1-Take My Hand Precious Lord 2.40*
2-Murder in Mississippi (part 1) 3.07
3-Some Things Are Worth
Dying For 2.14
4-Murder in Mississippi (part 2) 1.06
5-Anderson and Mrs. Pell 3.04
6-When We All Get To Heaven
(Choral) 2.09**
7-Try Jesus 2.20***
8-Abduction 2.45
9-You Live It, You Breathe It,
You Marry It 3.03
10-Murder in Mississippi (part 3) 0.58
11-Requiem For Three Young Men 3.49
12-Burning Cross 1.34
13-Justice in Mississippi 4.22
14-Walk On by Faith (Vocal) 2.44+
15-Walk On by Faith 3.41+

*Interprété par Mahalia Jackson
Paroles et musique de
Thomas A. Dorsey
**Interprété par Lannie McBride,
Barbara Gibson, Alisa R. Patrick
Musique d'Emily D. Wilson
Paroles d'Eliza E. Hewitt
***Interprété par Vesta Williams
Paroles et musique de
Roberta Martin
+Interprété par Lannie McBride
Paroles et musique de
James Cleveland.

Musique  composée par:

Trevor Jones

Editeur:

Antilles 7 91236-2

Score produit par:
Trevor Jones
Ingénieur musique:
Paul Hulme
Consultant Gospel Music:
Lannie Spann McBride

(c) 1988 Orion Pictures. All rights reserved.

Note: ****
MISSISSIPPI BURNING
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trevor Jones
« Mississippi Burning » est l’un des grands succès du cinéma américain de l’année 1988, réalisation majeure d’Alan Parker, connu pour ses films coups de poing inspirés d’histoire vraie (« Midnight Express » en 1978) et ses films musicaux (« Fame » en 1980 ou « Birdy » en 1984). Récompensé d’un Oscar 1989 pour la meilleure photographie, « Mississippi Burning » relate des faits qui se sont déroulés en juin 1964 dans l’état du Mississippi au tout début de la période du « Freedom Summer » - épisode majeur du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis – Trois jeunes militants des droits civiques sont assassinés sur une route de Jessup County par des membres du Ku-Klux-Klan qui s’empressent alors de cacher leurs corps et la voiture, jetée dans un lac. C’est dans ce contexte de tension raciale et de racisme extrême que débarquent Rupert Anderson (Gene Hackman) et Alan Ward (Willem Dafoe), deux agents du FBI chargés de mener l’enquête sur la disparition des trois individus. Le premier est un vétéran originaire du sud des Etats-Unis et adepte des méthodes violentes et expéditives. Le second est un jeune agent qui a recours aux méthodes ‘officielles’ du FBI de John Edgar Hoover et s’applique à suivre le règlement à la lettre sans jamais avoir recours à la violence. La cohabitation de ces deux agents que tout oppose rendra l’enquête particulièrement complexe et périlleuse, Rupert et Alan se heurtant très vite à l’hostilité de certains locaux. Mais alors que l’enquête semble s’enliser, les deux agents décident de faire appel à des renforts afin de fouiller toute la ville et ses environs pour y retrouver les corps des trois disparus. Très vite, des tensions raciales surgissent dans la ville et des actes de violences à caractère raciste éclatent un peu partout à Jessup County : des maisons sont incendiées, des églises sont brûlées, des afro-américains sont agressés et lynchés chez eux ou à l’extérieur, des croix brûlées (symbole du Ku-Klux Klan) sont érigées devant les maisons de certains habitants noirs. Anderson et Ward commencent alors à soupçonner le shérif Stuckey (Gailard Sartain) et son adjoint Pell (Brad Dourif), qui utilise sa femme (Frances McDormand) comme principal alibi pour la nuit du meurtre des trois activistes. Les choses s’aggravent alors que Clayton Townley (Stephen Tobolowsky), leader du Ku-Klux Klan de l’état du Mississippi, attise les haines et les rancoeurs raciales en appelant ses membres à se soulever et à user de la violence contre les noirs.

