1-Without Faith 2.22
2-Procession and Possession 3.00
3-An Intimate Portrait of the Devil
An Intimate Portrait of the Devil 2.53
4-The Truth Seeker 2.11
5-Self-Defenseless 3.38
6-Cauchemar Noir 4.06
7-The Left Hand Path 7.53
8-The Devourer of Souls 3.17
9-Bosu Tricorne 2.33
10-Widdershins 3.32
11-Zoo of Mystery 5.19
12-Axt Tremble 3.10
13-Exorcism and Recession 8.39
14-With Faith 4.45

Musique  composée par:

Christopher Young

Editeur:

Madison Gate Records
Download Only.

Produit par:
Christopher Young
Orchestrations:
Jared Banta
Montage musique:
Thomas Milano
Programmations musique:
Tao Liu, Luigi Pulcini
Mixage score:
Peter Fuchs, Keith Ukrisna
Programmation score:
Gregory Reveret
Assistant scoring:
Megumi Sasano
Assistant score ingénieur:
Martin Roller
Programmation synthétiseur:
William Zattara
Coordinateur score:
Carl Fredrick

Artwork and pictures (c) 2014 Screen Gems. All rights reserved.

Note: ***1/2
DELIVER US FROM EVIL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Christopher Young
Spécialiste des films d’horreur mettant en scène les exorcismes et le paranormal, le réalisateur américain Scott Derrickson s’est fait connaître en 2005 avec son thriller « The Exorcism of Emily Rose », sans oublier « Sinister » (2012) qui reste l’un des plus gros succès dans la carrière du cinéaste (son remake de « The Day the Earth Stood Still » tourné en 2008 semble déjà être tombé dans l’oubli !). Derrickson renoue avec son genre de prédilection dans « Deliver Us From Evil » (Délivre-nous du mal), thriller fantastique inspiré du livre auto-biographique « Beware the Night » écrit par Ralph Sarchie et Lisa Collier Cool, et publié en 2001. Le livre relate l’histoire personnelle de Sarchie, un ancien policier new-yorkais qui a travaillé pendant près de 16 ans dans le 46e Precinct dans le Sud du Bronx, et qui reste marqué à vie par des cas de possessions démoniaques sur lesquels il a enquêté auprès d’un exorciste. Produit par Jerry Bruckheimer, le scénario de « Deliver Us From Evil » propose une histoire différente des événements décrits dans le livre, tout en ayant comme base commune une enquête policière sur fond de possession démoniaque et d’exorcisme. Le récit commence durant une intervention de l’armée américaine en Irak au début des années 2000. Trois marines découvrent dans le désert irakien une sorte de crypte avec un mur sur lequel se trouvent d’étranges inscriptions qui vont bouleverser leur destin à tout jamais. Quelques années plus tard, en 2014, le sergent de police Ralph Sarchie (Eric Bana), qui travaille dans le Bronx, se retrouve confronté chaque jour à des cas de plus en plus difficiles, où il assiste régulièrement aux horreurs provoquées par la violence humaine. Ses enquêtes de plus en plus difficiles finissent par affecter sa vie de couple avec sa femme Jen (Olivia Munn) et leur petite fille Christina (Lulu Wilson). Un jour, Ralph et son partenaire Butler (Joel McHale) mènent une enquête compliquée au sujet d’une femme ayant sombrée dans la démence après avoir jeté son enfant dans la fosse d’un zoo de la ville. Les policiers découvrent alors un homme étrange portant des cicatrices sur son visage et qui se trouvait sur les lieux, l’individu semblant être à l’origine de ces événements bien mystérieux. Dépassés par la situation, Ralph s’allie avec un prêtre jésuite renégat, le père Mendoza (Edgar Ramirez), qui explique au policier que tout ce qui passe dans l’enquête est lié à des possessions démoniaques. A force d’accumuler les preuves du Mal absolu et d’être témoin d’événements occultes particulièrement étranges (des visions, des sons ou des musiques qu’il est le seul à entendre), Ralph finit par remettre en cause tout ce en quoi il a toujours cru et comprend que les forces du mal menacent désormais sa famille. Avec l’aide du père Mendoza, le policier va devoir tout faire pour arrêter le mystérieux Santino (Sean Harris), un marine revenu d’Irak et possédé par un terrifiant démon.

