1-Générique 2.40
2-Family 0.28
3-Last Joint 0.27
4-Hosto 2.24
5-Last Joint 2 1.05
6-Hate Me 0.22
7-The Bar 1.35
8-Under Your Skin 2.54*
9-Evolution Reversed 3.36*
10-Weird Mood Till Chase 2.01
11-Death Tunnel 3.00
12-Children's Corner 1.13
13-In The Mud for Love 1.29
14-Die Junge 3.11
15-The Haircut 2 3.15
16-Le Banquet 2.39
17-Catch Me 2 2.01
18-La Disqueuse 0.33
19-Karl's Chase 0.56
20-Sade Discovery & Survival 1.50
21-Fight for Life 1.15
22-Wounded Freedom 3.09
23-Kill Me 5.09**

*Paroles et musique de
Jean-Pierre Taïeb, Udi Kagan
**Paroles et musique de
Jean-Pierre Taïeb
Interprété par Anna He
et Jean-Pierre Taïeb.

Musique  composée par:

Jean-Pierre Taïeb

Editeur:

EuropaCorp

Album produit par:
Jean-Pierre Taïeb

(c) 2007 EuropaCorp. All rights reserved.

Note: **1/2
FRONTIÈRE(S)
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jean-Pierre Taïeb
Après avoir réalisé plusieurs clips vidéos et un court-métrage intitulé « Au petit matin » avec Estelle Lefébure (court récompensé d’un prix au festival de Cognac), le réalisateur français Xavier Gens décide de se lancer dans la réalisation d’un long-métrage horrifique, « Frontière(s) », produit par Luc Besson et sorti en 2007. Tourné avec un budget très modeste (environ 2,20 millions d’euros), le film se déroule dans une France bouleversée par des émeutes qui éclatent en banlieue parisienne, alors que l’extrême droite vient d’arriver au second tour des élections présidentielles. Suite à un cambriolage qui a mal tourné, une bande de jeunes réussissent à récupérer une grosse somme d’argent et partent se réfugier à l’étranger. Ils décident de s’arrêter une nuit près de la frontière dans une pension tenue par une famille étrange. Mais ce que les jeunes ignorent encore, c’est que les membres de cette famille sont de redoutables psychopathes qui vont les massacrer les uns à la suite des autres. Malgré un scénario très limité et des moyens modestes, « Frontière(s) » s’avère être une jolie réussite pour un premier long-métrage. Manifestement très inspiré par le cinéma d’horreur américain, et notamment le « Texas Chainsaw Massacre » (1974) de Tobe Hooper ou le film « American Gothic » (1988) de John Hough, Xavier Gens élabore un film viscéral où l’horreur pure baigne dans un contexte social inquiétant (la France menacée par la montée de l’extrême droite). Les jeunes banlieusards sont de simples malfrats en fuite qui cherchent un refuge une nuit le temps de préparer leur traversée de la frontière pour échapper à la justice. Mais le contexte politique du film – finalement peu exploité dans le scénario, ce qui est bien dommage – n’est qu’un banal prétexte pour évoquer une famille de psychopathes barbares qui sortent du moyen âge, une vision assez manichéenne de la France paysanne profonde réactionnaire et fasciste (on ne comprend d’ailleurs pas bien si le réalisateur tient à faire passer ou non un message à ce sujet...). Pour le reste, « Frontière(s) » est une simple accumulation de scènes gores extrêmes, de dépeçage en règle, d’éviscération, de découpages de tendons et de massacres en tout genre. Vendu avec une affiche particulièrement racoleuse et disproportionnée (le film est interdit aux moins de 16 ans à sa sortie en salles en 2008, avec, inscrit en énorme caractères sur le poster : « ce film accumule des scènes de boucheries particulièrement réalistes et éprouvantes »), « Frontière(s) » parvient à toucher son but en nous promettant un survival gore et dérangeant pas aussi extrême qu’il veut bien nous le faire croire (on tombe bien souvent dans les clichés grand-guignolesques habituels sans grande surprise particulière). Niveau casting, on retrouve des têtes connues chez les psychopathes – Estelle Lefébure, Samuel Le Bihan, Patrick Ligardes ou le vétéran Jean-Pierre Jorris en patriarche nazi autoritaire – et des jeunes recrues plutôt convaincantes chez les malfrats en cavale (la jolie Karina Testa, Aurélien Wiik, Chems Dahmani, Adel Bencherif, Amélie Daure, etc.). Au final, sans casser trois pattes à un canard, « Frontière(s) » est un premier film réussi pour Xavier Gens, mais pas aussi extrême que l’affiche veut bien nous le faire croire – on a déjà vu bien pire dans le genre – Niveau film d’horreur français, on est quand même loin ici de l’intensité malsaine du sadique « Martyrs » de Pascal Laugier (2008) ou du très dérangeant et pervers « Haute Tension » d’Alexandre Aja (2003).

