traduit de façon similaire les tourments de la jeune fille comme ceux de Susannah York dans le film de John Huston datant de 1962 : cordes torturées, contrepoint intense, crescendo agressif, dissonances extrêmes jusque dans le suraigu, et enfin explosion sonore finale débouchant sur un cluster de piano/cordes dans le grave. On notera aussi le jeu hypnotisant du théremin dans le mystérieux et étrange « Shot in The Neck » et ses effets instrumentaux avant-gardistes (notamment dans le martèlement en col legno des cordes), morceau malheureusement présenté dans un mono sale et particulièrement dégradé. « Another Treatment » reprend le motif psychologique dans un arrangement intéressant pour quatuor à cordes sur fond de harpe, de téremin, d’échoplex et d’instrumentation plus mystérieuse pour une autre scène de traitement médical. Ce motif revient à la fin de « Ashley’s Plight » avant de déboucher sur l’évasion finale de Dale dans « Nelson’s Escape », probablement le morceau le plus impressionnant de la partition. Goldsmith développe ici un rythme syncopé et complexe du piano utilisé comme un véritable instrument à percussion à part entière, reprenant le motif de 5 notes de façon virtuose aux cordes et aux percussions : à noter d’ailleurs ici l’emploi très réussi du xylophone, dans des sonorités inspirées de Béla Bartok, et qui annoncent déjà de futures partitions (tout le passage de xylophone entre 0:43 et 0:54 sera repris quelques décennies plus tard par Jerry Goldsmith dans sa musique pour « Leviathan » en 1989). Avec « Nelson’s Escape », Goldsmith rappelle qu’il était déjà un spécialiste des musiques d’action, même en 1964 : « Nelson’s Escape » est aussi important car il introduit des sonorités que l’on retrouvera dans de futures partitions du compositeur, à commencer par « Planet of the Apes » en 1968. Goldsmith prolonge ce rythme trépidant et complexe de piano dans « Hot Money », alors que le docteur Beighley retrouve l’argent et sombre à son tour dans la folie lorsqu’elle découvre la vérité.

Le sinistre thème psychiatrique du Dr. Beighley est ici repris aux cordes/théremin avec le motif principal de 5 notes, Goldsmith condensant ainsi ses deux principaux motifs pour une conclusion évidemment sombre et torturée, à l’image de la noirceur ambiante du film (accentuée par l’utilisation du noir et blanc). Autre élément intéressant : l’utilisation d’un orgue dans la dernière partie de « Hot Money » et pour le « End Title », l’orgue apportant ici un éclairage gothique ténébreux impressionnant à la fin du film, y compris jusque dans l’accord final de Do# majeur. Jerry Goldsmith signait donc en 1964 une nouvelle partition psychologique, complexe et envoûtante pour « Shock Treatment », apportant un éclairage psychologique impressionnant au film de Denis Sanders, tout en personnifiant les tourments et les sentiments torturés des personnages. Reprenant une esthétique musicale déjà mise en place dans « Freud », le jeune Goldsmith apporte donc un véritable savoir-faire évident à « Shock Treatment », à l’aide d’un langage musical plus avant-gardiste, de deux thèmes envoûtants, et d’une utilisation expérimentale de l’électronique. A la folie des pensionnaires de l’hôpital psychiatrique du film, Goldsmith répond par une musique sombre, torturée, à mi-chemin entre tonal et atonal, hérité de l’école viennoise sérielle du début du XXe siècle (Schoenberg, Berg, Webern). Bien évidemment, la partition de « Shock Treatment » pourra s’analyser comme un cousin proche de celle de « Freud », en un point moins abouti, mais qu’importe, le résultat est là : à 35 ans, le jeune Goldsmith nous prouvait encore une fois qu’il était déjà un compositeur de génie, fidèle à son goût pour l’expérimentation (les effets de piano inversé du « Main Title », les échoplex), une instrumentation innovante (l’emploi du théremin n’est pas nouveau à l’époque mais reste utilisé ici de façon très particulière, Goldsmith explorant à loisir les différentes possibilités du timbre de l’instrument), et une écriture orchestrale complexe et virtuose (le tonitruant « Nelson’s Escape »).

Difficile de ne pas se laisser prendre par cette partition sombre, dense et envoûtante, dans la continuité directe des précédentes expérimentations de Goldsmith (« Twilight Zone », « Freud », etc.). Le score de « Shock Treatment » est aussi important dans la filmo du compositeur, car il annonce clairement certains éléments-clé que l’on retrouvera par la suite chez le compositeur : ainsi, on pourra clairement entendre dans « Shock Treatment » les prémisses de « Planet of the Apes », « Satan Bug », « Mephisto Waltz » ou bien encore « Coma » (autre évocation saisissante d’un univers médical lugubre). Seule ombre à la clé : la qualité sonore médiocre de l’album présenté par Intrada, couplé avec le score minimaliste pour le film « Fate is the Hunter » composé la même année que celui de « Shock Treatment ». La qualité des masters retrouvés étant ce qu’elle est, il semblerait qu’Intrada n’ait pas été en mesure d’en faire plus quand à la restauration sonore : entre du mono dégradé et des passages quasi inaudibles où la dégradation des bandes se fait cruellement entendre, difficile d’apprécier l’écoute à sa juste valeur. Paradoxalement, la qualité médiocre du son n’empêche par l’auditeur d’apprécier ici tous les détails d’instrumentation d’un score riche et complexe, à redécouvrir enfin dans son intégralité grâce à l’album d’Intrada, une autre ‘perle’ de jeunesse de Jerry Goldsmith !




---Quentin Billard