1-Main Titles 1.57
2-Battle Begins 1.04
3-Romance 2.35
4-More Dad 1.17
5-Killing Priests 3.53
6-Love & War Finale 2.52
7-Robert's Investigation 3.36
8-Change Plans 2.43
9-Hanging Bridge Battle 0.53
10-Manolo Starts His Story 1.32
11-Pray for Him 2.29
12-Kidnap and Kill 2.41
13-Priest's Calling 2.29
14-Battle for Madrid 2.10
15-Franco's Government Files 1.57
16-Oriol is Dead 2.38
17-Manolo Meets Generals 1.36
18-Lord Open My Eyes 1.30
19-Idilko By The Lake 1.42
20-Train Station Patriots 0.40
21-The Priest, I Knew Him 0.57
22-Who To Kill 3.17
23-Factory Strike 1.02
24-At First Sight 0.46
25-Sitting Ducks 1.04
26-A Baby Is Born 0.47
27-Then God is Just 0.40
28-An Epic Story 1.23

Musique  composée par:

Robert Folk

Editeur:

Varèse Sarabande 302 067 135 2

Produit par:
Robert Folk
Producteur exécutif pour
Varèse Sarabande:
Robert Townson
Producteur exécutif:
James Ordonez
Texte de:
James Ordonez

Artwork and pictures (c) 2011 Tayrona Entertainment. All rights reserved.

Note: ****
THERE BE DRAGONS :
SECRETOS DE PASION
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Robert Folk
Si le réalisateur Roland Joffé a connu quelques grands succès dans les années 80 avec notamment les films cultes « The Killing Fields » (1984), « The Mission » (1986) et « City of Joy » (1992), le passage aux années 90/2000 sera beaucoup plus rude pour la carrière du cinéaste franco-anglais. Non crédité sur le désastreux « Super Mario Bros » (1993 – on comprend aisément pourquoi !), Joffé se plantera en beauté sur « The Scarlet Letter », drame romantique avec Demi Moore et Gary Oldman, énorme échec au box-office 1995. On pourra aussi citer le bizarre et incongru « Goodbye Lover » (1998) et le calamiteux « Captivity » (2007), autre grand échec dans la filmo du cinéaste, nominé à plusieurs Razzie Awards et remonté des tas de fois, en vain. Mais c’est dans les films historiques que Roland Joffé a su s’imposer tout au long de sa carrière : « The Killing Fields », « Vatel », « The Mission », et maintenant « There Be Dragons ». Sorti en 2011 au cinéma, le film raconte l’histoire vraie de Josemaría Escrivá de Balaguer, fondateur de l’organisation catholique de l’Opus Dei (l’Oeuvre de dieu, en latin), qui vit le jour en Espagne le 2 octobre 1928. Escriva sera d’ailleurs canonisé par le pape Jean-Paul II en 2002. L’histoire se déroule en pleine époque de la Guerre d’Espagne au début du XXe siècle. Robert, un journaliste espagnol (Dougray Scott), tente de renouer avec son vieux père Manolo Torres (Wes Bentley), qui a vécu la guerre civile espagnole il y a bien longtemps. En menant son travail de recherche sur la vie de son père, Robert découvre que Manolo était autrefois un ami proche de Josémaria Escriva (Charlie Cox), mais qu’ils ont très rapidement pris des chemins différents dans leurs vies respectives. Alors que Josémaria a décidé de suivre la voie de Dieu en devenant un homme d’église, Manolo s’est engagé dans la Guerre d’Espagne, où il fit la rencontre d’une jeune et jolie hongroise, Ildiko (Olga Kurylenko), dont il est tombé très rapidement amoureux. Ensemble, ils partirent combattre aux côtés des républicains dans les brigades internationales, mais Ildiko devint alors la compagne d’Oriol (Rodrigo Santoro), jeune révolutionnaire qui dirigea le groupe de la « colonne de fer », provoquant ainsi la jalousie et la haine de Manolo. Et alors que la guerre s’intensifia, les vies de Manolo et Josémaria furent constamment contrariées par les nombreux événements tragiques qui survinrent dans leur pays, alors que chacun fut amené à faire des choix qui bouleverseront leur destin à tout jamais.

