1-Philadelphia 4.03
2-The Lane Family 2.47
3-Ninja Quiet 2.54
4-Searching for Clues 5.33
5-NJ Mart 4.01
6-Zombies in Coach 3.43
7-Hand Off! 2.49
8-No Teeth No Bite 3.25
9-The Salvation Gates 4.24
10-Wales 5.22
11-Like a River Around a Rock 5.08

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Warner Music 535730-2

Album produit par:
Marco Beltrami, John Finklea
Producteur exécutif album:
Randy Spendlove
Producteurs exécutifs pour
Warner Bros. Records:
Livia Tortella, Kenny Ochoa,
Xavier Ramos

Coordinateur album:
Jason Richmond
Monteur musique:
John Finklea
Musique additionnelle de:
Brandon Roberts, Marcus Trumpp,
Buck Sanders

Musique orchestrée et conduite par:
Matt Dunkley
Orchestrations additionnelles:
David Foster, Jake Parker
Préparation musique pour
Dakota Music:
Dave Hage, David Foster,
Jake Parker

Direction chorale:
Jenny O'Grady
Programmation musique:
Brandon Roberts
Assistants Abbey Road Studio:
Matt Mysko, Jamie Ashton
Assistant British Grove Studio:
Andy Cook
Album business affairs:
Emio Zizza, Dan Butler,
Liz McNicoll

Artwork and pictures (c) 2013 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ***
WORLD WAR Z
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
Après « Quantum of Solace » et « Machine Gun », le réalisateur Marc Forster porte à l’écran « World War Z », célèbre roman de Max Brooks publié en 2006 et pour lequel la Paramount Pictures a racheté les droits quelques années après pour une sortie finalement programmée pour l’été 2013 en 3D. Le film raconte l’histoire de Gerry Lane (Brad Pitt), un ancien membre de l’ONU qui se retrouve confronté avec sa famille à une soudaine et brutale attaque de zombies en plein coeur de Philadelphie. Alors que personne n’est en mesure d’expliquer la raison et les origines de cette soudaine attaque, Gerry découvre rapidement qu’une pandémie se répand à toute vitesse dans le monde entier, contaminant les pays les uns à la suite des autres à une vitesse ahurissante. Gerry se retrouve alors chargé par ses anciens supérieurs de réunir une équipe de militaires et de scientifiques afin de trouver un antidote capable de stopper la terrifiante pandémie. Pour cela, Gerry va traverser une partie du globe pour y mener ses recherches, entre la Corée du sud, Israël et le pays de Galles. Gerry entame ainsi une gigantesque course contre la montre dans un monde totalement ravagé par les zombies et la terrible pandémie qui menace l’humanité toute entière, sur le bord de l’extinction. « World War Z » reprend donc les codes habituels du film de zombie et nous propose un thriller apocalyptique plutôt intense, mais malheureusement gâché par une édulcoration extrême de toutes ses situations d’épouvante et de terreur. A une époque où le cinéma horrifique hollywoodien aime renouer avec les assauts d’hémoglobine et les excès gores des années 80, voir un film aussi lisse et édulcoré que « World War Z » fait vraiment peine à voir. Pour un peu, on se croirait presque chez le Paul W.S. Anderson de « Resident Evil », à ceci près que Marc Forster a néanmoins suffisamment de talent et de malice pour tourner des scènes mémorables et incroyablement spectaculaires : ainsi donc, le film nous propose quelques bons moments comme l’attaque du fort à Jérusalem ou l’attaque dans le Boeing et la poursuite finale dans le centre médical à la fin du film, pur moment de suspense intense. Hélas, on sent clairement à quel point le scénario, plutôt inégal et bâclé par moment, a été réécrit à de multiples reprises, c’est qui est effectivement le cas puisque Damon Lindelof et Drew Goddard ont été appelés en renfort pour réécrire le script initial de Joseph Michael Straczynski et Matthew Michael Carnahan (le script d’origine évoquait les thrillers paranoïaques et conspirationnistes des années 70). Malgré les efforts de Brad Pitt, parfait dans le rôle du père de famille prêt à tout pour trouver un vaccin contre la terrible pandémie, « World War Z » rappelle trop la plupart des blockbusters U.S. qui traitent de sujets similaires : les zombies font penser ici à « Resident Evil », « 28 Days Later » ou « I Am Legend », les scènes de pandémie rappellent « Outbreak » de Wolfgang Petersen, etc. Pire encore, le caractère complètement édulcoré et le montage cinéma qui annihile toute scène gore ou même sanguinaire (par exemple la militaire qui se fait couper le bras hors champ, pour éviter de montrer du sang à l’écran !) est une véritable insulte au genre, la raison étant davantage financier (le but était d’attirer le plus de spectateur possible en obtenant un PG-13 minimum) que réellement artistique. Du coup, on nous promet un vrai director’s cut plus sanguinaire pour la sortie DVD/Blu-ray du film, mais au prix actuel des places de cinéma, difficile de ne pas flairer l’arnaque dans ce genre de combine bassement mercantile, qui, en plus de prendre le spectateur pour un imbécile et une vache à lait (c’est la crise, ma p’tite dame !), trahit complètement le sens du roman d’origine de Max Brooks ou même des intentions initiales de Marc Forster. Pour les concepteurs du film, il s’agissait surtout d’apporter le genre du film de zombie à un plus large public et de conserver le message politique du roman originel afin d’en faire un blockbuster ouvert à tous (certains qualifiant le film de pur « divertis
sement familial »), un compromis décevant qui fait de « World War Z » une superproduction édulcorée et frustrante, car parsemée de très bons moments de suspense et de scènes spectaculaires, mais aussi de moments plus lisses d’une platitude effarante. Une déception, en somme !

