1-I'll Rip Your Soul Out 4.50
2-Sad Memories 5.21
3-Don't Say It, Don't
Write It, Don't Hear It 4.42
4-Demon Possession (extended) 4.21
5-Get Me Out Of Here 5.24
6-She Tried To Kill Me 2.31
7-He Won't Let You Out 2.45
8-Bloody Kiss 2.23
9-Three Ways Of
Saving Her Soul 4.02
10-Natalie Haunting 5.34
11-I'll Do What I Gotta Do
(extended) 8.42
12-Come Back To Me 3.02
13-He's Coming 3.21
14-Abomination's Rising 6.58
15-The Pendant/Evil Tango 3.21
16-The Evil Dead Main Theme 1.41
17-Come Back To Me (alternate) 2.01

Musique  composée par:

Roque Banos

Editeur:

La La Land Records LLLCD 1255

Production, orchestration
additionnelle et coordinateur de
préparation musicale:
Gines Carrion
Monteur musique:
Maarten Hofmeijer
Préparation musique:
Kira Moreno Morales
Recherches textes paroles anciennes:
Juan Miguel Valero
Programmation musicale additionnelle:
Felix Erskine
Opérateur ProTools:
Olga Fitzroy
Assistant enregistrement:
Adam Miller
Album produit par:
Roque Banos, MV Gerhard,
Dan Goldwasser

Producteur exécutif de l'album
pour La-La Land Records:
Matt Verboys
Direction pour Ghost House Pictures:
J.R. Young

Artwork (c) 2013 Columbia TriStar Marketing Group, Photography (c) 2013 Evil Dead, LLC. All rights reserved.

Note: ****
EVIL DEAD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Roque Banos
Annoncé depuis de nombreux mois, « Evil Dead » version 2013 débarque enfin sur nos écrans. Le film est le reboot du « Evil Dead » de Sam Raimi, film d’horreur culte de l’année 1981 et grande classique du cinéma d’épouvante américain, qui fut suivi de deux autres films, et même d’une adaptation en jeux vidéos et en comédie musicale ! A l’annonce du reboot, les fans craignaient qu’Hollywood ne dénature ce pur chef-d’oeuvre du cinéma d’épouvante U.S., mais c’était sans compter sur la malice de Sam Raimi, qui officie ici en tant que producteur pour assurer un spectacle de qualité. Et c’est le cinéaste uruguayen Fede Alvarez qui se voit ainsi confier les commandes de « Evil Dead », le jeune réalisateur signant là son tout premier long-métrage pour le cinéma américain après s’être fait remarquer sur YouTube grâce à son court-métrage « Panic Attack ! » sorti en 2009. Et c’est ainsi que « Evil Dead » 2013 nous ramène dans cette fameuse cabane perdue au fond des bois, durant une nuit de terreur pure où les forces démoniaques vont s’abattre sur une poignée de jeunes innocents. David (Shiloh Fernandez), sa petite amie Natalie (Elizabeth Blackmore), Olivia (Jessica Lucas), Eric (Lou Taylor Pucci) sont réunis le temps d’un week-end pour venir en aide à Mia (Jane Levy), la soeur de David et amie d’enfance d’Olivia et Eric. Mia cherche à s’extirper de son addiction aux drogues et ses amis sont là pour tenter de l’aider à surmonter ses problèmes. A la nuit tombée, Mia remarque qu’une odeur épouvantable règne dans la maison : Eric et David découvrent ainsi la cave où sont entreposés diverses choses, incluant des cadavres de chats pendus au plafond et un étrange livre enchaîné. Malgré les avertissements au début du livre, Eric lit à haute voix une phrase contenue dans les pages de l’ouvrage et libère par mégarde une force démoniaque qui s’empare alors de Mia. Possédée, cette dernière sème le chaos dans la cabane, obligeant David et les autres à se protéger. Mais les forces du mal vont se propager à une vitesse terrifiante, et ce alors qu’une terrifiante prophétie annonce le retour de l’Abomination sur terre lorsque 5 âmes auront été consumées par le démon.

