1-Main Title 2.44
2-Genie Mopper 0.37
3-First Calculation 1.08
4-Theorem 0.42
5-Kick Ass Choir 0.59
6-Mystery Math 2.28
7-Them Apples
(not used in film) 0.57
8-Jail 1.13
9-Second Shrink 1.14
10-Any Port 1.25
11-Times Up 1.14
12-Oliver Twist 1.58
13-Staring Contest 0.49
14-Secret Weapon 0.57
15-Retainer (part A) 0.58
16-Retainer (part B) 0.20
17-Tell You Something 0.48
18-No Love Me 0.47
19-Fire Music 1.11
20-Whose Fault 2.34
21-End Titles 3.50
22-Between the Bars
(orchestral) 0.52^*
23-No Name#3 3.04**
24-Say Yes 2.15**
25-Between the Bars 2.21**
26-Angeles 2.55**
27-Miss Misery 3.12**

*Ecrit et interprété par Elliot Smith
Arrangement orchestral de
Danny Elfman
**Ecrit et interprété par Elliot Smith.

Musique  composée par:

Danny Elfman

Editeur:

Music Box Records MBR-043

Score produit par:
Danny Elfman, Steve Bartek
Orchestrations:
Steve Bartek
Orchestrations additionnelles:
Mark McKenzie
Score mixé par:
Dennis Sands
Score conduit par:
Artie Kane
Album réédition par:
Cyril Durand-Roger, Laurent Lafarge

American Federation of Musicians.

(c) 2014 Miramax, LLC. All rights reserved.

Note: ***1/2
GOOD WILL HUNTING
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Danny Elfman
Réalisateur à succès dans le milieu du cinéma indépendant américain, Gus Van Sant vit la consécration en 1997 lorsqu’il tourna « Good Will Hunting », drame intimiste conçu d’après un scénario de Ben Affleck et Matt Damon, scénaristes et acteurs principaux du film. Le succès fut immédiatement au rendez-vous dès la sortie du film en salles : avec près de 225 millions de dollars de recettes (pour un budget d’à peine 10), « Good Will Hunting » fut un grand succès de l’année 97 et remporta 2 Oscars en 1998 (sur 9 nominations), celui du meilleur acteur dans un second rôle pour Robin Williams, et celui du meilleur scénario pour Ben Affleck et Matt Damon. Le pari était risqué lorsqu’on sait que l’année avait été monopolisée par l’envahissant « Titanic » de James Cameron, qui rafla pas moins de 11 Oscars cette année là, mais Gus Van Sant assume son film jusqu’au bout et réussit à nous toucher en narrant cette histoire d’un jeune orphelin issue des quartiers pauvres de Boston Sud, Will Hunting (Matt Damon), qui se trouve être un génie des mathématiques, alors qu’il n’est qu’un simple balayeur au Massachusetts Institute of Technology. Pour fuir son passé et la réalité difficile de tous les jours, Will se réfugie dans les livres et étudie régulièrement Nietzche, Shakespeare, Locke, ainsi que les livres de physique, chimie, médecine, mathématiques, arts, etc. Tout juste âgé de 20 ans, Will se bat dans des bars et boit des bières avec ses copains Chuckie (Ben Affleck), Morgan et Billy qui vivent dans le même quartier, livrés à eux-mêmes. Susceptible et incapable d’accepter la moindre remarque, Will rejette les autres et se montre particulièrement asocial, jusqu’au jour où le professeur de mathématiques Gerald Lambeau (Stellan Skarsgard) le remarque alors qu’il a résolu discrètement deux théorèmes mathématiques complexes sur un tableau d’un couloir du MIT de façon anonyme. Après une rixte qui a mal tournée, Lambeau demande au juge de permettre à Will d’éviter la prison et de le rejoindre au MIT où il travaillera pour lui, à condition qu’il soit suivi par un psychologue. Mais les spécialistes échouent les uns à la suite des autres, incapables d’appréhender le jeune homme difficile, et ce jusqu’au jour où Lambeau décide de faire appel à une vieille connaissance, Sean Mac Guire (Robin Williams), ancien camarade de classe. Dès lors, c’est un véritable duel psychologique qui débute entre Will et Sean, l’un essayant de prendre le dessus sur l’autre, en vain. Mais pour la première fois, Will trouve enfin quelqu’un capable de l’affronter, alors que Sean Mac Guire réussit à instaurer difficilement une relation de confiance mutuelle en évoquant sa vie intime auprès du jeune homme, l’incitant par la même occasion à se confier à son tour sur les souffrances refoulées de son passé. En parallèle de ses séances agitées dans le cabinet de Sean, Will vit une idylle naissante avec la jolie Skylar (Minnie Driver), une étudiante de l’université d’Harvard qu’il a rencontré dans un bar.