Marco Beltrami a connu lui aussi bon nombre de déboire sur le long-métrage de Marc Forster, puisque ses intentions musicales initiales ont été largement malmenées par une production décidément bien frileuse, qui a imposé au compositeur de faire marche arrière sur bon nombre de ses idées initiales. Exit donc les expérimentations sonores à base d’ossements d’animaux et de signaux d’alarme comme Marco Beltrami l’avait initialement prévu : place à une approche 100% hollywoodienne beaucoup plus convenue et très peu originale de la part du compositeur. Il faut aussi rappeler que le compositeur est crédité dans le film aux côtés du groupe de pop/rock Muse, les producteurs ayant ainsi repris 2 versions instrumentales des chansons « Isolated System » et « Follow Me » (probablement dans le but de toucher un public plus jeune). Enregistrée à Londres, la partition de « World War Z » met donc en avant le lot habituel de rythmes électroniques/loops, choeurs (le Metro Voices) et orchestre déchaîné à grand renfort de dissonances et de percussions assassines, dans la continuité des musiques d’action horrifiques de Beltrami, à mi-chemin entre le chaos de « The Thing » ou les assauts symphoniques de « A Good Day to Die Hard », sans oublier la participation des complices habituels du musicien à la musique additionnelle, Marcus Trumpp, Buck Sanders et Brandon Roberts. Marco Beltrami pose le ton apocalyptique et cauchemardesque de l’histoire dès le début du film dans « Philadelphia », évoquant la première attaque de zombies pendant 4 minutes intenses et extrêmement nerveuses : percussions, cuivres robustes, cordes dissonantes, sonorités synthétiques glauques, rien n’y manque, si ce n’est un soupçon d’originalité. Beltrami mélange l’électronique et l’orchestre avec un savoir-faire évident, mais on sent clairement à quel point le compositeur a été bridé dans sa créativité, obligé de suivre des schémas musicaux préconçus et sans grande saveur. Il faut dire que c’est monnaie courante à Hollywood, surtout sur les films horrifiques (on se souvient notamment qu’il était arrivé la même chose à Joel McNeely sur le film « Virus » en 1999). Qu’à cela ne tienne, les amateurs des musiques horrifiques habituelles de Beltrami vont adorer cette mise en bouche que représente « Philadelphia », introduction de terreur pure agressive et musclée. Dans « The Lane Family », Beltrami souligne l’aspect plus humain de son récit en utilisant les cordes, la guitare électrique et le piano pour rappeler les liens familiaux entre Gerry et ses proches, à travers une envolée orchestrale dramatique poignante et puissante, typique du compositeur italien. C’est aussi l’occasion pour Beltrami d’introduire le très beau thème familial, élément-clé du score que l’on retrouve à quelques reprises dans le film entre deux assauts orchestraux mastodontesques.