Sur le papier, « There Be Dragons » avait donc tout pour être une réussite incontestable : retrouver Roland Joffé sur un film historique après s’être égaré sur des films qu’il ne maîtrisait absolument pas était assez prometteur, d’autant que les moyens semblaient conséquent, tout comme le casting, très réussi (Wes Bentley, Charlie Cox, Dougray Scott, Olga Kurylenko, Rodrigo Santoro, etc.). Hélas, la sortie du film en 2011 est un échec financier et critique plutôt sévère – un énième, pour le réalisateur qui les collectionne ! – obligeant le cinéaste à remonter entièrement son film, visiblement convaincu du réel intérêt de son métrage. C’est ainsi qu’une nouvelle version fut distribuée aux Etats-Unis et en Europe sous le titre « There Be Dragons : Secrets of Passion », avec 50 minutes coupées et 20 minutes rajoutées au film, et une nouvelle partition musicale signée Robert Folk, venant remplacer celle, moins intéressante et plus minimaliste, de Stephen Warbeck. De 2h02, le film passe désormais à 1h46 et semble plus fluide, moins long et surtout moins interminable que la version d’origine. Joffé représente parfaitement l’ambiance de la guerre civile espagnole et de l’oppression des troupes franquistes, racontées à travers les destins croisés de Manolo et Josémaria, le tout sans artifice ni parti pris. Si l’on peut être peiné par le parcours chaotique de Josémaria, obligé de suivre, avec ses compagnons d’église, les troupes franquistes qui persécutent les religieux, difficile de ressentir une quelconque émotion pour Manolo, qui est un pourri qui n’agit que par égoïsme et fait office d’anti-héros dans le film. Refusant toute forme de manichéisme, Joffé construit ainsi son récit entrecoupé de batailles violentes et de décors espagnols magnifiques, et ce jusqu’à la révélation finale d’un lourd secret que portait Manolo en lui tout au long des années, alors qu’il agonise aujourd’hui sur son lit d’hôpital et se prépare à rejoindre son créateur – Joffé évoque par la même occasion les thèmes de la foi et du pardon - Epique, religieux, dramatique, romantique, mélancolique, « There Be Dragons » tente d’être tout cela à la fois, sans jamais vraiment réussir à captiver le coeur et l’imagination du public. Il manque un supplément d’âme à cette version du film qui semble beaucoup plus hollywoodienne et aussi un brin plus artificielle (on sent à quel point le réalisateur l’a conçue dans le but d’inciter les spectateurs à voir son film !). Pas totalement convaincant, « There Be Dragons » raconte donc doublement son pari et échoue une seconde fois, ce qui est d’autant plus frustrant, étant donné qu’il y avait matière à réaliser un très grand film !

Parmi les nouveaux éléments proposés par la nouvelle version de « There Be Dragons », il y a évidemment la nouvelle partition symphonique de Robert Folk, venant remplacer celle composée à l’origine par Stephen Warbeck. En comparant les 2 versions, on constate à quel point le changement de cap est radical sur « Secrets of Passion » : alors que Warbeck optait pour une approche intime et mélancolique, Folk fait dans la surenchère hollywoodienne et les envolées mélodramatiques épiques et puissantes, tout le contraire du travail de Warbeck. En ce sens, la musique de Robert Folk témoigne à son tour de l’envie d’exploiter concrètement le potentiel commercial de « There Be Dragons », surtout après son échec commercial en salles en 2011 (et notamment en Espagne). C’est surtout l’occasion pour le vétéran Robert Folk de se voir à nouveau confier la musique d’une grande production hollywoodienne, lui qui était devenu beaucoup plus discret ces dernières années après avoir brillé tout au long des années 80/90 avec les musiques de films tels que « Police Academy », « Tremors », « The NeverEnding Story II », « A Troll in Central Park », « Ace Ventura : When Nature Calls » ou « Lawnmower Man 2 : Beyond Cyberspace ». Il faut dire que le passage aux années 2000 n’aura guère été bénéfique pour le compositeur américain, qui se retrouvera à travailler sur des séries-B modestes et des téléfilms sans grande envergure (hormis peut être sa musique pour le sympathique mais dispensable « Kung Pow : Enter the Fist » en 2002). C’est ainsi que Folk saisit l’occasion de renouer avec son style symphonique épique d’antan sur « There Be Dragons », composant une musique extrêmement présente tout au long du film (parfois trop, même !) et généreuse en thème dramatique et en envolées orchestrales/chorales grandiloquentes. Pour les besoins du film, Folk utilise une formation orchestrale de 86 musiciens du Northwest Sinfonia, et une grande chorale de 28 chanteurs pour parvenir à ses fins, sans oublier quelques instruments solistes comme la guitare – aux consonances espagnoles/latino savoureuses – On retrouve ici l’écriture classique habituelle du compositeur, qui renoue avec l’esthétique symphonique de ses anciens scores des années 80.

