1-Carrie: Main Title 1.29
2-The Birth of Carrie 2.48
3-When Periods Attack 2.06
4-Carrie On 1.48
5-Headbanger 1.16
6-Go To Your Closet 3.28
7-Love You Too, Mom 0.45
8-Mind Over Matter 3.09
9-Sue Gets An Idea 4.14
10-Shopping 1.43
11-Levitated Mass 2.44
12-Preparing For Prom 2.02
13-Trapped In The Closet 1.37
14-Blood Bath 1.11
15-Kill'Em All 2.48
16-Driving Her Crazy 4.25
17-Heading Home 2.24
18-Mommie Dearest 4.22
19-House Crumbles 3.27
20-Burn In Hell 1.04

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Sony Classical 88843012612

Musique conduite par:
Marco Beltrami
Musique additionnelle de:
Dennis Smith, Buck Sanders,
Jongnic Bontemps, Michael Suby

Producteurs:
Tyson Lozensky, Chris McGeary
Sony Classical Licensing:
Mark Cavell
Sony Classical Producer Development:
Isabelle Tulliez

Artwork and pictures (c) 2013 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. & Screen Gems, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
CARRIE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
« Carrie » est le remake du film culte de Brian De Palma sorti en 1976 et rendu célèbre par une séquence en particulier, celle durant laquelle Sissy Spacek, inondée de sang et humiliée par ses camarades, se vengeait lors du bal de fin d’année de son lycée en dévastant tout grâce à ses pouvoirs télékinésiques surpuissants. Réalisé par Kimberly Peirce (« Stop-Loss », « Boys Don’t Cry ») et sorti au cinéma en 2013, ce « Carrie » nouvelle version surfe sur la mode des reboots hollywoodiens et ramène sur le devant de la scène l’une des plus fameuses adaptations d’un roman de Stephen King, film sobrement rebaptisé en France « Carrie, la vengeance », le but de ce film étant de réactualiser l’histoire et de rendre le tout plus moderne et accessible à un public des années 2000. Annoncé par la MGM comme une nouvelle adaptation du roman de Stephen King, le film de Kimberly Peirce (sa première incursion dans le fantastique), « Carrie » permet à Chloë Moretz de reprendre le rôle emblématique tenu à l’origine par Sissy Spacek et de confirmer l’omniprésence de la jeune comédienne dans le cinéma fantastique actuel (« Amityville », « The Eye », « Let Me In », « Dark Shadows », etc.). Niveau réalisation, Kimberly Peirce n’est pas Brian De Palma et sa mise en scène s’avère être extrêmement impersonnelle et un peu désincarnée, le film ayant été tourné comme n’importe quel film ou épisode de série TV actuel, caméra à l’épaule (alors que De Palma innovait en multipliant les techniques visuelles et les cadrages inventifs pour la scène finale du bal de fin d’année du lycée). La comparaison ne s’arrête pas là, car le film de Peirce reproduit parfois point par point chaque scène ou épisode du film de 1976 : dès lors, difficile de croire que ce « Carrie » 2013 soit une simple adaptation du roman de Stephen King, tant les similitudes entre les deux films sont extrêmement troublantes. L’histoire reste d’ailleurs la même : on y suit les mésaventures de la jeune Carrie White, harcelée et humiliée par ses camarades dans les douches après un cours de sport, et maltraitée par sa mère Margaret (Julianne Moore), fanatique religieuse qui punit régulièrement sa fille et l’empêche de devenir une femme et de s’épanouir comme elle le souhaite. Mais Carrie découvre qu’elle possède des pouvoirs et qu’elle peut contrôler les gens et les objets, et ce jusqu’au bal final de fin d’année où, victime d’une ultime humiliation (le piège du seau rempli de sang de porc), Carrie déchaînera ses pouvoirs et tuera de nombreux étudiants tout en détruisant une bonne partie de la ville afin d’accomplir sa vengeance contre tous ceux qui l’ont faite souffrir.

Evidemment, ce « Carrie » version 2013 possède un budget largement plus considérable que celui du film de De Palma et nous le fait clairement ressentir, notamment lors des 30 dernières minutes, assez apocalyptiques et impressionnantes. Si le casting est le point fort du film (Julianne Moore est extraordinaire dans le rôle d’une mère déséquilibrée et extrémiste, tandis que Chloë Moretz s’impose avec brio dans le rôle de Carrie), on restera plus dubitatif concernant le manque d’imagination de la mise en scène d’un film intéressant mais un peu paresseux, qui reprend chaque élément du roman et du film d’origine sans rien y apporter quoique ce soit de neuf, hormis quelques scènes supplémentaires insistant davantage sur le fanatisme religieux de Margaret ou quelques séquences au lycée, notamment avec la prof de sport (Judy Greer) ou lorsque Carrie fait des recherches sur internet afin d’en savoir plus sur ses étranges pouvoirs télékinésiques qu’elle tente de maîtriser (le film de De Palma était plus évasif sur ce sujet). Au final, malgré ses bons points et un final assez sanglant qui rappelle une scène similaire lors du final du « Silent Hill » de Christophe Gans (2006), difficile de se passionner vraiment pour ce « Carrie » 2013 qui n’apporte rien de nouveau à l’univers inspiré du roman de Stephen King et se contente uniquement d’apporter une relecture modernisée au film de Brian De Palma, remis au goût du jour à l’ère de Facebook et d’Internet, tout en égratignant toujours au passage le monde des écoles américaines et le fanatisme religieux découlant bien souvent d’un puritanisme poussé à l’extrême.

