1-La Gloire De Mon Père 2.22
2-Le Petit Marcel 1.46
3-Love Story Borely 3.25
4-Massilia Rag 2.22
5-Le Grand Marcel 1.15
6-La Découverte 3.09
7-Massilia Ragtime (piano seul) 1.22
8-Les Collines 1.34
9-Le Mensonge 1.47
10-Soupe Aux Bartavelles 2.17
11-Mont des Papouillons 1.23
12-Le Petit Marcel (piano seul) 1.24
13-La Grande Aventure 1.38
14-Le Grand Désert 3.39
15-Le Triomphe De Mon Père 1.34
16-Le Château De Ma Mère 2.32
17-Mon Ami Lilli 1.03
18-Les Vacances (rag-time) 2.19
19-Isabelle 1.51
20-Marcel et Augustine 1.29
21-Le Temps Retrouvé 2.03
22-La Belle Isabelle 1.41
23-Augustine 2.33
24-La Valse d'Augustine 2.51
25-The Song of Departure (rag) 2.19
26-Souvenirs des Collines 1.14
27-Souvenirs d'Enfance 2.20
28-La Branle de Reichshoffen 1.20
29-La Peur d'Augustine 1.20
30-La Gloire De Mon Père 2.44

Musique  composée par:

Vladimir Cosma

Editeur:

L.A.M Larghetto
Music 950652

Musique dirigée par:
Vladimir Cosma

Artwork and pictures (c) 1991 Larghetto Music. All rights reserved.

Note: ****
LA GLOIRE DE MON PÈRE/
LE CHÂTEAU DE MA MÈRE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Vladimir Cosma
Diptyque célèbre réalisé par Yves Robert en 1990, adapté des deux célèbres romans de Marcel Pagnol, « La Gloire de mon père » et « Le Château de ma mère » nous permettent de retrouver toute la fraîcheur de l'histoire d’origine adaptée fidèlement ici par le réalisateur. Ces deux long-métrages - réalisés à l’époque dans la foulée par Yves Robert afin de conserver le lien entre les deux histoires - illustrent à merveille la nostalgie de l'enfance d’un auteur qui vouera toute sa vie une grande passion pour la nature, ce que Pagnol ne cessera d’ailleurs de rappeler tout au long de ses oeuvres. L’histoire évoque donc les chroniques d’une famille au début du 20ème siècle vue à travers le regard souvent juste et malicieux du jeune Marcel, évoquant ainsi les souvenirs de la jeunesse de Marcel Pagnol. Le diptyque d’Yves Robert réuni ainsi quelques acteurs talentueux tels que Philippe Caubère, Nathalie Roussel, Thérèse Liotard ou bien encore le jeune Julien Ciamaca, qui, suite à l’expérience réussie sur les deux films d’Yves Robert, décidera finalement d’abandonner le cinéma pour se consacrer à ses études et ses voyages. Yves Robert a parfaitement réussi à recréer l’univers de l'oeuvre d’origine de Marcel Pagnol, deux superbes films très rafraîchissants qui doivent beaucoup à la superbe partition de Vladimir Cosma, qui démontre avec « La Gloire de mon père » et « Le Château de ma mère » toute l’étendue de ses talents et de sa personnalité musicale.

Que dire d'une musique qui évoque tant de sentiments, de poésie, d'émotions aussi diverses les unes que les autres ? « La Gloire de mon père » possède l'une des plus belles musiques que Vladimir Cosma ait pu écrire tout au long de sa riche carrière jalonnée de films divers et variés, avec des comédies françaises telles que « Les Fugitifs », « Les Compères », « Le grand blond avec une chaussure noire » ou bien encore « L'as des as » pour ne citer que ses partitions les plus connues. On a souvent reproché à la musique de Cosma d'être un peu trop légère, facile, populaire, et de manquer parfois de consistance. Avec « La Gloire de mon père » et « Le Château de ma mère », Vladimir Cosma a enfin eu l’occasion de prouver qu'il était tout à fait capable de composer de grandes musiques plus profondes et plus réfléchies, une musique certes simple mais très émouvante, qui nous touche instantanément par ses valeurs si chères à l'oeuvre de Pagnol : l'humanité, les sentiments et la nature. Le thème de « La Gloire de mon père » est annoncé dès la très belle ouverture sur les images des collines où le jeune Marcel et sa famille passeront une bonne partie de leurs étés. Le compositeur met ici l’accent sur une très belle écriture de cordes qui interprètent une mélodie simple renforcée par le son des cigales qui suggèrent clairement l’ambiance des grands paysages du sud de la France et de la beauté de la Provence. Avec la musique de Cosma, on ressent un véritable retour aux sources voulu par l’auteur, aux racines de Marcel Pagnol, le tout renforcé par l'émotion forte qui se dégage de cette très belle musique.

