1-Ritual/Demise of the Zealots 8.13
2-Prayer for Forgiveness
(Vassey's Theme) 3.20
3-At the Cemetery 2.28
4-Grand River Town (Town Theme) 1.26
5-The Nightmare/At Grand River 1.09
6-Grave Discovery/
A Strange Recognition 2.26
7-Searching for Clues 0.51
8-Meeting Father Finler 1.01
9-Down in the Archives 1.01
10-The Autopsy 3.59
11-Why Christopher? 2.35
12-Running from Covey/
Herb Possessed 1.27
13-Shadowbuilder Strikes Again 4.50
14-Sounds of Innocence 1.44
15-Vet Clinic/In Search of Chris 3.15
16-Christopher's Encounter 4.42
17-The Chase 2.34
18-Possessed Town 3.47
19-Lights/Vassey's Flashbacks/
Outside the House 1.42
20-Vassey and
the Church Massacre 1.21
21-Herb Meets Shadowbuilder 1.24
22-Explaining Shadowbuilder 3.01
23-Lights Out/Vassey Possessed 1.10
24-Seduction of Maggie 1.38
25-Desperate for the Light 1.24
26-It's Your Destiny 4.03
27-Search Underground 1.24
28-The Destruction of
Shadowbuilder 7.16
29-Post Mortem 1.52

Musique  composée par:

Eckart Seeber

Editeur:

Keepmoving Records KMRCD 031

Album produit par:
Eckart Seeber, Dmitry Shlykov
Chorus Master:
Victor Skoromny
Soprano Soliste:
Christine F. Seeber
Orchestra Contractor:
Yevgeni Semtchenko
Préparation musique:
Christine F. Seeber
Mixage CD:
Peter Fuchs
Ingénieur enregistrement:
Mikhael Didkovskii

(c) 1998 Applecreek Productions. All rights reserved.

Note: ***1/2
SHADOW BUILDER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Eckart Seeber
« Shadow Builder » est à l’origine une nouvelle du romancier Bram Stoker, auteur du célébrissime « Dracula ». Tourné en 1998 et réalisé par Jamie Dixon (spécialiste des effets spéciaux et qui signe là son premier long-métrage, qui a bien failli être son unique, si l’on excepte le téléfilm bidon « Bats : Human Harvest » sorti en 2007), « Shadow Builder » est une énième série-B d’épouvante racontant l’histoire d’un démon qui cherche à s’emparer d’un jeune garçon innocent pour un rituel de sacrifice qui lui permettra d’ouvrir les portes de l’enfer sur terre. Le père Vassey (Michael Rooker) est envoyé par le Vatican pour tenter d’arrêter le démon surnommé ‘le faiseur d’ombres’ (Andrew Jackson), qui vit de l’obscurité et craint toute forme de lumière. Si le faiseur d’ombres se nourrit de six âmes humaines, il aura suffisamment de force pour mettre la main sur Chris Hatcher (Kevin Zegers), un jeune garçon innocent voué à être un saint, et que le démon convoite afin de s’emparer de son âme et de déclencher l’enfer sur terre, durant une éclipse solaire. Hélas, avec un scénario aussi convenu, il ne faudra pas s’attendre à grand chose de neuf. Visiblement, Jamie Dixon est un novice en terme de réalisation et cela se sent du début jusqu’à la fin : mise en scène peu inspirée et totalement plate, rythme mou et inexistant, direction d’acteurs approximative (le pauvre Michael Rooker a l’air de s’ennuyer ferme, comme bon nombre d’acteurs du film !), scénario ultra simpliste et scènes méga prévisibles. Rien ne semble fonctionner dans le film, et malgré la présence de quelques pointures (l’excellent Tony Todd, plus connu pour être l’esclave-tueur du célèbre « Candyman »), on s’ennuie ferme devant un film qui ne décolle jamais, qui traîne constamment des pieds et qui n’a rien à dire. Même les effets spéciaux sont approximatifs (un comble pour un réalisateur venant du monde des effets spéciaux !), et que dire du démon en costume noir flouté et ses nuages noirs en images de synthèse bidon. Niveau scénario, c’est le vide abyssal, même les personnages sont totalement creux, à commencer par le prêtre guerrier campé par Michael Rooker, et le cliché habituel de l’homme d’église tourmenté par un sinistre passé qui cherche la rédemption. Et que dire de l’étrange hermite campé par Tony Todd, qui se montre d’abord cinglé et illuminé avant de devenir un allié parfaitement normal des héros vers la fin du film ? Niveau frisson, c’est aussi le néant absolu : pas de gore, pas d’effusions de sang, chaque attaque du démon est soit suggérée, soit rapidement montrée hors champ, ce qui semble bien arranger le réalisateur, et ce probablement par manque de moyens (ou de talent). Evidemment, « Shadow Builder » est un nanar horrifique cheap au budget misérable, mais ce n’est certainement pas une raison pour bâcler le travail et foirer sa direction d’acteurs (ainsi que tout le reste), car au final, on a constamment l’impression de perdre son temps, alors que rien ne fonctionne comme on le voudrait dans ce film !

