1-Jaws 3-D Main Title 2.58
2-Kay and Mike's Love Theme 2.17
3-Panic at Seaworld 1.59
4-Underwater Kingdom and
Shark Chase 4.18
5-Shark Chase and
Dolphin Rescue 1.22
6-Saved by the Dolphins 2.04
7-"The Shark's Gonna Hit Us!" 2.42
8-It's Alive/Seaworld Opening Day/
Silver Bullet 2.33
9-Overman's Last Dive 1.17
10-Philip's Demise 4.57
11-Night Capture 4.52
12-Jaws 3-D End Titles 4.06

Musique  composée par:

Alan Parker

Editeur:

Intrada Special Collection vol. 54

Album produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif:
Roger Feigelson
Album original produit
et coordonnée par:
Graham Walker
Arrangements de:
Alan Parker
Thème de JAWS de:
John Williams

Édition limitée à 3000 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1983 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ****
JAWS 3-D
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Parker
Il faut bien avouer que certaines franchises ne devraient même pas exister au cinéma. C’est un peu ce que l’on se dit lorsque l’on regarde la tétralogie « Jaws » (Les Dents de la Mer). Autant le premier film est un classique du cinéma d’épouvante des années 70 et un hit incontournable dans la filmo de Steven Spielberg, autant les films suivants sont des ratages intégraux plutôt navrants. En fait, la qualité ne va cesser de décroître progressivement jusqu’au quatrième opus sorti en 1987 et parfois considéré comme l’un des plus mauvais films de l’époque. « Jaws 3-D », sorti au cinéma en 1983, est le troisième opus de la saga et probablement l’un des moins bons. Il s’agit du tout premier film de Joe Alves en tant que réalisateur, l’homme étant surtout connu pour avoir été chef décorateur et réalisateur de seconde équipe sur les deux premiers « Jaws ». Hélas, on sent clairement le manque d’expérience du réalisateur, incapable de transcender son sujet ou de rythmer le récit de manière convaincante, ce qui sera vivement critiqué par Richard Matheson, l’un des scénaristes du film qui a vu son script original charcuté et remanié dans tous les sens, visiblement très déçu du résultat final et de la pauvreté de la réalisation d’Alves. A noter qu’il s’agit du seul film de la saga tourné en 3-D, les producteurs ayant profité d’un sursaut de popularité pour ce format revenu à la mode dans le cinéma des années 80 et notamment pour les films d’épouvante – on pense par exemple à « Amityville 3-D », « Parasite » ou « Friday the 13th Part III » - Ainsi donc, le film se déroule au SeaWorld, un gigantesque parc aquatique dirigé par Calvin Bouchard (Louis Gossett Jr.), sur le point d’ouvrir au public. Michael (Dennis Quaid) et son jeune frère Sean Brody (John Putch), les deux fils du chef Brody de la police d’Amity (le héros des deux premiers films) sont devenus adultes et vivent désormais en Floride. Michael travaille comme ingénieur pour le SeaWorld avec sa compagne Kathryn (Bess Armstrong). Durant la répétition d’un numéro de ski nautique, les portes du parc fermant l’accès au lagon se bloquent mystérieusement, et alors que le plongeur censé s’en occuper disparaît mystérieusement, Michael et Kathryn comprennent qu’un gigantesque requin blanc a réussi à pénétrer le parc aquatique et se ballade quelque part dans les eaux du lagon. L’équipe récupère alors un jeune requin à l’origine de l’incident des portes du lagon, mais l’animal meurt peu de temps après dans le bassin du laboratoire scientifique du parc. Sa mère, qui se cachait dans les conduits du parc, se met alors en tête de retrouver son petit et de le venger par tous les moyens.