« Mississippi Burning » est avant tout un polar rondement exécuté inspiré de l’histoire vraie de cette enquête policière en juin 1964 sur fond de lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis et de tensions raciales post-ségrégationnistes. Alan Parker filme à nouveau avec brio le Sud des Etats-Unis comme il l’avait déjà fait un an auparavant sur son célèbre « Angel Heart » (1987), qui se déroulait en plein coeur de la Nouvelle-Orléans. Le film rappelle une bien sombre époque d’une Amérique encore déchirée, ayant connu une longue période de ségrégation raciale et d’activisme forcené pour les droits civiques. « Mississippi Burning » vaut aussi largement par la qualité de son casting réunissant quelques stars de la fin des années 80, incluant les impeccables Gene Hackman et Willem Dafoe (peu habitué aux rôles de premier de la classe !), ainsi que quelques seconds rôles solides comme Brad Dourif, Michael Rooker, R. Lee Ermey (le célèbre sergent Hartman du « Full Metal Jacket » de Stanley Kubrick), Stephen Tobolowsky, Frances McDormand, Pruitt Taylor Vince (vu dans les séries TV « Mentalist », « Bones » ou « True Blood »), Kevin Dunn ou Tobin Bell (le fameux John Kramer de la saga horrifique « Saw ») dans son tout premier rôle pour le cinéma. Réalisé sans artifice et sans recours aux artifices visuels des vidéoclips, « Mississippi Burning » apporte un regard neuf sur cette terrible histoire de quête de justice et de vérité sur fond de racisme et de lutte pour les droits civiques, avec la conviction du duo Gene Hackman/Willem Dafoe qui fonctionne parfaitement à l’écran. Niveau scénario, le film souffre de quelques lacunes, notamment dans la vision très manichéenne des gentils agents du FBI face aux méchants persécuteurs blancs, alors que la réalité était tout de même un brin plus complexe. Néanmoins, « Mississippi Burning » a l’audace d’aborder un sujet peu usité à Hollywood à cette époque, tourné à la manière d’un thriller haletant sur fond de brûlot politique, dénonçant les actes ségrégationnistes de certains habitants de l’état du Mississippi aux USA dans les années 60, ainsi que la violence et la corruption qui règnent alors dans le milieu policier et judiciaire de cet état – cf. scène des trois membres du Klan présentés à un juge après des actes répréhensibles, et qui sont automatiquement relâchés par le magistrat lui aussi adepte du Klan.

La musique de Trevor Jones est certainement l’un des aspects les plus intéressants du film d’Alan Parker, que le réalisateur retrouve pour la seconde fois après le passionnant « Angel Heart » en 1987. Le compositeur de « Dark Crystal » et de « Excalibur » parvient à renforcer tout au long du film l’atmosphère sombre et dramatique du récit en employant quelques synthétiseurs et des parties orchestrales/chorales très réussies, renforçant par la même occasion la tension omniprésente tout au long de cette enquête policière à haut risque. A noter que le score de Trevor Jones est devenu par la suite un classique des musiques de bande annonces de film, puisque certains passages d’action seront alors régulièrement utilisés dans certains trailers de films des années 90. Le score, écrit pour synthétiseurs et EWI soliste – instrument à vent électronique habituellement utilisé par Trevor Jones dans ses musiques de film - repose essentiellement sur une idée rythmique majeure dévoilée dans « Murder in Mississippi (part 1) ». Ce motif rythmique – que l’on baptisera le thème du meurtre - entièrement basé sur un ostinato rythmique implacable et entêtant évoque de manière mécanique la conspiration policière et les actes racistes commis par les hommes du shérif Stuckey. Trevor Jones impose ce motif tout au long du film par une simple répétition d’un rythme mécanique des synthétiseurs, apportant une tension omniprésente tout au long du film. A noter que l’album contient pas mal de FX tirés du film, un choix assez curieux qui gâche l’écoute des morceaux et nous donne clairement l’impression que tout a été entièrement rippé de la bande son d’origine du film, musique et sons mélangés (c’est loin d’être l’idéal pour une écoute optimale de la musique sur CD !). Dans « Some Things Are Worth Dying For », Trevor Jones renforce l’utilisation des synthétiseurs en mélangeant les sonorités et les nappes sonores de manière admirable, incluant une improvisation intéressante au clavier sur fond de son aigu de flûte ethnique synthétique. L’atmosphère demeure ici plus mélancolique et mystérieuse, tandis que le thème rythmique du meurtre revient à nouveau dans « Murder in Mississippi (part 2) ».

