1-Gonna Fly Now
(Theme From Rocky) 2.48*
2-Philadelphia Morning 2.22
3-Going the Distance 2.39
4-Reflections 3.19
5-Marine's Hymn+/Yankee Doodle 1.45
6-Take You Back (Street Corner
Song from Rocky) 1.49**
7-First Date 1.53
8-You Take My Heart Away 4.46***
9-Fanfare for Rocky 2.35
10-Butkus 2.12
11-Alone In The Ring 1.10
12-The Final Bell 1.55
13-Rocky's Reward 2.02

*Interprété par DeEtta Little
et Nelson Pigford
Paroles de Carol Connors
et Ayn Robbins
Musique de Bill Conti
**Interprété par Valentine
Paroles et musique de Frank Stallone
***Interprété par DeEtta Little
et Nelson Pigford
Paroles de Carol Connors
et Ayn Robbins
Musique de Bill Conti
+Musique de Jacques Offenbach
from "Genevieve de Brabant" (1868)

Musique  composée par:

Bill Conti

Editeur:

Capitol/EMI 09463-66400-2-0

Produit par:
Bill Conti
Orchestré par:
Bill Conti
Direction réédition CD:
Tom Recchion

Artwork and pictures (c) 1976 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All rights reserved.

Note: ****
ROCKY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bill Conti
« Rocky » s’inscrit dans le cercle très prisé des grands classiques du cinéma américain que l’on ne présente plus. Film culte des années 70 pour toute une génération de cinéphile et de spectateurs, « Rocky » est aussi l’un des plus grands succès de deux hommes attachés à vie à ce film : le réalisateur John G. Avildsen, et l’acteur Sylvester Stallone (tout juste âgé de 30 ans lorsqu’il tourne dans « Rocky »). Avant d’être l’énorme succès populaire que l’on connaît, « Rocky » fut au départ un film extrêmement modeste : tourné en seulement 28 jours avec à peine 1 million de dollars de budget (ridicule, même pour un film de 1976), « Rocky » devient très vite dès sa sortie en salles un succès surprise extraordinaire : 225 millions de dollars de recettes, 3 Oscars (dont celui du meilleur film), cinq suites et bien évidemment une carrière propulsée sur le devant de la scène pour un jeune Sylvester Stallone. « Rocky » est à l’origine un film qui relate un thème classique : l’ascension d’un jeune boxeur issu d’un milieu modeste, Rocky Balboa, qui se voit un jour offrir la chance unique d’affronter un champion du monde des poids lourds, alors en quête d’un nouvel adversaire. Malgré les doutes de son entourage, Rocky saisit sa chance et s’entraîne durement pour devenir le meilleur et se préparer au match décisif du championnat du monde de boxe catégorie poids lourd, qui aura lieu le nouvel an 1976, et au cours duquel il affrontera le champion invaincu à ce jour, Apollo Creed (Carl Weathers). Pendant son entraînement avec son vieil ami Paulie Pennino (Burt Young), Rocky se rapproche d’Adrian (Talia Shire) avec laquelle il commence à flirter. Conscient qu’il n’a pas la force ni les capacités de battre Apollo Creed, Rocky se lance un défi personnel : tenir sur le ring pendant les 15 rounds du match, chose qu’aucun boxeur n’a jamais réussi avant lui. Peinture classique du rêve américain, « Rocky » fut une grande bouffée de fraîcheur dans le cinéma américain des années 70, en pleine morosité ambiante (c’était l’époque des thrillers paranoïaques et conspirationnistes), ce qui explique aussi son succès et son immense popularité auprès du public américain.