La musique de « Carrie » a été confiée à Marco Beltrami, qui reste en terrain familier sur le film de Kimberly Peirce puisqu’il est un habitué des films fantastique/horrifiques depuis ses débuts dans les années 90 (fait ironique : Beltrami a pourtant toujours détesté les films d’épouvante !). L’auteur des musiques de « Scream », « Mimic », « Hellboy » et « The Thing » signe pour « Carrie » une partition orchestrale/électronique plutôt moderne, faisant la part belle aux solistes et aux rythmes contemporains adaptés à l’univers d’un lycée américain ordinaire de notre époque. Repartant sur des bases neuves, Marco Beltrami décide de ne pas réemployer le matériau musical d’origine de Pino Donaggio pour le film de 1976 en partant sur une approche musicale plus personnelle, comme le confirme le « Carrie Main Title » dont les notes électroniques mystérieuses, les voix féminines et les cordes tendues apportent un éclairage dramatique et inquiétant à l’ouverture du film, ouverture teintée de notes sombres typiques du compositeur de « Scream ». Cette approche sombre culmine lors de la naissance choc de Carrie (« The Birth of Carrie »), tandis que Beltrami dévoile le thème de Carrie introduit dès l’ouverture, thème de 5 notes mélancolique et sombre, repris lors de l’accouchement dans la douleur de Margaret au début du film. Beltrami n’hésite pas à ponctuer sa musique des dissonances habituelles en optant pour une esthétique atonale menaçante bien que le score reste finalement assez tonal sur la longueur, en dehors des traditionnels clusters agressifs habituels des passages à suspense plus ‘horrifiques’. Film de 2013 oblige, Beltrami n’hésite pas à utiliser l’électronique de manière parfois feutrée mais toujours très présent, souvent de façon inventive comme c’est le cas dans « When Periods Attack », où il suggère la scène de l’humiliation de Carrie dans les douches avec une reprise poignante du thème mélancolique de Carrie, partagé entre le piano, les cordes, le tout sur fond de nappes sonores synthétiques étranges et inquiétantes. Comme souvent, Beltrami se montre d’ailleurs assez inventif dans le maniement de ses atmosphères électroniques sonores, tandis que le thème de Carrie reste très présent, notamment dans « Carrie On ».

La musique de Beltrami conserve cette mélancolie étrange, notamment grâce à l’omniprésence du « Carrie’s Theme », repris au début de « Headbanger » avec ses sonorités métalliques froides et inquiétantes, ou dans « Go To Your Closet », dans lequel Beltrami suggère les mauvais traitements que Margaret inflige à sa fille pour la punir de ses péchés présumés. Ici, comme pour le début du film, on retrouve une approche plus atonale et sinistre avec quelques dissonances bien placées, des sonorités sombres largement véhiculées par des cordes stridentes, des effets avant-gardistes et aléatoires des cuivres ou des nappes sonores macabres des synthétiseurs. Mais à l’inverse d’autres partitions horrifiques de Beltrami, le score de « Carrie » conserve régulièrement une approche mélodique et tonale qui permet de contrebalancer les nombreuses dissonances ou les passages plus agressifs comme pour la fin de « Go To Your Closet » où l’on découvre une envolée orchestrale dramatique assez saisissante, notamment grâce à l’emploi d’un choeur féminin et d’un orgue aux consonances religieuses. Seul problème : le coté cheap des choeurs samplés se fait quelque peu ressentir dans le mixage du morceau, alors qu’une vraie partie chorale live aurait apporté davantage de poids au final liturgique de « Go To Your Closet ». Néanmoins, Beltrami prolonge ce mélange de mélancolie, de moments sombres et de drame intimiste dans « Love You Too, Mom » ou « Mind Over Matter », où il a recours à un mélange très inventif de cordes, loops électro, guitare et flûtes à bec pour parvenir à ses fins. Beltrami nous propose ainsi des orchestrations habiles et pleines d’idées, n’hésitant pas à mélanger les sonorités de façon parfois inattendue, même si l’ensemble n’a rien de follement original. Néanmoins, le duo de flûtes à bec de « Mind Over Matter » fait partie de ces vraies bonnes idées que défend Beltrami dans sa musique, avec, cerise sur le gâteau, un très beau thème principal repris de façon incroyablement poignante et simple à 2:14 aux cordes, un passage de lyrisme pur d’une poésie mélancolique que l’on avait pas réentendu chez Beltrami depuis bien longtemps.

