1-Aftermath 2.47
2-Susan Softens 2.26
3-Journey 4.48
4-Main 3.07
5-Hunting In Packs 1.42
6-Experiment 4.28
7-Jim Returns 1.21
8-Shark Side 4.27
9-Anarchy 4.23
10-Doctor's Orders 0.33

Musique  composée par:

Trevor Rabin

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-6063

Album produit par:
Trevor Rabin, Paul Linford,
Steve Kemster

Producteur exécutif:
Robert Townson
Montage de la musique:
Will Kaplan

Artwork and pictures (c) 1999 Warner Bros. All rights reserved.

Note: ****
DEEP BLUE SEA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trevor Rabin
'Deep Blue Sea' (Peur Bleue) de Renny Harlin marque le grand retour du film de requins: après le célèbre 'Jaws' de Steven Spielberg, 'Deep Blue Sea' décrit cette fois l'aventure d'un groupe de scientifiques de l'Aquatica, une base navale dans laquelle des chercheurs pratiquent des expériences sur le cerveau des requins dans l'espoir de trouver un remède contre la maladie d'Alzheimer. L'aventure se transforme vite en cauchemar alors que les requins au cerveau trafiqué sont devenus intelligent et chassent les membres de la station les uns après les autres. Evidemment, on ne peut s'empêcher de penser à 'Jaws', mais les effets spéciaux et les images de synthèse sont ici d'un ridicule tellement peu crédible qu'elles en constituent même le principal point faible du film, le second étant que certains passages sont particulièrement prévisibles. Cependant, le film se rattrape sur des passages souvent plus forts, voire intense, notamment dans l'utilisation de ralentis toujours bien placés dans le contexte du film. On ne pourra donc reprocher à Renny Harlin que le fait d'avoir usé de moyens techniques toujours aussi peu convaincants avec des plans en images de synthèse d'un ridicule absolu (et que dire de la vitesse exagérée et surréaliste des requins). Néanmoins, si vous avez envie de voir un honnête divertissement hollywoodien en compagnie de requins tueurs en liberté, 'Deep Blue Sea' devrait vous plaire, assurément!

Prévue à l'origine pour Alan Silvestri, la musique de ce dernier s'est vu finalement rejeter par la production du film, Silvestri ayant déjà aussi été rejeté de la musique de 'Mission: Impossible' de Brian De Palma. Finalement, c'est Trevor Rabin qui a assuré la musique du film. Le score de Rabin constitue la seule véritable bonne surprise de 'Deep Blue Sea'. Après la déception d'un score d'action très fade pour 'Enemy Of The State', on peut enfin retrouver le grand Rabin de 'Armageddon' dans un score tour à tour entraînant, frissonnant, effrayant, excitant, intense, et aussi parfois émouvant. Du grand Rabin qui, pour une fois, délaisse ses guitares électriques et sa grosse artillerie lourde de rock pour se concentrer autour d'un travail d'écriture orchestrale avec une chorale grandiose constituant l'une des forces majeures de cette musique. Le compositeur ajoute aussi une bonne partie de ses synthétiseurs habituels toujours à peu près équilibrées par rapport à l'orchestre, un effort qui a été salué par la plupart des béophiles qui commençaient à ne plus tellement apprécier les excès synthético-orchestraux de l'ex-guitariste de Yes.

'Deep Blue Sea' possède une thématique marquante, ce qui assure probablement une partie de son intérêt, surtout dans le film. Comme d'habitude, certains reprochent toujours la faiblesse des orchestrations de Rabin (comme par exemple le fait de faire jouer continuellement certains pupitres d'instruments en unisson, ce qui empêche le contrepoint). Malgré tout, 'Deep Blue Sea' est nettement plus soigné au niveau orchestral que d'habitude, ce qui, de toute manière, n'empêche pas que le score soit d'une efficacité redoutable à l'écran. Rabin a centré ses thèmes autour de différents aspects et personnages de l'histoire. Dès l'ouverture du film, il utilise des synthétiseurs atmosphériques inquiétants et annoncent d'entrée le thème des requins: un balancement de plusieurs notes de synthétiseur facilement reconnaissable par sa sonorité cristalline. Cette volonté d'incorporer spontanément les synthétiseurs dans le thème des requins semble ainsi plus qu'évident: ces animaux ont été modifiés par les scientifiques qui leur ont donné une force surnaturelle: c'est le résultat d'une technologie et d'une science qui ne pouvait se traduire que par l'emploi d'un synthétiseur, adéquat pour le côté surréaliste des requins (leur vitesse, par exemple, totalement invraisemblable!). Trevor Rabin plonge donc d'entrée le spectateur/auditeur dans une ambiance sombre alors qu'un requin attaque le bateau d'un groupe de jeunes dans 'Main'.