Hormis sa « success story » classique inspirée du rêve américain, « Rocky » est aussi un film résolument social, qui évoque les conditions difficiles de la classe moyenne américaine (un sujet pas si fréquent pour un film hollywoodien en 1976) : en évoquant les petits boulots et les galères de Rocky dans une Amérique en pleine crise économique et morale, John G. Avildsen confère à son film un statut social évident assez rafraîchissant pour l’époque – Avildsen et Stallone feront d’ailleurs partie à cette époque du renouveau du cinéma américain de la fin des années 70, plus authentique et réaliste dans ses sujets - Stallone lui-même, issu de l’immigration italienne, en connaît un rayon sur le sujet, l’occasion pour l’acteur/scénariste d’évoquer son propre parcours de jeunesse (il a connu lui aussi les petits boulots minables, le chômage et a même été SDF pendant un temps). Récit à moitié autobiographique donc, « Rocky » est aussi un film bien plus intimiste qu’il n’y paraît, essentiellement centré sur le parcours et la pensée de ses personnages (ici, pas de héros hollywoodiens glamours, juste des gens ordinaires : un boxeur loser sans grande envergure mais très naïf, une jeune femme extrêmement introvertie, etc.). Filmé de façon lente et posée au Steadicam, le long-métrage de John G. Avildsen dévoile aussi un caractère théâtral évident, notamment dans les nombreux dialogues de la première demi heure (qui s’avère être très bavarde et bourrée de longueurs) ou certaines scènes plus intenses, comme pour la violente dispute entre Rocky, Adrian et Paulie vers le milieu du film – prouvant au passage les qualités d’acteur évidentes de Stallone – Avec un ton juste et une mise en scène sans artifice, John G. Avildsen s’inscrit donc dans une démarche d’épure anti-hollywoodienne au propos social sincère et au message universel : même l’être le plus ordinaire et le plus simple peut accomplir de grandes choses à force de courage et de persévérance. Jamais auparavant un film n’avait délivré un sujet aussi important de cette façon là : révélation de l’année 1976, « Rocky » imposera donc Sylvester Stallone dans la cour des grands, faisant de son personnage une véritable icône populaire dont l’impact se vérifie même bien au-delà du cinéma (dans la culture populaire en général). Film culte pour toute une génération, « Rocky » contient aussi ses moments d’anthologie, que ce soit durant le montage de la scène d’entraînement portée par la célèbre chanson « Gonna Fly Now » de Bill Conti (scène qui a souvent été imitée ou parodiée par la suite), ou le match final contre Apollo Creed, des grands moments de cinéma que l’on n’oublie pas !

Le succès de « Rocky » doit aussi beaucoup à la musique de Bill Conti, compositeur américain qui, comme Avildsen et Stallone, s’est fait un nom grâce à l’énorme succès du film. Et pourtant, il faut signaler que la musique est très peu présente dans le film, probablement dans l’optique d’accentuer le réalisme de l’histoire et son caractère social évident. Avec à peine 30 minutes de musique sur 1h50 de film, Bill Conti parvient néanmoins à décupler la force des scènes où sa musique apparaît, avec une émotion constante, et un style musical aisément reconnaissable, mélangeant orchestrations classiques et rythmes pop très 70’s. Il faut dire que Bill Conti était encore un musicien méconnu à l’époque, puisque sa carrière de compositeur pour le cinéma débuta seulement trois ans avant « Rocky », avec le film « Blume in Love » de Paul Mazursky (1973), qui deviendra d’ailleurs l’un des réalisateurs fétiches de Conti, avec lequel il travaillera à plusieurs reprises tout au long des années 70. Chef d’orchestre dès l’âge de 15 ans, Bill Conti était le compositeur idéal pour « Rocky » : sa musique s’inscrit ainsi dans le renouveau du cinéma américain ‘social’ de la fin des années 70, avec une large importance accordée à l’émotion, refusant la complexité ou l’intellectualisation de certains compositeurs de l’époque. En ce sens, Conti est un jeune musicien qui ouvre la voie à une nouvelle génération de compositeurs de cinéma, reprenant pour « Rocky » un mélange de classique/pop/jazz urbain associé au monde de la rue et des origines sociales modestes du personnage de Sylvester Stallone dans le film, un style qui s’inscrit dans la continuité de ce que firent Alex North sur « A Streetcar Named Desire » en 1951 ou André Prévin sur « Two for the Seesaw « en 1962. Avec un orchestre relativement modeste et un ensemble constitué de batterie, percussions, basse, guitare électrique, clavier électrique et synthétiseurs, Conti parvient à élaborer une partition reflétant non seulement l’intimité des personnages (la partie pop, les synthés) mais aussi l’histoire d’un homme qui se dépasse pour atteindre son rêve (l’orchestre).