Malheureusement, la musique de « Carrie » a parfois tendance à se faire relativement discrète dans le film, présente mais parfois reléguée en arrière-fond dans le mixage. Du coup, difficile de profiter réellement des bonnes idées du score comme l’emploi des flûtes à bec qui traduisent la fragilité et l’innocence de la jeune Carrie, qui se cache derrière ses pouvoirs télékinésiques inquiétants. C’est ainsi que l’on peut profiter pleinement sur l’album de morceaux plus atmosphériques et inventifs comme « Sue Gets An Idea », dans lequel le compositeur expérimente autour de l’électronique et de l’orchestre. On appréciera aussi la douce mélancolie un peu inquiétante de « Shopping », qui évoque ici aussi l’innocence enfouie de Carrie avec un mélange ambigu de boîte à musique, piano et de sons plus sombres, suggérant l’idée que quelque chose ne va pas, que la situation ne va pas tarder à se détériorer. C’est ce que l’on ressent clairement dans le sombre « Levitated Mass », où l’on retrouve le Marco Beltrami des musiques de suspense habituelles, à grand renfort de nappes sonores électroniques et de cordes stridentes agressives et avant-gardistes. Le final de « Levitated Mass » rappelle d’ailleurs les grandes pages à suspense du compositeur, de « Scream » à « Mimic » en passant par « The Thing », « Joy Ride » ou « Cursed ». « Preparing for Prom » est assez symptomatique de cette approche sombre, alors que l’inévitable se prépare, et que Carrie s’apprête à partir au bal de promo, où tout va se jouer. Plutôt que de souligner l’enthousiasme de jeune fille de Carrie, qui espère enfin passer une bonne soirée avec Tommy Ross lors du bal de fin d’année, Beltrami suggère davantage l’inexorable avec une montée de tension intense et sombre de 2 minutes, largement véhiculée par le jeu tendu et déterminé des cordes. Idem pour « Trapped in the Closet », où l’on retrouve le Carrie’s Theme avec le retour des sons de boîte à musique et des sonorités dissonantes et menaçantes associées aux pouvoirs de Carrie. Enfin, Beltrami retrouve son habituelle zone de confort avec « Blood Bath », qui bascule dans l’horrifique pur à grand renfort de cordes stridentes et d’orchestrations agressives, idée qu’il concrétise dans l’anarchique « Kill’Em All », climax d’horreur de la partition.

« Kill’Em All » est bien évidemment LE grand moment de la partition de « Carrie », celui qui rappelle encore une fois pourquoi Marco Beltrami enchante les béophiles depuis plusieurs décennies déjà grâce à ses musiques d’épouvante souvent puissantes, lyriques et extrêmement personnelles. « Kill’Em All » accompagne ainsi la fameuse séquence finale du bal de promo où Carrie, humiliée par le flot de sang déversé sur elle, déchaîne ses pouvoirs sur tous ceux qui lui ont fait du mal. Le morceau est entièrement construit sur les habituelles métriques à 7 temps si chères au compositeur, avec un rythme ‘action’ trépidant et une avalanche de dissonances et de cordes déchaînées assez ahurissantes. Dans « Driving Her Crazy », la vengeance de Carrie prend forme avec l’arrivée inopinée d’une guitare électrique trash sur fond de basse synthétique entêtante, alors que la jeune fille n’a plus qu’une idée en tête : éliminer pour de bon la principale fautive de son humiliation publique : Christine (Portia Doubleday). Dès lors, la musique bascule dans la noirceur et le drame total, comme le confirme « Heading Home » ou le tragique et macabre « Mommie Dearest » (qui reprend une partie de « Kill’Em All ») avec son utilisation étrange de notes aigues de flûte à bec à 3:08 sur fond de cordes et de cuivres dissonants et agressifs, sans oublier l’apocalyptique « House Crumbles » et la coda sinistre de « Burn In Hell ». Marco Beltrami reste donc dans sa zone de confort habituelle avec « Carrie », pour lequel il signe une partition d’épouvante dramatique, lyrique et aussi torturée et parfois extrêmement sombre et agressive, à l’image du personnage brillamment campé par Chloë Moretz dans le film. Sans être un chef-d’oeuvre en soi, la partition de « Carrie » confirme le retour en force de Marco Beltrami, bien plus inspiré que jamais depuis quelques temps, toujours aussi à l’aise dans le registre de l’épouvante et toujours aussi généreux dans ses idées musicales, mélodiques ou instrumentales.




---Quentin Billard