L'aventure commence à ce moment là. Le personnage de Samuel L.Jackson, Russel Franklin, arrive sur l'Aquatica en hélicoptère. Rabin utilise le thème d'aventure soutenu par des choeurs qui apportent un côté grandiose et massif lorsqu'on aperçoit pour la première fois la gigantesque base navale. Ce thème n'est présent que dans la première partie du film, bien avant que les problèmes commencent. Arrive ensuite un thème qui va rapidement prendre une certaine importance tout au long de la seconde partie du film, celle de l'attaque des requins, un magnifique thème illustrant l'espoir des hommes piégés dans la base à moitié inondée de s'en sortir vivant, présent par exemple dans la scène où le prêcheur (LL Cool J) se filme sur un caméscope pour donner son message d'adieu au cas où il mourrait. C'est dans ces moments émouvants que l'on retrouve le grand Rabin de 'Armageddon' qui démontrait déjà le talent du compositeur pour écrire des thèmes simples et émouvants. On retrouve aussi cela dans le superbe 'Aftermath' pour la fin du film, alors que le dernier requin a été tué et qu'il ne reste plus que deux survivants. Le thème est reprit par Rabin de manière plus majestueuse et grandiose avec les choeurs.

On ne pourra alors pas passer à côté de la reprise héroïque du thème dans le superbe 'Anarchy', l'un des meilleurs passages d'action de tout le score de 'Deep Blue Sea'. C'est le chaos le plus total à la fin du film alors qu'il ne reste que trois survivants au moment où la base est à moitié détruite et inondée et que le dernier requin tente de s'échapper en croquant la barrière qui le sépare de la liberté. Il ne reste plus qu'un seul espoir de stopper définitivement le requin, espoir personnalisé par le prêcheur qui, dans un élan d'héroïsme, s'élance pour actionner l'explosif collée sur le requin. Trevor Rabin nous propose alors une superbe envolée héroïque avec le magnifique thème de l'espoir qui se transforme en thème quasi épique rappelant maint passages de 'Armageddon', illustrant ici le courage et la bravoure dans un passage hélas très bref mais particulièrement intense dans le film.

On pourra aussi trouver un thème plus dramatique qui n'apparaît que peu de fois dans le film, illustrant les moments les plus dramatiques de l'histoire et qui n'est pas sans rappeler le thème dramatique de 'Armageddon', tandis qu'un motif de trois notes descendantes semble être plutôt attribué au personnage du docteur Susan McAlester (Saffron Burrows), entendu notamment dans l'intime 'Susan Softens', avec cette sonorité de piano de synthé et des cordes douces. Ce motif apparaît aussi à peu de reprise dans le film mais reste révélateur des sentiments du personnage qui, malgré son but tout à fait louable (trouver le vaccin contre la maladie d'Alzheimer) échoue et provoque à cause de ses expériences de très graves problèmes, un motif assez triste suggérant ce double échec pour la scientifique. Plongé au coeur de l'action, on retrouve le Trevor Rabin de 'Armageddon', 'Con Air' ou 'Enemy of The State' orienté cette fois-ci vers un style suspense plus proche d'une musique de thriller que des scores d'action à la Media-Ventures. L'attaque des requins ne sera jamais aussi bien exprimé que dans le frénétique 'Shark Side' ou le chaotique 'Anarchy' dans lequel l'orchestre, les synthés, les percussions et les choeurs atteignent une telle intensité durant la confrontation finale contre le requin qu'elle rend cette séquence particulièrement massive et stressante. Rabin utilise aussi ses habituels synthétiseurs atmosphériques, tandis que les percussions et l'orchestre -qui est vite rejoint par les chœurs- rendent les attaques des requins assez spectaculaires, notamment dans les scènes où ces bêtes dévorent des hommes. C'est dans ces passages là que le compositeur déchaîne l'orchestre et les choeurs suggèrent l'horreur par des glissandos de cordes et des effets de dissonances massives particulièrement efficaces.

Pour finir, Trevor Rabin nous propose aussi une certaine élaboration de textures électroniques qui évoquent à merveille les décors aquatiques du film avec des sonorités synthétiques et des samples s'apparentant par exemple aux sons des baleines. Le thème des requins reste toujours très présent parmi les pièces d'action massives illustrant leurs attaques frénétiques. Le climat horrifique de certaines pièces bascule de temps à autre dans le stéréotype éprouvé des musiques de film d'horreur, mais il y a une telle intensité, une telle puissance dans cette partition que l'on ne peut qu'apprécier l'effort fournit par un compositeur visiblement inspiré par son sujet - c'est d'ailleurs bien la première fois depuis 'Armageddon'! 'Deep Blue Sea' marque donc le retour du Trevor Rabin que l'on attendait tous depuis 'Armageddon': percutant mais aussi lyrique, agrémenté de très bons thèmes et de morceaux d'action/suspense royalement excitant! Comme d'habitude, le CD publié par Varèse Sarabande laisse fortement à désirer, retenant à peine 30 minutes de score malgré l'absence de très bons passages d'action et d'émotion (orchestre AFM oblige!). Si les récentes partitions de Trevor Rabin s'étaient révélées être pour la plupart une série de déceptions, 'Deep Blue Sea' confirme qu'il ne faut jamais baisser les bras et espérer que même les compositeurs les plus moyens comme Trevor Rabin peuvent de temps à autre produire de petits bijoux. Le score d'action horrifique de 'Deep Blue Sea' fait en tout cas partie de ceux-là!


---Quentin Billard