La première partie du film contient très peu de musique, mais permet déjà de découvrir le thème principal, qui deviendra la mélodie de la célébrissime chanson « Gonna Fly Now », premier grand succès commercial/musical pour Bill Conti (numéro 1 au Billboard Hot 100 de 1977). C’est le cas notamment dans le funky et très urbain « Reflections », qui reprend la mélodie sur une guitare électrique avec ses rythmes 70’s typiques de cette époque, représentant les rues de Philadelphie dans le film et les origines sociales populaires de Rocky Balboa. Dans « First Date », Bill Conti passe au piano et nous livre une version plus intime et poignante du thème pour la romance naissante entre Rocky et Adrian dans le film : minimaliste et épuré, « First Date » se limite au strict minimum, à l’instar de la réalisation de John G. Avildsen : seul un piano et une poignée de cordes suffisent à apporter une émotion juste à la scène, sans jamais en faire de trop. C’est aussi le cas dans « Philadelphia Morning » avec son cor solitaire et son mélange piano/cordes délicat (où l’on réentend là aussi la mélodie du thème principal). Cette impression de solitude, on la retrouve dans « Alone in the Ring », qui reprend le thème avec une délicatesse remarquable au piano solo, alors que Rocky se retrouve seul sur le ring, l’air pensif. Ici, Conti réflète les sentiments de Rocky Balboa en utilisant uniquement le piano, jouant de façon ultra minimaliste et retenue.

Véritable balise musicale indissociable de l’univers du film, le « Theme from Rocky » grandit au fil du récit, car même s’il est très peu utilisé durant les premières 50 minutes du film, il reste présent jusqu’à l’apparition de la chanson « Gonna Fly Now », durant la célèbre scène où Rocky part s’entraîner en montant les marches du Philadelphia Museum of Art. Ecrite dans la veine des musiques pop des années 70, « Gonna Fly Now » a su traverser les époques en s’imposant comme une chanson incroyablement entraînante, énergique, débordant d’un optimisme acharné. C’est la musique parfaite pour évoquer l’ascension d’un sportif acharné à devenir le meilleur : c’est aussi la musique d’un succès, celui de Bill Conti, de Sylvester Stallone, de John G. Avildsen et de Rocky Balboa, qui incarnent mieux que quiconque l’idée du rêve américain. Ecrite pour une fanfare de cuivres avec les cordes, la section rythmique batterie/basse/guitares/claviers/guitare électrique/percussions et un choeur composé des chanteurs DeEtta Little et Nelson Pigford, « Gonna Fly Now » débute sur un célèbre appel de trompettes en fanfare solennelle et cérémoniale annonçant clairement un événement sportif à venir – pas surprenant que la chanson soit couramment utilisée de nos jours pour les événements sportifs médiatisés, y compris aux Etats-Unis dans la ville de Philadelphie, où la chanson a été écrite et où le film se déroule, ville à jamais associée à cette chanson dans la culture populaire – Après la fanfare introductive, la chanson débute avec la reprise du thème aux trompettes, instruments-clé ici de l’ascension de Rocky et sa course vers la victoire. Le choeur intervient au bout d’une cinquantaine de secondes, avec des paroles minimalistes (une trentaine de mots, pas plus !), « Gonna Fly Now » étant davantage instrumental que réellement chanté, un fait plutôt atypique pour une chanson de cette époque, ce qui n’a bien évidemment pas empêché son succès incroyable par la suite ! Régulièrement citée et réutilisée de nos jours, la chanson de Rocky est devenue à l’image du personnage de Stallone une véritable icône populaire, qui a su traverser les époques de façon admirable : faites le test en passant cette chanson à des jeunes enfants ou des ados d’aujourd’hui, même sans avoir vu le film, ils reconnaîtront à coup sûr la chanson !