Avec un scénario stupide et inconsistant, « Jaws 3-D » est au final un ratage intégral qui maltraite vigoureusement une franchise déjà moribonde au début des années 80. Mou et mal filmé, le film de Joe Alves tente de profiter des quelques effets de relief 3-D (qui disparaîtront totalement pour les versions VHS et télévisées, étant donné que ce format ne pouvait se faire à l’époque que pour le cinéma !) pour rehausser le niveau, mais en vain, rien ne semble fonctionner : les surimpositions d’image 3D sur des fonds incrustés sont totalement ratés (même à l’époque on faisait bien mieux que cela !), comme cette scène ridicule des mâchoires du requin qui se rapprochent en relief du public durant la mort de l’animal à la fin du film, effet cheap inutile qui n’est là que pour apporter un aspect pseudo ludique/popcorn au long-métrage d’Alves. Niveau scénario, c’est le vide intersidéral : la plage des deux premiers films cède la place ici à un parc aquatique, ce qui n’est pas une mauvaise idée en soi, sauf que le réalisateur ne sait pas vraiment quoi en faire et laisse sa caméra filmer de manière hésitante là où un cinéaste de la trempe à Spielberg aurait su apporter un aspect beaucoup plus dramatique, épique et intense au récit. On se demande d’ailleurs comment des bons acteurs comme Dennis Quaid ou Louis Gossett Jr. ont pu se laisser embarquer dans cette galère – à noter que le film marque les débuts de la charmante Lea Thompson au cinéma, l’actrice étant plus connue pour son rôle de Lorraine Baines McFly dans « Back to the Future » - La première demi heure du film est vraiment plate et inintéressante : on en vient même à se demander quand est-ce que l’on verra enfin le requin blanc, ses quelques apparitions furtives au début du film ne suffisant même pas à apporter la moindre tension au récit. Et lorsque le grand blanc attaque enfin, on nous offre quelques rares scènes gores comme la séquence du cadavre déchiqueté ou celle durant laquelle FitzRoyce (Simon MacCorkindale) se fait dévorer et se retrouve broyé dans la gueule de l’animal (probablement la scène horrifique la plus réussie du film). Mais le tout est réalisé sans conviction et sans passion, si bien que l’on se demande parfois si Joe Alves avait vraiment envie de faire ce film ! « Jaws 3-D » réussira malgré tout à obtenir l’adhésion du public, le succès commercial du film permettant ainsi au producteur de nous offrir un fameux quatrième opus en 1987 et qui restera un échec lamentable, enterrant la franchise pour de bon.

Après deux partitions monumentales de John Williams, c’est au tour du compositeur Alan Parker de signer la musique de « Jaws 3-D ». Originaire de Londres, Parker est au départ un guitariste ayant travaillé pour Barbra Streisand ou Frank Sinatra, mais aussi pour des vétérans du cinéma tels que Jerry Goldsmith (Parker joue la partie de guitare soliste dans le score de « First Blood »), Henry Mancini, John Barry ou Lalo Schifrin. Après plusieurs années passées à oeuvrer pour la télévision britannique et plus particulièrement sur le téléfilm d’espionnage « Philby, Burgess and MacLean » (1977), le jeune Alan Parker (âgé de 28 ans seulement lorsqu’il compose sa première grande musique hollywoodienne pour ce film !) fut finalement remarqué par les producteurs et engagé pour écrire la musique de « Jaws 3-D », notamment grâce à deux démos écrites pour deux scènes-clé du film, qui réussirent à convaincre pleinement le studio dans ses choix. Enregistrée à Londres, la partition de « Jaws 3-D » s’impose d’emblée par ses reprises intéressantes du célèbre thème de « Jaws » de John Williams, incontournable dans la saga, mais aussi grâce à un nouveau thème principal de grande qualité, un thème d’aventure pour le SeaWorld, très présent tout au long du film, et largement développé dans les scènes-clé du score. Une première écoute de la musique dans le film nous permet de remarquer à quel point le score est finalement utilisé avec parcimonie dans le film (l’album, assez court, omet quelques passages du score). Du coup, chaque apparition de la musique sur les images apporte un éclairage émotionnel intense du fait du placement minutieux de la musique à l’écran. Autre élément notable : le score s’avère très classique et aussi très avant-gardiste dans son écriture orchestrale, Alan Parker n’hésitant pas à avoir recours à des techniques instrumentales avant-gardistes complexes pour évoquer la terreur et le chaos inspirés par les attaques du grand requin blanc. A ce sujet, Parker a conçu un effet sonore particulier durant les attaques principales du requin, un cluster strident de cors en vibrato au quart de ton (vers 2:29), doublés par des violoncelles. On peut notamment remarquer cette technique orchestrale dans l’incroyable « Philip’s Demise », morceau-clé ultra violent du score, 5 minutes de terreur pure d’une intensité ahurissante pour la mort gore de FitzRoyce vers la fin du film. Dans une note du livret de l’album, Daniel Schweiger va même jusqu’à faire un rapprochement entre ces effets avant-gardistes et les sonorités similaires que le compositeur Elliot Goldenthal créera une dizaine d’années plus tard sur des films tels que « Alien 3 » ou « Interview with the Vampire ».