L’excellente partition symphonique/chorale de l’australien Eckart Seeber est l’élément le plus appréciable du film de Jamie Dixon (c’est peu dire !), à tel point que l’on se demande parfois comment le compositeur a pu trouver une telle inspiration sur une production aussi insipide et ennuyeuse ! Ecrite de manière très classique pour un grand orchestre symphonique avec quelques solistes et une grande chorale, la musique de « Shadow Builder » est omniprésente du début jusqu’à la fin du film, largement valorisée dans le mix sur les images quitte à paraître parfois trop envahissante et trop empathique, y compris lorsque les scènes ne le sont guère particulièrement. C’est comme si le réalisateur avait fini par prendre conscience que ce qu’il faisait ne valait pas un clou et qu’il tentait de rattraper les tares de son film en misant au maximum sur la musique d’Eckart Seeber. Rappelons que la création de la musique de « Shadow Builder » ne s’est guère faite sans heurt. A l’origine, le film a été temp-tracké avec de nombreux extraits de scores horrifiques comme « The Omen » (Goldsmith), « Species » (Chris Young) ou « Hellraiser » (Chris Young). On raconte par ailleurs que le montage final du film n’a pu être fini à temps et qu’une copie partiellement inachevée (des scènes étaient alors manquantes) avec les morceaux du temp-track d’origine a été diffusée lors du Fantasy Film Festival en 1998. Dans les crédits du générique de fin, le nom du compositeur canadien Guy Zerafa apparaît, avec la liste de quelques musiciens. Apparemment, il était prévu que Zerafa écrive la musique du film pour une petite formation instrumentale, mais cette approche n’a visiblement pas séduite les producteurs qui ont finalement rejeté le travail du compositeur. Dès lors, il fallait trouver très rapidement un compositeur de remplacement, capable d’écrire toute la musique du film en seulement 6 semaines ! Et c’est ainsi qu’Eckart Seeber a décidé de relever le challenge, enregistrant sa partition en Ukraine avec les musiciens du Ukrainian State Radio & Television Symphony Orchestra and Chorus, dirigés par Vladimir Sirenko. A la première écoute, on reste donc frappé par l’omniprésence de la musique à l’écran, le score de Seeber étant quasiment joué en continu sur les images (il y a certainement beaucoup trop de musique dans le film).