Prévu à l’origine comme un thriller, « Good Will Hunting » deviendra par la suite un drame intimiste sur l’histoire d’un génie des mathématiques méconnu, asocial et irascible, qui préfère l’anonymat et une vie minable sans but, et décide qu’on lui fiche la paix en le laissant tout seul dans son coin, avec ses potes de beuverie. Et dans ce portait d’une jeunesse américaine à la dérive, le film dresse une vision assez réaliste de la société moderne, entre l’élite sociale (le professeur de mathématiques du MIT) et le bas de l’échelle (l’orphelin marginal, fils de prolétaires, qui est un génie méconnu). Mais le contenu social du film n’a ici que peu d’importance, car Gus Van Sant préfère se concentrer sur le duel qui oppose Will Hunting à Sean Mac Guire, un face-à-face constitué de joutes oratoires, de répliques choc et d’une émotion grandissante – scène bouleversante où Sean finit par faire éclater Will en sanglot en le forçant à avouer qu’il n’est pas responsable de ce qui lui est arrivé dans le passé, l’obligeant ainsi à défaire le conflit émotionnel qui le hante, notamment en s’obstinant à refuser l’amour de la jolie Skylar – « Good Will Hunting » est au final une réussite incontestable, entièrement porté par le talent de ses acteurs, à commencer par Matt Damon, qui, à seulement 27 ans, se voit confier LE premier grand rôle de sa carrière, entouré de son pote Ben Affleck et d’un Robin Williams à contre-courant, qui délaisse son statut de comique habituel pour camper celui plus dramatique d’un psy hanté par la mort de sa femme, bien décidé à sauver le jeune homme qu’il aide, rôle qui rappelle celui du professeur John Keating dans le cultissime « Dead Poets Society » de Peter Weir (1989). Et si le postulat de départ du film était d’évoquer la découverte d’un génie incompris, le récit évolue très rapidement vers une description des émotions naissantes chez un jeune homme jusqu’ici hermétique aux sentiments, réfugiés dans un univers bien à lui – celui des livres et de ses copains – On pourra d’ailleurs saluer le courage du réalisateur qui parvient à faire passer l’homme avant l’idée de la réussite sociale et de la gloire, des thèmes pourtant chers au cinéma hollywoodien, et ce malgré quelques scènes larmoyantes inévitables, mais pourtant très touchantes. Certes, « Good Will Hunting » est un film de commande et n’est certainement pas le métrage le plus personnel de Gus Van Sant. Néanmoins, le cinéaste américain parvient à raconter une histoire émouvante avec des acteurs inspirés et peu de moyens, filmant ses personnages avec une justesse émotionnelle constante, évoquant les fragilités, les souffrances et les échecs des uns et des autres. Et lorsque c’est son propre pote qui l’incite à faire quelque chose de sa vie vers la fin du film, Will comprend enfin qu’il est fait pour autre chose, une métamorphose prophétique pour Matt Damon, qui, suite au succès phare de « Good Will Hunting », deviendra l’un des acteurs majeurs du cinéma hollywoodien des années 2000.