Nerveuse et incroyablement agressive, la musique de « Jaws 3-D » accompagne parfaitement la tagline du film : « une nouvelle dimension de la terreur ». Dès « Jaws 3-D Main Title » (générique de début), le ton est donné avec un rappel du thème des Dents de la Mer de John Williams aux contrebasses. Dissonante et menaçante, la musique s’impose ici par la richesse des orchestrations, plutôt denses et variées, et la virtuosité avec laquelle Parker manipule chaque pupitre de l’orchestre pour arriver à ses fins. Le thème principal du SeaWorld apparaît aux cors à 1:09 lors de l’apparition du titre en 3-D à l’écran, Parker superposant le thème sur le motif célèbre de Williams. Dès lors, le compositeur juxtaposera et opposera constamment son thème principal et le thème de Williams pour évoquer la confrontation contre le requin tout au long du film. La dernière partie du « Main Title » s’avère plus aventureuse, avec un rythme de cordes soutenu et des envolées de cors musclées pour les préparatifs de l’ouverture du parc aquatique. On notera la façon dont le motif de Williams parvient là aussi à s’immiscer sournoisement dans la musique, notamment avec l’emploi constant des contrebasses menaçantes. Dans « Kay and Mike’s Love Theme », Alan Parker nous offre un joli thème romantique pour Mike et Kay dominé par une clarinette chaleureuse et des harmonies élégantes et raffinées qui feraient presque penser à du John Barry – on regrette juste l’emploi des cuivres qui alourdissent maladroitement l’arrangement orchestral du Love Theme – La terreur reprend très vite le dessus alors que Mike et Kay comprennent qu’il y a un requin dans les lagons du SeaWorld. « Panic at SeaWorld » est un des premiers morceaux de bravoure du score, un déchaînement orchestral complexe et virtuose dans lequel le thème principal de Parker est largement malmené, le compositeur utilisant la tête de 3 notes de sa mélodie pour accompagner ces séquences de terreur, tandis que le motif du requin est toujours omniprésent. A noter ici la façon dont les instruments se répondent à une vitesse incroyable, incluant des glissandi rapides de piccolo/flûtes avec des ponctuations de xylophone, des glissandi stridents des cors ou des clusters rapides des violons. Visiblement très à l’aise avec l’orchestre symphonique, Alan Parker fait preuve d’une maturité étonnante pour un jeune musicien de 28 ans, nous offrant quelques passages techniquement impressionnants.