« Deliver Us From Evil » permet donc à Scott Derrickson de nous offrir un nouveau thriller fantastique qui mélange adroitement film policier et film d’horreur avec une intrigue extrêmement sombre et une enquête difficile mélangeant paranormal, occulte et possession démoniaque. Le réalisateur reprend l’esthétique de « The Exorcism of Emily Rose » et « Sinister » en créant une atmosphère suffocante et dérangeante assez pessimiste et radicalement noire, filmant les rues du Bronx la nuit dans une obscurité quasi constante. Malgré son côté polar urbain assez conventionnel, « Deliver Us From Evil » évolue très vite vers l’épouvante surnaturelle avec une énième variante des films d’exorcisme et de possession démoniaque. Derrickson fait monter la tension de façon adroite mais gère son rythme de manière plutôt hasardeuse, l’histoire mettant un peu trop de temps à démarrer, tandis que la séquence de l’exorcisme final – proprement impressionnante – est un peu trop longue et bizarrement montée (l’intervention de la chanson des Doors en plein milieu de l’exorcisme est assez maladroit !). En outre, on regrettera l’abondance des clichés habituels propres au genre, avec son lot de scare jumps, de visions démoniaques, d’apparitions soudaines ou de grincements lointains. On retiendra les performances appréciables d’Eric Bana et Edgar Ramirez ou du sinistre Sean Harris, parfait dans son rôle de tueur fou possédé, aux côtés de l’inquiétante Olivia Horton – son maquillage est assez exceptionnel – Elément scénaristique intéressant : l’histoire crée une connexion inattendue entre les événements démoniaques et des chansons du groupe de rock The Doors (allusions aux « portes » qui permettent aux démons de s’introduire dans notre monde), une idée originale et plutôt intéressante que Scott Derrickson exploite assez bien tout en conservant un certain mystère au sujet de cette connexion, finalement assez irrationnelle et pas vraiment expliquée dans le film. Enfin, « Deliver Us From Evil » tire aussi son épingle du jeu grâce à son atmosphère poisseuse rappelant parfois le « Se7en » de David Fincher, le film n’étant pas vraiment effrayant mais plutôt sombre et assez dérangeant, maintenant une tension permanente qui ne se relâche quasiment jamais. Malgré des critiques plutôt mitigées, le film, sortie en salles en 2014, est un nouveau succès commercial pour Scott Derrickson, qui confirme son emprise sur le cinéma d’épouvante surnaturel et lui permet de s’imposer à nouveau comme un grand spécialiste du genre !

Le compositeur Christopher Young, grand spécialiste devant l’éternel des musiques de film d’horreur/suspense, retrouve à nouveau Derrickson après avoir signé pour lui les musiques de « The Exorcism of Emily Rose » et « Sinister ». Pour sa troisième collaboration à un film du cinéaste, Chris Young livre pour « Deliver Us From Evil » une partition assez radicale car très expérimentale, bizarre, sombre, dérangeante et torturée. Moins aboutie que « Exorcism of Emily Rose » et moins surprenante que celle, atypique, de « Sinister », la musique de « Deliver Us From Evil » est à coup sûr l’élément clé du film de Scott Derrickson. Largement valorisé sur les images par un mixage étonnamment généreux (notamment dans les scènes d’action ou les passages horrifiques), le score de Chris Young marque les esprits par sa noirceur extrême sur les images. Moins radicale et expérimentale que « Emily Rose », la musique de « Deliver Us From Evil » va là où on l’attend, pour le plus grand bonheur des fans de Chris Young. Un premier thème est dévoilé par des cordes glauques et sombres dans « Without Faith », empreint d’un mystère menaçant et troublant typique du compositeur, tandis que « Procession and Possession » propose une série d’expérimentations sonores impressionnantes à base de sound design électronique et de samples manipulés, incluant un son-clé du score réalisé à partir d’une voix humaine déformée et dépitchée dans l’extrême grave. Relativement peu généreux en terme de thème ou de mélodie, le score de « Deliver Us From Evil » fait surtout la part belle aux expérimentations sonores étranges et oppressantes à la manière de « Sinister ». La présence du mal est ainsi fortement illustrée dans les sonorités synthétiques et industrielles de « Procession and Possession », avec son lot d’effets sonores bizarres, de sons saturés et de FX difformes. Chris Young joue avec le son comme il a l’habitude de le faire, mettant davantage ici l’accent sur l’électro/indus façon Akira Yamaoka. Idem pour le sinistre « An Intimate Portrait of the Devil an Intimate Portrait of the Devil », probablement l’un des morceaux les plus macabres de la partition et l’un des plus impressionnants de l’album et du film, avec ses effets de samples de cordes étranges qui parcourt l’ensemble du morceau avec un sound design bruitiste à la limite de la musique concrète (à noter ces effets d’alternance stéréo gauche/droite). La musique utilise même plusieurs passages de type électro moderne durant la première partie du film, illustrant ainsi l’aspect polar urbain du début de manière plutôt prévisible et ordinaire.