Vendu avec une affiche particulièrement racoleuse (« Vivez l’expérience cinématographique la plus terrifiante ! »), le film de Fede Alvarez est surtout connu pour son avalanche ahurissante de séquences gore extrêmes d’une violence rare, à tel point que « Evil Dead » est finalement sorti au cinéma dans une version tronquée (une séquence gore présente dans la bande-annonce du film n’a malheureusement pas été retenue dans le montage cinéma, et ce pour des questions de censure), afin d’éviter une interdiction aux moins de 18 ans. Ce « Evil Dead » 2013 s’impose ainsi par ses qualités techniques évidentes, son atmosphère old school (Alvarez n’utilise aucun plan en CGI et opte pour des trucages gore à l’ancienne à base de prothèses et de maquillages) et sa volonté de toujours repousser encore plus loin les limites du gore et du grand guignol, quitte à devenir répugnant à l’occasion – une jeune fille se coupe un bras, une autre vomit du sang dans la bouche d’une malheureuse victime, une autre se fait trancher les deux jambes puis découper en deux avec une tronçonneuse, et une autre se tranche elle-même une partie du visage et s’ouvre la langue avec un couteau – Le film n’est clairement pas destiné aux âmes sensibles et s’avère être un vrai film d’horreur à l’ancienne, bien au dessus de la moyenne actuelle. Néanmoins, premier long-métrage oblige, « Evil Dead » n’est pas exempt de défauts : si l’on appréciera les quelques libertés scénaristiques prises par rapport au film d’origine de Sam Raimi (Fede Alvarez a eu carte blanche pour tourner le film qu’il souhaitait faire !), on restera plus dubitatif concernant les quelques clichés et scare jumps inutiles qui n’ont rien de bien terrifiants, et frôlent parfois le kitsch à quelques reprises (une porte grince, une caméra se rapproche en vue subjective, un type en fait sursauter un autre, etc.). C’est d’autant plus regrettable que l’on s’attendait pourtant à une mise en scène beaucoup plus inventive, et au moins aussi virtuose que celle de Sam Raimi en 1981 : de toute évidence, Alvarez n’est pas Raimi et sa manière de filmer est 100 fois plus sage et posée, et ce même si certains « trucs » du film d’origine sont là (la voiture face au pont effondré, le viol par les branches d’arbre, la tronçonneuse, la vue subjective du démon dans les bois, etc.). Niveau casting, RAS, les jeunes acteurs sont plutôt convaincants - mention spéciale à l’excellente Jane Levy - mais l’on regrette amèrement l’absence de Bruce Campbell, acteur phare de la saga (une petite surprise attend néanmoins les heureux spectateurs qui iront jusqu’au bout du générique !). Au final, et malgré ses défauts évidents, « Evil Dead » reste une bien belle réussite essentiellement destinée aux fans de la saga d’origine et aux inconditionnels des films d’horreur extrêmes façon années 80 !

Après trois partitions signées Joseph LoDuca, c’est au tour du compositeur espagnol Roque Baños de rejoindre la saga « Evil Dead », le musicien signant une partition orchestrale apocalyptique et terrifiante pour le film de Fede Alvarez. La genèse du score de « Evil Dead » est assez particulière, dans le sens où Baños rechercha un son particulier capable d’évoquer en quelques secondes l’idée du mal absolu dans le film. Après avoir trouvé le thème principal, le compositeur se mit ainsi en quête d’un son capable de résumer à lui tout seul cette idée d’une présence démoniaque omniprésente. Après plusieurs essais infructueux, c’est par un pur hasard que Roque Baños, durant sa première semaine de travail sur « Evil Dead », malmené par des cauchemars, entendit des sirènes de police à l’extérieur de sa maison en pleine nuit, un son qu’il détesta tout particulièrement. Et c’est ainsi que l’idée majeure du score de « Evil Dead » est née : Roque Baños savait qu’il venait enfin de trouver LE son du mal absolu pour le film de Fede Alvarez ! Enregistrée à Londres avec le Pro Arte Orchestra et le BTG Chapel Choir, la partition de « Evil Dead » est un véritable tour de force symphonique et apocalyptique qui nous entraîne dans un univers infernal et démoniaque, entre les sirènes macabres, les choeurs en latin hystériques et les assauts orchestraux chaotiques. Le ton est donné dès l’introduction du film, « I’ll Rip Your Soul Out » : le compositeur fait appel à un langage et une esthétique musicale résolument avant-gardiste et quasi entièrement atonale, à base de clusters agressifs et de dissonances multiples. L’aspect mélodique n’est pas en reste puisque le score contient deux thèmes, le premier (« Main Theme ») étant entendu dans le générique de début du film, dans la dernière partie de « I’ll Rip Your Soul Out », partagé entre des cordes sombres et un piano mystérieux. Un motif de quatre notes de piano conclut le morceau pour suggérer la présence inquiétante des forces obscures tout au long du film. Le second thème est entendu dans « Big Brothers », thème plus intime et mélancolique là aussi confié à un piano solitaire et délicat sur fond de cordes apaisées. Il s’agit du thème pour Mia et son frère David, qui apporte un soupçon d’émotion et de mélancolie à une partition somme toute incroyablement sombre, macabre et torturée.

