Dans la liste interminable des thrillers hollywoodiens, « No Good Deed » fait pâle figure. Le film de Sam Miller sorti en 2014 (repoussé à deux reprises, alors qu’il était initialement programmé pour une sortie en 2013) raconte l’histoire archi classique d’un homme qui terrorise une femme chez elle dans un style qui n’est pas sans rappeler « When a Stranger Calls ». « No Good Deed » repose quasi entièrement sur les épaules d’Idris Elba, acteur éclectique généralement assez intense, connu pour sa participation à la série TV « Luther » ou dans des films tels que « Prometheus », « Thor : the Dark World » ou « Pacific Rim ». Le film commence lorsque Colin Evans (Idris Elba), un individu condamné à 5 ans de prison pour avoir assassiné un homme et suspecté d’avoir tué 5 femmes, réussit à s’échapper du fourgon pénitencier qui l’amenait vers la prison. Peu de temps après, à Atlanta, Terri Granger (Taraji P. Henson) est à la maison en train de s’occuper de son bébé Sam et de sa jeune fille Ryan. Sa meilleure amie Meg (Leslie Bibb) lui suggère de passer du bon temps entre copines lors d’une soirée en boîte, tandis que son mari Jeffrey (Henry Simmons) s’apprête à partir voir son père pour son anniversaire. Alors qu’il arrive à son tour à Atlanta, Colin rend visite à une jeune femme nommée Alexis (Kate del Castillo), sa fiancée qui l’a attendu durant son séjour en prison. Comprenant qu’elle l’a trompé pendant tout ce temps, Colin entre dans une rage folle et tue Alexis. Puis, il monte dans sa Ford Ranger et est victime d’un accident de la route en pleine nuit. Colin arrive alors à la maison de Terri, lui demandant de l’aide pour appeler une dépanneuse. Terri laisse alors Colin rentrer chez elle, sans se soucier que l’homme en question est un dangereux criminel qui a une idée derrière la tête. Avec un scénario somme toute ultra classique et usé jusqu’à la moelle, Sam Miller réalise une série-B à suspense comme on en voit régulièrement à la télévision. Malgré un casting de qualité (Idris Elba épate dans le rôle de ce psychopathe violent prêt à exploser à tout moment), « No Good Deed » déçoit par son manque d’originalité et d’audace, et si la tension monte crescendo grâce au mélange de charme et de brutalité du sinistre Colin – le film aborde par ailleurs le sujet grave des violences conjugales – on s’ennuie ferme face à un thriller mou qui n’a pas grand chose à raconter et échoue dans la catégorie des films à suspense routiniers des après-midi pluvieux.

La partition bruyante et oppressante de Paul Haslinger reste à n’en point douter l’un des éléments les plus remarquables de « No Good Deed ». Pour Haslinger, travailler sur le film de Sam Miller lui permit de renouer avec un style musical déjà abordé dans le thriller « Vacancy » en 2007 (qui était aussi une production Screen Gems), à savoir un cocktail d’orchestre et de sound design électronique à la fois expérimental et atmosphérique, idéal pour l’ambiance oppressante et psychologique de « No Good Deed ». Dès les premiers instants du film, le ton est donné avec « On This Day » qui pose les bases de la partition : loops électro, percussions synthétiques et traditionnels ostinatos de cordes staccatos pour parvenir au son moderne typique de Paul Haslinger et d’une bonne partie des productions musicales actuelles façon Remote Control/Hans Zimmer. Haslinger a donc recours aux sons habituels de ses précédentes partitions synthético-orchestrales et apporte une tension constante aux images, tout comme « On This Day » qui personnifie un sentiment d’urgence et de danger dans le film. « The Parole Hearing » tempère cette tension en mettant l’accent sur un suspense plus posé mais où le danger est toujours bien réel, notamment grâce à des cordes sombres et dissonantes typiques de l’atmosphère ‘thriller’ du score, et quelques ponctuations agressives sur fond de sound design lugubre. « The Accident » renforce la tension pour la scène où Colin a son accident de voiture. Ici aussi, on retrouve un mélange d’ostinatos de cordes et de percussions ‘action’ clairement calquées sur les scores d’Hans Zimmer, avec un sound design constant et une utilisation très prévisible des loops et des samples électros.