Tout au long du film, Vladimir Cosma développe un ton de gaieté constante et de joie de vivre profondément touchante et rafraichissante. Ceci devient particulièrement flagrant dans les morceaux évoquant la ville dans laquelle se déplacent le jeune Marcel et sa famille. Les scènes dans la ville sont illustrées avec un thème de cordes d'une grande fraîcheur écrit dans le style d’un ragtime. Cosma fait ainsi une référence réussie aux ragtimes d’antan permettant de retrouver une musique rappelant le cinéma muet du début du siècle, une musique que l’on utilisait d’ailleurs pour accompagner les films muets à la fin du 19e siècle (par exemple, le célèbre « The Entertainers » de Scott Joplin). Cette utilisation très intéressante d’un ragtime confié à un piano et à l’orchestre rappelle aussi que Marcel Pagnol n'a pas été qu'un brillant écrivain, il a aussi produit plusieurs films dans les années 50, et plus particulièrement des longs-métrages connus pour avoir permis à l’acteur Fernandel de nous faire rire par ses célèbres numéros de comique. On comprend aisément mieux le choix très astucieux des ragtimes dans la musique de ces films d’époque. Ces pièces sont aussi les porte-paroles d'un message de joie de vivre optimiste qui rejoint l’essence même de l'oeuvre de Pagnol. Décidemment, la grande force de la musique de Vladimir Cosma aura donc été d'avoir su retranscrire à la perfection tous les sentiments de l'oeuvre de Marcel Pagnol à travers sa musique. On notera aussi l'excellente pièce dans le parc Borély, alors que la tante Rose y fait la connaissance du futur Oncle Jules. Cosma a écrit pour cette scène une sorte de valse entraînante avec sa mélodie gracieuse et légère. La musique finit alors par passer par dessus les paroles des personnages et s’impose finalement sans bruitages ni dialogues dans la scène de la valse entre Rose et Jules dans le parc, une scène brillamment mise en musique dans un style qui rappelle là aussi les films plus anciens de la fin du siècle, probablement en hommage à la culture cinématographique d'un art qu'appréciait particulièrement Pagnol et qu'il considéra comme son moyen d'expression favori après être rentré à l'Académie française : le cinéma !

La musique de Cosma est un véritable hymne à la nostalgie de l'enfance et à la joie de vivre alors que l'on ressent tout le bonheur du jeune Marcel lorsqu’il passe le plus bel été de sa vie dans les collines de la Provence. Le thème est de nouveau présent ici pour illustrer les paysages du film et pour suggérer une forme de nostalgie émouvante si fièrement véhiculée dans la musique du film d’Yves Robert. La musique prend alors une tournure héroïque et amusante vers la fin du film, qui nous renvoie d’ailleurs clairement au titre du film : « La Gloire de mon père ». Alors qu’il idéalise complètement son père qu’il voit triompher à la chasse en tuant deux bartavelles (perdrix royales), le jeune Marcel tend les corps des deux oiseaux face à son père, fier de son exploit. La musique de Cosma reprend alors le thème principal sous une forme plus triomphante et quasi-militaire, avec un fifre sautillant étonnamment jovial, pour finalement conclure l’histoire sur une note plus triomphante : comme le dit l’auteur lui-même dans son roman, c'est « La Gloire de mon père », phrase reflétant la candeur juvénile du jeune Marcel qui porte naïvement avec amour son père en triomphe. Ce n'est pas simplement que le triomphe de son père, c'est aussi le triomphe de l'amour familial. Ainsi, le film se conclut sur une note très optimiste. La musique reflète parfaitement les sentiments du jeune Marcel, d'où cette joie de vivre si présente dans la musique de Vladimir Cosma, avec quelques grands moments d'aventure, et d’autres étonnamment plus sombres (la musique du désert, plutôt sinistre et un peu décalée par rapport au reste de la partition !).