Le score de « Shadow Builder » repose avant tout sur trois thèmes majeurs exposés rapidement vers le début du film. On trouve ainsi le thème de Vassey, le prêtre joué par Michael Rooker dans le film, entendu pour la première fois à 0:57 à la clarinette basse dans « Ritual/Demise of the Zealots », et repris intégralement dans « Prayer for Forgiveness (Vassey’s Theme) ». Le deuxième thème est celui associé à la ville dans le film, où se déroule l’action. Ce thème plus mélancolique et quelque peu dramatique est entendu dans « Grand River Town (Town Theme) », brillamment exposé par un piano et quelques cordes, dans un style similaire au « Main Titles » du fameux « Jennifer 8 » de Christopher Young. A noter que le thème est en réalité associé au jeune Chris dans le film, et évoque sa sombre destinée et son lien avec le démon. Le troisième thème est bien évidemment celui du Shadowbuilder, entendu aux choeurs en latin à 3:12 dans « Ritual/Demise of the Zealots ». Ce thème évoque le mysticisme occulte du démon, la dimension religieuse des rituels maléfiques associés au monstre. A noter qu’un motif secondaire furtif est associé régulièrement dans le film aux apparitions du Shadowbuilder : 2 notes, puis 4 notes brèves, que l’on peut entendre pour la première fois aux cordes entre 0:29 et 0:39 dans « Ritual/Demise of the Zealots ». Ce motif grandira au fil du film, gagnant en intensité et en brutalité à chaque apparition du démon, comme à 0:46 dans « The Destruction of Shadowbuilder », où le motif est repris dans un puissant tutti orchestral/choral terrifiant, suivi du thème mystique du monstre. Notons pour finir que la présence du démon est aussi régulièrement suggérée par une ligne chromatique descendante puis ascendante de bois en dissonances parallèles, un bref motif de quatre notes entendu notamment à 1:09 dans « Shadowbuilder Strikes Again » ou à 0:05 dans « Herb Meets Shadowbuilder ». On notera la manière dont Seeber superpose bien souvent le motif chromatique de 4 notes et le motif brutal de 6 notes lié aux attaques du démon, tandis que le thème mystique est plutôt relégué aux scènes plus puissantes et spectaculaires, où il est question des pouvoirs de la créature. Ainsi donc, Eckart Seeber construit une thématique plutôt riche et extrêmement cohérente pour le film, développant chaque idée morceau après morceau, même si l’on reste frappé par le côté ultra répétitif et un peu rigide de la partition, d’autant plus flagrant au fil des écoutes.

Optant pour une approche résolument gothique et ténébreuse, le compositeur élabore ici une partition symphonique plutôt sombre et intense, s’inspirant des grands modèles du genre imposés par le temp-track : certes, l’ouverture du film rappelle les « Hellraiser » de Chris Young ou le « Omen » de Goldsmith avec ses choeurs en latin sataniques puissants, ses dissonances multiples et ses orchestrations massives et énergiques, mais très vite, Seeber a la bonne idée de lâcher les temp-tracks d’origine et de nous proposer sa propre vision musicale du film de Jamie Dixon. L’utilisation des choeurs en latin est d’ailleurs l’un des éléments-clé du score de « Shadow Builder », Seeber utilisant les paroles latines du « Dies Irae » traditionnel et d’autres chants associés aux Messes de Requiem (cf. le « Kyrie Eleison » de « Meeting Father Finler ») pour suggérer l’aspect religieux du film et la présence du redoutable démon. Dans « At the Cemetery », Seeber se montre visiblement très à l’aise dans l’écriture avant-gardiste en multipliant les effets de chuchotements, de souffle et de sonorités aléatoires des voix, inspiré des expérimentations de la musique contemporaine du XXe siècle, tandis que quelques éléments synthétiques viennent se greffer ici par dessus les voix et les cordes de l’orchestre pour renforcer la tension lors de la première apparition du monstre dans la scène du cimetière vers le début du film. C’est d’ailleurs à ce moment précis que le motif de 6 notes réapparaît enfin aux cuivres à 1:26 (marqué par l’utilisation caractéristique des cloches tubulaires). Une phrase mélodique de huit longues notes des cuivres et des choeurs est ensuite entendue à 1:47, que l’on baptisera le thème des attaques. Ce motif est fréquemment utilisé durant les scènes d’attaque du Shadowbuilder : on le retrouve par exemple exposé de manière similaire à 1:39 dans « The Autopsy », au cours d’un passage d’action/terreur extrêmement solide. A ce sujet, le score d’Eckart Seeber regorge de déchaînements orchestraux terrifiants et intenses (bien plus réussis que les scènes elles-mêmes !), qui doivent beaucoup au savoir-faire classique du compositeur et sa maîtrise technique de l’écriture et des orchestrations. Les passages d’action sont légions ici, qu’il s’agisse du final de « Demise of the Zealots » lors de l’affrontement avec les membres de la secte au début du film, de la première attaque du démon (« At the Cemetery »), des rythmes nerveux et paniqués de « Why Christopher ? » ou de « Running from Covey/Herb Possessed », ou des assauts orchestraux/choraux démesurés de « Shadowbuilder Strikes Again ». Ce dernier est l’un des moments forts de la partition de Seeber, développant toutes les idées musicales associées au démon : son motif chromatique de 4 notes, son motif agressif de 6 notes, ses choeurs en latin maléfiques, etc. Malgré la présence de nombreuses dissonances, le compositeur ne cède jamais à la cacophonie pure et conserve une écriture orchestrale/chorale solide et maîtrisée.