Enfin, signalons que la chanson se termine sur l’annonce d’un autre thème majeur du score, entendu en contrepoint aux cordes à partir de 2:02, et qui deviendra une mélodie majeure lors du match final contre Apollo Creed, thème là aussi bien connu, récemment médiatisé et remis au goût du jour à la télévision française suite à la diffusion régulière d’un spot publicitaire sur l’EDF et sa participation aux J.O. de 2012. Ce thème que l’on appellera le thème du courage et de la détermination, est largement développé dans « Going the Distance » à partir de 1:31, aux cordes et au synthétiseur sur une rythmique pop 70’s de la section rythmique. Le thème du courage, simple et majestueux, se construit autour d’une grille d’accords mineurs simples en marche d’harmonie, un truc typique de certaines chansons populaires de l’époque, et qui renforce ici cette idée de la culture populaire et des origines sociales modestes de Rocky Balboa. Le morceau suggère aussi l’idée de la concrétisation de Rocky, en train d’accomplir son objectif : tenir 15 rounds sur le ring face au champion N°1 invaincu. « Going the Distance » introduit aussi le troisième thème du score, thème du match entre Rocky et Apollo Creed, entendu aux cors au début du morceau à partir de 0:16, et que le compositeur varie assez rapidement dans un superbe contrepoint de cuivres plus classique d’esprit. Le thème du match est repris dans « Fanfare for Rocky », pour l’arrivée de Rocky et le début du match vers la fin du film, reprenant par la même occasion la fameuse fanfare solennelle des trompettes de « Gonna Fly Now », dans un style plus triomphant et aussi plus ‘americana’ voire militaire – symbolisant le rêve américain dans toute sa splendeur – L’écriture de la fanfare, à la fois verticale et très contrapuntique, rappelle le goût de Bill Conti pour la musique classique, notamment dans sa façon d’écrire un contrepoint très pointu et extrêmement technique. « The Final Bell » développe quand à lui le thème du courage avec la rythmique pop plus rapide, les cordes et un choeur plus grandiose, sans oublier la fanfare finale triomphante et magistrale.

Enfin, last but not least, le générique de fin se conclut sur « Rocky’s Reward », morceau exceptionnel dans lequel Bill Conti s’essaie à un art rarissime dans la musique de film : l’écriture d’une fugue dans le plus pur esprit baroque. Ecrite à la manière des grandes fugues du grand maître allemand Jean-Sébastien Bach, « Rocky’s Reward » est une fugue à 4 voix entièrement écrite pour l’orchestre à cordes, apportant une force incroyable au générique de fin, prolongeant ainsi l’apothéose finale avec ce classicisme ahurissant qui reste l’une des principales marques de fabrique de Bill Conti. Rares sont les musiciens du cinéma à s’être lancé dans le périlleux exercice exigent et strict de la fugue, mais c’est pourtant bel et bien le challenge que Bill Conti a tenu à relever personnellement avec le générique de fin de « Rocky », probablement dans l’optique de se confronter à son tour au champion N°1 de la fugue baroque, Jean-Sébastien Bach, Conti s’en tirant d’ailleurs haut la main pour ce qui reste un grand moment de musique dans la bande originale de « Rocky » (cette fugue sera d’ailleurs reprise par la suite dans les films suivants de la saga !). Difficile de conclure une critique d’une partition aussi célèbre et populaire que « Rocky » sans être grandiloquent ou dithyrambique, surtout quand on est en présence d’un pur classique de la musique de film américaine, un score culte dans le cinéma hollywoodien des années 70 qui reste encore aujourd’hui extrêmement populaire, notamment grâce à sa chanson titre qui a traversé les époques et les publics, pour s’imposer comme un méga tube de la musique de film, toute époque confondue. L’écoute de la musique à l’écran nous fait comprendre de façon limpide à quel point la musique a été utilisée avec une grande parcimonie et une certaine économie de moyens, mais qui évolue finalement tout au long du récit en suivant l’ascension de Rocky Balboa jusqu’au match final. Apportant un regard émotionnel fort aux images du film de John G. Avildsen, la musique de Bill Conti l’imposa non seulement en 1976 comme un jeune talent prometteur de la musique de film U.S. mais apporta aussi un éclairage musical saisissant aux images, entre l’aspect social du début (musique lente, minimaliste, peu utilisée) et l’exubérance des 20 dernières minutes (fanfare, rythmes pop et enfin fugue conclusive magistrale pour le générique de fin). Succès oblige, Conti et Avildsen furent tellement sur la même longueur d’ondes avec « Rocky » qu’ils collaboreront régulièrement ensemble par la suite (« Slow Dancing in the Big City », « The Formula », « Neighbors », « The Karate Kid », « Happy New Year », « For Keeps », « Lean on Me », « Rocky V », « 8 Seconds », « Inferno », etc.). Au final, la musique de « Rocky » s’impose donc comme un classique incontournable de la musique de film mais aussi une oeuvre maîtresse dans la carrière de Bill Conti, peut être son plus grand succès à ce jour : cultissime, en somme !




---Quentin Billard