Xavier Gens fait appel aux services du compositeur et guitariste Jean-Pierre Taïeb qui signe pour « Frontière(s) » une partition sinistre, sombre et oppressante, à l’image du film lui-même. Taïeb fait appel tout au long du film à un orchestre symphonique conventionnel agrémenté de synthétiseurs, de sound design atmosphérique/expérimental oppressant et de quelques instruments solistes (duduk, guitare, etc.). A la première écoute, on remarque très vite à quel point le score a été généreusement mixé sur les images, notamment durant les scènes gores horrifiques pour lesquelles Jean-Pierre Taïeb fait monter le volume sonore. En ce sens, on est très loin ici d’un mixage de type hollywoodien, dans lequel la musique serait noyée sous une tonne d’effets sonores : pas de ça dans « Frontière(s) » ! Le score est mixé plein gaz sur les images, parfois trop, accentuant la violence et l’intensité des scènes gores tout en apportant parfois un côté épique et dramatique assez impressionnant et inattendu à l’écran (notamment durant la scène du banquet, avec ses choeurs synthétiques dramatiques et ses rythmes martiaux plus épiques). Toute la première partie du film, du « Générique » jusqu’à « Evolution Reversed » permet à Jean-Pierre Taïeb d’alterner entre morceaux électro/rap modernes aux sonorités urbaines évoquant les milieux sociaux des jeunes cambrioleurs, tandis que le compositeur en profite pour expérimenter autour de l’électronique, comme il le fait notamment dans « Générique », pour lequel il manipule des sons de radio et de télévision pour parvenir à ses fins, alors que le film débute sur des images d’archive terrifiantes évoquant un futur bien sombre pour la France. Quelques notes de piano et une basse entêtante de synthé suffisent ici à créer une ambiance à la fois sombre, mélancolique et inquiétante, notamment dans l’utilisation quasi militaire de col legnos des cordes martelés de façon mécanique ou des samples des parasites de radio/télévision, alors qu’un grand glissando de cordes terrifiant ne cesse de monter crescendo, à l’image de l’horreur qui gagnera en intensité tout au long du film. Dans « Family », Taïeb introduit le duduk arménien, décidément surutilisé au cinéma depuis le triomphe du « Gladiator » d’Hans Zimmer en 2000, et qui apporte dans « Frontière(s) » une couleur ethnique agréable au score, sans briller d’une quelconque originalité particulière.