L’attaque de la ville et les nombreuses scènes de panique offrent ainsi l’occasion à Eckart Seeber de nous offrir de nouveaux déchaînements de terreur/suspense gothique en règle : les cris des choeurs dans l’intense « Vet Clinic/In Search of Chris », l’apocalyptique « Christopher’s Encounter » ses Dies Irae ténébreux, la poursuite effrénée du redoutable « The Chase », la noirceur de « Possessed Town » ou les assauts symphoniques maléfiques de « Lights/Vassey’s Flashbacks/Outside the House » et son final poignant confié à quelques vocalises féminines évoquant les paroles du « Miserere » latin, sans oublier les nombreux développements thématiques, omniprésents à chaque morceau. Dans « Vassey and the Church Massacre », Seeber évoque les tourments du père Vassey avec un nouveau « Miserere » tragique écrit à la manière des choeurs religieux classiques du XIXe/XXe siècle, un travail de composition remarquable de la part du compositeur. Enfin, la confrontation finale dans l’église donnera lieu à quelques déchaînements orchestraux tumultueux et gothiques à souhait, le climax étant atteint lors des 7 minutes frénétiques, ecclésiastiques et apocalyptiques de « The Destruction of Shadowbuilder », dans lequel culminent les motifs du Shadowbuilder, le thème mystique/religieux et le thème choral repris de « Christopher’s Encounter », sans oublier quelques magnifiques montées orchestrales/chorales magistrales des choeurs et de l’orchestre vers les dernières minutes de la confrontation : un grand moment de la partition de « Shadowbuilder » ! « Post Mortem » apporte quand à lui une conclusion apaisée à cette ténébreuse aventure, avec un ultime morceau pour choeur et orchestre écrit là aussi à la manière d’une pièce religieuse classique, très réussie.

« Shadow Builder » contient donc tous les éléments typiques des grandes musiques gothiques du cinéma hollywoodien, suivant la trace des scores pour « The Omen », « Hellraiser », « Bless the Child », « Lord of Illusions » et bien d’autres encore. Surfant sur les formules musicales caractéristiques de ce type de film, Eckart Seeber signe donc une partition de bonne facture, écrite avec une intensité et un savoir-faire constant, mais sans originalité particulière. Le problème, c’est que le score n’apporte rien de nouveau au genre et s’avère être assez monotone et répétitif sur les 77 minutes de l’album (et dans le film !). L’interprétation de l’orchestre ukrainien et de la chorale reste solide même si on sent bien que la formation instrumentale est assez restreinte par moment (flagrant, dans le jeu des cordes), probablement pour des questions de budget (la production n’avait certainement pas les moyens de payer un grand orchestre hollywoodien au compositeur !). Qu’à cela ne tienne, Seeber s’en tire haut la main et parvient à écrire une partition gothique extrêmement solide et réussie de par son approche classique assumée et sa volonté de conserver au maximum une structure mélodique/thématique forte et robuste, tout en faisant des concessions évidentes aux musiques horrifiques hollywoodiennes habituelles (dissonances, morceaux d’action nerveux, effets des choeurs, etc.). Edité officiellement grâce au label russe Keepmoving Records fondé par Dmitry Shlykov (il n’existait jusqu’à présent qu’un promo de 50 minutes !), spécialisé dans les éditions des BOs du musicien russe Yuri Poteyenko, l’album de « Shadow Builder » nous permet ainsi de redécouvrir l’un des meilleurs travaux d’Eckart Seeber pour le cinéma, l’exemple type d’une musique 100 fois supérieure au film lui-même, une grande musique gothique et ténébreuse très classique dans son genre, que les fans du genre ne devraient surtout pas manquer !





---Quentin Billard