Danny Elfman collabore pour la première fois à un film de Gus Van Sant avec « Good Will Hunting », livrant une composition dramatique et agitée qui reflète les émotions naissantes de Will mais aussi ses tourments, son errance, ses erreurs et ses défauts. Refusant l’underscore traditionnel ou la technique habituelle du wall-to-wall, Danny Elfman préfère opter sur ce film pour une approche globalisante, créant une atmosphère musicale particulière à l’écran. Rappelons que c’est la seconde fois qu’Elfman retrouve Gus Van Sant après « To Die For » en 1995, sa collaboration sur « Good Will Hunting » était plus accessible, plus mélodique et surtout plus conventionnelle que celle, plus déjantée, de « To Die For ». Cela n’empêche pas pour autant Danny Elfman de rester fidèle à lui-même, avec une ouverture pour orchestre et choeur qui rappelle bon nombre de ses partitions les plus lyriques pour Tim Burton. Enregistrée à la Paramount Scoring Stage M et au Village Recorders, la partition symphonique de « Good Will Hunting » est agrémentée des voix du Paulist Boy Choristers of California et de quelques solistes supplémentaires (incluant une pennywhistle irlandaise, une guitare, un piano, une basse, etc.). Le score cohabite tout au long du film avec les chansons d’Elliot Smith, que le réalisateur écoutait régulièrement entre chaque prise et dont certaines ont été spécialement arrangées par Elfman pour les besoins de l’histoire. Cette interaction entre le score orchestral et les chansons originales est un concept fort dans « Good Will Hunting ». A la première écoute, on retrouve un Elfman en mode intimiste plus proche de ses travaux comme « Sommersby » (1993), « Black Beauty » (1994) ou le futur « Family Man » (2000). Le thème principal de 4 notes (qui rappelle curieusement un thème similaire dans « The Mission » d’Ennio Morricone) est immédiatement dévoilé dans le traditionnel « Main Title », suivi du second thème qui prend l’apparence d’une mélodie irlandaise pour Will. Dans cette ouverture, Elfman installe un canevas orchestral constitué de cordes, bois (incluant un hautbois et une flûte), cuivres, des percussions, une basse, une harpe et des choeurs d’enfants mystérieux, le tout sur fond de guitares diverses, batterie et pennywhistle irlandaise. A noter que cet instrument évoque ici la communauté irlandaise catholique dont sont issus Will et ses amis, un instrument-clé assez présent dans la partition, associé au personnage de Matt Damon. Mais ce sont les choeurs d’enfants qui attirent ici notre attention, apportant un éclairage mystérieux et magique quasi féerique et étrange, un brin décalé avec le ton réaliste du film et absolument typique des univers musicaux fantaisistes chers au compositeur. Musicalement, le « Main Title » est rendu aussi étrange par un mélange de tonalité et de dissonances particulier, typique des libertés harmoniques qui constituent le langage musical personnel de Danny Elfman.