A la première écoute de la musique dans le film, on est non seulement frappé par la force épique de cette musique mais aussi par la grandeur imposante de ses thèmes, omniprésents tout au long du récit et constamment répétés, parfois de manière un brin excessive. A vrai dire, tout semble un peu excessif dans cette composition incroyablement généreuse (dans le film comme sur l’album) mais aussi peu subtile et parfois trop présente à l’écran. On regrette par exemple une tendance fâcheuse que le compositeur a eu à vouloir accentuer lourdement chaque émotion ou chaque sentiment comme si la musique atteignait à chaque fois un nouveau climax, alors qu’une approche parfois plus intime et retenue aurait été bien plus judicieuse dans le rapport image/musique. Fait plutôt rare : il n’est guère rare de remarquer que la musique ne colle pas sur certaines séquences alors qu’elle semble alourdir inutilement l’ambiance de certaines scènes, notamment à force de multiplier les envolées orchestrales/chorales sans prendre de distance avec le récit (on croirait presque entendre la musique d’un blockbuster d’heroic-fantasy façon « Lord of the Rings » !). Mais si l’approche est très critiquable sur le fond, la forme est elle, en revanche, plutôt réjouissante et agréablement enthousiasmante. Robert Folk met les bouchées doubles et l’énergie qu’il communique dans sa composition fait plaisir à entendre (comme si le musicien pouvait enfin se lâcher après des années de vache maigre !). Le thème principal de la partition est dévoilé dès l’ouverture (« Main Titles »), le premier thème étant une mélodie dramatique confiée ici à la guitare sèche hispanisante et juxtaposée au deuxième grand thème du score. Le thème principal dramatique débute à la guitare puis aux cordes à 0:21, entouré de rythmes martiaux et de cuivres guerriers sur fond de choeur. Le rythme martial grandissant du thème renforce clairement ici le sentiment de grandeur épique et de solennité, alors qu’un texte se déroulant à l’écran explique le contexte historique de la guerre d’Espagne. Le second thème héroïque du score, celui de la guerre civile espagnole, débute à 0:29 et se conclut avec des triolets triomphants de trompettes guerrières à la James Horner vers 1:33, aux consonances hispaniques évidentes. Dans le film, le thème est associé à la lutte des républicains contre les troupes franquistes en Espagne, fait confirmé par le grandiose « Battle Begins » qui ne laisse aucun doute quand à la teneur et à l’inspiration épique du compositeur sur « There Be Dragons ». « Battle Begins » dévoile aussi le troisième thème du score, le très beau thème religieux mélancolique de Josémaria qui débute vers 0:34, après une reprise du thème héroïque de la guerre. Le thème évoque clairement la ferveur religieuse de Josémaria, tourmenté par une époque de conflit difficile pour ceux qui veulent suivre la voie de Dieu.