Mais c’est bien la terreur qui reprend le dessus dès « Ninja Quiet », avec son lot de toms, de cordes staccatos et de cuivres agressifs, le tout sur fond de rythmes rapides et syncopés typiques du musicien – incluant de nombreux rebondissements rythmiques – on retrouve d’ailleurs ici les combinaisons de métriques habituelles de Beltrami, alternant 3 temps, 4 temps ou 7 temps avec brio. Elément sonore intéressant, Beltrami va même jusqu’à sampler le son d’un hélicoptère à partir de 1:36 qu’il incorpore dans sa musique, une idée judicieuse qui rappelle l’environnement sonore du film. Si l’idée de l’extinction de l’humanité est surtout prétexte ici à une déferlante d’action et de terreur, Beltrami n’oublie pas pour autant les atmosphères de tension plus mystérieuses comme dans « Searching for Clues », pour lequel il met davantage l’accent sur les loops et les samples électros d’usage (qui rappellent pour le coup à quel point l’influence du studio Remote Control d’Hans Zimmer est présente partout à Hollywood !) avec quelques cordes sombres et tendues. Plus atmosphérique, « Searching for Clues » crée un climat d’insécurité et de menace sans jamais virer à la cacophonie : les dissonances des cordes restent donc contrôlées et les rythmiques électroniques, tout comme le sound design, sont aussi là pour rappeler l’univers contemporain du film. On reconnaît au début de « NJ Mart » l’influence de « The Thing » avec notamment une série de basses synthétiques martelées qui ne sont pas sans rappeler la fameuse ligne de basse en battements de coeur du « The Thing » d’Ennio Morricone (1982), élément que Beltrami reprenait déjà dans le film de 2011. Ici aussi, place aux rythmes synthétiques envahissants et au sound design, et ce même si la partie orchestrale reste toujours présente : on regrette simplement le fait que Beltrami soit visiblement obligé de satisfaire un cahier des charges trop contraignants et une envie quasi hystérique de la part de la production d’avoir absolument un son moderne sur le film, alors qu’une approche orchestrale simple aurait tout aussi bien collée à l’affaire (ou même une approche plus savante et expérimentale, comme Beltrami l’avait initialement prévu avant de devoir faire marche arrière).

Ce sont évidemment les assauts orchestraux de terreur qui dominent l’essentiel de la partition ici, et notamment pour la plupart des scènes d’attaques de zombies : « Zombies in Coach » nous transporte ainsi dans un univers cauchemardesque de course poursuite effrénée et de lutte hystérique pour la survie à grand renfort de cordes déchaînées, de rythmes nerveux, de percussions agitées, de samples électros divers et de cuivres surdimensionnés, le tout sur fond de dissonances multiples. Beltrami conserve l’aspect rythmique de sa partition pour les nombreuses scènes de traque entre humains et zombies, et développe les sonorités électroniques étranges et abstraites dans « Hand Off ! », avec des sonorités organiques difformes à base de filtres et d’effets en tout genre, comme dans « No Teeth No Bite » où l’on retrouve notamment des effets de trémolos de violoncelle électrique filtré (à partir de 1:33) qui permettent à Beltrami de créer une atmosphère étrange et menaçante. Dans « The Salvation Gates », le compositeur introduit pour la séquence de l’évasion de Jérusalem le deuxième thème du score, un motif de 3 notes ascendantes à partir de 2:06 aux cordes et aux cors évoquant la lutte pour la survie. « Wales » développe une atmosphère de tension sombre pour la séquence dans le centre médical à la fin du film, le morceau apportant davantage d’espoir et d’émotion avec quelques accords plus consonants à base de piano, synthé cristallin, guitare électrique et cordes plus lyriques, un très beau morceau qui vient tempérer la noirceur ambiante de la partition, avec un final plein d’espoir et d’optimisme, lorsque les choeurs du Metro Voices viennent rejoindre l’orchestre. Le film se termine avec « Like A River Around A Rock », dernier morceau d’action/suspense qui se conclut sur une reprise du thème familial et du thème de 3 notes de la survie (à 3:44).

Au final, on ressort un peu frustré de l’écoute de « World War Z », car Marco Beltrami recycle toutes les formules habituelles du genre mais sans grande originalité particulière, obligé de développer les sempiternelles rythmiques synthétiques et samples électros en tout genre avec une approche orchestrale banale, et une accumulation de morceaux d’action/suspense génériques et interchangeables. Le problème vient surtout du fait que Beltrami a été clairement bridé dans sa créativité, et a du finalement se contenter du strict minimum sur une production décidément bien frileuse, incapable d’oser la moindre prise de risque, y compris au niveau musical, un comble lorsqu’on engage un compositeur aussi talentueux et original que Marco Beltrami ! La musique reste donc correcte et adéquate sur les images, puisqu’elle rythme les scènes de traque avec les zombies et apporte une tension et une émotion aux scènes plus intimes, entre cauchemar et espoir (dans « Wales »), mais on reste frustré par l’absence d’originalité et d’expérimentation sur un film qui s’y prêtait pourtant. Rappelons que Marco Beltrami lui-même expliqua récemment qu’une partie de ses idées expérimentales initiales peuvent se retrouver occasionnellement sur l’album (notamment lorsqu’il a enregistré des rythmes à base de crânes d’animaux, superposés aux percussions de l’orchestre, comme dans « Philadelphia » ou « Ninja Quiet » à 0:37), la production n’ayant gardé qu’à peine quelques secondes de ces passages expérimentaux dans le score final. Seuls les fans de Marco Beltrami y trouveront donc leur compte, mais pour les autres, « World War Z » reste indiscutablement un opus mineur dans la filmographie du compositeur !




---Quentin Billard