1-Jennifer 8, Main Title 2.06
2-Retrograde 1.27
3-Eight To Nine 2.58
4-Cello For Helena 2.29
5-What You See 1.19
6-Humming Chorus 3.06*
7-Eye To Eye 2.18
8-Still Life 2.56
9-Brain Vanish 5.16
10-Black Winter 2.24
11-Palmist 1.24
12-Stille Nacht,
Heilige Nacht 2.44+
13-Malice Aforethought 3.14
14-Talking Elevator 2.37
15-Outfoxed 2.15
16-I Remember Red 4.00

*Extrait de
'Madama Butterfly'
Composé par G.Puccini
Interprété par The Sofia
National Opera Chorus
and Orchestra.
+Interprété par
Thomanerchor Leipzig
Ecrit par F.Gruber, J.Mohr.

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Milan Records
74321 12667-2

Musique produite par:
Christopher Young
Montage de la musique:
Danny Garde
Supervision de l'album:
David Franco
Direction exécutive à Milan:
E.Chamboredon, Toby Pieniek

Artwork and pictures (c) 1992 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
JENNIFER 8
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Modeste thriller réalisé par Bruce Robinson, 'Jennifer 8' met en scène Andy Garica dans la peau du sergent John Berlin, un inspecteur de police de Los Angeles qui vient récemment de s'installer dans la petite ville d'Eureka, où il était venu chercher la paix après l'échec de son mariage. La police vient de découvrir récemment une main tranchée dans une décharge publique. Après plusieurs analyses, Berlin en arrive à la conclusion que cette main appartenait à une non-voyante étant donnée les traces de coupure qui semblaient signifier que la personne lisait le braille. Selon lui, cette nouvelle victime n'est autre que la huitième victime non-voyante d'un redoutable serial-killer qui sévit dans la région depuis plusieurs années mais que la police n'a jamais réussi à arrêter. Berlin défend avec ténacité sa théorie sur le meurtre de celle qu'il a baptisé 'Jennifer 8'. En menant son enquête, Berlin se rend dans un institut pour jeunes filles non-voyantes et rencontre Helena Robertson (Uma Thurman), qui aurait apparemment connu 'Jennifer 8' avant sa mort. Il finit par tomber amoureux d'elle. Mais lorsque le tueur ressurgit et menace Helena, John se met en tête de tout faire pour protéger la jeune femme. Une nuit, Berlin et son ami et collègue Freddy Ross (Lance Henriksen) décident de se rendre à l'institut où ils espèrent bien piéger le tueur, alors qu'Helena se trouve ailleurs en sécurité. Cette opération échoue et se conclut tragiquement par la mort de Freddy, abattu par le tueur. Accusé injustement du meurtre, John va devoir trouver un moyen de se défendre malgré le fait que personne ne croit à l'existence du tueur de non-voyante. Pendant ce temps, le serial-killer est toujours en liberté et va tout faire pour tenter de retrouver et d'assassiner Helena. Voilà en tout cas un scénario plutôt banal pour un thriller tout à fait quelconque, servi par les excellentes interprétations de Lance Henriksen, Uma Thurman et Andy Garcia, parfait dans le rôle de flic déterminé et complètement obsédé par sa chasse d'un mystérieux serial-killer imprenable. 'Jennifer 8' n'apporte pas grand chose au genre mais demeure malgré tout un thriller de qualité, dont on retiendra essentiellement une véritable scène de suspense à couper le souffle, celle où John et Freddy se rendent à l'institut en pleine nuit et découvrent de la lumière à l'étage d'Helena, une scène filmée avec le brio et le talent d'un Alfred Hitchcock. Dommage que le reste du film de Bruce Robinson ne soit pas aussi inspiré.

Pour Christopher Young, 'Jennifer 8' a été une étape majeure dans sa carrière, puisque c'est grâce à la musique de ce film que le compositeur allait définitivement asseoir sa réputation de maître des musiques de thriller. Le thème principal du 'Main Title' a même connu un certain succès au point d'être souvent utilisé à une certaine époque dans des bande-annonces et autres films publicitaires. Confié à un piano soliste et des cordes, ce thème possède un côté mystérieux et mélodique particulièrement intéressant, associé à John Berlin tout au long du film. A la mélodie du piano s'ajoute un motif de deux notes descendantes de cordes aiguës qui renforce le côté mystérieux du thème. On notera l'utilisation discrète au début du morceau de voix féminines lointaines qui pourraient évoquer la voix des anciennes victimes du serial-killer que pourchasse John Berlin tout au long de l'histoire. Toujours est il que le thème principal de 'Jennifer 8' apporte un certain relief au score, en particulier grâce à sa ligne mélodique mémorable indissociable des images du thriller de Bruce Robinson. Young reprend le motif introductif de piano dans l'intimiste 'Retrograde' où il nous dévoile le second thème, associé dans le film à Helena. A noter ici l'utilisation d'un cor soliste et d'un violoncelle, l'instrument étant attaché dans le film au personnage d'Uma Thurman, un choix plus qu'évident étant donné qu'Helena joue du violoncelle dans le film. Cette idée est reprise dans 'Cello For Helena', où Young développe le thème d'Helena confié ici à un violoncelle solitaire qui évoque quelque part l'isolement de la jeune non-voyante dans la musique. En tout cas, le thème d'Helena possède un caractère intime et vaguement mélancolique, révélant toute la fragilité de la jeune femme terrorisée dans le film par le redoutable serial-killer. On appréciera finalement une nouvelle reprise du thème d'Helena par un piano intime et fragile dans 'What You See' qui évoque l'amour naissant entre John et Helena.