Le quatrième thème du score apparaît dans « Romance » : il s’agit du Love Theme évoquant les sentiments passionnés de Manolo pour la jeune révolutionnaire hongroise Ildiko. Le thème romantique prend l’apparence d’une mélodie déchirante et passionnée pour choeur, guitare et orchestre, dans la lignée des grands thèmes lyriques à l’ancienne, que Folk écrivait parfois dans les années 80/90 (on pense par moment ici à certains thèmes de « The NeverEnding Story II » ou « Lawnmower Man 2 »). Le Love Theme dramatique de Manolo et Ildiko suggère l’amour impossible et contrarié de Manolo pour l’inaccessible révolutionnaire dont le coeur est pris par un autre homme, et reste à ce jour l’un des plus beaux thèmes que Robert Folk ait écrit pour un film, un grand moment de poésie et d’émotion pure ! Enfin, le cinquième thème de « There Be Dragons » est un motif plus mystérieux associé aux secrets de Manolo. Il apparaît dans « Robert’s Investigation » à partir de 1:05, puis dans « Manolo Starts His Story », constamment accompagné d’un ostinato entêtant de deux notes répétées des cordes, suggérant ici l’enquête journalistique de Robert, qui cherche à en savoir davantage sur le passé de son père. Niveau orchestrations, Robert Folk reste fidèle à lui-même et confirme encore une fois qu’il est un vétéran de l’orchestre symphonique, privilégiant chaque pupitre de l’orchestre avec un savoir-faire remarquable plutôt rare de nos jours à Hollywood. Dans « Killing Priests », Folk évoque le drame de la guerre civile espagnole pour la séquence où les franquistes assassinent des prêtres dans la ville. L’aspect tragique est retranscrit ici aussi avec l’utilisation d’un orchestre ample et d’une chorale grandiose sur fond de rythmes martiaux et de percussions qui rappellent parfois le « Cutthroat Island » de John Debney. Dans « Love & War Finale », Folk développe son Love Theme avec l’ajout d’une chorale aux consonances religieuses, à la manière d’un requiem déchirant d’une rare beauté et d’une grande puissance (sur des textes de James Ordonez). La guerre est aussi évoquée dans l’héroïque « Hanging Bridge Battle » et « Change Plans » avec son mélange détonnant de caisse claire militaire et de cuivres guerriers, alors que la guitare espagnole reste au coeur de l’orchestre tout comme le thème principal de la guerre civile, repris notamment ici à 1:25.

Le dernier acte du film développe ainsi les cinq thèmes à l’écran, dans un mélange toujours aussi épique/martial (l’excellent « Battle for Madrid », « Then God is Just »), dramatique (« Priest’s Calling », « An Epic Story ») ou romantique (les magnifiques reprises chorales du Love Theme dans « Oriol is Dead » ou « At First Sight »). Sur l’album, c’est un pur régal pour tous les amateurs de partitions symphoniques d’aventure épiques à l’ancienne, quelque part entre le « Independence Day » de David Arnold et le « Cutthroat Island » de John Debney. Le problème vient du fait que Robert Folk a voulu accentuer chaque émotion de façon typiquement hollywoodienne, ce qui satisfera les amateurs du genre et les nostalgiques du compositeur, mais risque quelque peu de décevoir ceux qui préféraient l’approche plus intimiste et humaine de Stephen Warbeck sur la précédente version du film. A trop vouloir surenchérir chaque action et chaque émotion, Folk crée des mini-climax musicaux dans chaque scène, à tel point que tout fini par être un climax de tout. L’approche était d’autant plus osée qu’un film historique adapté d’une vraie histoire incite bien souvent les réalisateurs et les compositeurs à un minimum de distance et de retenue. Ici, point de cela : « There Be Dragons » renoue avec les grandes pages symphoniques épiques des années 80/90, à grand renfort de thèmes grandioses, d’orchestrations généreuses, de morceaux d’action débridés, de grandes mélodies lyriques, etc. Tout a été pensé en grand, tout est au final très grand, mais un peu décevant sur les images, car très envahissant et surtout parfois trop lourd à l’écran. Mais on se consolera en pensant qu’on tient manifestement là l’un des meilleurs scores de l’année 2012, une très grande partition en passe de devenir une nouvelle référence dans la carrière d’un compositeur trop discret ces dernières années, qui, entre sa musique pour « There Be Dragons » et ses récentes éditions discographiques de scores des années 80/90 (« Police Academy », « A Troll in Central Park », etc.), est en train d’effectuer un come-back salutaire et totalement inespéré : ses fans ont de quoi se réjouir pour un moment !




---Quentin Billard