Le thème de Will Hunting est présent dans « Genie Mopper » ou dans « First Calculation », dans lequel Elfman évoque le génie du jeune homme en mélangeant là aussi tonalité et passages dissonants de façon remarquable, les éléments se mélangeant toujours de façon judicieuse et intéressante, avec, ici, une très belle partie de piano soliste plus classique d’esprit. On retrouve aussi la mélodie de Will dans un très beau duo entre la pennywhistle et le hautbois dans le bref « Theorem » tandis que la chorale revient dans « Kick Ass Choir », pour une scène de basketball entre Will et ses amis. Pour Elfman, la chorale évoque ici l’enfance et le passé de Will, mais aussi celui de Sean et leurs angoisses qu’ils doivent affronter dans leur vie de tous les jours. Les voix apportent ici un éclairage émotionnel particulier reflétant la nature et les émotions intérieures de Will et Sean, ainsi que leur face-à-face sans compromis. Plus inventif, « Mystery Math » est un modèle du genre, Elfman construit ses éléments petit à petit jusqu’à mélanger de façon intéressante cordes, bongos, gongs, hautbois, cor, guitare et pennywhislte pour une scène où Will démontre ses talents extraordinaires de mathématicien. Ici aussi, l’ambiguïté des harmonies et les mouvements perpétuels des sons et des instruments créent un flot continu de notes fluide, qui s’enchaînent comme des figures numériques, une brillante métaphore musicale des mathématiques, d’une facilité confondante pour le génial Will Hunting. Dans « Them Apples », on retrouve le thème de Will avec un développement des sonorités irlandaises et un ton toujours très inventif et particulier. Quelques passages plus intimes comme « Jail » parviennent à apporter un éclairage émotionnel délicat au film sans jamais verser dans le mélodrame, notamment grâce à des harmonies parfois complexes. « Second Shrink » évoque le comportement insolent de Will face aux psy qui tentent de l’aide, dans une ambiance originale d’hypnose musicale dominée par des bois à la limite de la dissonance. On retrouve d’ailleurs ces harmonies tourmentées et dissonantes dans « Any Port », mais sans jamais céder à l’agressivité ou à la moindre forme de cacophonie. Le rôle du piano et des chœurs est sans équivoque dans « Times Up », évoquant avec brio le duel psychologique entre Will et Sean. La musique conserve cette atmosphère particulière et inquiétante dans « Oliver Twist », qui oscille là aussi entre tonalité et atonalité de manière particulière, le tout porté par des allusions au thème irlandais de Will (au cor et à la trompette à 1:23).

Si l’approche psychologique de la musique d’Elfman est l’élément fort du score de « Good Will Hunting », il faut aussi souligner le rôle important du thème principal, qui accompagne les sentiments et l’évolution du personnage de Matt Damon tout au long de l’histoire, comme c’est le cas dans le sautillant « Staring Contest » (à la limite du mickey-mousing) ou dans les 2 parties de « Retainer ». Le thème principal de 4 notes revient avec une délicatesse poétique dans « Tell You Something », tandis que « Fire Music » prend des accents sonores plus torturés alors que Will brûle un théorème mathématique devant Lambeau vers la fin du film (le morceau débute au son de pizz aléatoires dissonants proche des techniques avant-gardistes de Penderecki ou Ligeti), avant de céder la place à un piano solitaire et mélancolique. Les deux thèmes du score sont finalement repris dans « Whose Fault », alors que Sean finit afin par faire craquer Will et le soulage enfin des angoisses de son passé. Et alors que Will explose en larmes dans les bras de Sean, le choeur d’enfants fait son retour pour reprendre le thème principal, évoquant la ‘libération’ cathartique de Will. Les dissonances disparaissent enfin de la musique d’Elfman, comme pour évoquer une liberté retrouvée, une victoire sur le passé : c’est ce que suggère « End Titles », qui annonce un avenir meilleur pour Will, qui décide enfin de faire quelque chose de son avenir. Le thème principal de 4 notes est repris ici dans son intégralité par des cordes et des bois paisibles et touchants, tandis que le thème irlandais de Will revient à son tour une dernière fois, alors que le jeune homme part pour Los Angeles afin de rejoindre Skylar et de commencer ensemble une nouvelle vie. L’album publié par Music Box Records nous permet par la même occasion de découvrir les chansons d’Elliott Smith, proche de John Lennon ou Paul Simon du groupe Simon & Garfunkel (flagrant dans le jeu des instruments et les sonorités vocales), parfaitement intégrées à l’histoire dans le film et parfait complément musical à la partition de Danny Elfman. Le compositeur signe donc une partition intéressante pour « Good Will Hunting », certes sans grande originalité particulière, mais néanmoins assez inventive et fantaisiste par moment pour évoquer cette jolie aventure humaine, ce parcours psychologique d’un jeune génie asocial qui va apprendre à s’ouvrir au monde et à faire la paix avec son passé pour continuer d’avancer dans sa vie. L’album de Music Box Records nous permet ainsi de redécouvrir cette jolie partition plutôt intéressante, qui devrait ravir les fans de Danny Elfman et de sa collaboration avec Gus Van Sant, « Good Will Hunting » étant de loin l’un de ses meilleurs travaux pour le cinéaste américain !




---Quentin Billard