Dans « The Truth Seeker », l’ambiance devient plus intimiste avec un piano vapoureux sur fond de nappes synthétiques sombres et mélancoliques reflétant les sentiments tourmentés de Ralph Sarchie dans le film. « Self-Defenseless » va plus loin dans les bizarreries sonores en s’inspirant du précédent travail de Chris Young sur le film « Sinister » : on nage encore une fois en pleine expérimentation sonore, avec son enchaînement de loops indus, de sample électro, de chuchotements étranges, de voix féminine synthétique et de bourdonnements sonores bizarres. Si le but de la musique est très clairement de créer une atmosphère mystique et occulte dans le film, l’écoute sur l’album relève du concept pur et de l’abstraction musicale, moins aboutie que celle de « Sinister », mais probablement tout aussi déstabilisante pour les auditeurs non avertis. « Cauchemar Noir » semble par exemple être un cousin proche de certains morceaux de « Sinister », notamment dans la manière dont Young travaille la masse sonore avec des gargouillis sonores abstraits et des FX glauques et oppressants, s’inspirant de la musique bruitiste contemporaine du XXe siècle. Il y a bien évidemment les moments plus tonaux et posés comme « The Left Hand Path », où Ralph acquiert progressivement la foi en combattant les forces du mal – idée indiquée par le recours plus traditionnel aux cordes et aux harmonies mineures consonantes – Mais c’est le chaos et le cauchemar qui reprennent le dessus dans le terrifiant « The Devourer of Souls », où la présence du mal absolu est largement suggérée par des effets aléatoires de piano, de techniques avant-gardistes des cordes (cluster, pizzicati en cordes frappées avec le bois de l’archet, jeu sur le chevalet, etc.) et ces fameux samples de voix graves associés au démon dans le film. A noter que les samples sont rendus encore plus étranges ici par de nombreux cut supprimant la partie finale du son joué, ce qui rend l’écoute encore plus déstabilisante et foncièrement expérimentale.

Ces idées sont résumées dans le démoniaque « Bosu Tricorne » où l’on retrouve le thème sinistre de cordes de « Without Faith », tandis que « Widdershins » semble surgir tout droit d’une pièce de musique contemporaine de Scelsi, Xenakis ou Penderecki à l’aide d’un orchestre à cordes accumulant les sonorités stridentes extrêmes, notamment à travers d’étranges trémolos lents et progressifs instaurant une tension permanente à l’écran. « Zoo of Mystery » est quand à lui plus représentatif de la partie électro moderne de « Deliver Us From Evil », qui montre une facette moins connue de Chris Young, son utilisation des synthétiseurs, plus typique de ce qu’il faisait à une certaine époque vers la fin des années 80. « Axt Tremble » multiplie les dissonances extrêmes à l’aide de sample de piano déformé et de nappes sonores obscures dans la continuité de « Emily Rose » et « Sinister », tandis que la spectaculaire séquence de l’exorcisme final permet au compositeur de nous offrir plus de 8 minutes de terreur pure dans l’incroyable « Exorcism and Recession » (à noter les calembours habituels de Young dans les titres des morceaux !), extrêmement intense et radicalement violent sur les images de l’exorcisme final. La réussite du morceau tient surtout dans la manière dont Young parvient à captiver notre attention durant plus de 8 minutes sans relâcher la tension, un double exploit pour le compositeur qui nous offre aussi son morceau le plus expérimental pour « Deliver Us From Evil » et l’un des plus extrêmes qu’il ait eu à écrire pour un film d’horreur au cours de ces 10 dernières années ! Rarement aura-t-on entendu un compositeur hollywoodien aller aussi loin dans l’expérimentation sonore, « Exorcism and Recession » triturant, manipulant et modelant les sons sous toutes leurs formes possibles.

Enfin, le thème principal de cordes conclut le film dans « With Faith », refermant la page de ce nouvel opus musical démoniaque du grand maître du frisson musical. Moins radical que « Exorcism of Emily Rose » ou « Sinister », le score de « Deliver Us From Evil » marque donc le grand retour de Christopher Young dans l’univers de l’épouvante musicale, signant une partition démoniaque incroyablement noire, sombre, expérimentale et violente, qui, sans être le nouveau chef-d’oeuvre attendu du compositeur, n’en demeure pas moins un opus solide de la part de l’un des meilleurs musiciens hollywoodiens de sa génération, Young ne perdant rien de sa verve créatrice et de son inspiration malgré le temps qui passe et les projets qui s’accumulent. Ceux qui attendaient le nouveau grand score horrifique du compositeur devront donc se jeter sans plus attendre sur ce terrifiant « Deliver Us From Evil », une invitation spectaculaire dans un univers cauchemardesque et satanique dont seul Chris Young en possède le secret : frissons 100% garantis !




---Quentin Billard