Si la musique se veut plus intime et mélancolique dans « Leaving for the Weekend », afin d’évoquer la solitude de Terri, seule à la maison avec ses deux enfants (à noter ici l’emploi d’une harpe en harmonique assez réussi), « Watching Alexis » renoue avec la partie associée à Colin dans le film, avec une utilisation ultra téléphonée des cordes dissonantes, des basses synthétiques, du sound design et d’un violoncelle électrique à la Remote Control. Le problème, c’est que l’on a clairement l’impression d’entendre ici un énième clone de Zimmer reprendre toutes les formules habituelles du genre sans jamais chercher à renouveler les idées ou l’approche musicale des scènes du film. En résulte une partition thriller totalement passe-partout, qui recycle tout ce qui a déjà été fait dans le genre, et ce malgré quelques bonnes idées, comme les sonorités électroniques étranges et glauques de « 17 Creston Lane » (qui rappelle la musique de « Vacancy »). Les passages d’action apportent un sentiment de terreur et de tension très présent à l’écran dans « It Is All a Game », notamment à travers l’emploi des cordes et des percussions, tout comme les dissonances menaçantes et stridentes de « At the Door » qui personnifient la présence dérangeante de Colin à la maison de Terri. Le dernier acte du film met l’accent sur la tension et la violence avec une atmosphère pressante et nerveuse dans « The Unrelaxing Shower » ou le flot percussif continu de « We Have to Leave » et « Why Are You Doing This ? » qui recycle bêtement des sonorités des « Dark Knight » d’Hans Zimmer. Même le loop électro pressant de « The Traffic Stop » pour la fuite de Terri et Colin en voiture ne parvient pas à rehausser le niveau d’un score thriller somme toute très fonctionnelle et médiocre en écoute isolée.

Ce n’est d’ailleurs guère mieux pour l’affrontement final entre la jeune femme terrorisée et la brute épaisse dans « Fight for Life » qui bascule quasiment dans l’anarchie et le chaos sans aucune idée particulière autre que celle de faire le plus de bruit possible. Même le final plus apaisé et serein de « Terry’s New Beginnings » n’arrive pas à nous toucher en raison du manque flagrant d’idée et de passion de Paul Haslinger, qui fait encore une fois partie de cette génération de bidouilleurs improvisés musiciens parce qu’ils savent manipuler des sons sur un ordinateur ou appuyer sur les touches d’un clavier. Le problème du score de « No Good Deed », c’est aussi qu’il ne se contente que de renforcer ce que l’on voit à l’écran sans se préoccuper de l’émotion ou des sentiments des personnages – il manque ici un thème fédérateur fort – Du coup, pas de construction mélodique particulière, pas de réflexions sur les éléments narratifs de la musique vis-à-vis des images, mais une pauvreté constante même dans l’utilisation très faible de la partie électronique et du sound design, qui pourrait avoir été réalisé par n’importe quel ghost writer de chez Remote Control. Prétendre ainsi que ce genre de son est mort à Hollywood et qu’il est grand temps de passer à autre chose relève du pur euphémisme ! Ce style de musique s’essouffle et Paul Haslinger n’a de toute évidence plus rien à dire depuis longtemps, habituellement cantonné aux bidouillages sonores et au sound design mou du genou. S’il parvenait encore à nous ficher une bonne trouille dans « Vacancy », sa musique terne et médiocre pour « No Good Deed » assènera le coup final à l’auditeur, désormais prêt à passer à autre chose et à oublier ce score fonctionnel et alimentaire sans lendemain !




---Quentin Billard