La musique de « Le Château de ma mère » est en revanche beaucoup plus dramatique. Alors que le sujet du premier épisode était surtout centré sur la nature, c'est au tour d'une autre valeur chère à Pagnol de s'épanouir dans ce second épisode : l'humanité. Le thème du « Château de ma mère » change immédiatement de ton : dramatique, lyrique et très humain, Cosma confie son thème au piano et à l'orchestre, avec des cordes bien mises en valeur. Il adopte un rythme de valse associé dans le film au personnage central de l'oeuvre : la mère de Marcel Pagnol, Augustine, un thème magnifique qui rappelle toute la sensibilité et le talent d'un compositeur décidemment très respectueux des valeurs et de l’émotion du roman d’origine. Sans sombrer dans le tragique larmoyant et facile, la musique du « Château de ma mère » reste toujours assez légère et simple sans jamais tomber dans le tragique pur. L’histoire s’articule essentiellement dans ce film sur l’idée de l'humanité: l'amour entre Isabelle et Marcel, la famille ambiguë d'Isabelle, l'amitié avec Lili, la mort d'Augustine et le souvenir si poignant de la mère de Marcel, qui se souvient d'elle lorsqu'il va acheter le château dont elle avait toujours peur lorsqu'ils traversaient le long du canal pour rejoindre leur villa d'été. La musique évoque donc cette idée d'humanité, de l'émotion humaine (amour, peur, nostalgie, regret...). Cependant, la partition de Vladimir Cosma reste toujours teintée d'une certaine forme d'humilité et de modestie, une retenue quasi-parfaite avec le film, et tellement révélatrice, encore une fois, du style de l’ouvrage d’origine.

Le thème d'Isabelle est interprété par une très belle pièce pour piano écrite dans un style plus contemporain mais qui possède une certaine ambigüité révélatrice de sa famille : leur fausse identité, leur fausse apparence de riche, etc. Dans le film, la jeune Isabelle joue le dit thème sur son piano alors qu'elle demande à Marcel de s'agenouiller et de coller son oreille contre le piano pour mieux ressentir la musique, tout comme le faisait d'ailleurs traditionnellement Beethoven lorsqu'il composait. Là aussi, on ressent cette forme d’humilité, mais à travers le jeune Marcel qui se laisse manipuler par une fille vantarde et orgueilleuse qui tente de dissimuler en réalité sa vraie personnalité. Le fait de se mettre à genoux peut être considéré comme une sorte de marque d'humilité. Mais le fait d'essayer de ressentir la musique en collant son oreille contre le piano est un geste symbolique d’une grande beauté : le besoin de ressentir l'émotion au plus profond de nous-mêmes. Là aussi, la scène du film et sa musique rejoignent tous deux le thème central de l'œuvre : l'humanité à travers l'émotion et les sentiments.

Vladimir Cosma rappelle toujours le thème de « La Gloire de mon père » pour souligner de nouveau les beaux paysages de la villa d'été où reviennent Marcel et sa famille. Quelques morceaux plus rares évoquent alors la peur d'Augustine lorsqu'elle traverse le parc du château qu'elle redoute à cause du gardien et de son gros chien - Jean Carmet, excellent dans son rôle de gardien sadique qui prend plaisir à leur coller une amende alors qu'il attrape la famille en train de traverser la propriété ! Le film se termine alors sur la nostalgie pure et dure du jeune Marcel qui se souvient avec émotion de son enfance, des paysages et surtout de sa mère décédée qu'il regrettera beaucoup. Le dernier plan du film se conclut sur le visage radieux et souriant de sa mère avec son propre thème, la valse d'Augustine, poignante de lyrisme et de poésie (l'amour filial), mais aussi de nostalgie et d'humanité. Le thème est à nouveau confié à la chaleur intime du piano et de l'orchestre, et plus particulièrement des cordes qui apportent un lyrisme de plus en plus poignant à la mélodie, sans aucun doute l’un des plus beaux thèmes qu’ait écrit Vladimir Cosma tout au long de sa carrière de compositeur pour le cinéma français.

En conclusion, les deux partitions de Vladimir Cosma tirent leur force dans leur capacité à retranscrire si fidèlement et avec passion tout le symbolisme de l'oeuvre de Pagnol : l'hymne à la joie de vivre, à l’exubérance, mais aussi à la nature, l'humanité et les sentiments humains, le tout réalisé avec beaucoup de finesse, sans jamais essayer d'en faire de trop. Pour finir, on pourra conclure cette critique par une très belle phrase écrite sur la tombe de Marcel Pagnol et très révélatrice de la personne que fut réellement ce grand artiste : « Il a aimé les arbres, les sources et sa femme ».



---Quentin Billard