Chris Young entretient un certain mystère tout au long de l'enquête de John Berlin, comme le suggère 'Eye To Eye' lorsque le flic obstiné mène son enquête et cherche une piste le menant au tueur. On apprécia ici la qualité de l'écriture des cordes glaciales avec des dissonances qui suggèrent une certaine noirceur liée à l'enquête difficile de Berlin. On retrouve aussi les orchestrations habituelles de Christopher Young, avec cette utilisation caractéristique d'un célesta plus atmosphérique avec les cordes et le piano. La dernière partie du morceau se base sur une tenue dissonante aboutissant à un bref sursaut de terreur pure qui semble en dire long sur la suite de l'oeuvre. Après avoir habilement mit en place le suspense et la tension du film, la musique de Christopher Young prolonge l'atmosphère noire du film dans 'Still Life' tandis que 'Brain Vanish' installe une ambiance de tension où se mêlent peur et malaise avec une efficacité redoutable. On appréciera ici l'utilisation du piano avec des cordes sombres et atmosphériques, 'Brain Vanish' renforçant lui aussi le climat sombre, glacial et oppressant de la musique de 'Jennifer 8'.

Mais, si la partition contient essentiellement ce genre de morceaux orchestraux atmosphériques désormais indissociables des musiques de thriller de Christopher Young, deux morceaux du score sortent plus particulièrement du lot: les ténébreux 'Talking Elevator' et 'Black Winter'. Ces deux morceaux accompagnent en réalité la meilleure scène du film, celle où John et Freddy se rendent à l'institut la nuit pour tenter de mettre la main sur le tueur venu chercher Helena. 'Black Winter' s'impose par son climat d'urgence et de tension relayé ici par des percussions électroniques et des sonorités synthétiques dissonantes et sombres. Young suggère ici la tension de la scène où Freddy se fait tuer par le serial-killer de la façon la plus sombre qu'il soit, à l'aide d'un ostinato de rythmique électronique et de sonorités électroniques dissonantes. Cette tension se confirme alors dans 'Talking Elevator' lors de la scène où John rentre à l'intérieur de l'institut pour monter à l'étage où il entend le tueur se déplacer. A l'écoute de ce véritable mais bref cauchemar sonore imaginé par Chris Young, on s'imagine sans mal ce que le personnage d'Andy Garica peut ressentir à ce moment là, et toute la tension et l'angoisse que peut véhiculer une telle situation. Superbe morceau de suspense particulièrement stressant, 'Talking Elevator' se distingue par ses sonorités synthétiques dissonantes et morbides et ses rythmiques électroniques entêtantes martelées jusqu'au bout du morceau. L'impact du morceau à l'écran est quasiment prodigieux, l'association image/musique atteignant ici un degré de perfection que, curieusement, le compositeur n'arrivera pas à retrouver dans d'autres passages du thriller de Bruce Robinson. Pour finalement, on pourra signaler un autre morceau intéressant, 'Eight To Nine', superbe morceau accompagnant la scène où le tueur tente d'assassiner Helena à la fin du film. Berlin, ayant découvert enfin l'identité du tueur, entame une course contre la montre pour tenter de sauver la jeune femme avant qu'il ne soit trop tard. Le compositeur installe ici un climat de panique avec une excellente écriture de cordes et quelques brèves reprises du thème au piano, avant de déboucher sur le seul véritable passage de terreur pour la poursuite avec le tueur dans les couloirs à la fin du tueur. On notera ici l'excellent contrepoint entre les cordes, les cuivres et les rythmiques électroniques entêtantes, le film se concluant sur une ultime reprise du thème principal au piano dans le paisible 'I Remember Red'.

'Jennifer 8' fait sans aucun doute partie des partitions thriller incontournable de Christopher Young. Sans être particulièrement débordant d'originalité, le score de 'Jennifer 8' témoigne néanmoins de l'immense talent du compositeur pour élaborer des atmosphères de suspense glacial et de terreur pure, des ambiances suffocantes, noires et cauchemardesques dont seul le compositeur en possède le secret. Si l'on pourra regretter le côté parfois répétitif et lent des nombreux passages atmosphériques/mystérieux de la partition, on appréciera plus particulièrement les quelques rares moments où le compositeur se montre particulièrement inspiré comme les incontournables 'Talking Elevator' et 'Black Palmist' qui font presque figure d'outsider au sein de cette partition, même s'ils restent très cohérent par rapport au reste de la musique (on regrettera l'absence sur l'album d'un passage musical similaire dans la scène où Berlin découvre le cadavre d'un chien enterré dans une décharge publique). Généralement considérée comme l'une des meilleures partitions thriller de Christopher Young, 'Jennifer 8' apporte son lot de suspense et de noirceur au film de Bruce Robinson avec une très grande efficacité, servi par un thème principal mémorable. Ce n'est certes pas LE chef-d'oeuvre du compositeur, mais cela n'en demeure pas moins une de ses meilleures partitions thriller!


---Quentin Billard