Dans « Anderson and Mrs Pell », Trevor Jones se voit offrir l’occasion d’utiliser quelques parties orchestrales incluant un ensemble de cordes avec l’EWI traditionnel (Electronic Valve Instrument), qui se distingue encore une fois par son utilisation troublante et envoûtante de ses sonorités si particulières que le compositeur utilise fréquemment dans ses oeuvres pour le cinéma. L’atmosphère se veut ici plus chaleureuse, mais toujours aussi mélancolique, amère, résignée, une sorte de thème romantique désespéré pour Anderson et Mme Pell, un moment d’émotion entre deux scènes d’enquête plus sombres. « Abduction » est quand à lui un pur passage d’action écrit à la musique des scores d’action synthétiques des années 80, à grand renfort de boîtes à rythmes, percussions programmées et ostinatos entêtants. « Abduction » est d’ailleurs le fameux hit des musiques de bande annonce de films d’action des années 90, typique de ce genre de musique d’action synthétique cheap alors très à la mode à cette époque (dans le même style, on pourrait citer « No Man’s Land » de Basil Poledouris). Le thème romantique mélancolique revient dans le poignant « You Live It, You Breathe It, You Marry It », qui évoque là aussi la romance contrariée et timide entre Anderson et Mme Pell, un zest de douceur dans un monde de brute. Aux cordes et à l’EWI soliste, Trevor Jones ajoute ici un saxophone soliste langoureux, comme il le fera un an après dans sa musique pour le film « Sea of Love » (1989). Le thème du meurtre est repris ensuite de manière toujours aussi mécanique et obsédante dans « Murder in Mississippi (part 3) », mais c’est le bouleversant « Requiem for Three Young Men » qui permet à la partition de « Mississippi Burning » d’atteindre des sommets d’émotion inespérés. Le morceau est un requiem poignant écrit pour l’une des plus belles séquences du film d’Alan Parker, alors qu’un révérend afro-américain évoque le meurtre des trois activistes et rappelle l’incroyable horreur de cet acte raciste abject, en rappelant la situation tragique des noirs sur le sol américain à cette époque. Le morceau est entièrement construit autour de l’EWI et de cordes élégiaques poignantes et torturées, probablement l’un des plus beaux morceaux écrits par Trevor Jones pour un film des années 80.

Enfin, le final du film et l’arrestation des suspects permettent à Trevor Jones de développer toutes ses idées principales dans l’intense « Justice in Mississippi », qui reprend le thème rythmique du meurtre avec le Requiem tragique des cordes – accompagné d’improvisations du saxophone à mi-chemin entre le blues et le jazz, évoquant la culture musicale afro-américaine – L’idée majeure du compositeur est d’avoir enfin réussi à mélanger ces deux morceaux majeurs du score dans une même pièce, le motif rythmique du meurtre devenant alors une simple formule d’accompagnement rythmique pour le thème du Requiem funèbre. La boucle est bouclée, les différentes idées disséminées par-ci par-là se rejoignent finalement pour une coda musicale parfaitement cohérente où tout prend enfin son sens et se justifie pleinement par rapport à l’évolution du récit et l’aboutissement de l’enquête policière. Difficile de rester impassible là aussi face à l’incroyable pouvoir émotionnel et tragique de « Justice in Mississippi », avec cette lamentation de saxophone jazzy qui semble survoler les autres instruments de manière fantomatique, tandis que les cordes renforcent le caractère extrêmement torturé du Requiem, suggérant la souffrance des noirs américains victimes d’un état ségrégationniste qui vit encore avec les fantômes du passé.

Au final, on ressort plutôt comblé de l’écoute de « Mississippi Burning ». Malgré un mixage douteux entre FX et musique, l’album restitue parfaitement le travail de Trevor Jones pour le film d’Alan Parker et apporte une émotion époustouflante au film sans jamais en faire de trop. Le « Requiem for Three Young Men » est l’un des moments forts de « Mississippi Burning », aussi bien à l’image que sur CD, tandis que « Abduction » reste un classique des bandes-annonces de film d’action de l’époque, tout comme « Murder in Mississippi » qui semble avoir inspiré par la suite Trevor Jones dans d’autres oeuvres – on retrouvera ce motif rythmique repris intégralement dans la musique du film « Dark City » en 1998 – Score souvent injustement oublié, « Mississippi Burning » fait pourtant partie de ces petites pépites rares dans la filmographie de Trevor Jones, un compositeur qui a toujours su trouver le ton juste sur les films qu’il met en musique ! C’est aussi l’occasion pour le musicien d’origine sud-africaine de rendre un hommage vibrant aux victimes de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, et plus particulièrement à ces trois jeunes activistes tués en juin 1964 dans l’un des états les plus racistes de l’Amérique à cette époque.




---Quentin Billard