Le compositeur alterne donc entre rap (« Last Joint », « Last Joint 2 », « Hate Me »), morceau de suspense sinistre (le très dissonant et chaotique « Hosto ») et pièce rock (« The Bar » et la chanson « Under Your Skin », avec leur lot de guitares électriques) pour plonger l’auditeur dans une ambiance à la fois contemporaine, urbaine et sombre, annonçant un destin bien funeste pour les jeunes malfrats. Jean-Pierre Taïeb a d’ailleurs écrit quelques chansons originales pour les besoins du film aux côtés de l’auteur/compositeur Udi Kagan, et notamment les très rock « Evolution Reversed » et « Under Your Skin ». L’horreur débute enfin avec une poursuite sanglante dans « Weird Mood Till Chase », pour lequel Taïeb utilise des samples orchestraux pour parvenir à ses fins (probablement pour des raisons d’ordre budgétaire), avec un premier morceau d’action/terreur survolté avec ses rythmes frénétiques, ses cuivres agressifs et ses cordes déchaînées et dissonantes, qui créent une tension intense à l’écran. Cette atmosphère oppressante et violente, on va la retrouver tout au long du film, avec une utilisation constante de samples orchestraux (un véritable orchestre aurait été plus approprié pour ces passages horrifiques !). Taïeb développe aussi dans le film une atmosphère de suspense macabre dans « Death Tunnel » où il expérimente autour des nappes sonores synthétiques et des cordes dissonantes à grand renfort de samples issus de la banque de son d’EWQLSO de chez East-West. On reste d’ailleurs un peu dubitatif quand au caractère un brin cheap de certains samples, même si à l’écran, la musique fonctionne parfaitement ! Même chose pour l’obscur « Children’s Corner », qui multiplie les dissonances et les sonorités chaotiques pour renforcer l’horreur à l’écran. Petite originalité de « Children’s Corner » : une utilisation un peu étrange des bois aigus (et notamment de clarinettes) qui accentue la terreur et l’angoisse sur les images. Dans « In The Mud for Love », la musique de Jean-Pierre Taïeb se place alors clairement du point de vue des victimes et apporte un éclairage dramatique saisissant à l’écran, une ambiance élégiaque et triste qui dénonce clairement la bêtise humaine. C’est aussi le cas dans « Die Junge » avec ses nappes sonores sinistres et son lamento de cordes accompagné de notes mélancoliques du duduk soliste.

Dans « The Haircut 2 », on assiste à la scène où Yasmine (Karina Testa) se fait couper les cheveux par la jeune Eva (Maud Forget), un rare moment d’innocence pour lequel Jean-Pierre Taïeb tente d’aller à contre-courant de l’aspect horrifique et angoissant de sa partition en utilisation une boîte à musique enfantine et mélancolique, qu’il développe ensuite avec guitare électrique, cordes et duduk. La scène du dîner qui vire au massacre (« Le banquet ») permet à Taïeb de nous offrir l’un des meilleurs morceaux de la partition de « Frontière(s) », accompagné de choeurs synthétiques épiques et dramatiques assez saisissants à l’écran, comme dit précédemment (malheureusement gâché par le côté cheap des samples orchestraux). Et c’est le début de la longue traque finale alors que Yasmine tente de s’échapper et défait ses agresseurs les uns à la suite des autres, avec les sinistres « Catch Me 2 » et son lot de dissonances, clusters et autres sonorités chaotiques, ou la scène ultra gore de la mort de Goetz (Samuel Le Bihan) dans « La disqueuse », sans oublier la poursuite avec Karl (Patrick Ligardes) dans l’ascenseur (« Karl’s Chase »), morceau d’action intense ponctué de samples de cuivres agressifs et de cordes tendues. Après le tendu « Sade Discovery & Survival », la musique atteint son climax dramatique dans « Fight for Life » pour le duel final, débouchant sur le tragique « Wounded Freedom » pour la fin du film, qui conclut l’histoire de façon bien sombre et résolument pessimiste et résignée. Pour son premier score sur un film de Xavier Gens, Jean-Pierre Taïeb signe donc une partition dramatique/horrifique plutôt sombre et intense, utilisant des banques de sons orchestrales pour parvenir à ses fins, en plus d’un duduk soliste dont le caractère mélancolique contribue grandement à ce sentiment de résignation amère que véhicule la musique sur la fin du film. L’approche parfois expérimentale de Jean-Pierre Taïeb reste assez convenue ici et plutôt prévisible, le plus regrettable provenant d’un certain manque de crédibilité dans l’utilisation des samples, qui auraient gagné à être mieux valorisés dans certains passages ou alors remplacés par un vrai orchestre, ce qui manque clairement à ce score pour nous convaincre pleinement. Jean-Pierre Taïeb travaille néanmoins ici comme certains compositeurs de musiques de film d’horreur des années 80 : peu de moyens mais un bon système D ! Le résultat est ce qu’il est, le score de « Frontière(s) » restant plutôt fonctionnel et très illustratif à l’écran, tout en apportant un éclairage dramatique assez impressionnant vers la fin du film (notamment grâce à un mixage fort généreux). Pour les amateurs d’ambiances horrifiques/atmosphériques uniquement !





---Quentin Billard