Dans « Underwater Kingdom and Shark Chase », on découvre la partie B du thème principal aux harmonies élégantes et planantes évoquant les fonds marins du parc avec un sentiment d’émerveillement et d’aventure assez majestueux, notamment dans l’emploi des cordes avec des vents et une harpe, probablement l’un des plus beaux passages de la partition de « Jaws 3-D ». A 2:33, la musique prend son envol avec une reprise triomphante du superbe thème du SeaWorld avec son tutti de cordes/vents spectaculaire et grandiose. Pourtant, à 3 :16, on assiste à une rapide rupture de ton et le retour des contrebasses menaçantes pour l’arrivée du requin qui attaque les tunnels aquatiques du SeaWorld, remplis de visiteurs. Ici aussi, priorité aux clusters et aux dissonances, sans même jamais tomber dans la cacophonie – on notera l’omniprésence assez entêtante des 3 premières notes ascendantes de la mélodie principale du SeaWorld – Dans « Shark Chase and Dolphin Rescue », on assiste à une autre scène d’attaque du requin où Mike et Kay tentent d’attraper l’animal avant d’être secours par les dauphins du parc aquatique. Le compositeur va même jusqu’à citer explicitement un passage du « Sacre du Printemps » d’Igor Stravinsky, flagrant dans l’écriture staccato et incisive des cordes qui rappelle le début des « Augures Printaniers », tandis que le passage de cordes rapides à 0:55 est calqué sur la « Danse de la Terre » de Stravinsky. A ce sujet, Parker cite même un autre passage du « Sacre » au début de « Philip’s Demise », manifestement inspiré du fameux largo introductif du Sacrifice dans le ballet de Stravinsky (déjà cité par John Williams dans « Star Wars » en 1977). Le morceau « The Shark Gonna Hit Us ! », accompagnant avec fureur la confrontation finale contre le requin, s’inspire lui aussi des traits de cordes rapides et reconnaissables de la « Danse de la Terre » du « Sacre du Printemps » (flagrant dès 1:23). Ces références musicales, assez nombreuses dans « Jaws 3-D », semblent avoir été plutôt bien ingurgitées par le compositeur, qui n’hésite pas à s’en servir pour booster la musique à l’écran et rappeler l’époque où les compositeurs hollywoodiens faisaient référence au répertoire classique comme cela se fait depuis les débuts de la musique au cinéma.

On appréciera enfin la puissance orchestrale de « Saved by the Dolphins », « The Shark’s Gonna Hit Us! », « Overman’s Last Dive » ou « Night Capture », qui sont autant de morceaux de bravoure que de démonstration évidente du talent d’Alan Parker, visiblement inspiré par son sujet, nous livrant quelques passages d’une agressivité et d’une complexité ahurissante, ayant recours à un langage musical avant-gardiste jusque dans les orchestrations et les techniques instrumentales, sans oublier l’emploi de nombreux clusters et des dissonances, canalisées par une écriture thématique très soutenue et une richesse évidente du langage harmonique et du contrepoint. Si l’on devine des références évidentes dans la musique d’Alan Parker (outre les nombreuses citations à Stravinsky, il y a des influences de Jerry Goldsmith et notamment au score de « Alien »), le tout reste parfaitement cohérent et maîtrisé, la musique arrivant à se démarquer des précédentes partitions de John Williams grâce à un nouveau thème principal aventureux et mémorable, et de très bons passages d’action absolument terrifiants et incroyablement agressifs, comme l’intense « Philip’s Demise ». Reste que l’on aurait aimé entendre l’intégralité du score sur l’album, Parker ayant finalement composé assez peu de musique pour le film, tandis que le CD réédité par Intrada ne dépasse guère les 35 minutes, se focalisant essentiellement sur les morceaux d’action. Très riche et intense à l’écran, la musique de « Jaws 3-D » est donc une formidable réussite de la part d’un jeune compositeur anglais encore aujourd’hui assez méconnu dans le paysage musical hollywoodien, mais qui s’avère pourtant être un excellent musicien doté d’une technicité impressionnante. Son score pour « Jaws 3-D » reste donc à redécouvrir, en espérant une intégrale qui présentera les morceaux manquants afin d’obtenir une vue d’ensemble satisfaisante du travail de Parker sur ce film !




---Quentin Billard