Pour s’en convaincre, inutile d’aller chercher bien loin : « I’ll Rip Your Soul Out » est une formidable entrée en la matière : cordes dissonantes, clusters, glissandi, agrégats, motif entêtant de 4 notes du piano, choeurs maléfiques en latin, intonations variables et macabres des sirènes – on avait quasiment plus réentendu cet effet sonore depuis le « Ionisation » d’Edgar Varèse ou d’autres pièces du compositeur américain – Baños est très proche ici de l’esthétique avant-gardiste de la musique contemporaine du milieu du XXe siècle très en vogue dans les musiques de films d’horreur, un style que le compositeur connaît bien et qu’il avait déjà abordé dans d’autres films tels que « Intruders » (2011) ou « Fragile » (2005). L’apparition du titre « Evil Dead » à la fin du prologue permet à Baños d’asseoir un accord grandiose de do# diminué (incluant le traditionnel triton diabolique, résumé ici à l’intervalle do# - sol) violemment plaqué par un tutti orchestral/choral apocalyptique, qui annonce clairement la teneur du récit à venir. On notera d’ailleurs que cet accord symbolique reviendra à plusieurs reprises dans le film, durant les scènes les plus intenses, comme pour le final de « She Tried To Kill Me » ou dans « Abomination’s Rising ». Malgré la mélancolie du début (« Big Brother »), Baños n’hésite pas à introduire très vite des sonorités dissonantes et menaçantes, comme c’est le cas dans « Sad Memories » où l’on retrouve les sons de sirènes maléfiques du début. La découverte du livre des morts (« Finding the Book ») permet à Baños de reprendre le thème principal brillamment confié ici à un violon soliste mystérieux sur fond de motif énigmatique de 4 notes du piano qui semble en dire long sur les origines du Necronomicon. On bascule dans l’atonalité pure et dure avec le sinistre « Don’t Say It, Don’t Write It, Don’t Hear It » à grand coup de chuchotements, de techniques instrumentales avant-gardistes (trémolos en sul ponticello, clusters et glissandi des cordes), de sursauts infernaux et d’orchestrations sombres et intenses.

L’horreur culmine dans le brutal « Demon Rape » pour la scène du viol des branches d’arbre, renforcé ici par des choeurs macabres (en partie chuchotés), des effets chaotiques complexes des cordes (utilisation de col legno aléatoires) et une tension permanente dans l’écriture orchestrale, qui rappelle les grands maîtres de la musique atonale du XXe siècle (Ligeti, Penderecki, Xenakis, etc.), bien que l’on soit parfois aussi très proche des travaux de Christopher Young ou de Marco Beltrami (notamment dans l’utilisation des voix et des bois). Le thème de Mia revient au piano dans « Get Me Out of Here » qui semble en dire long sur l’état d’esprit de la jeune femme après son attaque dans les bois : Roque Baños parvient ainsi à instaurer une atmosphère terrifiante et oppressante à l’écran qu’il renforce admirablement par une écriture orchestrale complexe et moderne, et une utilisation audacieuse des sirènes au milieu de l’orchestre. « You Are All Going to Die Tonight », « She Tried to Kill Me », « Bloody Kiss », « He’s Coming », « Three Ways to Save Her Soul » ou « He Won’t Let You Out » sont autant de déchaînements orchestraux de terreur pure permettant de renforcer la tension éprouvante à l’écran, avec une complexité permanente dans l’écriture instrumentale et les orchestrations (tous les pupitres sont privilégiés sans exception), sans jamais délaisser pour autant les thèmes, qui restent assez présents (on notera un solide retour très déterminé du thème principal à la fin de « I’ll Do What I Gotta Do » et de « Finding Mia »). L’émotion n’est pas en reste, avec notamment le superbe et lyrique « Come Back To Me », lorsque David ressuscite Mia, superbe montée d’espoir élégiaque et dramatique des cordes particulièrement poignant et intense. Et si tout cela ne vous a pas suffi, vous serez à coup sûr soufflé par les ahurissantes 7 minutes de terreur pure de « Abomination’s Rising », pour la confrontation finale contre l’abomination, véritable tour de force orchestral démesuré de la partition de « Evil Dead », largement dominé par ses sirènes maléfiques et ses choeurs en latin hystériques (notamment dans le pupitre des femmes à 2:33) qui rappellent parfois le « House on Haunted Hill » de Don Davis – toute la partie chorale entre 3:16 et 4:02 est purement apocalyptique et résolument épique, sans oublier l’incroyable hurlement des choeurs entre 5:53 et 6:10 d’une violence absolue pour le final ultra gore du film - Roque Baños va même jusqu’à s’autoriser une brillante reprise du thème principal sous la forme d’un tango pour le générique de fin du film (« The Pendant/Evil Tango »), une superbe idée qui prouve à quel point le compositeur espagnol semble avoir été manifestement très inspiré par son sujet.

Difficile donc de rester insensible à la puissance redoutable de la partition de « Evil Dead », Roque Baños signant là l’une de ses meilleures musiques de film de ces cinq dernières années et peut être son travail le plus impressionnant pour un film d’épouvante. Complexe, virtuose, grandiose, chaotique, apocalyptique, mystérieuse, terrifiante, dérangeante, tels sont les superlatifs que l’on pourrait employer pour décrire le travail colossal de Roque Baños sur « Evil Dead », qui confirme encore une fois qu’il est une valeur sûre de la musique de film actuelle. Avec « Evil Dead », on tient ici l’un des meilleurs scores horrifiques de l’année 2013, à ne rater sous aucun prétexte !




---Quentin Billard